mardi 29 septembre 2009

Le complot du sens

De grâce, ne vous laissez pas piéger par les raccourcis. Dans le cadre du 911, ces raccourcis peuvent être tout à fait faux, mais ils sont surtout d'autant plus efficaces qu'ils sont partiellement vrais - et grandement controversés. Tour de piste non exhaustif.
1) La VO est tout à fait fausse, puisque le complot officiel, jamais reconnu officiellement comme un complot, incrimine Oussama, la structure d'al Quaeda et des pirates de l'air liés à al Quaeda.
2) La thèse du laissez-faire est partiellement fausse si elle incrimine al Quaeda et partiellement vraie si elle sous-entend que le gouvernement W. n'a pas organisé les attentats mais les a couverts.
3) La thèse de l'inside job, soit des attentats fomentés puis couverts par le gouvernement W., est partiellement vraie si l'on insinue que des membres de l'Administration sous les deux mandats de W. ont participé et/ou couvert le 911, mais elle est partiellement fausse si l'on prétend que les commanditaires de ces attentats forment un gouvernement invisible des États-Unis qui émanerait du complexe militaro-industriel et qui formerait une structure transversale mêlant des acteurs de la politique, du renseignement et du secteur industriel (militaire en particulier). On notera que el complexe militaro-industriel ou le gouvernement invisible sont des génériques qui ne désignent jamais nominalement et précisément.
4) La thèse de l'implication du sionisme et des éléments pro-israéliens, qui accumule des tonnes de preuves irréfutables de l'implication de certains pans sionistes de la politique, du renseignement ou de la finance. Cette thèse a pour mérite de relier l'idéologie sioniste avec son achèvement politique en État - Israël. Néanmoins, le sionisme ne se dissout pas dans Israël en ce qu'il perdure à Israël et qu'il existe indépendamment d'Israël et pour des buts indépendants d'Israël. L'engagement non juif en faveur d'Israël existe certes, mais il recoupe le sionisme. L'engagement en faveur d'Israël de non sionistes n'a pas vraiment de sens.
La thèse des sionistes est inacceptable quand :
- elle incrimine les juifs en opérant l'amalgame;
- elle incrimine l'intégralité de l'idéologie sioniste sans distinguer le sionisme de certains de ses pans extrémistes.
(A noter que la critique du sionisme est tout à fait possible, comme la critique du judaïsme.)
Cette thèse est tout aussi fausse quand elle fait des sionistes les commanditaires, avec une constante sous-jacente : amalgamer les nombreux crimes sionistes, en particulier dans le terrorisme sous fausse bannière, avec l'intégralité des problèmes du monde.
Le mérite de cette thèse est de mettre en avant les réseaux sionistes transnationaux, américains, internationaux, en particulier en connexion avec les mondes des affaires et/ou de la finance. La perversité de cette thèse est patente quand elle propose une hiérarchie des rapports stratégiques internationaux fondés sur la suprématie des élites sionistes et de leur État fantoche et fétiche Israël. Il va de soi qu'un brin d'histoire et quelques gouttes de faits rappellent qu'Israël est une marionnette et un pantin, pas un manipulateur et un dominateur.
5) La thèse des commanditaires musulmans.
- Si cette thèse relie les commanditaires à al Quaeda, elle est fausse, intolérante et/ou raciste et charrie les préjugés islamophobes, comme c'est le cas en France de BHL, qui pondit un livre de commande pour expliquer qu'al Quaeda était reliée aux réseaux islamistes et aux renseignements islamisés et antioccidentaux pakistanais.
- Si cette thèse détruit le mythe du terrorisme international islamiste centralisé et dirigé par la structure puissante et diabolique al Quaeda, elle a déjà le mérite insigne de rappeler la vérité sur al Quaeda, qui est une organisation lâche commanditée par les services occidentalistes, en premier lieu par les services anglo-saxons, et qui est utilisée pour des opérations de déstabilisation, de guérilla et de terrorisme locaux.
Cette thèse est notamment confirmée par l'ancien agent du FBI Sibel Edmonds et par les sources qui indiquent qu'Oussama se trouvait soigné début juillet 2001 dans un hôpital militaire américain de Dubaï, sous l'égide de la CIA. Elle incrimine en gros des commanditaires factuels comme l'Arabie saoudite (multiples preuves tous azimuts) ou le Pakistan à un niveau inférieur (en particulier l'ISI).
- Cette thèse égare si les commanditaires musulmans et/ou islamistes (remarquez l'imprécision amalgamante) sont considérés comme indépendants et ultimes. A cet égard, un des pires commentaires que j'ai entendus sur le sujet émane d'un certain écrivain français Nabe, qui eut le culot - dans une émission de l'ultralibéral FOG contre l'interventionniste Kouchner (je crois bien) - d'expliquer qu'en toute logique, il était raciste de prétendre que les commanditaires n'étaient pas des Arabes et que donc il convenait d'incriminer al Quaeda. Cette manière pseudo-logique de raisonner évacue les faits essentiels pour se concentrer sur un formalisme sophistiqué et sophistico-logicien qui accrédite n'importe quelle thèse et relativise n'importe quelle possibilité sémantique.
En l'occurrence, la thèse de Nabe n'est pas seulement fausse; elle légitime la guerre contre le terrorisme et l'islamophobie sous prétexte de glorifier les musulmans/Arabes pour le crime du siècle que les racistes occidentalistes chercheraient à leur ôter. Se glorifier d'un crime, faut le faire! C'est ça, le casse du siècle?
Il va de soi que les participants musulmans au 911 ne peuvent qu'être reliés à des commanditaires supérieurs si l'on se souvient de quelques notions élémentaires d'histoire, de stratégie et de géopolitique. Cette thèse gagne en profondeur et en pertinence si l'on a le bon goût de rappeler que le Pakistan et l'Arabie saoudite sont des alliés ambigus et profonds des États-Unis et des circuits atlantistes. Plus paradoxal encore, l'allié le plus puissant d'Israël dans la région n'est autre que l'Arabie saoudite (bien avant l'Égypte ou le Jordanie). Cependant, cette thèse demeure parcellaire car elle occulte la véritable nature des relations entre l'Occident et les pays musulmans.
6) La thèse des commanditaires du renseignement occidental au sens large a le mérite de relier les services secrets musulmans (pakistanais et saoudiens) aux services secrets israéliens (Mossad ou Aman). Elle est confirmée par des travaux comme celui de l'ancien ministre allemand von Bülow ou les déclarations tonitruantes (et emportées) de l'ancien Président italien Cossiga. Cette thèse indique évidemment qu'une telle opération n'est pas possible sans le soutien logistique des services secrets des grandes puissances internationales. Elle rappelle les liens entre les services secrets occidentaux classiques et les services secrets des puissances musulmanes alliées ou d'Israël. Cependant, il serait naïf de croire que des services secrets, y compris des machines devenues folles, puissent jouer le rôle de commanditaires ultimes. Ce sont des bras armés, des exécutants - pas des commanditaires. En outre, il convient d'inclure dans les services secrets les officines privées, aux activités bien plus insaisissables, et de rappeler que les services secrets, surtout quand ils sont privés, sont toujours étroitement connectés aux milieux financiers et industriels (voir notamment les liens entre la CIA et Wall Street).
7) La version factuelle, de méthodologie journalistique, qui est opposée à la version officielle erronée, mais qui sous couvert de s'en tenir aux faits refuse toute possibilité d'interprétation. C'est la méthode (par ailleurs excellente) que suivent Laurent et dans une moindre mesure Raynaud. Ces deux journalistes s'en tiennent aux faits et laissent aux lecteurs le soin d'interpréter. Stricto sensu, cette méthode est défendable, sauf qu'elle omet de préciser que sans interprétation, aucune compréhension n'est possible, ce qui implique qu'aucun sens ne puisse être édifié.
Ce premier défaut méthodologique en contient un second, perceptible chez Laurent en particulier : la religion des faits autorise l'accumulation étourdissante d'éléments contradictoires et dérangeants sans jamais commenter ces contradictions flagrantes et souvent intenables. Une fois que Laurent était invité chez l'insupportable Ardisson, il se lança dans une énumération des invraisemblances et autres mensonges du 911. Au bout d'un moment, un des invités, qui travaillaient aux Guignols de Canal si je ne m'abuse, lui demanda de se mouiller un peu et de tirer les conclusions directes et évidentes des faits avancés. Laurent s'y refusa catégoriquement et se retrancha derrière la vérité des faits.
Le problème avec ce type de démarche, c'est qu'elle empêche le travail de vérité d'avancer en s'en tenant à un seuil qui ne permet pas de faire sens. Quand on s'en tient aux faits, on se contente de poser les fondations de la maison sans monter les murs. C'est une démarche un peu courte, un peu lacunaire, qui conduit à de graves réductions dans la représentation. Pis sans doute, c'est cette méthode qui promeut le plus efficacement le complotisme tant dénoncé. Ce paradoxe est d'autant plus savoureux que Laurent se méfie comme de la peste du complotisme et qu'il invoque le drastique suivi de sa religion - des faits - au nom précisément de sa condamnation du complotisme.
