dimanche 6 avril 2008

La voix du désert

Le 911 départage et fait le tri. Avant le 911, on était confronté à une multitude de différences internes au système, qui se prétendaient des antagonismes insurmontables. Les différences internes incarnaient la diversité du système et le caractère sain de ses oppositions. Le système le plus totalitaire ne sait que trop que l'uniformité conduit à la destruction. C'est pourquoi le système a toujours intérêt à susciter des différences, y compris artificielles.
Avant le 911, les différences étaient artificielles. Bien entendu, on pouvait s'élever contre la différence interne entre libéralisme de gauche et libéralisme de droite. Bien malin celui qui sera capable d'y discerner une quelconque distinction, surtout si l'on consulte l'histoire récente des États-Unis et que l'on s'avise que les démocrates et les républicains ne sont pas vraiment des oppositions flagrantes.
Après le 911, le caractère artificiel voire fallacieux du 911 s'est manifesté avec tant d'éclat et de brutalité qu'il incline souvent la plupart des observateurs médusés au pessimisme et à l'abandon dépressif. Ces observateurs abattus (dans tous les sens du terme) ne sont certainement pas les informateurs/déformateurs professionnels qui ont défiguré le doux métier de journalistes. Ceux-là sont des propagandistes qui font parade d'actions nobles et mémorables dans la mesure où leurs scoops se bornent à ne surtout pas approcher des contestations systémiques. Evidemment, avec le temps, la portée de leurs actions se rétrécit, si bien qu'on en arrive à ne plus parler de rien, excepté des futilités et des babioles navrantes.
Des vrais journalistes auraient depuis longtemps dénoncé cette dérive inquiétante qui aurait conduit à des assassinats de journalistes et aurait montré que le pouvoir attente aux contre-pouvoirs qui lui signalent ses dérives alarmantes. Le 911 s'est chargé d'une besogne qu'aucun membre du système ne voulait assumer : annoncer la destruction du système. Ce n'est qu'après le 911 que des voix se lèvent et annoncent l'effondrement du système. Le 911, ce ne sont pas seulement les Tours qui se sont effondrées. Le symbole du système s'est effondré parce que le système s'effondrait.
Quel était ce symbole? Des tours jumelles. Gigantesques et jumelles. La gémellité n'est pas le fait du hasard. C'est par ce genre de petits détails que les comploteurs du 911 ont montré qu'ils ne maîtrisaient pas grand chose puisqu'ils ne maîtrisaient pas les détails. Car les tours jumelles, c'est le symbole que toutes les différences internes sont jumelles, soit mimétiques. Il n'y a pas de différence véritable sans extériorité, soit extériorisation.
La gémellité ici, c'est le symbole des fausses oppositions qui parcourent le système et qui finissent par se réconcilier une fois que le système est vraiment en péril. Bien entendu, les positions qui défendent ouvertement le système ne manquent pas de se ranger pour défendre leur modèle en lambeaux. Mais la contestation peut aussi se révéler duplice, parce que ce qu'il faut évaluer avec la contestation, ce n'est pas son degré de virulence ou d'opposition, mais ce qu'elle a à proposer en échange, en guise d'alternative. Une opposition radicale qui n'aurait rien à proposer aurait encore plus besoin du système qu'une opposition modérée et clémente.
Il ne faut pas s'étonner que les opposants de toujours aux États-Unis aient pu donner le sentiment en abordant le 911 de se découvrir comme très conformistes et modérés. Je pense notamment à ce bon vieux Chomsky, jamais en retard pour critiquer les dérives de l'impérialisme américain (qu'il a raison!), mais soudain très en retenue à l'idée d'envisager les possibles implications d'institutionnels ou de groupes américains dans le 911.
Qu'est-ce qui pouvait bien retenir autant Chomsky et tous les gauchistes, libertaires et autres liberals devant le plus grand scandale, le plus grand mensonge, celui qui mettait en péril leur patrie? Justement, tous ces groupes contestataires, qui font profession de contester, ont besoin du modèle afin de le contester - précisément. Sans modèle, leur contestation s'effondrerait.
