samedi 25 avril 2009

Ordo ab KO

De l'ordre! A l'aide! Pour ce faire, nous avons le discours sécuritaire, qui réclame explicitement plus d'ordre et qui tourne en boucle sur les ondes médiatiques des démocraties occidentales. Sarkozy ou Giuliani forever. Nous avons les mesures pour remédier à la crise économique, qui est une crise systémique : le NOM, le gouvernement mondial et autres appellations sympathiques. Des progressistes déclarés, comme en France Attali, DSK le patron du FMI, appellent de leurs voeux l'avènement de telles mesure au nom d'un besoin d'unité. Plus de démocratie pour sauver la démocratie de la crise. Plus de libéralisme pour sauver le libéralisme. Plus d'ordre pour sauver l'ordre.
Ce mot d'ordre (plus d'ordre) ne survient pas par hasard ou de manière inopinée. L'on réclame plus d'ordre face au désordre. On réclame plus de positif face au négatif. L'ordre est le positif. Le désordre le négatif. Mais d'où provient ce désordre si généralisé? Personne n'explique la venue du chaos. La tenue de discours politiques opportunistes se garde bien d'expliquer à la source ou à la racine ce qui n'est symptôme qu'à partir des branches. Et le tronc? D'un point de vue ontologique, le monde de l'Hyperreél dans lequel on se situe empêche la fonction essentielle assumée par le religieux ou le politique : transformer sans cesse le réel en monde humain.
Du coup, la destruction de l'ordre humain s'effectue par absence de transformation du reél. C'est la fonction classique du travail telle qu'elle est recensée dans les livres sacrés, la Bible pour les Occidentaux par exemple. Le travail tel qu'il est encensé par les immanentistes de facture terminale n'est pas la conception classique du travail.
Il s'agit d'un travail à l'intérieur d'un système immanentiste, qui n'a pas pour fonction de transformer. Travail de pure application, dénué de toute velléité de transformation. De toute manière, l'Hyperreél a aboli le culte parce qu'il l'aurait dépassé par les productions du désir omnipotent. Tu parles, Carles. Tu cales? Citoyens du monde, encore un effort. Rien d'étonnant selon ce schéma à ce que des promesses comme plus de gain contre plus de travail soient vouées à l'échec.
Travailler plus dans un système immanentiste, c'est tout simplement travailler plus pour détruire plus. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Demandez à Ruppert Murdoch, également surnommé Face de Bouc par ses amis intimes - W. ou les Irakiens. En sorte que le surcroît d'ordre réclamé pour faire face au désordre qui advient n'exprime pas seulement l'occultation et le déni de la question : pourquoi du désordre?
L'ordre proposé en guise de réponse et de remédiation est l'ordre de type immanentiste. Ordre fini, ordre qui ne prend pas en compte sa finitude et l'inscription dans toute finitude de sa disparition programmatique. Ordre qui refuse de se régénérer, au motif qu'il aurait dépassé ces considérations passées et passéistes. Dans cet ordre fini qui dénie le fini, le désordre est déjà inscrit dans les fonds baptismaux. Le destin de cet ordre est écrit : il va s'épuiser et se transformer en une forme qui lui sera étrangère.
Cette conception est dangereuse au plus haut point parce qu'elle met en péril l'avenir de l'humanité. Mais la remédiation proposée est stupide/comique. On sent bien quand on propose le NOM pour résoudre la crise que quelque chose ne va pas. En particulier un argument mérite toute l'attention : comment se fait-il que ce soient les empoisonneurs qui prétendent guérir le mal qu'ils ont instillé? Comment se fait-il que ce soit les banquiers, les financiers et les économistes de l'école libérale qui prétendent guérir le mal qui est né de leurs conceptions monétaristes inadaptées au reél?
Mais si l'on analyse la nature de l'ordre que ces partisans proposent, ordre sécuritaire ou ordre démocratique de sauce libérale, on comprend où le bas blesse : cet ordre est voué au désordre. Quand le désordre survient, c'est directement la conséquence de l'élaboration de l'ordre. C'est l'ordre immanentiste qui contient le désordre et qui le suscite. Alors, tel le serpent qui se mord la queue, dissocier le désordre de l'ordre, c'est foncer tête baissée dans la duplication fantomatique et fantasmatique.
C'est ne pas comprendre que c'est cet ordre qui engendre le désordre - cet ordre qui ne transforme plus le reél extérieur et qui le laisse, littéralement, en désordre, soit en non-ordre pour l'homme. Que se passe-t-il si le paysan laisse son champ à vau-l'eau? Le champ en tant que terrain ne disparaît pas mais il passe du statut de terre exploitable par l'homme à celui de terrain inexploité. Le désordre s'installe dans le champ. Si un paysan décrète qu'il n'a plus besoin d'entretenir son terrain, parce qu'il a trouvé le moyen pour le terrain de s'entretenir tout seul, ou parce que cette conception est dépassée selon lui, alors le paysan accorde de manière fantasmatique la primauté à son désir sur l'effectivité réelle.
C'est l'Hyperreél. Bien entendu cette manière de fonctionner est catastrophique et aboutit à la destruction de toute culture humaine. Culture dans tous les sens du terme. Culture agricole; mais aussi culture humaine. Si l'on poursuit la métaphore, c'est ce qui se produit actuellement avec l'ordre humain, ordre en tant que système politique ou en tant que système religieux. Dès lors, le désir maladroit et un brin absurde de proposer en guide de remède au désordre un surcroît d'ordre est comique. Car ce surcroît d'ordre n'est en fait qu'un surcroît de désordre, en tant que le surordre en question n'est jamais que le prolongement paroxystique de l'ordre premier.
Si l'ordre a engendré le désordre qu'il contenait, alors le surordre va engendrer le surdésordre. L'ordre désordonné engendre le désordre, qui à son tour engendre le surordre en tant que surdésordre. On comprend ce qu'on pressentait confusément : les prétentions au nouvel ordre sont toujours absurdes. Maintenant, l'on sait pourquoi : à partir du moment où l'ordre contient le désordre et engendre le désordre, vouloir réparer le désordre provoqué par l'ordre par un surcroît d'ordre, c'est fatalement et tragiquement engendrer un supplément de désordre - au sens où l'on parle de supplément d'âme.
Nous avons appris à nous méfier du label de nouveau. les nouveaux philosophes sont des mauvais philosophes. En fait de piètres intellectuels, qui interviennent sur l'évènementiel pour propager des messages fallacieux de propagande. Eh bien, c'est pareil avec l'ordre : le nouvel ordre n'est jamais que le masque du chaos. Plus tu veux d'ordre, plus tu obtiens de pagaille. Ca fait désordre?

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