lundi 17 mars 2008

Politique du néant

La destruction est une politique - vrai nom de civilisation et vrai nom de Sarkozy, pour parodier Badiou. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la duplicité extrême avec laquelle se donne la destruction est aisément compréhensible : car il est certain que personne n'accepterait la destruction qui se donnerait comme telle. Autrement dit, l'objectif ne peut que se présenter sou la forme de mensonge pervers et duplice. Ce premier fait s'enrichit d'un second, connexe : la destruction est nécessairement un objectif qu'aucun homme ne peut assumer en tant que telle. Dès lors, le visage de la destruction pour se mener doit se parer des atours de la positivité, autrement dit de son contraire, la construction.
La destruction ne dupe pas seulement les dupés, les victimes de la destruction; elle dupe également et en premier lieu les dupeurs, les auteurs de la destruction. Le crime ne profite à personne. Pas à ceux qui en pâtissent et pour cause. Mais pas davantage à ceux qui s'en estiment les instigateurs.
- Raison logique : comment bénéficier de la destruction?
- Raison philosophique : l'homme ne peut certainement pas envisager le néant.
Il faut bien que le destructeur agisse sous un faux nom et une fausse bannière (un peu comme les auteurs véritables du 911 agissaient sous de faux prétextes et motivations et comme il se sont bernés quant à la réalisation de leurs desseins mortifères). C'est ici que l'on comprend la destruction, en l'analysant du point de vue des auteurs qui la mettent en place pour leur plus grand malheur. La destruction n'est pas un objectif, car la destruction n'a pas de sens. La destruction n'a pas d'auteurs, parce que la destruction ne profite à personne.
Pourquoi poursuivre la destruction, dès lors, quand bien même on la poursuivrait à visage caché et éperdu? L'explication psychanalytique et freudienne du culte de la mort ne m'a jamais convaincu, parce que je ne la jugeais pas suffisante. Il faut poursuivre la destruction parce qu'elle est la réponse à la fascination qu'exerce le néant quand on estime que le néant est le principal horizon d'espoir contre l'expérience déceptive et traumatisante. Quand on condamne l'expérience et qu'on condamne le sensible, il reste deux choix :
1) le recours métaphysique et religieux à l'Etre.
2) Le choix du néant en tant que néant.
Le deuxième choix s'oppose d'évidence au premier. Mais le premier choix est discrédité parce qu'on voit mal aujourd'hui où se situent l'Etre ou Dieu. Le deuxième choix l'a emporté, parce que l'homme est incapable de supporter l'existence avec le seul sensible comme réel envisageable. Mais le néant comme perspective n'est pas supportable, bien moins que Dieu. Le choix du néant est impossible, littéralement impossible, si bien qu'on ne peut s'empêcher de se rappeler de la proposition folle de Nietzsche : pour accepter le seul sensible comme réel, il convient d'être un Surhomme. Nietzsche dresse l'apologie de l'élitisme comme alternative viable au désespoir et au nihilisme.
Laissons Nietzsche à ses options, qui ne tardèrent pas à le mener vers la folie radicale. Il est clair que Nietzsche ne savait pas qu'il était condamné à la folie du fait de ses choix impossibles et délirants; il est tout aussi certain que les adeptes de la destruction choisissent le néant comme moyen de supplanter le sensible traumatisant et déceptif. La destruction est la seule domination satisfaisante à laquelle ils souscrivent. Leur objecterait-on que le néant n'est pas une solution pour un étant qu'ils se récrieraient les premiers : "Nous détenons le seul moyen véritable et véridique d'être de manière satisfaisante, par la domination et l'élitisme!"
Bien entendu, cette réponse franche supposerait que les partisans du néant soient capable de franchise. Ils sont tellement gouvernés par la duplicité, l'hypocrisie et la dissimulation qu'ils tiendraient bien entendu un discours pervers et entièrement contraire à ce qu'ils pensent. Aujourd'hui, on apprend à ceux qui veulent dominer que le mensonge est la plus sûre arme. Rien d'étonnant par la suite à ce que les dirigeants soient des menteurs convaincus et fiers de l'être. Ce comportement indique plus qu'un long développement à quel point la destruction a investi nos mentalités d'Occidentalistes. La lucidité dans le néant est une aberration, à tel point que la seule explication qui permette d'expliquer l'adoration du néant et de la duplicité conjointes est : "La croyance que le néant est une délivrance et une catharsis".
Autrement dit, les partisans du néant poursuivent la destruction dans la mesure où ils pensent vraiment que le choix du néant constitue une délivrance. Cette pensée perverse (littéralement, puisque fondée sur l'inversion du sens) ne peut s'expliquer que par l'illusion que le système survivra toujours et que le choix et l'inclination envers le néant sont les meilleurs moyens de sublimer et de magnifier le système. Autrement dit, l'illusion principale consiste à affirmer que le néant est le meilleur moyen d'améliorer le système. Le système serait ainsi l'expression du néant, à tel point que la politique de destruction serait au service de la bonification du système.
C'est ainsi qu'il faut comprendre que la politique de destruction repose sur une tromperie proche d'une pensée gnostique du type : "Le sensible est le mal. Il faut soigner le mal par le mal." Ce type de pensée gnostique est proche de la démarche de Heidegger qui le mena vers la nazisme. La gnose de la destruction repose sur l'inverse de la dichotomie entre le mal sensible et le bien suprasensible. C'est plutôt une conception de l'unité dans le néant en tant que néant. Autrement dit, si le néant existe, alors il convient de le magnifier, car le néant est le meilleur allié du système.
La croyance dans le néant engendre la politique de destruction, en tant que cette politique de destruction se trouve au service de la contradiction majeure. Le néant existe-t-il? S'il existait, on comprendrait que l'option destruction soit au service de l'idée selon laquelle le recours au néant est l'arme bénéfique au système. Quelque chose comme : soigner le mal par le néant. Mais le néant n'existe pas. La nature a horreur du vide, comme dit l'autre. La politique de destruction mène en fait bel et bien à la destruction, et non pas à la magnification de la construction, comme l'affirment les sectateurs délirants de l'option destruction. Reste à comprendre que la politique rejoint ici la pensée religieuse sous la forme de l'immanentisme adversaire du transcendentalisme.
Reste surtout à ajouter que l'immanentisme soutient ce précepte absolument pervers et expression de la folie postmoderne : "Pour résoudre l'épuisement qui gagne le système, rien de tel que le recours systématique et systémique à la destruction." Autrement dit : l'épuisement dû à la destruction du système ne peut être résolu que par un supplément de destruction. L'immanentisme exprime la contradiction et la dissimulation, sachant que dissimulation contient simulation. La perversité de cette politique consiste à laisser croire que l'on peut solutionner une situation catastrophique que l'on a créée avec le remède (prétendu) que l'on ose présenter comme la solution miracle. En fait, clairement : la destruction serait le remède à la crise provoquée... par la destruction!
Il reste alors à interroger les vrais fondements de cette politique, étant entendu que toute politique s'appuie nécessairement sur un substrat religieux et que la disparition du phénomène religieux, diagnostiqué par tous les commentateurs occidentaux d'obédience laïque, est sans doute la plus grande supercherie du monde qui prétend avoir dépassé la religion par : l'immanentisme. Autant constater que le monde moderne a surtout dépassé la religion par la religion, dans la mesure où les fondements de l'immanentisme sont l'erreur, l'illusion, le mensonge, la duplicité, l'hypocrisie, la perversité et la dissimulation. Rien que ça!

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