lundi 30 novembre 2009

Comment t'erres

"Il ne s'agit pas du tout d'un droit du plus fort; mais plus fort et plus faible sont tous deux en ceci identiques qu'ils étendent leur pouvoir autant qu'ils peuvent."
Nietzsche, FP IX, 12 [48].

J'écoute Wotling qui est un des grands commentateurs reconnus et célébrés de Nietzsche en France - encore un brillant Normalien de la rue d'Ulm. Wotling vient de publier un commentaire de Nietzsche qui fera date pour au moins les trois prochains mois : Nietzsche, Le Cavalier bleu, collection Idées reçues, numéro 192 (septembre 2009).

Wotling incarne ainsi la confusion poussée au paroxysme entre l'historien de la philosophie et le philosophe. L'historien de la philosophie ou le commentateur est un répétiteur dans tous les sens du terme. Il ne crée pas d'idée au sens classique (platonicien), il répète les idées des philosophes reconnus (plus que moins) du passé. Le commentateur est quelqu'un qui prétend apporter une critique neutre, juste et lucide du philosophe qu'il commente. En réalité, il n'en est rien.
1) Il est très rare de tomber sur des commentateurs qui critiquent l'œuvre, c'est-à-dire qui jugent, évaluent et donnent leur avis, y compris par des critiques négatives et polémiques. En général, les travaux de commentaire servent à louer et à montrer la qualité quasi irréfutable de l'œuvre étudiée. Sans doute cette laudation hyperbolique permet-elle au commentateur de voir rejaillir sur sa propre entreprise purement répétitive une part du prestige qu'il attribue à l'œuvre commentée.
L'intervention de Wotling sert à énoncer que Nietzsche est un génie incompris, de ce fait injustement mal compris et mal commenté. A aucun moment, le propos n'émet une critique. Il se contente d'une positivité constante qui au final ôte la signification - sinon l'idée que Wotling comme ses congénères les commentateurs officiels est un fayot à failles, soit quelqu'un qui dit toujours du bien. Wotling : un commentateur qui vous veut du bien. Un historien qui vous veut du - rien. Dire toujours du bien revient à ne rien dire du tout. De ce point de vue, les failles de Wotling illustrent la faillite de la critique académique qui consiste à mécritiquer sous prétexte de critiquer, soit à louer de manière dithyrambique.
2) Les commentateurs ont le travers second de partir du postulat selon lequel la critique objective qu'ils incarneraient correspond miraculeusement aux valeurs du système académique dans lequel ils brillent. La valeur de l'académisme devient plus que suspecte quand on s'avise que les productions des commentateurs reconnus sont de pures répétitions, soit des œuvres académiques, desquelles est exclue toute forme de création et de philosophie. Ainsi de Wotling qui brille en tant que commentateur émérite de Nietzsche.
En l'occurrence, Wotling juge la pensée de Nietzsche en fonction des valeurs du système libéral démocratique dominant en France à notre époque. Du coup, il fait correspondre les valeurs de Nietzsche avec les valeurs démocratiques, ce qui ne manque pas de sel quand on connaît les engagements antidémocratiques et aristocratiques de Nietzsche (quand bien même l'aristocratie de Nietzsche désigne une création de valeurs et une dimension artistique).
Après Nietzsche le postmoderne gauchiste selon Deleuze, Nietzsche devient un libéral tiède et convenable tendance Wotling. Les raison de l'adoption de Nietzsche par les critères académiques du système immanentiste tiennent au fond au fait que Nietzsche est un philosophe immanentiste dans une période d'immanentisme. Nietzsche est le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré - en quoi Nietzsche est un philosophe très particulier et Wotling a grand tort de vouloir opposer le Nietzsche philosophe au Nietzsche non-philosophe, un manichéisme puéril qui cache le vrai visage de Nietzsche le nihiliste exalté et postromantique.
Venons-en au contenu de l'intervention de Wotling. Notre brillant commentateur qui est un perroquet savant affiche une diction si châtiée qu'elle confine au châtré. Il commet un petit livre dans lequel il explique, sans aucune prétention n'est-ce pas, qu'il va démystifier les préjugés populaires qui courent sur Nietzsche. Cette démarche signifie rien moins que notre Wotling national estime personnifier la vérité ultime et définitive sur la pensée de Nietzsche.
A tous les lecteurs de Nietzsche : si vous voulez comprendre Nietzsche, lisez le commentateur du sérail, coopté et reconnu par le sérail. Il vous expliquera la vérité et dissipera vos malentendus. C'est un esprit supérieur, qui fait de la répétition un chouïa mécanique et stéréotypée, mais supérieure. La preuve : ses diplômes académiques sont du meilleur crû. La prétention de Wotling confine à la démesure grecque. Sous son air de commentateur lisse et serein, posé et calé (dans tous les sens du terme), nous avons affaire à un porte-parole du dogmatisme systémique : si vous escomptez comprendre Nietzsche, mes petits cocos, adressez-vous à ma science sans égale. J'incarne la vérité sur Nietzsche. Enflure de l'égo : propension à se croire supérieur, voire indispensable. On commence par enfler, on finit en enflure? L'excellence académique de Wotling ne lui fait pas seulement oublier l'essentiel de sa condition de commentateur : il n'est pas philosophe. Elle le pousse aussi à se croire la voix autorisée sur Nietzsche.
C'est l'Éternel Retour de la dictature sorbonnarde de la pensée académique, typiquement scolastique. Au secours! Par dons! Notre brillant Normalien de la rue d'Ulm n'est pas seulement le détenteur de tous les plus beaux diplômes du monde (euh : de France); il est aussi le summum de la bêtise dogmatique travestie en scientificité historique et objectivité commentatrice. Quand on a compris qu'on écoutait pérorer un scoliaste de la Sorbonne, un superscoliaste hypertrophié au sentiment grisant d'être le commentateur des commentateurs, l'hypercommentateur, on reliera la passion nietzschéenne de Wotling au passé philologique de Nietzsche: être le commentateur d'un philosophe-philologue, c'est le comble du commentateur sur-diplômé.
Être brillant et creux à la fois, pour pasticher un grand chanteur belge de langue française, dont la tendresse touchante n'a d'égale que l'exaltation sombre. A l'aune de cette méthode scolastique et académique, qui consiste à répéter sans jamais inventer, on tient la première vérité qui explique pourquoi le commentateur-scoliaste prétend d'autant plus à l'objectivité translucide qu'il déforme grossièrement le penseur qu'il commente : il appauvrit la pensée en la tirant du côté de ses présupposés implicites et inavouables.
Le seul moyen de produire un commentaire critique de qualité consiste à critiquer à partir de sa propre pensée. On a donc deux critiques déformantes : l'une créatrice; l'autre répétitive. D'où une vérité qui n'est guère réjouissante pour les scoliastes et les sorbonnards de tous poils : le meilleur moyen de lire une œuvre consiste à la déformer de son point de vue. La lecture est formation à condition qu'elle déforme. La lecture ne forme que si elle vous forme. La lecture ne forme que si elle enrichit et incite à la création. Une bon auteur est un créateur qui incite à la création. De ce point de vue, Nietzsche est un bon auteur - Wotling une perte de temps si on le lit comme il le voudrait, au pied de la lettre.
Le lecteur tient ce que l'académisme dominant nomme non sans emphase pompeuse la rigueur : le fait de répéter purement tout en reprenant les valeurs du système. Être plus capable de répéter systémiquement les codes académiques que de répéter les idées du penseur commenté. La répétition-déformation aboutit au pire contresens : l'objectivé sert la médiocrité, celle qui consiste au nom de l'esprit critique à biffer l'esprit critique et à ne conserver qu'un assentiment de surface et de façade.
Une fois que l'on a compris que Wotling était là :
- pour faire concorder Nietzsche avec le système démocratique et libéral;
- pour défendre inconditionnellement le point de vue de Nietzsche (en le conciliant avec le point de vue dominant),
on peut s'apprêter à analyser son propos. Wotling prétend dans cette vidéo critiquer les préjugés concernant deux notions-phares de Nietzsche : la volonté de puissance et la définition des forts. Je laisse le lecteur juger des arguments énoncés dans la vidéo et me reporte au commentaire même de Wotling. En particulier, je me suis exclusivement centré sur l'examen des plus forts, dont Wotling entend démystifier les préjugés. Nous allons constater de quelle manière il procède et de quelle manière il déforme.
Les spécialistes de Nietzsche sont à l'aise pour dissiper les malentendus quant à l'œuvre du philosophe allemand dans la mesure où Nietzsche a été outrageusement repris et déformé par les nazis et les nationalistes de tous bords. Questions auxquelles les commentateurs chevronnés ne répondent jamais (et pour cause) : comment se fait-il que Nietzsche ait été toujours déformé par les mêmes extrémistes nationalistes à dominante néo-nazie? Comment se fait-il que le penseur emblématique du nazisme, quoiqu'il l'ait désavoué de la plus ambiguë des manières, le fameux Heidegger, ait consacré tant de temps à analyser l'œuvre de Nietzsche?
Outre cette première impasse que les commentateurs se gardent bien de critiquer, sans quoi ils feraient de la vraie critique et non de la répétition systémique, Wotling et ses acolytes clonés et perfusés sur le même moule se livrent à une seconde impasse qui est un véritable sens interdit : Nietzsche ne saurait être critiqué dans le sens où il aurait commis des erreurs idéelles et logiques. Horreur! Damnation! Le critère de la vérité des historiens de la philosophie a été livré par Deleuze avant qu'il se jette par une fenêtre un jour de vieillissement désespéré (le jour où il s'est aperçu qu'il avait trahi son destin de glorieux sorbonnard pour un rôle de méchant philosophe spinozo-nietzschéen?) : la vraie logique est interne. Une œuvre qui est cohérente à l'intérieur de sa structure est une œuvre rigoureuse et logique.
