mercredi 24 septembre 2008

Nazi!

On perçoit souvent le nazisme comme la perversion externe au système. C'est un peu l'accident inexplicable et inexpliqué, et c'est d'ailleurs en ce sens que procèdent tous les historiens du système, ceux qui se montrent vermoulus et formatés : le nazisme est ainsi présenté comme un surgissement phénoménal inexplicable; tous les phénomènes historiques sont inexplicables : ainsi de la décadence made in Veyne.
Je connais aussi l'exemple drolatique et au fond snob en diable de ceux qui se targuent de transgression et de génialité incomprise en adhérant fermement à la ligne honnie et externe du système. Ces butors aigris et douteux expriment sans doute le besoin d'être si différents qu'ils seraient forcément en marge et en marginaux. C'est ainsi qu'on trouvera des contre-mimétiques forcenés qui joueront aux forçats et aux galériens et qui de toute force s'ingénieront à se tenir en dehors du système.
Reste à différencier deux types de présentation du profil hors système :

1) Le faux hors système qui en réalité se trouve en marge ou en bordure du système;
2) Le vrai hors système qui n'appartient pas au système.

Comment reconnaître la distinction?
Le critère est assez simple : alors que le véritable hors système présente des propositions étrangères, qui immanquablement seront prises pour étranges, le faux hors système est un vrai systémiste en ce qu'il propose des propositions qui n'ont rien de bien étrangères et qui ne sont étranges que parce qu'elles constituent une radicalisation des propositions dites modérés et nuancées du système.
Le faux hors système est un radical qui se situe aux marges du système, mais qui est un adepte du système, quand bien même il prétendrait n'en pas faire partie. Raison pour laquelle le faux hors système est souvent un extrémiste, de gauche ou de droite. Il ne fait que caricaturer les grandes lignes du système en augmentant la ligne de violence.
Le système immanentiste est un système qui prétend n'être pas un système, mais le système. Autrement dit, il prétend n'être pas seulement une forme particulière de réalité, mais la forme unique de réel. De ce point de vue, les différences internes qui le traversent ne sont pas des différences internes, mais des différences en tant que telles, soit absolues. En fait, en démystifiant cette universalité du système immanentiste, on comprend que les deux grandes différences qui parcourent l'immanentisme sont assez simples à résumer.
- D'un côté, c'est le progressisme, en tant que le système immanentiste peut progresser, qu'il peut se révéler encore meilleur avec un supplément d'immanentisme.
- De l'autre, c'est le pragmatisme, en tant que le système est bon tel qu'il se montre.
L'immanentisme progressiste est ainsi axé sur l'égalité, quand l'immanentisme pragmatique se réclame avec une certaine fierté de la liberté, autrement dit avance que son système de valeurs est le bon. Égalité et liberté sont les valeurs cardinales de la gauche et de la droite, entend-on seriner avec assurance dans les cercles et les cénacles marxistes et libéraux.
Il reste à comprendre que l'égalité et la liberté ne sont pas des valeurs absolues, mais qu'elles sont comprises à l'intérieur de critères typiquement immanentistes. L'immanentisme est ainsi réduit à ce qui est fini et dénote une réduction aussi certaine que stupéfiante. A l'aune de cette critique de l'immanentisme, l'immanentisme est forcément un système dangereux et destructeur. Il est incapable d'intégrer le réel qui n'est pas compris dans le rayon limité de son monde fini.
Autant dire que l'immanentisme se condamne à appauvrir sans cesse son donné figé et que dès lors les termes de liberté et d'égalité sont à comprendre dans cette perspective biaisée. L'immanentisme étant destructeur, il est logique qu'il charrie des valeurs qui ne sont positives que par propagande et qui dans le fond aboutissent à l'égalité de destruction et à la liberté de se détruire.
Osons poursuivre : si la finalité de l'immanentisme est la destruction, il ne faut pas s'étonner que le système immanentiste modéré renvoie comme étranger et monstrueux à ses manifestations extrémistes. Car ces manifestations sont des réactions certes nauséabondes et abjectes qui ne font qu'annoncer le devenir du système. Il est aussi tragique que prévisible qu'un système destructeur conduise à sa destruction.
Que des phénomènes cataclysmiques comme le nazisme surgissent en plein immanentisme n'ont pas de quoi surprendre. Au contraire, le nazisme illustre la réaction prévisible que certains pans de l'immanentisme adoptent pour contrer la tendance inéluctable qu'ils sentent poindre. C'est pour contrer les penchants destructeurs de l'immanentisme que l'extrémisme nazi surgit. L'aberration consiste bien à détruire complètement pour prévenir une destruction progressive.
Cette aberration illustre l'égarement ontologique et politique de l'extrémisme. On s'étonne souvent que le nazisme soit apparu en terre allemande, soit dans l'un des plus hauts lieux de la culture occidentale et de la pensée. C'est l'inverse qui prévaut quand on a compris que la culture germanique s'est développée en plein creuset immanentiste.
La réaction nazie n'est pas le surgissement de la barbarie dans un système bon. C'est la réaction extrémiste de la destruction pure en réaction à la destruction progressive. L'extrémiste est ainsi celui qui ne fait que radicaliser le processus d'ensemble du système dont il fait partie. De ce point de vue, il est patent que l'extrémiste fait montre d'une certaine lucidité et que cette part de lucidité augmente à mesure que le système auquel il appartient décroît. C'est ainsi que par nos temps de décadence évidente et d'effondrement inéluctable, les discours des extrémistes sont aussi caricaturaux que frappés par maints aspects du coin de la pertinence.
Heureusement, les discours nazis sont encore insupportables pour n'importe quelle oreille un tant soit peu lucide, signe que notre système n'est pas encore trop bas ou qu'il s'effondrera d'un coup. Mais cette même oreille en est à trouver les rengaines nationalistes de plus en plus justes, c'est-à-dire que leur haine se légitime de plus en plus et que l'on en vient presque à prendre conscience que le danger émane moins des extrémistes que des bien-pensants du système, des pragmatiques les plus cyniques et dégénérés. Par les temps qui courent, les opinions des néo-conservateurs se révèlent bien plus inquiétantes et influentes que les remarques (souvent acérées par maints aspects) des nationalistes de droite ou des internationalistes de gauche.

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