Comprendre et cerner le lien connexe entre pure contestation et besoin irrépressible du système, c'est ne plus s'étonner de l'attitude de ces purs contestataires face à la crise systémique. Soudain, de manière incroyable, ils rentrent dans le rang et sont parfois les plus vifs et engagés (ça, ils sont engagés) pour défendre les intérêts du système soudain menacé. Leur réflexe de survie est tout à fait logique et cohérent dans la mesure où l'effondrement du système signifierait leur propre effondrement - et celui de leur système contestataire par la même occasion.
Raison pour laquelle on trouvera de prestigieuses voix gauchistes américaines pour expliquer doctement que l'État américain ne saurait avoir commis le 911 parce qu'il est trop faible et stupide pour réussir un coup aussi sophistiqué. Il est vrai qu'avec un pareil argument, on est dispensé d'office d'examiner les faits et leur incohérence avec la version officielle. C'est d'ailleurs ce qui frappe le plus avec les critiques du 911 : on donne d'autant plus vite son avis qu'on argumente (en pédant) à partir de la version officielle et qu'on se garde bien d'en examiner la teneur factuelle. Comme toujours, les cadavres sont dans les placards, ce qui signifie : dans les fondements et les postulats.
L'explication aux formidables réticences de Chomsky à admettre les invraisemblances et les mensonges de la version officielle n'est sans doute pas à chercher ailleurs. Il est loisible de critiquer les exactions impérialistes américaines, de dresser des listes, de créer des scandales autour de la politique israélienne, à condition que tout ce cirque ne débouche pas sur autre chose que sur de la pure contestation. Si Chomsky avait vraiment mis en péril le système, voilà longtemps que le linguiste aurait subi d'autres désagréments que les critiques qu'il subit parfois. On peut même avancer que ce type de contestataires, pour autant qu'il se révèle utile au système, sert le système en lui servant une opposition crédible et pratique.
Le système a besoin d'opposants comme de publicité pour sa propagande de système libéral et bonhomme, démocrate et bien intentionné. Et puis, des opposants, cela canalise d'avance toutes les velléites de contestation qui pourraient se diriger vers les fondements du système. Chomsky n'est pas un critique systémique et je dirais même qu'il n'est pas un critique tout court. Car la critique est le jugement, l'exercice de l'évaluation. On ne peut juger et évaluer que si on possède une alternative à opposer au domaine que l'on juge.
Chomsky et ses comparses purs opposants ne possèdent aucune alternative et ne sont donc pas des juges. Ils sont critiques dans le sens où l'on dit que critiquer, c'est dénigrer. Le 911 a disqualifié ce genre d'opposants en rappelant que ce dont a le plus besoin le système présent, le système de l'occidentalisme et de l'immanentisme, c'est d'alternatives qui permettent d'éviter la disparition de l'homme. On évite les faits quand les faits sont trop pénibles à supporter. C'est exactement ce qui se produit avec tous ceux qui, quelles que soient leurs positions et leurs opinions, se sont mis en peine de défendre le système parce qu'ils n'avaient que ce seul tronc auquel se raccrocher.
Oui, le 911 fait le tri. Etre du côté de la version officielle, c'est être quoi qu'on dise du côté du système. Etre contre la version officielle, c'est travailler aux alternatives et comprendre le plan religieux que dessine et découvre le 911. Tous les desseins humains ne peuvent rien contre une seule intention de Dieu. C'est ce que sont en train d'apprendre les architectes du 911. Ils pensaient travailler pour leur système et ils vont découvrir qu'ils ont travaillé pour Dieu et pour la succession du système et la sortie de la crise. Quant aux faux contestataires et aux faux opposants, comment dit-on déjà - crier dans le désert?

Aucun commentaire: