dimanche 2 novembre 2008

Le valet de Voltaire

VAL : - Une satire du judaïsme. C'est une satire des gens qui prennent en otage une religion et qui s'en servent comme justification pour commettre des assassinats et des meurtres de masse. C'est vraiment le droit de rire de gens qui veulent nous terroriser.
RUQUIER : - Défendre les Juifs de ceux qui s'accaparent le judaïsme pour des raisons terroristes."


Oyez, oyez!
Ne rêvez pas, braves gens, ne fantasmagorez pas : non, vous n'avez pas entendu chez Ruquier cet échange véritablement subversif, un dialogue qui n'exprimerait en outre jamais que le bon sens. Jugez plutôt du véritable contenu.


(notamment autour de la cinquième et sixième minutes.)

Aïe, aïe, aïe!
Voici le vrai dialogue, nettement plus décevant, mais aussi nettement plus prévisible (c'est-à-dire nettement plus dans l'air du temps, pestilentiel et glauque) :

VAL : - Une satire de l'islamisme. C'est une satire des gens qui prennent en otage une religion et qui s'en servent comme justification pour commettre des assassinats et des meurtres de masse. C'est vraiment le droit de rire de gens qui veulent nous terroriser.
RUQUIER : - Défendre les musulmans de ceux qui s'accaparent l'Islam pour des raisons terroristes."

(Petite parenthèse : vous noterez dans la bouche de Val la confusion entre islamisme et Islam. Val présente l'islamisme comme une religion et le confond comme par enchantement avec l'Islam. Si l'on veut présenter rigoureusement et surtout honnêtement l'équivalent de l'islamisme dans la religion juive, alors on parlera de sionisme et l'on distinguera le sionisme du judaïsme. Pourtant, sur le plateau, personne ne bronche, en particulier chez ceux, nombreux, qui se piquent de contester l'argumentaire prévisible et typiquement néoconservateur de Val l'antiraciste de gauche.
Que dirait-on si l'on ne différenciait jamais le sionisme du judaïsme? C'est pourtant la confusion que l'on entretient quotidiennement en Occident et dans le monde libre pour embrouiller l'islamisme et l'Islam. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé dans le dialogue/pastiche fictif de proposer judaïsme en lieu et place d'islamisme. Après tout, seul le judaïsme est une religion, quand le sionisme est une idéologie. Mais seul l'Islam est une religion, quand l'islamisme est une réaction avant tout politique (et idéologique?) au colonialisme occidental. Quand dira-t-on que l'islamisme n'est pas d'essence terroriste et qu'il existe des pensées islamistes de grande valeur?
Assez de la confusion, de surcroît entretenue toujours dans le même sens!)