Si Laurent et tous ceux qui appellent à la réouverture d'une enquête impartiale sur le 911 se rendaient compte qu'ils encouragent le complotisme qu'ils dénoncent, alors qu'ils croient servir l'objectivité et l'impartialité, sûr qu'ils en perdraient leur latin. C'est notamment le cas de nombreux et souvent valeureux contestataires de la VO du 911 réunis dans des collectifs comme les Mouvements pour la Vérité. On retrouve en France cette tendance dans une association comme Reopen, soutenue par le philanthrope américain Jimmy Walter.
Évidemment, la prudence critique de Reopen peut être assimilée à une certaine modération, sauf qu'en en restant à la surface des choses, la notion de preuves offre une définition si minimaliste du réel et des faits qu'elle interdit tout sens et toute compréhension. Le résultat correspond à ce que l'analyste stratégique de l'EIR Steinberg reproche aux travaux de l'historien Tarpley : d'en rester à un sens évanescent, mystérieux et obscur, à des forces qui à force d'être si invisibles et indescriptibles finissent par évoquer plus des formes surhumaines que des êtres aux caractéristiques connues et humaines.
C'est le principal - et définitif - reproche que l'on peut adresser à cette méthode purement factuelle : d'empêcher l'édification du sens. Seul problème : sans sens, le 911 comme tout fait, comme tout évènement, n'a plus aucun sens, ce qui engendre quasiment l'absence de reconnaissance. Raison pour laquelle les factualistes font ainsi, sans s'en rendre compte, le jeu des comploteurs effectifs, qui ne risquent guère d'être inquiétés par une démarche qui s'en tient à jeter le trouble et à détruire tout type de sens.
En détruisant le sens officiel sans le remplacer par des propositions de sens, nos factualistes critiques en chef méritent d'être baptisés du doux nom de complotistes ou de conspirationnistes puisqu'ils se contentent de botter en touche et de mettre en suspens le sens. D'ailleurs, ils se réclament explicitement, de manière fort cohérente, du doute hyperbolique cher à Descartes, à ceci près que Descartes finit par mettre fin à son doute pour proposer sa conception mécaniste du réel adossé à sa métaphysique tarabiscotée.
Descartes le postscoliaste finit par construire quand Nieztsche construit des chimères après son dynamitage. Aujourd'hui, le mal du sens a encore progressé, puisqu'on se contente de mettre en suspens. Cette lâcheté ontologique, cette déficience religieuse encouragent le vice des complotistes qui face au vide en profitent pour imposer leur solution nihiliste et perverse. Dans le cadre spécifique du 911, la solution face au vide, c'est le 911 - précisément.
En se contentant d'un vœu pieu, l'appel futur à une Commission impartiale chargée d'une enquête enfin sérieuse, nos contestataires ne risquent guère de parvenir à la vérité, qui consiste non à contester, mais à faire sens. La contestation sert de prolégomènes au sens. Quand on détruit un sens aberrant, comme c'est le cas de la version officielle, le seul moyen de provoquer un changement est de proposer un sens alternatif, soit de construire sans s'en tenir à la destruction.
L'appel vertueux et formel à une nouvelle commission indépendante et impartiale, sur le modèle de la Commission Sartre-Russell de 1966-67 sur la guerre du Vietnam, contient les limites que comportent toutes les utopies : d'être des vœux pieux, soit des irréalisations qui dénuées de sens ne sauraient en aucun cas accoucher de réalisations. Quand on détruit le sens, on fait le jeu de ceux qui proposent des faux sens, des sens interdits, et qui, s'ils ont le pouvoir dominant, estiment qu'ils sont les créateurs du sens au sens où Nietzsche parle de créateurs des valeurs (projetant sur les sens contestataires leur propre déficience de sens ou leur sens interdit, baptisé des insultes de l'époque, comme le complotisme, le négationnisme ou cet acabit de billevesées).
Les complotistes sont ainsi ceux qui empêchent le sens de sortir, de s'édifier, de se construire, bien plus que ceux qui voient des complots partout. A y bien regarder, voir des complots partout, c'est aussi détruire le sens, puisque dans le réel, l'action humaine comporte d'innombrables complots, mais n'est heureusement pas constituée intégralement de complots. En dénonçant un complot sans lui donner de sens - sans lui attribuer d'auteurs précis et spécifiques -, on détruit tout autant le sens et l'on en vient à distinguer la racine commune du complotisme et du factualisme critique, qui est la destruction du sens.
La destruction du sens renvoie au nihilisme. Les comploteurs immanentistes qui ont manigancé le 911 pour sauver le système financier aberrant de la crise dans laquelle il s'enfonce irrémédiablement sont aussi nihilistes que leurs pseudo-adversaires critiques qui prétendent les contrecarrer. Dans le fond, tout ce petit monde entend maintenir et sauvegarder les lois du système immanentiste.
a) Les critiques sont des immanentistes idéalistes qui pensent qu'il est encore possible de sauver le système par l'adjonction impossible de vérité - sans s'aviser que le fait d'en rester aux faits interdit le recours à la vérité pour sauver le système.
b) Les créateurs des valeurs comploteurs sont des immanentistes pragmatiques qui se croient au-dessus des hommes en ce qu'ils créent les valeurs remplaçantes des dieux ou de Dieu.