A ce compte, on peut tout légitimer et l'on ne peut jamais se montrer en désaccord puisque la seule critique valable est extérieure et novatrice. La vraie critique de Schopenhauer est celle de Nietzsche, plus que celle du commentateur de Schopenhauer qui se contente de le répéter; et de ce point de vue la critique de Nietzsche est plus riche de sens que la critique d'un Rosset.
Quant à la critique de Wotling, nous allons en prendre l'archétype métonymique dans le chapitre premier de la troisième partie. La technique argumentative de Wotling consiste sous couvert de pratiquer la critique des idées reçues à enfoncer des portes ouvertes. Il s'attache à démystifier les plus caricaturales des idées reçues, ce qui constitue par ricochet une caricature de critique sous prétexte de critiquer la caricature. La troisième partie s'intitule "Nietzsche est un apologiste de la force brutale", ce qui est une curieuse manière de définir la force et qui constitue le meilleur moyen de réfuter une idée stupide et aberrante.
Quand on parle de droit du plus fort, ou de loi du plus fort, on ne désigne presque jamais la force brutale, qui renvoie à la force physique. Nul besoin de pratiquer une critique anthropologique détaillée pour s'aviser que ce n'est pas la force physique qui gouverne les relations humaines. En se référant au plus grand des philosophes, qui est l'ennemi de Nietzsche, mais que Nietzsche a échoué à détrôner, ce qui mériterait un vrai questionnement, à ce Platon qualifié de précurseur (élitiste) du christianisme, on tient un texte qui aborde ce sujet. Le Gorgias envisage plusieurs points de vue qui défendent la loi du plus fort. A ma connaissance, aucun des adversaires de Socrate ne défend la loi du plus fort en tant que force physique pure. Personne de conséquent ne défend le principe de force physique pure.
Wotling nous distraie avec des simplismes rebattus. Platon montre que la loi du plus fort s'appuie sur des arguments irrationnels (discours toujours changeant et cassant de Calliclès) et masqués (éloge de la rhétorique et des beaux discours de Gorgias). Quant au premier chapitre de Wotling, il s'intitule "Nietzsche méprisait les faibles et défendait le droit du plus fort". Toujours la mascarade sous couvert d'esprit critique.
Si le droit des plus forts désigne la force physique, c'est une imposture caractérisée. S'il désigne les forts dans le vocabulaire nietzschéen, ne perdons pas de temps à ergoter et considérons ce que Wotling nous explique sur les forts et les faibles. Au passage, je ne sais au juste si Nietzsche méprise les faibles, mais il n'est pas loin de ce sentiment et le moins qu'on puisse insinuer, même face à un ratiocineur qui joue sur les mots sous prétexte de les analyser, c'est que Nietzsche considère de manière négative les faibles.
Venons-en à l'explication de Wotling contenue dans ce passage. Wotling recommence avec sa manie de la déformation : "Interpréter le premier traité de la Généalogie de la morale dans le sens d'une apologie de la violence, d'une admiration pour la brutalité et d'une glorification de l'agression est irrecevable". C'est typiquement la déformation proto-nazie que Wotling s'empresse de critiquer. La technique rhétorique consistant à prêter au point de vue adverse des positions caricaturales faciles à démystifier est bien connue des propagandistes (et des analystes des techniques de propagande).
Wotling continue à enfoncer des portes ouvertes en nous expliquant à plusieurs reprises que la force et la faiblesse sont "des termes strictement relatifs" qui désignent la santé et la maladie : "La terminologie de la force et de la faiblesse (...) permet de dire, et veut dire de manière primordiale, bien plutôt l'évaluation en termes de santé et de maladie, que la potentialité ou le degré de brutalité susceptible de s'exprimer". Wotling continue à répondre à une fausse objection (le droit du plus fort est d'ordre physique), alors que la vraie objection est précisément que le droit du plus fort ne s'apparente pas (selon Platon en particulier) à la force physique et à ses corollaires synonymes.
Qu'entend alors Nietzsche par force? "La force désigne un pouvoir d'organisation et de contrôle de ses propres pulsions, bref de maîtrise de soi, et non de déchaînement". "La force véritable (...) se dévoile dans le calme, voire le choix de se tenir à l'écart." Wotling en déduit : "On notera au passage l'opposition très significative de la force réelle à l'inclination à dominer." Ah bon? Wotling cite pourtant un passage d'Aurore dans lequel Nietzsche lance : "J'ai trouvé la force là où on ne la cherche pas, chez des gens simples, doux et affables, sans la moindre inclination à dominer - et inversement, l'inclination à dominer m'est souvent apparue comme un signe interne de faiblesse. [...] Les natures puissantes dominent, c'est une nécessité, elles ne remueront pas le petit doigt. Et même si elles s'enterrent toute leur vie dans un pavillon au fond d'un jardin."
En gros, avec le recours aux italiques, Nietzsche nous explique que les faibles dominent par la violence quand les forts dominent autrement, par une domination nécessaire, qui n'est pas définie plus précisément. La conclusion de Wotling sur l'opposition entre force réelle (non définie) et inclination à dominer (définie comme domination violente) est spécieuse, surtout si on évoque l'existence d'une domination des forts opposée à la domination des faibles.
En d'autres termes, le commentateur brillant et diplômé Wotling nous explique sans sourciller que ce qui est n'est pas et que ce qui n'est pas est. Désolé, nous ne validerons pas sa démonstration sophiste au motif qu'il est bardé de diplômes. Au contraire, nous en conclurons que son brillant lui confère une technique de commentateur qui le contraint à mal philosopher sous prétexte de prendre la défense de son auteur chéri. En fait, l'absence de définition de la force et l'absence de distinction entre les forts et les faibles renforce la critique qu'opère Platon de manière prémonitoire.
Selon Platon, la définition de la force repose sur l'irrationalisme et le propre du droit du plus fort est d'avancer dans le déni et sous le masque. Nietzsche dresse l'éloge du masque. Wotling aura beau clamer partout que ce n'est pas du tout ce que l'Incompris des esprits de plomb voulait dire, patati patata, la réalité, c'est que Nietzsche reprend point par point l'argumentaire dévoyé de Gorgias et des sophistes. Ce que Nietzsche définit comme la force n'est pas défini, ce que Nietzsche définit comme la faiblesse n'est pas défini et n'est pas distingué de la force.
Wotling entérine une définition forcée de la force. Rappelons que Wotling lui-même évoque le relativisme des valeurs de Nietzsche, position qui est celle des sophistes et des nihilistes. Nous retombons sur nos pieds et nous remettons du sens là où le sophisme nage dans la confusion et l'amalgame. Quant à la définition de la santé selon Nietzsche, la santé du fort est une notion circulaire, au sens où elle ne définit rien et renvoie aux valeurs imprécises analysées précédemment. Les analystes de la santé sont incapables de définir ce qu'est la santé de manière précise et finissent par avouer que la conception de la santé est arbitraire - fort relative.
L'irrationalisme de Nietzsche est validé par le commentateur Wotling à force d'explications favorables et acritiques. Le pompon est atteint quand Wotling prétend réfuter le droit du plus fort au nom du fait que la force et la faiblesse désigneraient des états universaux relatifs à l'homme : "Plus forts ou plus faibles, tous les vivants participent d'une même réalité dont Nietzsche montre qu'elle est toujours caractérisée par la tendance à l'intensification, à la victoire sur les obstacles rencontrés - ce que veut désigner la formule de volonté de puissance."
Désolé, mais cette phrase comme les explications antérieures de Wotling montre qu'il existe un droit du plus fort au sens où les plus forts et les plus faibles participent d'une même réalité. Qui a dit que le droit du plus fort consistait à ne pas participer à une même réalité? Wotling s'enferre et s'enferme dans ses distinctions oiseuses. Quand il avance que "l'idée de prendre parti pour un droit du plus fort est purement dénuée de sens chez Nietzsche puisqu'elle contredit la réalité même", Wotling se contredit ostensiblement, lui qui dans la phrase précédente reconnaît explicitement l'existence de plus forts et de plus faibles au sein de la réalité unique selon Nietzsche.
Le droit du plus fort désigne chez Nietzsche le droit du plus fort selon Nietzsche - et je m'excuse pour cette évidence un brin tautologique, mais nous nous situons chez Nietzsche dans l'univers de la tautologie, ce qu'a bien remarqué à rebours Rosset. On ne voit pas en quoi le droit des plus forts contredirait le principe d'une réalité unique, y compris dans une conception de la force physique ou dans un sens de violence qui reste à préciser - et qui ne l'est nullement.
Pour finir ce chapitre de démystification partiale, Wotling aborde la notion de surhomme qu'il réfute pour lui préférer l'appellation de surhumain. Je n'examinerai pas ce qu'il en dit, car c'est assez redondant dans la distinction pompeuse entre surhomme et surhumain. Je sais bien que les nazis ont déformé le surhomme et l'ont rapporté à leurs conceptions guerrières et destructrices, mais ce n'est pas parce qu'on change de nom qu'on change la réalité que ce nom désigne. Wotling se rend-il compte qu'il propose de fausses définitions à partir de déplacements arbitraires et non définis de noms?
Laissons là le surhomme/surhumain sachant que Wotling n'a pas été en mesure de définir la force au sens nietzschéen et qu'il s'est contenté d'une définition négative : la force n'est pas la force physique. Surtout pas! Merci. La pluie n'est pas le feu et ne brûle pas. La pluie mouille. Ouille! Aïe! Au secours! Je suis fatigué - de ces commentateurs qui usurpent le nom de philosophe pour opérer un travail de brouillage diacritique dont le but premier est de louer le philosophe examiné - et le but principal et implicite est de relier les valeurs exceptionnelles et incomprises du philosophe avec les valeurs dominantes du système en question.

vendredi 27 novembre 2009

Le mythe du juif athée

L'idéologie sioniste vise à transformer une religion à l'identité incertaine (sans connotation péjorative) en une idéologie à l'identité dégénérée.

http://www.alterinfo.net/Pourquoi-tant-de-Juifs-athees_a39698.html


Cet article pose le problème de la mutation du judaïsme. Évidemment, le judaïsme est une religion. Évidemment, les peuples viennent des communautés religieuses. Évidemment, quand un croyant se dé-sécularise, il conserve de fortes attaches avec son passé religieux. Ce qui est dit des juifs pourrait tout aussi bien être dit de n'importe quelle croyance religieuse. Ainsi de ces musulmans qui ne croient plus, ou, fait moindre, qui ne pratiquent plus. Le phénomène de dé-sécularisation est un processus qui s'étend sur des générations. A l'échelle d'un individu, ce processus ne peut être pris en compte de manière significative.
Le judaïsme n'est pas une religion comme les autres. Nous avons des religions polythéistes et des religions monothéistes. Le judaïsme est une religion de l'entre-deux, une religion à cheval entre polythéisme et monothéisme. Le judaïsme exprime l'évolution du polythéisme vers le monothéisme. Dans le processus transcendantaliste, ce bouleversement intervient suite à l'unification de l'homme, de la tribu vers l'humanité. Le judaïsme fait partie de ces religions qui partent du polythéisme assez classique et qui évoluent à l'intérieur de leurs standards vers le monothéisme.
Dans l'histoire du monothéisme balbutiant, de nombreuses religions évoluent vers le monothéisme. Le signe le plus fort est encore le polythéisme égyptien qui devient un monothéisme sous le règne du Pharaon Amenhotep IV ("satisfaction d'Amon"). Ce pharaon se convertit en Akhenaton (soumis à Aton, le Créateur des cieux et de la terre). Akhénaton régna au quatorzième siècle avant notre ère chrétienne et mourut empoisonné par une conspiration des prêtres traditionnels demeurés dans leur ville de Thèbes.
La lecture de Sigmund Freud rapproche Moise qui grandit en Égypte de la tradition d'Akhénaton.
http://classiques.uqac.ca/classiques/freud_sigmund/moise_et_le_monotheisme/moise_et_monotheisme.html
En tout cas, quels que soient les suppositions et les rapprochements, la vie de Moïse se déroule dans la tradition et la filiation directes d'Akhenaton, entre le douzième et le treizième siècles avant notre ère. S'il n'est pas certain que Moïse soit le disciple d'Akhenaton, voire Akhenaton lui-même pour les interprétations les plus osées, il évolue dans la mentalité qui bouleverse le polythéisme et qui adapte le religieux à l'évolution humaine. Le polythéisme est l'élan religieux qui permet à l'homme de croître et de s'accroître. Il est inévitable que le polythéisme en croissant finisse par atteindre sa limite et par connaître une crise majeure.
Moïse surgit à cette époque de crise et est un pionnier religieux. C'est pourquoi les traditions issues du judaïsme le considèrent comme un prophète, en particulier les deux monothéismes universels que sont le christianisme et l'Islam. Comme Akhenaton, Moïse finit selon une hypothèse lui aussi assassiné, ce qui tendrait à indiquer que les pionniers du monothéisme sont persécutés du fait de leur innovation. On est incompris au nom de son originalité novatrice et non pas au nom de ses fautes incriminées.
Les conservateurs vous haïssent pour l'originalité de votre mentalité par rapport à votre époque, non pour vos faiblesses et vos aveuglements. Ce sont les pharisiens qui persécutèrent Jésus au point de participer à sa crucifixion, décidée en commun accord avec le Grand Sanhédrin et les autorités impérialistes de l'époque (l'économiste américain LaRouche ajoute que Ponce Pilate était le mari de la nièce de l'Empereur Tibère et que ce sont les prêtres du culte de Mithra installés sur l'île de Capri qui ont exigé la mise à mort de Jésus).
Signe que le judaïsme est une religion de l'entre-deux, entre polythéisme et monothéisme, les traditions juives hésitent avant Moïse entre Elohim (pluriel ambivalent) et Yahvé. La figure patriarcale et tutélaire d'Abraham le père du monothéisme tend à montrer que le polythéisme connaît de sérieux soubresauts et annonce avant Moïse le monothéisme. Abraham est fort probablement un personnage mythique, qui n'a aucune historicité et qui est le père symbolique des Sémites.
Abraham est reconnu par les deux monothéismes que sont le christianisme et l'Islam (qui l'appelle Ibrahim). Face aux traditions chrétienne et musulmane, le judaïsme apparaît comme une religion de la transition, qui se manifeste par l'extrême mystère de son identité avant le christianisme et par la volatilité de ses traditions. Le judaïsme que nous connaissons a évolué au cours des siècles, y compris après le christianisme. Cette évolution correspond à des changements importants. Le judaïsme des premiers siècles chrétiens pratiquait encore la conversion et le prosélytisme.
Le triomphe dogmatique du christianisme sur le judaïsme dans le bassin méditerranéen se manifeste par la fixation de la tradition juive en un monothéisme proto-tribal, qui empêche la conversion et qui cristallise le peuple annonciateur de Dieu. Le judaïsme devient une communauté religieuse plus ou moins figée avant le stade de la conversion universelle. Le mythe du peuple élu d'Israël est à double entente, puisqu'il peut donner lieu à certaines formes de supériorité mal venue - comme à une exigence supérieure de foi.
La stabilisation du judaïsme avant le stade véritablement monothéiste et après le stade polythéiste est un double signe :
1) d'une part, elle signifie que le judaïsme n'est pas un monothéisme universel, mais une religion de l'entre-deux;
2) d'autre part, elle indique que le judaïsme est une forme religieuse condamnée, puisqu'elle est indexée sur les deux monothéismes universels et que le changement de forme religieuse annonce ipso facto sa caducité.
Un indice de cette régression exprimée dans la stabilité impossible est l'intervention du porte-parole mitterrandien de la synarchie bancaire, le sioniste ultra-libéral Jacques Attali, qui explique sans sourciller ni ciller que le mouvement juif est en train de perdre démographiquement et socialement du terrain et que la question de la démographie israélienne est des plus urgentes (face notamment à l'explosion de la natalité palestinienne).

3) enfin, la position d'entre-deux du judaïsme prive la religion juive d'une forme bien précise, soit d'une identité définissable. C'est la principale raison des persécutions inadmissibles et abominables qui ont entaché le judaïsme sur les terres majoritairement chrétiennes ou musulmanes. Il est intéressant de constater que la privation d'identité claire engendre l'absence d'identité géographique, avec le mythe du juif errant et l'explication des persécutions notamment chrétiennes contre le peuple déicide : les communautés juives n'ont pu vivre dans les persécutions constantes que parce qu'elles n'avaient pas de terre et qu'elles étaient des communautés minoritaires incluses dans des communautés majoritaires, notamment chrétiennes et musulmanes.
La revendication sioniste intervient à ce stade : donner une terre à un peuple sans terre. Du coup, on procède à un mensonge géographique et religieux. La filiation religieuse est déconnectée de la filiation géographique. L'insigne majorité des Israéliens, en particulier les communautés ashkénazes et séfarades, ne viennent pas de la terre d'Israël, comme le démontre notamment l'historien israélien Shlomo Sand. L'idéologie sioniste vise à transformer une religion à l'identité incertaine (sans connotation péjorative) en une idéologie à l'identité dégénérée. Une idéologie est la mutation d'une idée classique (au sens platonicien) en une idée prévisible et figée. Politiquement, la mutation idéologique se manifeste par le passage du peuple vers la faction.
La faction serait-elle fiction? Le meilleur exemple que l'on pourra invoquer pour illustrer cette dimension bancale de l'idéologie se trouve dans Marx, qui ne conçoit le changement qu'en des termes linéaires et matérialistes. Le mécanisme de l'idée moderne renvoie dans l'Occident chrétien (et romain) aux travaux d'Aristote, selon qui l'univers est fini. On retrouve sous une forme encore plus réduite (à des questions seulement commerciales, voire économiques) cet aspect de l'idéologie dans le libéralisme, soit l'idéologie de légitimation et d'apologie sympathique de l'impérialisme britannique (qui réduit les problématiques idéologiques à des considérations purement économiques, soit à une réduction de la question politique au commerce).
Le sionisme est une idéologie qui mélange les traditions idéologiques, entre les collectivismes, le libéralisme conservateur et le fascisme cataclysmique. Surtout, le sionisme indique le passage d'une identité religieuse à une identité idéologique. Il est vrai que les idéologies descendent de traditions religieuses et que la spécificité idéologique du sionisme est de prétendre conjuguer l'identité religieuse et l'identité géographique, alors que les autres idéologies partent d'une tradition qui a déjà effectué le travail en Occident depuis la Renaissance et les Lumières). La récupération manifeste (et impossible) du judaïsme par le sionisme est évocatrice.
On mélange sous la notion fourre-tout et du coup nauséabonde de peuple le peuple d'origine religieuse et le peuple d'origine géographique (le médiatique et consternant BHL présente régulièrement cet amalgame grossier en France sans être le moins du monde attaqué). Suite à cette confusion, on peut entretenir et attiser les haines, à partir du moteur de la haine : la question de l'identité. L'identité première est religieuse. Du coup, les deux dernières questions de Mounadil Djazaïri sont imparables : la confusion entre l'athéisme et la croyance religieuse ne peut être entretenue que suite au coup de force idéologique sur l'identité (se réclamer d'une religion pour évincer le religieux de l'identité).
Le racialisme du sionisme est un aspect qui sans être obligatoire est en arrière-plan latent : sans rappeler que l'actuel Premier ministre est proche par sa famille et par ses idées du sioniste fasciste Jabotinsky, il va de soi que la confusion entre religion et idéologie sert la notion toute impérialiste de domination. Contrairement à un préjugé entretenu avec complaisance selon lequel ce sont des juifs qui gouvernent le monde, par le truchement notamment des actions financières, l'impérialisme du sionisme renvoie à l'impérialisme dont il découle historiquement, l'Empire britannique.
Le raisonnement est simple : si les idées sont finies, si l'on se meut dans un réel fini, alors c'est la domination qui l'emporte; c'est la loi du plus fort qui l'emporte. Dans cette conception religieuse, le racialisme du sionisme extrémiste n'est jamais que la conclusion fasciste de la mentalité impérialiste, oligarchique, qui s'appuie sur une représentation fausse du réel. C'est cette conception dévoyée qui aboutit à la revendication sioniste de la terre d'Israël pour les juifs.
C'est cette conception dévoyée qui porte en elle le curieux oxymore du juif athée qui est impossible si le juif définit le religieux et qui n'est envisageable que dans une conception fausse du judaïsme, selon laquelle le juif serait un peuple issu de l'État-nation moderne et sans lien direct avec la religion. Ce postulat sioniste mensonger est criard parce que le sionisme est l'idéologie manipulée par l'idéologie libérale - car n'ayant pas effectué un travail préparatoire de déreligionisation (également palpable dans l'itinéraire de la laïcisation).
Si tant sonne faux dans la terminologie sioniste, c'est que le sionisme est une idéologie reposant sur l'erreur, contrainte d'évoluer et de s'adapter au réel - si elle ne veut pas s'auto-détruire, comme le constatent les observateur stratégiques les plus lucides. C'est un paradoxe prévisible que les plus efficaces destructeurs du sionisme (et/ou d'Israël) sont les factions sionistes extrémistes, et non pas les adversaires des sionistes, au premier rang desquels les Palestiniens le plus souvent délogés manu militari de leur terre. La seule issue pour le sionisme réside dans un État unique et une solution de type sud-africain, qui dissolve le sionisme dans la réalité historique et religieuse. Toujours est-il que la déclaration citée par Mounadil Djazaïri d'un rabbin rappelle ce qu'est l'immanentisme.
C'est un processus qui tend à transformer les religions instituées en idéologies de type laïc et post-religieux selon la mentalité immanentiste qui transforme le religieux depuis les Révolutions modernes. Dans ce schéma où l'immanentiste laïc est fier de se sentir supérieur au religion, d'avoir dépassé les religions, au sens nietzschéen, le judaïsme en tant que religion de l'entre-deux, en tant qu'identité impossible, est le laboratoire idéal de la transformation. Laboratoire immanentiste qui prétend transformer les religions établies (de type transcendantaliste) en religion immanentiste (de type nihiliste). Laboratoire impérialiste qui utilise l'identité religieuse du peuple pour servir les intérêts des factions financières - du fat de cet assujettissement, la destruction des peuples se fait au nom de la nouvelle identité des factions.

mercredi 25 novembre 2009

Vers le libéral-fascisme : bouton de crise

«Le fascisme est absolument opposé aux doctrines du libéralisme, à la fois dans la sphère politique et dans la sphère économique.… L'État fasciste veut gouverner dans le domaine économique pas moins que dans les autres; cela fait que son action, ressentie à travers le pays de long en large par le moyen de ses institutions corporatives, sociales et éducatives, et de toutes les forces de la nation, politiques, économiques et spirituelles, organisées dans leurs associations respectives, circule au sein de l'État.»
Benito Mussolini, La Doctrine du fascisme, 1935.

