dimanche 3 février 2008

Changement

Il serait abusif de considérer que le changement est étroitement lié au progressisme et étranger au conservatisme. Le conservatisme accepte tout changement à partir du moment où le changement colle à la ligne de la Perfection du donné une fois pour toutes. C'est dire que le changement est compatible avec le conservatisme, mais aussi que le changement conservateur est étroitement associé à la violence la plus abrupte. Car le changement conservateur signifie bien que la doctrine de la Perfection est soumise à certaines évolutions, ne serait-ce que celles du devenir : en effet conservatisme le plus intransigeant ne pourrait nier que le devenir provoque le changement du donné et que le changement est lié à la Perfection. Mais si le changement est nécessité pour le conservateur, il s'accompagne toujours d'une contradiction intenable et insoutenable. Raison pour laquelle il est toujours accompagné de violence. Mais alors, suggérera-t-on, le progressisme est plus adapté que le conservatisme au système : pas davantage. Le progressisme n'acquiesce au changement que dans la mesure où le changement est considéré comme une nécessite consubstantielle à l'évolution du système. Le changement est intégré, mais il est consubstantiel au système, comme si le devenir était reconnu, peut-être plus en apparence que dans le conservatisme, alors qu'en fait cette reconnaissance l'intègre et la précipite à l'intérieur du système humain. On arrive donc à la définition du temps comme donné réel dans la mesure où le réel est humain. On le voit, le progressisme n'exprime pas un réalisme ou une lucidité plus grands, mais la même caractéristique que le conservatisme : tous deux sont bien des positions qui affirment que le réel est compris dans le monde de l'homme et que le monde de l'homme génère et suscite des données aussi intangibles que le temps ou le changement.
Raison pour laquelle le progressisme n'exprime nullement une position plus adaptée du système que le conservatisme. Il faudrait plutôt dire : les deux sont complémentaires. Face au changement, le conservatisme accepte à condition que le changement soit soumis au donné parfait défini initialement (le changement est au service de la Perfection); quand le progressisme prétend susciter le changement pour mieux accomplir le donné parfait initial. Le conservatisme accomplit le système en ramenant les composants du système au donné du monde de l'homme. Cet effort ayant tendance à éloigner le monde de l'homme du réel et à porter la contradiction dans l'occultation du réel comme postulat du système, le progressisme est chargé des ajustements, qu'il opère à chaque fois au nom du Progrès toujours à faire et toujours à accomplir.
Au final, le conservatisme seul mènerait à la ruine, non pas que les changements seraient trop absents de son action, mais que les changements qu'il accomplirait se réaliseraient seulement au nom du donné et mèneraient rapidement à un divorce violent avec le réel occulté; le progressisme seul conduirait lui aussi à la disparition, car l'accent majeur porté sur le changement occulte la dimension du donné initial comme borne, norme et unité de mesure.
CQFD : le système a besoin de la différence interne et bipolaire entre conservatisme et progressisme comme différences internes et définition ultime de l'unité ontologique pour proposer sa démarche et son processus de système exclusif. Il reste que la folie du système s'exprime certes dans le caractère interne et artificiel de l'unité déniée; et surtout dans l'exclusivisme d'un système qui prétend d'autant plus recouvrir et occulter le réel par le monde de l'homme qu'il ne fait qu'accroître la béance dans le rapport si conflictuel et pourtant décisif de l'homme au monde.

Aucun commentaire: