mardi 10 février 2009

Copération

L'observation de cette rencontre filmée entre Copé et deux jeunes activistes du mouvement WeAreChange Paris est fort instructive. Elle met en scène ce que sont les think tanks et autres clubs plus ou moins sélects, plus ou moins privés, plus ou moins influents. On nage en pleine atmosphère feutrée d'ambiance anglo-saxonne. A chaque fois, il s'agit de concilier le domaine des idées avec l'action politique. Les penseurs sont devenus des experts, dont Nicole Bacharan est l'illustration emblématique dans la vidéo. Bien entendu, des Bacharan existent par douzaines dans le milieu des experts atlantistes. L'identité immanentiste incline à la reproduction mimétique et à l'incomplétude fragmentaire.
Bacharan est une politologue (parmi tant d'autres) qui intervient fréquemment dans les médias en tant que spécialiste des États-Unis. Comme telle, elle passe pour objective, pour impartiale et pour désintéressée, un peu comme le scientifique qui ne donnerait que des résultats indépendants de son désir ou de sa volonté. D'ailleurs, on notera que la politologie se veut une science humaine, soit la version analogique de la science rapportée à l'étude de l'homme. Prétention fort contestable de prétentiarde fort contestée!
Pourtant, Bacharan est tout sauf objective et désintéressée. A l'instar de ses collègues experts, elle présente des options idéologiques très marquées et très partiales comme le résultat d'une méthodologie impartiale et objective. Sans doute pour y exposer ses résultats décapants, Bacharan fait partie de multiples clubs et think tanks explicitement atlantistes. Est-ce cela, l'impartialité? Proche du Hudson Institute (par l'intermédiaire du club de Copé), elle participe justement à Génération France, fondé en 2006, et à la Hoover Institution de l'Université Stanford chère à DSK et Condoleeza Rice (Californie). Autant dire que Bacharan est proche des cercles néoconservateurs (ou affiliés) américains et que la moindre des choses serait de la présenter comme une experte fortement engagée idéologiquement, tout sauf impartiale et objective.
Plus choquant est le fort probable mensonge de Bacharan chez Calvi : il est hautement incroyable que Bacharan ne soit pas au courant de l'existence du Groupe Bilderberg, alors que son complice Copé en est (comme dirait Proust). Copé dit qu'il y est. Le Groupe Bilderberg est (encore) un club mondialiste qui prétend regrouper, en gros, les dirigeants les plus influents de ce monde. Sans verser dans l'exagération qui consiste à attribuer à cette réunion annuelle une toute-puissance politique, remarquons simplement qu'il n'est pas démocratique que ce genre de réunions ait lieu en privé, voire en catimini. C'est ce qu'on appelle une dérive oligarchique symbolique de la mondialisation et de ce que signifie vraiment la mondialisation.
Est-ce la raison pour laquelle Bacharan, Jean-François Kahn ou Calvi font semblant de ne pas connaître ce qui est facile à découvrir et ce qui ne peut pas leur être inconnu? Quelle ignorance crasse de la part d'experts, qui, outre qu'ils sont des superspécialistes totalement stéréotypés et prévisibles, se montreraient pour le moins incultes et déphasés s'ils ignoraient vraiment le Bilderberg? Concernant le cas Bacharan, cette participante de clubs franco-atlantistes présente fort peu de chances d'ignorer l'existence d'un club illustre et confidentiel, à la réputation sulfureuse, dont ses proches font partie et dont elle est proche pour partie.
Sans parti-pris. Pour une politologue spécialiste des relations franco-américaines, ignorer le Bilderberg, c'est comme pour un historien de la philosophie ignorer l'existence d'Aristote... Bacharan fait ainsi partie de la French American Foundation, encore un think tank créé pour rapprocher les élites franco-américaines autour de l'idéologie atlantiste la plus évidente. Notre politologue américaniste, en fait atlantiste, est membre de nombreux think tanks atlantistes et elle ignorerait l'existence d'un des plus prestigieux clubs d'obédience atlantiste?
Au passage, on appréciera le glissement de sens entre atlantisme et américanisme : comme si l'un impliquait l'autre et vice versa... Le vice versa et verra : Bacharan serait-elle avant tout spécialiste des milieux atlantistes et non de l'histoire et de la politique américaines? Que l'on consulte cet article sur la FAF de Pierre Hillard et que l'on dénonce ce qu'il comporte de faux ou d'erroné.
http://www.voltairenet.org/article146888.html
Si l'on récapitule le parcours de Bacharan, on a affaire à une experte atlantiste de haut vol qui refuse de reconnaître son orientation idéologique atlantiste et qui se présente comme impartiale. Notre politologue participe pourtant à des séminaires et à des colloques très orientés politiquement. Le Hudson Institute se signale par son engagement aux portes de l'extrême-droite, notamment avec ses idées contre l'islamisme et le développement de l'Islam non laïc/occidentaliste (également dans le domaine de l'agriculture et de l'agro-alimentaire, où les experts du Hudson, financés par Monsanto, sont opposés à l'agriculture biologique). Le Hudson est proche de la RAND Corporation, le think tank stratégique qui exprime les préoccupations du complexe militaro-industriel américain et qui eut le privilège de prévoir un scénario assez proche du 911. On le voit, le Hudson est fort bien introduit...
Bien entendu, les préoccupations stratégiques et sécuritaires du Hudson recueillent les louanges du docteur et docte diplomate Kissinger, qui a de quoi apprécier, en bon oligarque, le programme. Les noms des experts du Hudson sont éloquents : l'ancien vice-président Quayle, Bolton, Feith, Libby, Perle... Nous nageons dans le néoconservatisme le plus dur et le plus pur et dans le milieu d'où le 911 a émergé, à l'image d'une pieuvre tentaculaire et hideuse.
Perle est surnommé le Prince des ténèbres et j'ai peine à concevoir Kissinger sans le rapprocher d'un croisement improbable entre le diable et un mafieux. Qui est l'associé de l'autre? Les mécènes philanthropes du Hudson appartiennent au giron des industries agro-alimentaires, chimiques et pharmaceutiques : DuPont, Monsanto, Sandoz, Procter&Gamble... Les conseillers sont-ils les payeurs?
Autant dire que l'on pointe le lien organique et consubstantiel entre l'oligarchie financière/industrielle et le néoconservatisme politique. Bacharan est une passerelle de ces courants atlantistes et néoconservateurs en France. Est-ce ce qu'elle veut signifier à son tour quand elle affirme que les réunions de Génération France et la collaboration avec le Hudson sont des soirées très ouvertes, sans aucune langue de bois et où l'on peut appeler les choses par leur nom?
Est-ce se montrer ouvert que de militer explicitement avec les cercles néoconservateurs? Est-ce faire preuve de liberté et de libération que d'intervenir dans les cercles atlantistes? Bacharan discrédite sa réflexion en mêlant ainsi pensée et propagande. Sa partialité au nom de l'impartialité mérite qu'on appelle un chat un chat : notre politologue est une propagandiste de l'atlantisme le plus pragmatique et conservateur, pas une chercheuse ou un esprit curieux. Est-ce se montrer ouvert et sans langue de bois que de plancher sur des programmes antiislamistes, qui ne manquent jamais de virer au moins insidieusement à l'islamophobie fort à la mode depuis le 911 et la guerre contre le terrorisme?
D'ailleurs, notre politologue émérite se rend-elle compte qu'elle a pris le 911 une position similaire au lyrisme décalé de son camarade de parcours Colombani, lui aussi membre coopté de la FAF? Tous deux n'ont-ils pas déclaré être solidaires du peuple américain dans cette tragédie? Si nous somme solidaires de la souffrance du peuple américain, comme de toute souffrance, nous réfutons vigoureusement, à partir d'éléments factuels (et non idéologiques) irréfutables, la version officielle, notamment dispensée par ces clubs et cercles d'experts atlantistes.
Il est éclairant de constater que l'experte Bacharan (de la maison atlantiste) travaille main dans la main avec le politicien Copé. Au moins Copé ne cache-t-il pas son engagement atlantiste évident derrière l'impartialité méthodologique de sa réflexion. Copé est un membre éminent de l'UMP, soit un conservateur français, avec cette particularité qu'il se meut dans la mouvance atlantiste et financière du conservatisme. Avocat d'affaires, c'est un financier et un banquier qui sort de l'ENA et de Sciences politiques, comme Bacharan.
C'est aussi un juif (non pratiquant), généalogie religieuse instructive quand on connaît la proximité de l'atlantiste et du sionisme. Et surtout le fait immanentiste de sortir de la religion pour la dépasser. En militant cohérent et assumé, Copé n'a pas besoin de cacher son engagement idéologique. En conséquence, il ne présente pas les pertes de mémoire sélectives et inquiétantes d'une politologue comme Bacharan : il se rappelle bien de ce qu'est le Groupe Bilderberg puisqu'il en fait partie. Tout comme il fait partie du Siècle (encore un club, parisien et élitiste) et qu'il a fondé Génération France, club français atlantiste...