Le fascisme réconcilie les tendances libérales dans la violence.

Traditionnellement, on a tendance à opposer le fascisme au libéralisme - et à tenir l'horizon dégagé. Les jeunes gauchistes paumés sont soulagés d'apprendre que le fascisme est aussi l'ennemi des idéologies collectivistes comme le socialisme et le communisme. Tous les bons, surtout les rebelles, sont contre les fascistes et acceptent pour ce fait de gloire universelle d'être réunis avec les libéraux de droite.
La vérité, c'est que le fascisme et le libéralisme appartiennent au même mouvement politique de réduction économique (histoire qu'on ne puisse remonter au statut politique), qui est l'impérialisme. Il faut tenir ces deux termes pour complémentaires. Quand l'impérialisme fonctionne, il est libéral. Quand il entre inévitablement en crise, il vire vers le fascisme. Reprenons la classification entre libéralisme progressiste et libéralisme pragmatique : le progressiste recoupe les idéologies collectivistes et généralistes comme le communisme ou le socialisme. Le pragmatique recoupe ce qu'on nomme généralement le libéralisme conservateur et qu'on appelle de plus en plus improprement la droite.
Il n'aura échappé à personne qu'en cette période de crise et d'indistinction, le libéralisme a envahi la gauche anciennement progressiste au point que les différences entre socialistes et conservateurs libéraux ne sautent pas aux yeux. Il est prévisible que l'impérialisme entre en crise parce que le mode de fonctionnement de l'impérialisme n'est pas pérenne. Un système fondé sur la domination appelle les crises et enseigne la gestion des catastrophes. Le libéralisme est un impérialisme travesti en doctrine de la liberté. C'est une liberté typiquement finie et impérialiste, théorisée par les écoles de la Compagnie des Indes anglaise.
Le libéralisme est le masque libre de l'impérialisme moderne. Vive l'impérialisme libre! La démocratie libre! La liberté libre? Dans cette acception, le progressisme libéral est incarné en premier lieu par Marx, qui n'est pas l'adversaire du libéralisme, mais qui est un libéral prétendant réaliser et achever le dessein libéral en dépassant le capitalisme par le communisme. On tend à réduire le libéralisme à son aspect pragmatique et conservateur, mais toutes les idéologies sont libérales, y compris l'anarchisme et le libertarisme.
Le fascisme se présente comme une troisième voie entre les propositions égalitaristes et pragmatiques du libéralisme. Le coup du fascisme qui serait l'ennemi irréductible du libéralisme est une galéjade. En réalité, il est compris dans le libéralisme - comme la forme idéologique prétendant incarner le visage autoritariste du libéralisme conservateur pragmatique. Il peut paraître étonnant d'inclure Marx dans le giron libéral, mais la meilleure formule pour définir la philosophie marxienne reviendrait à un provocant : "Tout le monde peut dominer".
On mesure à l'aune de cette formule quel type d'égalitarisme est l'égalitarisme marxien. Un égalitarisme impérialiste est un égalitarisme impossible, soit un nihilisme. Quand le fascisme s'oppose au libéralisme, c'est par rapport au concept de liberté - du libéralisme. Le fascisme juge que la liberté est un concept faux en terme d'idéologie et que la raison de l'impérialisme le conduit nécessairement à la force et à la violence. Le fascisme réconcilie les tendances libérales dans la violence.
Le désaccord entre le fascisme et le libéralisme historique ne repose pas sur l'impérialisme - mais sur la définition de l'impérialisme. Le fascisme réduit l'impérialisme à sa valeur la plus violente et immédiate, jugeant que cette forme arrive tôt ou tard - et que mieux vaut tôt que tard; quand le libéralisme juge que l'impérialisme est compatible avec une certaine liberté finie. Le libéralisme historique et le capitalisme prônent une extension de la liberté finie, et inégale avec l'universalisation des sociétés inégalitaires. L'égalitarisme en termes capitalistes est impensable. Le collectivisme estime au contraire que l'égalitarisme est possible.
Raison pour laquelle l'égalitarisme s'effondre en premier : l'idée d'un égalitarisme impérialiste est la plus impossible, ridicule et fragile. Quant à l'idée d'un impérialisme inégalitariste et pragmatique, elle est fausse, car l'impérialisme ne peut s'étendre à l'ensemble des peuples. Il ne peut que s'appliquer (de manière inégalitaire) sous sa forme de libéralisme pragmatique à environ un cinquième, soit sa forme actuelle. Au-delà, c'est impérialisme le plus sauvage qui prévaut.
De ce point de vue, le fascisme est une forme lucide d'impérialisme qui considère que les formes plus ou moins humanistes ou universalistes de libéralisme sont une perte de temps. Selon le fascisme, le seul libéralisme qui vaut est adossé à la force et à la violence. Raison pour laquelle les nationalistes ont si souvent raison (quoique sur l'ensemble ils aient tort) : ils s'adossent à une vision qui identifie de manière assez explicite l'impérialisme, à ceci près qu'ils tiennent l'impérialisme pour juste - quand la lutte contre l'impérialisme est le vrai cheval de bataille de l'homme qui croit en la personne humaine.
L'opposition virulente du fascisme au libéralisme, au communisme et au socialisme est conséquente : les fascistes sont des libéraux qui excluent toute autre forme d'idéologies de leur jargon au motif qu'ils incarnent la seule forme d'impérialisme conséquent (comme les matérialistes se revendiquant tous en fonction de leur chapelle du seul matérialisme conséquent). D'une certaine manière, on pourrait oser que les seuls impérialistes à visage découvert sont les fascistes - qui proclament : l'impérialisme est violence et domination des plus forts sur les moins forts. Des plus fous aussi.
Aux yeux du fascisme, les autres formes d'impérialisme sont des pommades et des potions pour rendre le breuvage moins amer. L'identité du libéralisme à l'impérialisme est juste si l'on distingue l'idéologie libérale découlant de l'impérialisme britannique (la Compagnie des Indes de type anglais) du libéralisme en tant qu'idéologie défendant la liberté. Cette deuxième définition est superficielle et constitue une perte de temps, voire un dérivatif. Attachons-nous à ce que le libéralisme représente vraiment d'un point de vue historique et idéologique.
L'idéologie commence avec les idéologues qui prônent une conception sensualiste de l'homme. Les idéologues sont d'ailleurs des philosophes qui commencent par avancer le matérialisme ontologique et l'empirisme à la manière d'un Locke, puis qui peu à peu considèrent que les anciennes questions métaphysiques sont une perte de temps et que seule la partie politique mérite attention et concentration. Cette réduction de la philosophie à la pensée politique est incarnée par ces penseurs qui se prévalent de la pensée politique - et je pense au plus grand d'entre eux, le terrible et conséquent Hobbes.
Aujourd'hui que le libéralisme s'est réduit en terminaison ultra-libérale, la suppression de la politique passe par l'affirmation inconditionnelle et exclusive de la pensée économique. La parenté de l'ultra-libéralisme et du fascisme est un point primordial, puisque les ultra-libéraux s'étranglent quand on leur accole l'étiquette pourtant lucide de fasciste au motif qu'ils sont contre le nationalisme. C'est oublier que le vrai visage du fascisme tient dans le corporatisme économique et que de ce point de vue, les fascistes sont des ultra-libéraux, soit des utilitaristes et des pragmatiques. La petite différence entre le fascisme et l'ultra-libéralisme réside sans doute dans la différence quantitative de degré.
L'ultra-libéralisme précède de peu le fascisme effectif, en ce que l'ultra-libéralisme invoque encore de manière ambivalente la liberté (jumelée avec l'utilité), quand le fascisme n'entend plus comme fin que l'utilitarisme - le plus expéditif et violent. Dans la chaîne du libéralisme, le fascisme est au bout de la gradation, quand l'ultra-libéralisme incarne le stade précédent. Raison pour laquelle tant de théoriciens de l'ultra-libéralisme sont des modèles des fascistes contemporains. Je pense à ce Hayek, qui finit par quasiment répudier le libéralisme au motif qu'il ne s'accorde pas avec la destruction de toute forme d'État et qu'il ne concorde pas avec le modèle individualiste pur, idéaliste et fasciste (sous le visage de l'anarchisme ultra-libéral).
Le libéralisme est une forme particulière d'impérialisme en tant qu'il est la forme moderne de impérialisme. Le libéralisme est l'idéologie qui prospère partout où l'impérialisme occidental se développe. D'ordinaire l'impérialisme s'ancre dans une conception finie du fini, comme c'est le cas chez Aristote l'oligarque élève de Platon. Aristote considère que l'univers est fini et mécaniquement déterminé. Ce sera aussi pour partie le cas d'un Descartes, qui est contraint d'invoquer son deux ex machina pour sauvegarder la liberté religieuse.
Le libéralisme ajoute à l'impérialisme traditionnel ou classique une originalité qui est sa marque de fabrique moderne (en quoi d'un point de vue ontologique l'immanentisme est la forme moderne du nihilisme atavique) : c'est un impérialisme économique qui dégénère en fondamentalisme idéologique d'ordre financier, soit un impérialisme encore plus réducteur et extrémiste que les formes classiques d'impérialisme. Cet impérialisme se fonde sur le substrat immanentiste : le nihilisme ne reconnaît d'infini que fini, quand l'immanentisme ne reconnaît de fini qu'humain (spécifique au monde de l'homme).
A partir de cette hyperréduction de l'immanentisme, l'impérialisme immanentiste est un impérialisme qui est économique, soit qui considère que la domination de l'homme dominant passe par la réduction du réel aux appétits humains primordiaux et exclusifs. Tel est le libéralisme, une idéologie qui descend de la doctrine des idéologues historiques, des sensualistes piqués (tels les chiens de Pavlov) de scientisme étriqué et de naïveté matérialiste affligeante. Il ne faut pas attendre du libéralisme une quelconque profondeur, mais comprendre que la définition classique de la liberté est antithétique avec la définition de la liberté fournie dès ses origines par le libéralisme et accentuée encore par l'évolution de plus en plus extrémiste du libéralisme, au point qu'aujourd'hui certains libéraux se réclament du libéralisme historique se dissocient de l'ultra-libéralisme, appelé non sans ironie néo-libéralisme. Tout ce qui est nouveau est extrémiste dans l'immanentisme terminal.
Tout ce qui est nouveau n'a pas le - niveau. Il suffira d'invoquer BHL pour les Nouveaux philosophes ou Greenspan pour les spéculateurs mondialistes. Le libéralisme est l'ensemble des doctrine idéologiques qui sortent de l'école de l'impérialisme britannique, schématiquement d'Adam Smith. Pour comprendre adéquatement le visage du libéralisme, il ne faut pas s'en tenir au père fondateur, mais il faut étendre la lecture à Bentham, Malthus et Hobbes. Bentham est un utilitariste qui réduit l'homme aux plus bas instincts négatifs, conformément à la fable de Mandeville. Il est l'ontologue simpliste du libéralisme. Malthus entrevoit que la main invisible n'équilibrera pas toujours de manière providentielle et irrationnelle le marché, soit le réel réduit aux échanges commerciaux.
