lundi 7 avril 2008

Le complot du réel

Si l'on déroule la pelote du complot, on tombe sur la vérité. La vérité, c'est que le système n'est pas en mesure d'endurer le complot car la structure du complot est incompatible avec les valeurs que développe le système. Le propre du système est de prétendre développer le bonheur de l'homme parce qu'il aurait trouvé la définition du réel. Le réel est fini et défini. De ce fait, l'homme peut maîtriser le réel par sa raison. Début de l'ère de la Raison mutante.
Ce réel est Hyperréel en ce qu'il constitue la tentative de remplacer le réel (dans lequel s'insère l'homme) en Hyperréel (réel à la botte et la guise de l'homme). L'Hyperréel qu'on obtient est un réel idéal et idéalisé dans lequel les conditions de déroulement suivent les attentes du désir humain. Bref, l'Hyperréel est le réel recomposé par l'homme en fonction de ses besoins. Prendre ses rêves pour des réalités : définition de l'Hyperréel et définition de la folie très humaine de l'Hyperréel.
Quand on ôte au réel toutes ses aspérités et ses inconvénients, on fabrique certes un réel aimable et chantant (selon l'homme et ses attentes), mais on parvient surtout à cliver l'Hyperréel et ce qui este du réel. Dans la logique de la Raison, il y a le réel (l'Hyperréel) et il y a le néant. Ce que l'Hyperréel désigne comme néant, c'est un ensemble chaotique d'éléments hétéroclites et épars, dans lequel on retrouve les éléments du réel déniés.
Les éléments déniés, c'est tout ce dont l'Hyperréel ne veut plus dans son royaume idéal. Ce sont tous les éléments nuisibles du réel, dont l'homme ne veut plus et dont il prétend s'être débarrassé en façonnant l'Hyperréel come symbole de sa puissance et de sa gloire. Les éléments déniés correspondent bon an mal an à la violence qui affecte l'homme. Dès lors, l'Hyperréel est un domaine confortable, un forme de jardin d'Eden dans lequel l'homme est appelé à connaître le bonheur.
Il ne faut pas s'étonner que ce bonheur repose sur certains postulats indispensables. Tout d'abord, il faut qu'un égal coefficient de liberté frappe tous les sujets de cet Hyperréel. Les individus ont le même degré de liberté, sans quoi l'exigence de bonheur est impossible. Rappelons que le pacte d'acceptation de l'Hyperréel repose sur une condition indispensable : c'est que l'Hyperréel est censé garantir aux hommes le Bonheur, du moins le plus grand coefficient de bonheur connu.
Sans la liberté, point de bonheur. Le mythe de l'Hyperréel s'écroule. La liberté est un postulat nécessaire dans la mesure où l'on (la propagande) parle de liberté hasardeuse et égale pour chaque individu. Egale : la liberté doit être postulée comme un donné fini et stable d'un individu à l'autre. La liberté est ainsi la réduplication individuelle et individualiste de la représentation du réel fini et défini. Hasard : le hasard permet de ne surtout pas expliquer les événements par des volontés plus fortes ou plus manipulatrices, qui viendraient ruiner l'effort de la liberté donnée et égalitaire. Le hasard permet de nier le déterminisme et d'affirmer l'égalité.
Selon cette représentation, le bonheur de l'individu n'est possible que parce qu'il est égale et hasardeux. L'idée que des déterminismes puissent être introduits ruinerait radicalement l'Hyperréel. C'est pourquoi le complot est systématiquement écarté au nom de sa disparition dans le monde de l'Hyperréel. Disparition, voire. L'existence du complot porte atteinte au mythe de l'Hyperréel et à sa propagande. Si le complot existe, l'Hyperréel est obligé d'avouer une faille dans sa structure et dans sa cotte de mailles inexpugnable.
Si le complot existe, c'est que la séduction de l'Hyperréel repose sur la supercherie. Le complot signale simplement que l'égalité du donné est fausse parce que le donné défini est faux. Le hasard est faux parce que le donné n'est pas fourni de manière aveugle. L'effondrement de l'Hyperréel rétablit tous les problèmes précédents sans en avoir résolu aucun. Voilà qui est fâcheux.
A la place, il est plus que déstabilisant de constater que la propagande sert plus les comploteurs qu'elle n'empêche le complot. Son accusation de complotisme/conspirationnisme est l'anathème qui empêche de discuter du problème, simplement de l'évoquer. Or ne pas parler de la reconnaissance du complot sert surtout les comploteurs. Le système qui refuse d'évoquer la possibilité de complots et qui se réfugie derrière l'anathème de complotisme pour ne pas évoquer le sujet est le système qui favorise les complots. Brandir l'anathème de complotisme sert le complot et permet de ne pas penser à la différence entre complot véritable et complotisme délirant.
On a compris que le complot n'était pas compatible avec l'esprit du système, mais l'on a moins cerné que le système réfutait les complots pour mieux les encourager. De ce point de vue, notre système démocratique, mondialiste et immanentiste est un système délirant et incohérent, qui ne peut mener qu'à l'effondrement. Car tout système viable est fait pour opposer la volonté générale à la possibilité et la menace de complot. L'État est l'arme contre le complot.
La démocratie ruine l'État et rétablit l'individu et les groupes infratétatiques et antiétatiques. Le système démocratique mène au complot et à la destruction de sa structure systémique par le complot. Au lieu de le dénoncer, elle préfère le taire pour ne pas avouer son effondrement inéluctable et son assise incohérente. Doit-on dès lors s'étonner que l'anathème de complotisme serve surtout à discréditer les rumeurs et les soupçons les plus avérés de complots?

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