lundi 14 avril 2008

Pôle opposition

L'unicité du réel actuelle est une unicité tronquée. Car le réel est dit un dans la mesure où il est entièrement dominé par l'homme. Les parties inconnues du réel ne sont jamais que des parties inconnues en quantité. En qualité, l'homme domine absolument, ce qui fait qu'il est en mesure de dominer potentiellement y compris ce qu'il ne connaît pas encore. L'unicité est ici connexe de la nécessité irréfragable, qui veut que le réel corresponde au monde de l'homme, au système institué, régulé et dominé par l'homme.
Cette unicité s'oppose en théorie à la dualité d'un reél toujours opposé en deux contraires. Dans l'immanentisme, l'opposition est simple et binaire : c'est le réel opposé au néant. Le réel n'a rien à voir avec le néant. Le néant n'a rien à voir avec le réel. L'homme domine le réel tandis que l'autre empire, celui du néant, est strictement étranger au réel/fini. Dans cette acception, le grave dysfonctionnement provient du fait que l'unité est absente de l'opposition réel/néant.
A y bien regarder, l'opposition duelle mérite d'être dite duplice en ce qu'elle n'est que l'autre point de vue complémentaire de la théorie de l'unicité necessaire et absolue. En effet, l'unicité extrême est le point de vue qui ne perçoit du réel que le monde de l'homme ou le fini. Dans cette unicité extrême, le réel coïncide avec le monde de l'homme dans un système de nécessité poussé à son paroxysme. L'unicité renvoie au réel de la dualité, en ce que la dualité ne fait qu'ajouter à ce réel le néant. L'unicité et la dualité désignent la même représentation ontologique et méritent de ce fait d'être désignée comme duplices :
- l'unicité ne prend pas en compte le néant parce que le néant n'est pas réel.
- la dualité ajoute le néant, mais le déconnecte du réel comme le tout autre, soit l'étrange autant qu'étranger absolu.
Il en résulte que la vraie définition de l'unicité n'est pas cette unicité extrême qui ne possède ni extériorité ni intériorité au nom d'une totalité qui confine au totalitarisme. La définition de l'unité suppose extériorité et intériorité. Ce n'est pas le cas dans l'unicité de type immanentiste. Mais ce n'est pas plus le cas dans la dualité, qui n'est autre que le complément de l'unicité. Unicité et dualité immanentiste se donnent la main. La dualité manque de l'unité et de ce fait présente une extériorité sans rapport avec l'intériorité - une extériorité gravement déconnectée de l'intériorité.
Il ne faut pas chercher plus loin les raisons de l'échec du modèle immanentiste. Quand il présente une dualité de son système, cette dualité repose sur la supercherie : la déconnexion implique en effet que l'opposition soit artificielle et renvoie à la dualité duplice, soit à la fausse dualité (ou à la fausse unicité). Cas du communisme opposé au libéralisme, alors que dans le fond leur opposition factice renvoie à leur complémentarité. Mais la dualité s'effondre pour laisser place à l'unicité salutaire, cet effondrement prévisible est tout aussi factice. Le communisme ne pouvait que s'effondrer parce qu'il reposait sur les mêmes valeurs que le libéralisme - la raison mutante et dégénérée. L'unicité manque ainsi d'extériorité (et par conséquent d'intériorité).
Elle ne peut que déboucher sur la promesse fallacieuse d'un système enfin uni et cohérent. En fait, son unicité cache mal son incapacité à prendre en compte l'extériorité du néant. Cette unicité est tout aussi destructrice que la fausse dualité. Dans le fond, il ne s'agit jamais que d'une fausse dualité travestie en béate unicité au moment où l'unicité ignore le néant. Donc le système de l'opposition n'est pas viable.
Il aboutit à l'effondrement rapide de cette opposition et à la glorification de l'unicité recouvrée et enfin atteinte. Pourtant, les deux systèmes, celui de la dualité comme celui de l'unicité, reposent sur le même principe : le refus de l'unité entre réel et néant. Il reste à comprendre que le premier système de l'opposition à s'effondrer sera toujours le système qui reconnaît le plus la dichotomie et la dualité entre le réel et le néant. Ainsi du communisme bien plus érigé en idéologie que le libéralisme.
C'est que le communisme est la première idéologie et que la première idéologie est la plus axée sur les modalités de l'opposition réel/néant. Raison pour laquelle la première idéologie s'effondre en premier : elle est celle qui essaie le plus de confronter le néant au réel sans aucun autre espoir que de désintégrer le réel opposé au néant. La seconde idéologie est plus pragmatique, c'est-à-dire qu'elle commence par se désintéresser du néant et par différer le plus possible la confrontation avec le néant.
Elle dure par conséquent plus longtemps que la première idéologie. son pragmatisme revient ici à ignorer le plus longtemps possible le néant. Raison pour laquelle elle dure plus longtemps, mais raison aussi de sa perte : car l'unicité à laquelle elle prétend parvenir n'est jamais que le signe de l'effondrement du système par effondrement premier de l'idéologie première. Du coup l'unicité signifie avant tout que la seconde idéologie est contrainte cette fois de se confronter au néant.
Elle ne possède pas plus de remède que la première idéologie pour affronter et intégrer le néant et elle l'ignore au nom de son pragmatisme. Inutile de préciser que son fameux pragmatisme ne lui permettra guère que d'accélérer encore la désintégration de son processus de fonctionnement. Comprend-on dès lors la signification ontologique du 911? Il est signe de désintégration parce que l'idéologie pragmatique est incapable de tenir la promesse de son unicité et qu'elle doit à un moment ou à un autre affronter le néant.
Je dis affronter et non intégrer car le système est dans l'opposition. Il est incapable d'intégrer. Son unicité effective (soit le seul système mû par l'idéologie pragmatique) signale surtout l'effectivité de sa détérioration. L'unicité est la détérioration ontologique et qualitative de la dualité. C'est au passage de la dualité à l'unicité que l'effondrement du système point et c'est ce que signale l'unicité : l'incapacité à prendre en charge le dualisme et l'aveuglement face au néant (d'où l'unicité).
Le refus de l'opposition est plus le signe de l'aveuglement que celui du dépassement de l'opposition réel/néant - opposition au demeurant fausse et folle. Le 911 sanctionne le proche effondrement qui intervient peu de temps après la mutation en unicité. L'unicité signalait déjà un premier signe d'effondrement - l'abandon de la dualité est annoncée comme bonne nouvelle dans la mesure où elle est en fait effondrement et mauvaise nouvelle.
La dernière des idéologies est ainsi déjà effondrement. Quand arrive l'unicité, l'effondrement est à un stade avancé. L'idéologie seconde ou pragmatique intervient donc en cours d'effondrement. Elle est le signe que l'effondrement lui-même est avancé et que l'anéantissement est mûr. Le 911 signe le pourrissement de l'idéologie seconde. Un évènement cataclysmique ou apocalyptique comme le 91 manifeste en fait que le système se glorifie de son unicité et de sa perfection jamais atteinte dans la mesure où il ferme les yeux sur la question cruciale, sur l'intégration du néant au système.
Rien d'étonnant à ce que le système le plus parfait s'effondre de manière incompréhensible. Rien d'étonnant à ce que tant de membres du systèmes, adorateurs du Veau d'Or et thuriféraires zélés de l'unicité sacrée, ne comprennent rien aux avertissements pourtant explicites contenus dans le 911 et se réjouissent dans la mesure où ils coulent à pic. Pareils aux passagers transis du Titanic et aux commandants et matelots aveuglés par l'or de leurs responsabilités, ils ne sont plus en mesure de comprendre que les valeurs qu'ils servent sont viciées et désaxées. Ils sont des automates qui accomplissent des taches dont ils ne comprennent plus le sens depuis belle lurette. Ils sont perdus et dupés par leur propre système. Leur parler d'unicité problématique ou de dualité duplice, c'est leur prêter une lucidité dont ils sont incapables et dont ils rougiraient si jamais ils la contemplaient.

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