vendredi 31 octobre 2008

Désir de détruire

J'ai lu un article fort instructif que le sympathique et décontracté Kissinger a fait paraître dans le Herald Tribune en compagnie d'un brillant et renommé économiste de Harvard - pour la touche crédibilité économique?
http://www.iht.com/articles/2008/09/15/opinion/edkissinger.php?page=1
http://chahids.over-blog.com/article-23554421.html
Dans cet article explicite, Kissinger, après avoir œuvré à l'impérialisme oligarchique dans les années soixante-dix, sous couvert d'intérêts étatiques et américains, après avoir disparu de la scène publique et s'être lancé dans le renseignement privé, dans les années quatre-vingts, après avoir marqué son grand retour en 2001, suite au 911, en soutenant vigoureusement la guerre contre le terrorisme, en présidant de façon éphémère la Commission 2004, autour du 911, puis en tergiversant autour de la guerre en Irak, qu'il finit par avoir le bon goût de soutenir aux côtés de ses ennemis préférés, les néoconservateurs, et de ses vieux complices honnis, Rumsfeld et Cheney, ce cher et altruiste Kissinger vient d'écrire un article en pleine débâcle financière pour expliquer doctement et béatement, comme le diable himself, , en compagnie de Martin Feldstein, professeur d’économie à l’université de Harvard et ex-conseiller économique en chef du président Ronald Reagan, que l'Occident devait au bas mot se défier des fonds souverains du Golfe, tenus par les pétrodollars, en réalité mettre le grappin dessus pour éviter qu'ils ne nous mangent.
Le plus choquant n'est pas que Kissinger n'ait pas varié d'un iota sa stratégie depuis les années 70, quand il flambait sur la scène mondiale et qu'il glanait le prix Nobel dans ses emplettes de diplomate superstar. Pas davantage le plus choquant réside-t-il dans le sionisme éhonté qu'affiche notre désopilant Kissinger, qui, loin de se montrer seulement tribaliste, affiche à quel point Israël constitue l'avant-garde et la vitrine de l'immanentisme et de l'oligarchie de type financier.
Non, le plus choquant est encore que Kissinger dévoile la stratégie cynique et sinistre de l'oligarchie qu'il représente, en gros les intérêts bancaires et financiers, dont les places-fortes sont les factions héritées de l'ancien Empire britannique et du colonialisme immanentiste et occidentaliste mené par l'Occident.
Le jeu de l'immanentisme consiste à dépouiller le restant du monde de toute richesse réelle pour la réinvestir dans l'économie virtuelle et spéculative qui constitue la visée légitime de l'Hyperréel. C'est ainsi que les immanentistes poursuivent un but final, qui est de basculer d'un monde fondé sur les nations à un monde fondé sur les factions.
Ils appelleront cette fuite en avant du doux nom de révolution des mentalités et de Progrès considérable. Pour l'immanentisme, oui; pour l'homme, que nenni! Rappelons aux oreilles des benêts ou des naïfs que l'immanentisme est l'avatar moderne du nihilisme et que la stratégie immanentiste mène inéluctablement vers le néant.
Pour détruire les nations, les oligarques de la haute finance ont commencé à détruire la nation la plus puissante, le héraut de l'immanentisme, les États-Unis. Leur but est de passer de l'idéal ambigu des États-Unis, oscillant entre oligarchisme et démocratisme, à des fédérations creuses de faux États, dans lesquelles ce sont les factions qui mènent le bal (des vampires).
Pour ce faire, la transformation factionnelle et fictionnelle (autant que fractionnelle et frictionnelle) du monde suppose que l'on détruise tout ce qui est adossé sur les valeurs du réel pour recourir aux valeurs de l'Hyperréel. C'est dans ce but que l'économie réelle est piratée, mangée et détruite par les spéculateurs de l'économie hyperréelle. On sait que les banques musulmanes supportent mieux le fardeau de la crise du fait de leur alignement sur les règles coraniques du prêt et de l'échange. On n'oubliera pas que le Coran appelle à un respect scrupuleux des valeurs monothéistes et que l'immanentisme constitue une dégénérescence sévère de l'esprit du monothéisme et du transcendantalisme.
Le monothéisme est ancré dans le réel, quand l'immanentisme marque une rupture avec tout transcendantaliste en évinçant le réel au profit de l'Hyperreél. Il faut écouter Kissinger et surtout il faut suivre et analyser ses positions depuis son entrée en fonction au service de l'oligarchie, comme l'un des représentants officiels de cette oligarchie immanentiste : Kissinger reste étonnamment fidèle à ses positions depuis quarante ans. Il n'est pas versatile ou pragmatique au sens où il s'adapterait au réel en filant des contorsions invraisemblables et opposées.
Il est pragmatique au sens où il suit le pragmatisme immanentiste qui consiste à défendre les intérêts de l'immanentisme et de l'Hyperreél. Il est très aisé de comprendre la stratégie de Kissinger quand on comprend qu'il est le représentant des intérêts pragmatiques de l'immanentisme et que l'immanentisme a atteint sa dernière mutation depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, singulièrement depuis la chute du Mur de Berlin. Il est passé de l'immanentisme politiquement dominant à l'immanentisme qui est explicitement un immanentisme tardif et dégénéré.
Kissinger est en train de dépouiller tout ce qui fait parade de réel pour habiller l'Hyperreél. Hélas! mille fois hélas! Si l'Hyperréel est la stratégie qui consiste à déguiser le néant sous les atours aguicheurs du désir, en réalité c'est un désir qui évince le réel, non un désir qui façonne le réel. Aucun échange, juste des langes. Aucune heure, juste des leurres. Le désir sans le réel correspond en fait à la stratégie de néantisation, soit de destruction.
Quand l'Hyperréel se targue de construction et de développement triomphants, la vraie face, la face réel de l'Hyperreél se dessine avec effroi : c'est le néant ou c'est la destruction. Quand le désir se fait tout-puissant, sa toute-puissance est surtout synonyme d'anéantissement, au sens propre comme figuré : l'anéantissement belliqueux comme l'anéantissement symbolique. C'est le dessein auquel contribue Kissinger depuis son entrée en fonction, le dessein de l'oligarchie qu'il sert, le dessein de l'immanentisme travesti en discours pour les droits de l'homme, pour la démocratie, pour la liberté.

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