On mesure à quel résultat catastrophique aboutit la théorie du surhomme créateur des valeurs, théorie qui remplace le divin en ce qu'elle prend acte de la mort de Dieu : à la légitimation des complots comme incarnation politique et sociale de la légitimation du mal, de l'immoralisme et de la violence au nom de leur positivité et de leur caractère supérieur et dénié. C'est le phénomène aberrant du renversement de toutes les valeurs, qui aboutit à la mutation impossible en religion et à la folie de son promoteur principal, le maudit et maléfique Nietzsche, dont les moustaches proéminentes et farfelues indiquent mieux qu'une fastidieuse symptomatologie psychiatrique le dérèglement programmatique.
8) Je passe de côte toutes les théories véritablement délirantes qui s'appuient sur des causes non humaines et non avérées, comme c'est le cas dans le 911 des promoteurs des extraterrestres ou des reptiliens (race extraterrestre qui aurait essaimé sur Terre et qui dominerait secrètement l'humanité). Tant qu'on n'aura pas prouvé l'existence des extraterrestres ou des reptiliens, on n'aura avancé que des délires sur la question du 911. Je ne dis pas que les extraterrestres n'existent pas a priori, mais qu'en l'absence de toute preuve de leur existence sur Terre, il est rigoureusement impossible qu'il soient les auteurs du 911. En conséquence, le 911 est jusqu'à preuve du contraire un complot exclusivement humain, dont les acteurs sont humains. Ni reptiliens, ni extraterrestres - ou que sais-je. Il va sans dire que la présentation de délires irrationnels et non étayés sert grandement les tenants de la VO, qui répondent face aux critiques pourtant légitimes qu'ils ont au moins le mérite de proposer une explication humaine. Explication fausse, mais plausible. Seulement plausible - en réalité impossible.
9) Face à tous ces amoncèlements de réductions et de miettes, au sens où la vérité est éclatée, fragmentée, dégénérée et dénaturée, je ne connais qu'une explication politique cohérente et vérifiable sur le 911. Cette explication en particulier est la seule à proposer une interprétation qui englobe tous les faits cohérents précédemment cités sans les disséminer et sans proposer de théorie fausse et souvent haineuse (sur le modèle du tendancieux complot sionisto-juif, étant entendu que l'implication d'éléments sionistes est une certitude, mais que la supercherie principale consiste à prêter à ces factions désaxées un rôle suprême qu'ils n'ont pas et qui protège les réels commanditaires). Je ne prétends nullement que cette explication soit la vérité finale, ne serait-ce que parce qu'il coule de source que l'homme en tant que créature n'a pas accès à la vérité intangible, objective et définitive.
J'affirme seulement qu'en l'état actuel de mes connaissances, elle est la plus cohérente, la plus vérifiable et la plus plausible. Elle a le mérite de conférer une portée politique à un acte qui ne vaut que si on lui restitue son environnement politique global. Par ailleurs, ce blog analyse la dimension philosophique et religieuse du 911 :
- philosophique : l'avènement de l'immanentisme terminal;
- religieuse : l'effondrement diabolique des Tours préfigure à l'effondrement de l'Occident chapeauté par l'impérialisme financier (spécifiquement des factions de l'Empire britannique).
Cette explication émane du mouvement politique lancé par l'économiste autodidacte américain LaRouche. On ne s'étonnera pas des polémiques et des persécutions qu'a subies cet individu quand on s'avisera qu'il est le seul depuis l'après-guerre à avoir compris avec acuité l'impasse du monétarisme économique (notamment en prévoyant l'issue de ce monétarisme débridé et inconséquent).
C'est suite à ces prévisions économiques vérifiables qu'il a compris que le monétarisme était le terme spéculatif financier qui abritait les menées impérialistes des factions financières constituant l'Empire britannique. C'est seulement à partir de la compréhension des mécanismes financiers de cet Empire britannique que l'on peut comprendre les causes du 911, les acteurs et les conséquences. A tous ceux qui n'ont pas compris la portée politique du 911 (je laisse de côté son impacte religieux pourtant supérieur) : si vous pensez follement que le 911 n'est qu'un coup passé et terminé, un coup d'épée dans l'eau comme dirait Nabe, demandez-vous pourquoi il est l'explication de la guerre contre le terrorisme et le prétexte de la stratégie sécuritaire actuelle, qui n'est autre que l'action terminale et caduque de l'impérialisme sur le point de disparaître - victime de se propres maux.

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