La providentielle main invisible serait-elle prévisible? Hobbes est le penseur politique (pas encore économique, déjà plus ontologique) qui introduit l'idée d'État et indique que le libéralisme n'est pas compatible avec la société sans un État fort. Les libéraux ont toujours rappelé cette nécessité d'un État fort, mais avec une ambiguïté assez latente : il était seulement indiqué par leurs bons soins que l'État fort ne devait pas empiéter sur les prérogatives des individus. Hobbes est un père plus conséquent que son enfant putatif le libéralisme explicite en ce qu'il rappelle le rôle nécessaire d'un État fort dans une théorie qui décrète que les vices privés sont obligatoires pour fonder les grandes vertus publiques.
Le compte est bon. Hobbes rappelle que le libéralisme ne peut finir que dans un impérialisme autoritariste, autoritaire et destructeur. Malthus offre la dernière touche à ce panégyrique en tant qu'économiste stipendié par la Compagnie des Indes anglaise. Notre bon eugéniste légitime la décroissance en donnant ses lettres de crédit (ou de change) à la destruction. La décroissance est la légitimation de la destruction. Comprendre Bentham le pervers, Hobbes le dur et Malthus le destructeur aide mieux à cerner le libéralisme que s'en tenir à l'optimisme irrationnel et propagandiste de Smith.
Maintenant que l'on a compris que le libéralisme est de l'impérialisme moderne, économique, et que le fascisme est le visage libéral-impérialiste par temps de crise, la définition du fascisme est la suivante : bouton de crise. Le fascisme est l'acmé de la violence et de la destruction, avec une croyance particulière : pour se sortir de l'ornière, la violence est le bon remède. S'il est vrai que les pires ennemis sont les plus proches parents, le pire ennemi du fascisme est le libéralisme, puisque le fascisme prétend être la solution idéologique véritable qui prémunit de la crise et qu'il accuse de ce fait le libéralisme d'engendrer la crise systémique face à laquelle il apporte une réponse (le cataclysme de violence).
L'attitude de Heidegger qui fut un temps explicitement nazi et qui refusa jusqu'à la fin de ses jours de se dédire (cochon qui en médit) est éloquente : Heidegger a peut-être évolué vers la critique du nazisme, mais il est toujours demeuré cet adversaire farouche et inexpugnable du libéralisme - qui identifiait le libéralisme comme l'expression quintessentielle du nihilisme. De ce fait, Heidegger est plongé dans le dilemme tragique : d'un côté le nihilisme libéral; de l'autre, l'impossible solution de la violence. Il a cru que le nazisme offrait une rédemption et une alternative viable au libéralisme dépravé et sulfureux (au sens où le soufre dissout); il se rend compte par désespoir que l'échec du nazisme signe l'échec d'une idéologie à contrecarrer l'idéologie libérale.
Effectivement, le destin du libéralisme est de s'effondrer en un fracas systémique sans précédent. Marx l'avait prévu, mais seulement pour le capitalisme qu'il entendait dépasser, sans se rendre compte que son dépassement était faux - appartenait au libéralisme. Nous en sommes à ces heures qui sont proprement apocalyptiques en ce que la fin des temps n'évoque pas la fin de l'homme ou la fin du temps, mais la fin d'un monde. Ce n'est pas la fin du monde, comme nous le prévoient les millénaristes et les films hollywoodiens à gros budgets. Et ce n'est déjà pas si mal.
Pour en revenir au fascisme historique, il désigne "les licteurs, chargés de ces faisceaux, symboles d'autorité, de violence de la loi." (Wikipédia). Le fascisme se greffe sur le nationalisme italien bafoué par la Première guerre mondiale. Le contenu du fascisme est des plus vagues. On s'en doutait. Mussolini et ses amis ont amalgamé les lectures de Hegel sur l'État fort, de Gobineau sur le darwinisme social, de Nietzsche et du pacifiste-collaborateur Sorel. Le boxeur alter-nationaliste et quasi homonymique Alain Soral se revendique de cet héritage-là.
Dès les références, on se doute que le fascisme est un libéralisme extrémiste, dépouillé de sa caution modérée et positive (la main invisible). Fait intéressant, Mussolini vient du journalisme d'obédience socialiste et sera soutenu par des factions anarcho-syndicales quand il sera exclu des rangs socialistes. Loin de se retrouver démuni, il est soutenu par les patrons italiens et les services secrets français quand il fonde un nouveau journal.
Proche des milieux socialistes et capitalistes, Mussolini règne bientôt en Italie grâce à sa nomination à la fonction de premier ministre par le roi Victor-Emmanuel III. Tiens, Le fascisme de l'aristocratie oligarchique? Mussolini fonde bientôt une dictature et invoque la formule révélatrice : "Tout dans l'État, rien hors de l'État, rien contre l'État." Les socialistes et les conservateurs qui révoquent le fascisme au motif de sa violence sont les parents inavouables du fascisme.
Le fascisme est fondé sur le nationalisme et l'impérialisme, ce qui a le mérite de la clarté, contrairement aux promesses amphigouriques du libéralisme. Le fascisme se veut une troisième voie économique entre capitalisme et communisme. Dans cette stratégie de planification, l'économie est inféodée à l'État fasciste dans la mesure où l'État fasciste est au service des corporations de type oligarchique. Cercle vicieux. On retient souvent la première partie de cette phrase et l'on oublie que l'économie n'est sous la tutelle de l'État que dans la mesure où l'État dictatorial est un État oligarchique.
Il est capital de rappeler que Mussolini au pouvoir commence par suivre la politique libérale du gouvernement précédent (sous l'égide du libéral De Stefani) et qu'il rompt avec le libéralisme doctrinal pour embrasser la politique corporatiste qui est typiquement oligarchique : l'État au service des corporations. La politique oligarchique finale de Mussolini en dit long sur le dirigisme de Keynes et la fascination de Keynes pour la politique nazie de l'économiste Schacht. La conception libérale de Keynes finit fatalement en crypto-fascisme. Les libéraux dirigistes sont fascinés par le modèle fasciste parce qu'ils reconnaissent la parenté impérialiste dépouillée derrière le vernis sur la liberté modérée que servent les libéraux - comme les dames de charité servent la soupe aux bagnards.
La parenté idéologique du fascisme avec les autres idéologies permet de regrouper l'ensemble des idéologies sous la coupe de l'idéologie centrale, fédératrice et inspiratrice - le libéralisme. Ceux qui refusent de voir la réalité en face feraient bien de s'aviser s'il en est besoin de la destinée fasciste du libéralisme par temps de crise. Quand les néo-fascistes contemporains sous la coupe de Fini entrent au gouvernement de l'inénarrable Berlusconi, l'alliance du néo-fascisme et du néo-libéralisme est devenue criante : la parenté n'est pas forcée, mais se retrouve dès les prémisses d'évolution, qui sont certes des prolongements extrémistes, mais en aucun cas des trahisons.
J'ai déjà brossé le tableau de ce médecin du travail qui défendait la guerre en Afghanistan sous le principe du droit à la démocratie pour les Afghans (qui selon les benêts atlantistes méritent toujours toutes affaires cessantes d'être libérés des talibans!). Cette position pourrait être considérée comme naïve - elle l'est. Mais si l'on ajoute que notre énergumène, avant de m'envoyer en guise d'aveu de sa faiblesse une bordée d'insultes stupides et puériles, trouva le moyen d'expliquer que le fonctionnement humain repose sur la loi du plus fort, nous tenons là un spécimen du fascisme mou, soit l'ultra-libéral qui se considère de la gauche socialo-libérale ou des Verts libéro-libertaires.
Si l'on se remémore que le fascisme est avant tout une conception économique de la société (le corporatisme et l'oligarchisme), notre petit facho illustré entre dans la catégorie des conservateurs qui oscillent entre l'ultra-libéralisme décomplexé et la violence complexée. Pas encore fasciste explicite, notre ultra-libéral vert qui milite pour des principes ouvertement fascistes comme la loi du plus fort est un bourgeois de classe aisée qui milite pour la mainmise des plus forts sur le pouvoir politique et la richesse économique. Cette position implique le recours à la violence politique quand la crise survient.
Sentant monter l'orage de la rage, notre petit facho mou parle d'investir dans des armes de défense (drolatiques quand on connaît son caractère faiblard et son ressentiment de classe); se passionne pour les investissements immobiliers; suit les intérêts de classe qui l'arrangent sans se rendre compte qu'il sera récupéré par les intérêts politiques qui le couvent; estime appartenir au niveau des privilégiés sans se rendre compte qu'en tant que bourgeois moyen il n'est au mieux qu'un bras aveugle et lâche des vrais oligarques, soit des véritables classes dominantes; estime se cacher dans la médecine du travail conçue comme un travail de prestige et une niche oligarchique; disjoncte quand il est démasqué - se répand en injures de cour de maternelle.
Tel est le profil de celui qui n'a pas supporté que je lui rappelle ses oediperies de blanc-bec famélique et frustré. Par temps d'aristocratie, une paire de claques aurait suffi à souffler l'inopportun. Par ces temps de christianisme, je lui ai pardonné sa bêtise et sa violence. Dieu sait ce qui attend les égarés médiocres. Reste que d'un point de vue idiosyncrasique, nous tenons le profil du nouveau petit facho par temps de crise, qui appartient au milieu de la bourgeoisie médicale, qui est manipulable par les grands bourgeois et qui ne comprend rien à la situation politique dans laquelle il se meut.
Ce sont dans ces rangs moyens et moyennement favorisés que se recrutent les soutiens idéologiques qui estiment appartenir à un rang social et intellectuel supérieur à leur moyenne effective. Ce sont parmi ces imbéciles fieffés et prétentieux que l'on trouve les meilleurs relais propagandistes. Les fachos ne se recrutent pas parmi les thuriféraires fanatiques de l'extrême-droite institutionnalisée et labellisée. Ceux-là sont les nostalgiques d'un certain ordre nationaliste dépassé et réactionnaire. Les fachos actifs et vicieux sont les dés masqués qui se trouvent dans les rangs des ultra-libéraux. Les plus dangereux ne sont ni les théoriciens qui scrutent la vague et retirent les marrons du feu; ni les victimes qui servent d'hommes de larcin dans les bas-fonds; ce sont les bourgeois bornés qui soutiennent la lame de fond et qui sont persuadés que la haine et la violence serviront leurs intérêts individualistes, consuméristes et vulgaires. Moralité : les moyens ne sont jamais fins. Au mieux - aigres-fins.