Cette citation est extraite de l'émission On n'est pas couché, où l'inénarrable Val montre qu'il est tellement formaté par l'idéologie atlantiste qu'il manifeste les pires difficultés à s'exprimer correctement, face pourtant à d'autres atlantistes, plus modérés et nuancés que lui (Zemmour, Naulleau, Ruquier, Alévêque...).
Question oiseuse : Val serait-il un imbécile - tout simplement? Serait-il téléguidé par des marionnettistes plus puissants que lui, mais surtout plus habiles et pervers?
Se rend-il compte que cette phrase qu'il vient de débiter et que nous avons citée contient une énorme connerie, une connerie insurpassable, qui discrédite à tout jamais sa logorrhée nauséabonde et parcoeurisée (autant que pasteurisée et labellisée)? Si l'on réclame le droit de se moquer des religions, de toutes les religions, avec extrémisme, comme c'est le cas du journal danois Jyllands-Posten premier auteur des caricatures sur Mahomet (et non Mohammed : premier symbole islamophobe), comme c'est le cas de nombre de caricatures, alors on a le droit de se moquer de toutes les religions.
Dans ce cas, si l'on se montre un brin honnête, ce qui est le strict minimum quand on veut convaincre, on ne peut défendre le droit à se moquer de toutes les religions et virer Siné sous prétexte qu'il aurait commis un attentat antisémite dans un de ses articles. Je n'apprécie que fort peu Siné le faux rebelle, mais il est d'autant plus légitime de le défendre qu'il illustre à son corps défendant le fait, ahurissant, selon lequel le droit à la satire antireligieuse et à la satire tout court se trouve à géométrie variable suivant qu'on parle d'Islam, de christianisme ou de judaïsme.
Le jour où l'on se moquera des Juifs comme l'on se moque des musulmans, le jour où l'on reconnaîtra que le sionisme fondamentaliste est aussi pernicieux que l'islamisme fondamentaliste, le jour où l'on distinguera honnêtement l'islamisme de l'islamisme terroriste, le jour où l'on différenciera le sionisme du judaïsme comme l'islamisme de l'Islam, le jour où l'on reconnaîtra les crimes sionistes qui endeuillent quotidiennement notre époque, avec une intensité bien supérieure aux crimes islamistes, alors on pourra écouter les exhortations impudentes et partiales adressées à la tolérance, à la liberté et à toutes les valeurs universalistes que l'on invoque chaque fois qu'il s'agit de se réclamer des Lumières.
S'il est vrai, comme l'a exprimé Voltaire, que la seule intolérance légitime se fonde à l'encontre de l'intolérance, alors il serait temps de se montrer intolérant à l'encontre de Val parce qu'il est intolérant à l'encontre de l'Islam, qu'il travestit, dans sa mauvaise foi coutumière, en intolérance à l'encontre des horribles islamistes. C'est bien connu : l'islamiste est un terroriste, au moins en puissance.
Allez Val, une proposition honnête, enfin : à quand des satires de la Shoah, si l'on peut rire des idéologies comme des religions (c'est une équivalence imparable et surtout, c'est une équivalence honnête)? A quand des caricatures de Moïse sur le Sinaï et de Yahvé à Babylone? Des caricatures stupides et bornées de Salomon le juge concupiscent? Abraham avec une bombe sur la tête parce que les sionistes fondamentalistes commettent des attentats sanglants sous fausse bannière depuis plus de soixante ans?
Le jour où Charlie Hebdo et tout type de journal occidentaliste fera montre d'une réelle impartialité satirique et éditoriale, alors je tolèrerai que l'on se moque de la religion musulmane comme l'on est en droit de se moquer de toutes les religions. Pour l'instant, la moindre vétille intentée ou attentée contre le judaïsme provoque des remous tels qu'on a l'impression dans un cas, le judaïsme, de blasphémer, quand dans l'autre cas, l'Islam, le christianisme, bref le monothéisme, voire le religieux, le blasphème serait le droit imprescriptible de la démocratie et de la laïcité.
Si l'on veut se convaincre de ce double discours ou de ce discours de mauvaise foi, que l'on suive la vidéo suivante, dans laquelle Ardisson se montre le héraut emblématique et prophétique de la partialité dont se réclame Val et consorts avec une mièvrerie irréfutable :

Et si l'on veut se convaincre que le dernier livre que sort Val est un mauvais livre d'actualité bourré d'idéologie atlantiste et néoconservatrice au nom de la liberté et de l'absence d'idéologie, alors que l'on comprenne que Voltaire s'est épanoui au siècle des Lumières, soit au moment où l'immanentisme s'apprêtait à prendre le pouvoir, mais ne détenait pas encore le pouvoir.
En gros, Voltaire avait encore la légitimité politique de se moquer de l'Infâme et de tenir un discours contestataire contre le pouvoir en place. Mais Val qui invoque Voltaire pour se moquer des contestataires en les taxant d'antisémites ou d'antidémocratiques? D'antiaméricains et d'antilaïcs? Val est un rebelle qui reprend avec enflure et pauvreté le discours du pouvoir en place! Que vaut Val l'intellectuaillon en regard de Voltaire le philosophe des Lumières? Val serait-il un sous-sous-sous Voltaire, soit un propagandiste de pacotille travesti en intellectuel, quand Voltaire était un authentique intellectuel travesti en philosophe (et incapable de comprendre Malebranche ou Leibniz)?
Quel rebelle que ce rebelle au service du pouvoir et des puissants! Quel contestataire! Quel libertaire! Quel antiraciste! Quel moraliste que cet esprit libre! Quel raseur que ce polémiste moutonnier et mimétique! Quel médiocre que ce dépenseur dont on peut demander d'où sort son prêt-à-penser! On cessera de ne pas comprendre et de s'étonner quand on cernera le personnage du chansonnier grimé, voire grimaçant : après tout, Val ne représente jamais que le discours grinçant de l'immanentisme tardif et dégénéré, soit la propagande de l'immanentisme qui après avoir pris le pouvoir essaye de le conserver en oubliant un peu vite qu'il est sur le point inéluctable de s'effondrer et de passer la main.

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