Fait saillant et révélateur, Copé présente le Bilderberg comme un club européen, alors que c'est un club aux ambitions mondialistes et atlantistes. Est-ce parce que dans le fond l'atlantisme est dirigé en sous-main par des élites oligarchiques du Vieux Continent? Copé commet-il un lapsus en indiquant que finalement les clubs atlantistes d'Europe ne recopient pas le modèle américain, mais que l'inspiration provient des cercles synarchiques nés sur le Vieux Continent à partir de la mutation des Empires coloniaux - et en particulier du modèle vénitien? Dans ce cas, pourrait-on supposer que le Bilderberg est inspiré par des clubs du Vieux Continent comme le Siècle en France?
En tout cas, Copé présente le Bilderberg avec une certaine désinvolture, voire certaines approximations... Le pire n'est pas là. Le pire est que notre Copé national, chef des députés UMP à l'Assemblée, présente comme si de rien n'était sa collaboration avec les néoconservateurs. Première déformation : Copé explique sans sourciller que la collaboration avec le Hudson Institute équivaut à la collaboration avec les Américains. Je ne savais pas que les Américains étaient des néoconservateurs ou pensaient tous comme les idéologues du Hudson Institute.
C'est à croire que dans sa mentalité, Copé conçoit les Américains de manière positive seulement quand ils lui présentent le modèle qui lui convient. C'est aussi ce que Copé fait avec la France, puisqu'il a la franchise d'intituler son club proche du néoconservatisme Génération France : est-ce à dire que la génération en France qui manifeste son caractère français est la génération qui verse dans le néoconservatisme?
Modèle néoconservateur dont on peut discerner sans trop d'effort la teneur oligarchique derrière les discours de façade, le club de réflexion français, parisien, hexagonal, la volonté d'ouvrir la pensée vers d'autres horizons, l'internationalisation... L'oligarchie, ce sont les financiers, les banquiers et les grands industriels du NOM, que l'on retrouve au Siècle ou derrière le Hudson (ou le Bilderberg). En parlant de Bilderberg, je note qu'on y retrouve le sémillant Kissinger, qui de sa voix cassée et monocorde nous indique la lumière diplomatique et stratégique, comme c'était déjà le cas (de manière plus lointaine et indirecte) concernant le Hudson...
Internationalisation? Deuxième déformation? Le mot est lancé : l'Internationale n'est pas vraiment le crédo de Copé. S'il se convertit au communisme, Copé va écoper. Ou écluser? En tout cas, cette internationalisation dans la bouche d'un politicien français proche des néoconservateurs et des atlantistes a un goût furieux et curieux de mondialisation. L'internationalisation version atlantiste signale la mondialisation ou la globalisation. C'est sans doute ce que Bacharan veut dire quand elle indique que dans ces clubs on peut appeler les choses par leur nom. Les choses par leur NOM, oui!
C'est la preuve que les deux projets sont proches et que tous les projets immanentistes visent la babellisation. La seule différence tient à la nature de la réunion ou de l'unicité : l'immanentisme tend vers l'unicité. Mais l'unicité progressiste promeut la perfection politique, soit la transformation du reél vers la perfection humaine. Le progressisme suppose que l'homme peut transformer le reél. Le pragmatisme postule que le réel est donné tel qu'il est et qu'il est parfait tel qu'il est. Nul besoin de le transformer. En sorte que l'internationalisation suppose la transformation du reél, quand la mondialisation prend le donné tel qu'il se présente.
Est-ce ce que ce pragmatisme désigne ce qu'entend Bacharan quand notre politologue américaniste se félicite de l'absence de langue de bois dans les conversations entre gens du club franco-américain? Pas de langue de bois signifierait ainsi : accepter le donné tel qu'il est. Le seul inconvénient avec ce genre de raisonnements, c'est qu'il infère d'un postulat indémontré à une conséquence déduite. Encore faudrait-il savoir : soit l'on a défini ce qu'était le reél; soit le réel n'est pas défini. C'est le cas.
En ce cas second, il est rigoureusement impossible de décréter que l'on se montre réaliste ou pragmatiste si l'on est incapable de définir le reél. Déduire sans définir, c'est réaliser un coup de force qui en logique consiste à outrepasser la démonstration et à considérer que le postulat équivaut à la démonstration. C'est ce que fait sans sourciller Bacharan, montrant à cette occasion l'illusion de supériorité dans laquelle se perdent les élites supputées de l'Occident. C'est aussi ce qu'ont fait les néoconservateurs au sens premier du terme, puisque leur coup de force s'est accompagné de quelques coups de canons, dont a pu mesurer depuis lors qu'il étaient aussi inutiles qu'irréalistes.
C'est le genre de mésaventure fâcheuse qui survient quand on se passe du réel pour agir. Et c'est l'occasion de rappeler un adage trop facilement oublié par ceux que le reél dérange : on passe toujours à côté du reél quand on s'en réclame - sans le cerner.


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