lundi 23 novembre 2009

Version diplomatique

Quand on pose les mauvaises questions, on n'arrive pas aux bonnes réponses.

«A un certain niveau du gouvernement, à un moment ... il y a eu un accord pour ne pas dire la vérité sur ce qui est arrivé.»

John Farmer, avocat de la Commission parlementaire 2004 sur le 911.


L'article critiqué se trouve à ce lien :
http://www.monde-diplomatique.fr/2006/12/COCKBURN/14270


A la demande d'un ami, je vais répondre à certaines failles de cet article. Je n'ai pas critiqué toutes les erreurs, pourtant nombreuses, et me suis attaché à démontrer l'entreprise de propagande et d'éloignement des faits qui entache cet article présenté comme critique. J'ai essayé de ne pas écraser le lecteur sous des faits trop lourds à porter. Celui qui voudra se renseigner le pourra par ailleurs. En préambule, je voudrais rappeler que l'avocat général de la Commission parlementaire 2004 , un certain John Farmer, a reconnu que la VO était fausse et que le gouvernement américain avait été obligé de mentir.
Si l'on veut plus de détails sur ce point éloquent de l'affaire, que l'on consulte un article de mon blog qui renvoie à d'autres articles précis :
http://aucoursdureel.blogspot.com/2009/04/selon-lavocat-de-la-commission-sur-le.html
Discuter de la véracité de cette VO est un combat d'arrière-garde réactionnaire, puisque la VO est reconnue par le président et le vice-président de la Commission 2004 comme fausse. Ce pseudo-débat illustre le caractère idéologique et propagandiste de tous les points de vue qui défendent la VO au nom de la critique du complotisme. Voilà qui en dit long sur les débats qui fleurissent avec retard en France, où l'on fait mine de donner la parole à des critiques de cette VO délirante. En particulier, c'est la faillite manifeste des positions gauchistes qui est ici mise en lumière, surtout avec quelques années de retard, puisque l'article en question date de 2006. Au nom de l'appartenance de cette gauche radicale au système purulent et détraqué qui a ourdi et/ou cautionné le 911, la gauche radicale s'est discréditée quant à un point majeur : la critique systémique ne saurait critiquer le cœur du système. D'une manière philosophique, on parvient à une constatation : quand on pose les mauvaises questions, on n'arrive pas aux bonnes réponses.


Le complot du 11-Septembre n’aura pas lieu
: parodie d'un titre célèbre, d'un usage douteux. On laisse entendre que la VO ne repose pas sur un complot alors que c'est faux (al Quaeda qui attaque les symboles US, c'est un complot typique!). Derrière cette erreur grossière, on a la conception du gauchiste US. Il s'agit de critiquer l'impérialisme américain à l'intérieur du système impérialiste. Autrement dit, il s'agit de critiquer les complots et d'assimiler insidieusement complot et complotisme.

L’idée que les attentats du 11-Septembre auraient été manigancés par la Maison Blanche a fait son chemin : telle est la réduction mono-critique et amalgamante de la critique complotiste en tant que critique unique et simpliste de la VO. Inside job indique en effet que soit on adhère à la VO unilatéralement ou presque; soit que l'on estime que le 911 a été commandité par la Maison Blanche. C'est un raccourci grossier, qui ne tient pas compte des faits subtils et qui en appelle à la bêtise du public.

Alexander Cockburn, figure marquante de la gauche radicale aux États-Unis : l'avis de Cockburn laisse entendre que ce grand contestataire exprimerait la meilleure des contestations possibles, alors que l'on verra que le point de vue de Cockburn est systémique et idéologique. Il ne tient pas compte des faits. Encore de la désinformation sous couvert de réflexion. Cette faillite illustre surtout la démission intellectuelle et morale des élites américaines dans leur ensemble, en particulier de ceux qui incarnent la rébellion, les gauchistes.

Une forme d’hébétement devant la puissance américaine, alors même que celle-ci échoue dans des entreprises bien moins herculéennes que l’éventuelle réalisation (puis la dissimulation) d’un tel complot : la grande faille théorique du raisonnement est de décréter in abstracto que la contestation de la VO est fausse sous prétexte qu'elle serait formellement contestable. C'est le talon d'Achille du raisonnement en présence : évacuer les faits au profit de la logique interne. On gomme les faits pour envisager le problème d'un point de vue idéologique. C'est une démarche inquiétante et un terrible aveu de faiblesse. Ensuite, c'est historiquement faux, avec moult exemples à la carte. Je ne prendrai que celui de l'assassinat de JFK, dont on sait aujourd'hui de manière irréfutable (notamment avec la Commission HSCA de 1979) qu'il a été réalisé et dissimilé avec la complicité active et/ou passive de certaines factions américaines. Où étaient les médias, les gauchistes, les intellectuels en 1963? Et depuis? Pourquoi ce qui a fonctionné en 1963 devrait rater en 2001? Parce que la puissance US décline? C'est un argument qui n'est que fortement partiel et qui au surplus est démenti encore par les faits : effectivement, la contestation est plus forte pour le 911, ce qui indique un affaiblissement des commanditaires effectifs. Mais les mêmes causes engendrent les mêmes effets. En outre, le raisonnement est faux, car on voit mal pourquoi si des institutions américaines sont incapables de commanditer, réaliser puis couvrir le 911, une nébuleuse aussi douteuse qu'al Quaeda serait elle capable de cette exploit herculéen! Pour finir, on part d'un postulat faux (inside job) et l'on poursuit sur cette veine grossière et déformante.

Mobiliser contre la guerre d’Irak : alors que l'auteur veut jouer aux activistes courageux, le point de vue qu'il prend (condamnation de la guerre en Irak) prête à sourire. La guerre en Irak s'appuie sur les mobiles de la guerre contre le terrorisme - qui reposent sur le 911. Si les mobiles de la guerre en Irak sont faux (et ils le sont), les causes de cette guerre deviennent au moins contestables. Le raisonnement de Cockburn est vicieux, puisqu'il utilise l'effet pour détourner de la cause. Diversion pour le moins spécieuse.

Prouver qu’on était en présence d’un complot intérieur fomenté par MM. George W. Bush et Richard Cheney ou (variation du même thème) par des puissances obscures dont les locataires de la Maison Blanche furent les simples porteurs d’eau : comme la vérité finit toujours par ressortir, Cockburn édicte cette vérité dans le deuxième terme de sa phrase ("des puissances obscures dont les locataires de la Maison Blanche furent les simples porteurs d’eau"). Cependant, il se livre à un amalgame grossier entre la version de l'inside job, selon laquelle c'est l'administration W. qui a commandité les attentats, et la version des puissances non gouvernementales qui auraient contraint l'administration à couvrir cette VO mensongère et contradictoire. Cockburn opère de nouveau l'amalgame et la désinformation. Ça commence à faire beaucoup pour un travail de rebelle. Je penche plutôt pour de la propagande travestie en contestation. C'est pourtant cette hypothèse raillée par Cockburn que défend implicitement l'avocat général Farmer de la Commission 2o04 quand il explique que l'administration W. a menti pour couvrir la vérité. Dans un livre paru en août 2006 et ignoré par l'impartial Cockburn, Kean et Hamilton reconnaissent eux aussi les entraves à la justice.
Je cite le lien Wikipédia : "In the book, Kean and Hamilton write that the 9/11 Commission was so frustrated with repeated misstatements by officials from The Pentagon and Federal Aviation Administration during their investigation that they considered a separate investigation into possible obstruction of justice by Pentagon and FAA officials."
http://en.wikipedia.org/wiki/Thomas_Kean#cite_note-14
Pourquoi Cockburn tait-il ce témoigange qui contredit son argumentaire orienté et qui est capital? Qui a le pouvoir de bâillonner les institutions américaines sur le plus grand attentat de leur histoire et sur événement qui a changé la politique depuis lors?


Des théories du complot qui perçoivent dans les méfaits de la classe dirigeante non pas la crise d’accumulation du capital, ou la recherche d’un taux de profit plus élevé, ou les rivalités interimpérialistes, mais des manigances ourdies dans des lieux donnés : notre gauchiste se montre marxiste zélé, ce qui est son droit. Outre que la lecture de Marx donne lieu à de nombreuses critiques et réserves, il est intéressant de constater que Marx cautionne les postulats de l'École d'économie de l'Empire britannique (en prétendant les corriger et les achever au moyen du communisme). Bizarrement, Cockburn qui défend Marx ne voit pas que ce sont les factions financières de l'Empire britannique qui ont commandité ces attentats. En outre, on voit mal en quoi l'existence de complots (qui foisonnent dans l'histoire) serait incompatible avec la critique marxiste du capitalisme. Verdict : argument fallacieux et décalé.

Un des traits caractérisant les adeptes du complot est qu’ils ont une foi absolue dans l’efficacité américaine : l'erreur formaliste de Cockburn confine à la supercherie. Il va nous divertir longuement par une énumération de faits nous montrant que les structures américaines ne sont pas infaillibles. Problème : personne n'a jamais dit le contraire, surtout pas le dénommé Griffin sus-cité. Que l'on lise ses ouvrages au lieu de noyer le poisson. Les critiques de la VO constatent que le délai de réaction des autorités civiles et militaires, notamment de la FAA et du NORAD, n'est pas explicable sans de graves incompétences et des lacunes telles qu'elles en sont invraisemblables. La lecture du livre du grand reporter Laurent (La Face cachée du 11 Septembre) l'explique assez. Au lieu de nous divertir avec des arguments purement formalistes, Cockburn ferait bien d'examiner les faits. Je me contenterai de citer sur ce point le président Kean de la Commission 2004, qui n'hésite pas à critiquer le travail de sa Commission en affirmant (en 2006) : "Aujourd’hui, nous ne savons toujours pas pourquoi le NORAD [commandement de la défense aérienne des USA] nous a dit ce qu’il nous a dit. (...) C’était tellement éloigné de la réalité... C’est l’une de ces questions sans réponses qui n’ont jamais été refermées." Pourquoi Cockburn omet-il en décembre 2006 de tenir compte de ce point de vue pourtant capital? Cockburn serait-il de mauvaise foi dans son entreprise de démonstration? Afin de corriger la phrase caricaturale de Cockburn, on pourrait affirmer : Un des traits caractérisant les adeptes de la critique du complot officiel est qu'ils n'ont pas une foi absolue dans l'efficacité américaine. Une fois que l'on a constaté cette évidence, l'on a rien dit. Cockburn s'éloigne tellement des faits qu'il empêche son lecteur de les analyser en détail et avec recul. Il opère un travail grossier qui aboutit à une démarche anticritique et antifactuelle. Pour un critique, c'est assez inquiétant.

Nombre d’entre eux partent même d’un postulat raciste, qu’on retrouve dans certains de leurs écrits, en vertu duquel des Arabes n’auraient jamais pu mener à bien ce genre d’attentat : c'est exactement l'argument qu'emploie l'écrivain anarchiste français Nabe. C'est un argument qui est déconnecté des faits et qui en outre les déforme. Il ne s'agit pas de dire ou de ne pas dire que les Arabes sont incapables de fomenter ces attentats. Il s'agit d'affirmer que la VO est fausse et qu'en aucun cas Oussama et/ou al Qaueda ne sont les commanditaires et les exécuteurs de ces attentats sophistiqués et spectaculaires. En outre, au vu des éléments de la VO, il est impossible que 19 pirates de l'air novices et paumés, soutenus par des structures pour le moins erratiques, aient pu réussir ces attentas mythiques sur le sol américain. Cockburn n'analyse toujours pas les faits et se livre en outre à de la désinformation constante.

Le chauffeur du véhicule d’où je suis sorti à ce moment précis l’a vu avec tant de précision qu’il a même distingué les visages terrifiés des passagers aux fenêtres : Cockburn cite un témoigange qui accrédite la VO concernant le Boeing écrasé sur le Pentagone. Ce témoignage est une galéjade qui indique le sérieux de la critique de Cockburn. En effet, depuis combien de temps peut-on distinguer les visages terrifiés des passagers d'un Boeing lancé à des centaines de kms/h contre la façade du Pentagone? En outre, Cockburn se garde bien de discuter des manquements factuels gaves de l'enquête du FBI, notamment sur l'absence d'images sérieuses et irréfutables de l'attentat, la disparition des corps et de l'avion, les distorsions physiques, les chaleurs invraisemblables des incendies, des témoignages plus que dérangeants, le profil des pirates de l'air qui conduisaient ce vol...
http://aucoursdureel.blogspot.com/2009/08/annie-anne-your.html
La démarche de Cockburn s'apparente à une galéjade qui engendre une victime collatérale : l'esprit critique.

D’ailleurs, à quoi bon utiliser un missile quand on dispose d’un avion et – si l’on suit la thèse des adeptes du complot – qu’on a déjà réussi à faire s’écraser (grâce à une commande à distance...) deux appareils contre des cibles beaucoup plus difficiles à atteindre, les deux tours de New York ? : encore une question formaliste. De surcroît, c'est une question rhétorique totalement mensongère. La question laisse entendre qu'un avion serait aussi facile à utiliser comme cible contre le Pentagone qu'un missile. C'est archi-faux. Cockburn prend ses lecteurs pour des imbéciles et montre qu'il est au mieux très mal informé. L'attentat contre le Pentagone n'est pas du tout du même type que les attentats contre les Twin Towers. Cockburn se livre à une métaphore propagandiste et fausse. Les cibles des Twin Towers sont bien entendu plus faciles à atteindre que le Pentagone, ne serait-ce que du fait de leur taille et de l'absence de défense spécifique, contrairement au bâtiment miliaire ultra-protégé du Pentagone.

M. Oussama Ben Laden a revendiqué les attentats ? : c'est plus que contestable. Cockburn ce faisant montre qu'il porte une critique très orientée dans le sens de la fausse critique. Son travail est lamentable. En tout cas manipulateur. En effet, la première vidéo dans laquelle Oussama revendiquerait la paternité des attentats (vidéo du 9 novembre 2001) est extrêmement contestée : cet Oussama de gala (ou de pacotille?) se contente au surplus de louer les attaques. En outre, dans au moins trois déclarations antérieures (12 , 17 et 28 septembre 2001), Oussama a nié être l'auteur des attentats. Il n'en assumera la paternité vague que le 2 novembre 2004, et encore! Si l'on souhaite des détails sur cette question de la revendication des attentats du 911 par Oussama, je renvoie à ce lien bien ficelé :
http://onegus.blogspot.com/2008/07/ben-laden-t-il-revendiqu-les-attentats.html
Cockburn reprend sans les critiquer les éléments de la VO. C'est un défenseur zélé et grossier de la VO qui prétend critiquer les critiques de la VO. La supercherie est éventée...

Prouver que MM. Bush et Cheney sont capables de tout ? : encore une question rhétorique qui renforce la thèse de l'inside job. Décidément, la critique de Cockburn utilise des techniques sophistiques ultra-orientées.

En cherchant à nous convaincre de la dangerosité inédite de l’administration au pouvoir, les adeptes du complot contribuent à alimenter le fantasme qu’une nouvelle administration – Clinton, Gore ou une autre – s’emploierait à poursuivre des politiques beaucoup plus humaines que celles de l’actuelle : affirmation gratuite et fausse. En effet, si l'on suit le raisonnement tortueux de ce Cockburn dont je commence à me demander s'il n'est pas un agent de désinformation, tout critique virulente contre l'administration W. reviendrait à défendre l'administration suivante. Aujourd'hui qu'il est certain que les exactions de l'administration W. ont conduit à des politiques illégales inédites et dangereuses (notamment avec les prisons secrètes, la torture et les crimes de guerre...), l'argument présenté dépasse de très loin l'indécence. L'administration Obama n'arrive pas à quitter l'Irak, à fermer Guantanamo et renforcerait la présence militaire en Afghanistan - et notre critique gauchiste emploie un argument retors pour critiquer la critique contre W. au motif qu'elle empêcherait la critique ultérieure. Non seulement Cockburn est démenti par les faits en 2009, mais son argumentation devient perverse.

Nous savons pourtant depuis Machiavel qu’une machination court d’autant plus le risque d’être dévoilée qu’elle fait appel à un nouveau complice : la citation de Machiavel donne une caution intellectuelle probante. Pourtant, sous son vernis avantageux, elle est totalement déconnectée des faits et est démentie en outre par les nombreuses machinations d'État américaines et occidentales qui n'ont jamais donné lieu à des révélations contemporaines. Encore une fois, Cockburn se moque du monde avec un argument intellectualiste (faux) et il utilise la caution du prestige intellectuel pour asseoir son propos pourtant grossier.

Or, dans le cas du 11-Septembre, le recours à l’hypothèse des charges explosives n’est absolument pas nécessaire pour comprendre la chute accélérée des tours, y compris la tour 7 non percutée par un avion. Un ingénieur a disséqué les raisons pratiques qui rendent la théorie des explosifs à ce point improbable qu’elle en devient absurde : alors là, je tombe sur le QI. Je ne félicite pas Le Monde diplomatique de nous servir une soupe aussi indigeste. Honte à la faillite des médias reconnus! D'après la note 5 de l'article, l'auteur Cockburn renvoie à un étude "technique" anticomplotiste et pro-VO dont il est le coauteur. C'est dire que Cockburn ne se livre pas à un travail de critique, mais de propagandiste explicite dans lequel il est juge et partie. Les masques tombent. Quel crédit accorder aux propos de ce Cockburn qui est un partisan déclaré de la VO et qui se présente comme la chauve-souris de la fable en tant qu'activiste gauchiste critique? Que dire des rédacteurs du Monde diplomatique qui reprennent un tel auteur avec sa caution de gauchiste radical qui colle à la ligne éditoriale de l'hebdomadaire? C'est proprement affligeant. Le pire est qu'on puisse prendre à ce point des lecteurs pour des imbéciles. La faillite des médias est totale, quel que soit le point de vue politique à l'intérieur du système. En 2009, nous possédons des éléments qui au bas mot permettent de douter fortement de la VO concernant l'effondrement des Tours. Je n'en cite qu'un seul :
http://www.reopen911.info/News/2009/11/20/wtc-demolition-controlee-par-ab/
Que le lecteur se renseigne et il verra qu'il y a un très gros problème concernant cette question spécifique. La légèreté de Cockburn le spécialiste technique masqué en activiste faussement critique pour aborder ce sujet est saisissante. Que l'on relise le présent article de propagande et de commande de Cockburn dans vingt ans et l'on verra comment l'on s'y prend pour manipuler et divertir les peuples.

Il y a aux États-Unis nombre de vrais complots. Pourquoi en fabriquer de faux ? : cette question est aberrante d'un point de vue logique en ce qu'elle part de prémisses justes pour conclure sur une question fausse et indémontrée. C'est consternant de médiocrité. En outre, si Cockburn reconnaît l'existence de complots pour mieux faire semblant de réfuter la critique de la VO du 911, il se contredit dans son propre argumentaire puisqu'en introduction il ne reconnaissait pas la VO comme un complot authentique. Cockburn fait preuve de mauvaise foi et de légèreté dans son propos à double entente.

Car la théorie du complot naît du désespoir et de l’infantilisme politique : cette affirmation gratuite et partisane assimile la théorie du complot à la critique de la VO. Pourtant, la VO est un complot et la critique de ce complot officiel ne débouche nullement sur une théorie du complot, mais sur une hypothèse d'un complot officiel. De qui Cokburn se moque-t-il, sinon de la logique de ses lecteurs? D'autre part, les arguments qu'il déploie sont tout sauf contestataires. Ce sont des arguments conservateurs en ce qu'ils soutiennent la version officielle et la démarche officielle sous prétexte de proposer une critique pertinente. Je rappelle que les néo-conservateurs ont commencé par être des trotskistes et qu'à ce rythme un gauchiste soi-disant radical est en train d'expliquer comment l'on passe du camp de la rébellion au cap de l'extrémisme conservateur.

Et Aldrich ajoute : « Si les journalistes d’investigation et les spécialistes de l’histoire contemporaine consacrent tout leur temps aux questions à la fois inextricables et usées jusqu’à la corde, on les verra moins sur les terrains où ils ne sont pas les bienvenus : si l'on en croit cette citation qui évoque à l'appui l'assassinat de JFK, certains sujets sont considérés comme indécidables et inextricables. Cockburn semble nous lancer un avertissement doctrinal : le 911 est cité au rayon des crimes parfaits, comme du reste l'affaire JFK. Cockburn appartiendrait-il au courant des postmodernes qui réfutent la vérité et qui évacuent le sens, notamment les nombreux apôtres américains de la déconstruction chère à Derrida et ses épigones? On mesure en quoi la théorie spinoziste et nietzschéenne de l'absence de vérité est dangereuse. Elle fait disparaître le factuel et conforte le droit des plus forts. Si la vérité n'existe pas, à quoi bon chercher la vérité d'un événement? Cockburn est cynique et défend l'impérialisme. D'ailleurs, il cite les techniques de manipulation des services secrets de l'Empire britannique. Il brûle, notre gauchiste impénitent! Si l'on suit le raisonnent pervers de Cockburn, critiquer la VO du 911 revient à conforter la tactique de désinformation du pouvoir américain! Ben voyons! C'est comme si on nous disait de ne pas embêter Nixon avec le Watergate sous prétexte que les critiques confortent le pouvoir américain! N'importe quoi! De pire en pire! Comment un journal qui se veut de critique élevée peut distiller de pareilles fadaises?

Plus fondamentalement, le philosophe Theodor Adorno a estimé, dans Minima Moralia, que « le penchant pour l’occultisme est un symptôme de régression de la conscience » : pour faire bien, notre prévisible déconstructeur de complotisme faisandé finit par citer un philosophe contemporain. Adorno est comme par hasard un représentant des persécutions nazies contre les intellectuels juifs et un exilé vers l'Angleterre et les États-Unis. Les choix de Cockbun seraient-ils assez orientés? En outre, cette conclusion ne fait que renforcer le malaise concernant les méthodes de propagande de Cockburn. En effet, après avoir assimilé la critique du complot à la théorie du complot, après avoir dénié la VO comme complot typique, voilà maintenant qu'il assimile le complot à l'occultisme. C'est tout à fait confus, hallucinatoire et mensonger. Que penser après la lecture d'un tel article, sinon que les gauchistes sont manipulés, retournés et que les médias sont infestés par une intensité de propagande qui nuit gravement à la qualité de leurs articles, en particulier quand ils se prétendent intellectualistes et contestataires? Verdict : les médias en tant que représentants du pouvoir institutionnel sont en faillite quel que soit leur bord et en particulier quand ils traînent une réputation de contestation. Voilà qui en dit long sur l'état de décomposition du système politique occidental et sur l'état de la culture occidental, notamment de l'esprit critique. Car si l'esprit critique était au rendez-vous, un article aussi lamentable aurait soulevé des protestations considérables.

Pour finir, je ne peux que renvoyer mon ami lecteur à deux articles que j'ai rédigés sur le sujet du 911. Ces deux notes offrent des pistes autrement plus sérieuses que les arguties propagandistes déployées par Cockburn dans cet article et reprises par un hebdomadaire prestigieux francophone :
http://aucoursdureel.blogspot.com/2009/09/credit.html
http://aucoursdureel.blogspot.com/2009/07/decidement-en-ce-moment-les-pseudo.html
C'est la faillite des médias à laquelle nous assistons dans le 911. Cet article partial participe de cette faillite béante. Les médias officiels ont couvert une VO intenable. Le paroxysme de cette faillite est illustrée par la position absurde de critiques gauchistes qui se prétendent opposés au pouvoir en place alors qu'ils le défendent outrageusement et de manière partiale. Cette faillite des contestataires gauchistes en dit long sur l'état de décomposition du système et sur le crdéit à accorder à leurs positions idéologiques.
J'aimerais analyser l'amalgame grossier auquel Cockburn se livre quand il oppose de manière manichéenne et simpliste la VO avec la thèse anti-VO de l'inside job. Appelons la VO A et l'antithèse B. B est déjà un amalgame extrêmement réducteur puisqu'il faut être désinformé pour croire que seulement deux thèses s'opposent sur un schéma simpliste thèse/antithèse. De surcroît, Cockburn assimile grossièrement B avec un C qui est quasiment ramené à un B'. Ce C désigne selon lui "des puissances obscures dont les locataires de la Maison Blanche furent les simples porteurs d’eau."
Pourtant, l'amalgame de C à B est mensonger puisque C diffère notablement de B. Il ne s'agit donc pas d'une "variation du même thème", ainsi que le présente comme si c'était une évidence Cockburn. On a vu que Farmer penche du côté de C, comme Kean le président de cette Commission.
Je penche également du côté de C, sans approuver les positions prudentes et floues de :
1) Farmer;
2) Kean;
3) les critiques de la VO qui se contentent d'appeler à une Commission enfin impartiale sur le modèle de la Commission Sartre/Russell de 1966/67 sur le Vietnam sans jamais proposer des pistes alternatives précises;
c'est-à-dire que j'estime que les commanditaires des attentats du 911 ne sont pas l'administration W., mais des factions financières centrées autour de la City de Londres, de Wall Street et de leurs dépendances (notamment les paradis fiscaux).
Je ne penche nullement du côté de B pour autant.
http://aucoursdureel.blogspot.com/2009/09/le-complot-du-sens.html
Verdict de cet article :
1) c'est un article de propagande qui détruit la critique au nom de l'usage de la critique.
2) c'est un article qui signe la faillite des médias, en particulier de ceux étiquetés gauchistes et contestataires, alors que sur les sujets systémiques, ils travaillent explicitement à la propagande du système.
Il est certain que la VO du 911 est fausse. Il est tout aussi certain que les critiques qui cautionnent cette VO sont fausses.

samedi 21 novembre 2009

Quand le Chien s'éveillera

On entend beaucoup d'observateurs plus ou moins experts mettre en garde contre l'avènement de la Chine qui pourrait mettre en péril l'Occident. A une époque où les avis des experts sont invalidés par le réel, notamment sur la scène économique, à une ère où nos chers spécialistes n'ont pas vu dans leur écrasante majorité venir l'heure de la crise, et où certains ont annoncé une reprise prochaine pourtant impossible, que vaut cet avis expert sur la Chine?
Contre la menace insidieuse et irrationnelle, nous sommes confrontés à deux options :
1) Soit la Chine oligarchisée est sous la coupe des intérêts impérialistes occidentaux - et la Chine ne menace pas l'Occident, seulement les intérêts républicains, notamment les intérêts occidentaux.
2) Soit la Chine se républicanise - et elle permet à l'Occident d'échapper aux coupes réglées de type oligarchique qui émanent en premier lieu de ses rangs.
Dans les deux cas, le mythe du Péril Chinois n'est qu'un avatar du Péril Jaune qui est une sornette raciste, nauséabonde et colonialiste. Ceux qui en Occident agitent ces peurs sont des incompétents charriant la mentalité oligarchique de type raciste. Les faits démentent ces considérations pestilentielles et souvent myopes. Il serait pervers de ne considérer la Chine que comme un danger potentiel ou prégnant. De ce point de vue, on agite le Péril chinois pour renforcer le système oligarchique et prédateur occidental. Pendant qu'on est occupé à dénoncer la menace chinoise, pourtant inexistante en tant chinoiserie, on oublie la vraie menace, qui est la menace oligarchique.
Pis, le mythe (au sens de mensonge) de la Menace chinoise est une extravagance de perspective occidentaliste qui fait oublier le moyen d'éradiquer le vrai péril, l'oligarchie monétariste et mondialisée qui saccage l'ensemble de l'humanité, à commencer par l'Occident, pour obtenir des revenus injustifiés : si le péril passe par la mondialisation, et non la chinoinisation, le salut passe par la républicanisation de la Chine. S'il est certain que c'est l'Occident qui peut torpiller l'humanité mondialisée, il est certain que le salut de l'humanité passe par la Chine. Il est compréhensible qu'un colonialiste occidental agite le fantasme du Péril chinois ua vu de ses options; il n'est pas rationnel de tomber dans le panneau.
Sans cette république chinoise, point d'Occident républicain. Sans Occident républicain, point de Chine. Autrement dit, le Péril chinois est une projection du Péril occidental. Une distraction pour Occidentaux engourdis et incultes. La Chine menace quand l'Occident menace, parce que la vraie menace n'est ni chinoise, ni occidentale, ni d'aucune nationalité - elle est oligarchique. La Chine sauve quand l'Occident sauve. La Chine menace quand l'Occident menace. Hors de la Chine, point de salut. Variante contextualisée : hors de la république, point de salut.

vendredi 20 novembre 2009

Pisse & Loft

Le meilleur moyen pour le maître de dominer est encore de laisser entendre à son valet qu'il est le maître.

La dernière fois, je me suis fait insulter (entre autres) sur Internet de lepéniste et de sectaire par un crypto-fasciste de mentalité ultra-libérale. Un écervelé sans durite qui au nom de l'esprit critique et de la démocratie jure que c'est pour la sacrosainte Démocratie que nous sommes allés en Afghanistan, puis, comme ce qu'il avance est grossier, notre nullité intellectuelle et affective se reprend et prétend cette fois, aussi inconséquent que Calliclès, mais ô combien plus stupide, que c'est la loi du plus fort qui régit les actions. Un démocrate au nom de la loi du plus fort, l'oxymore, faut le faire!
Bien entendu, le margoulin a fini par m'insulter en des termes dont la légèreté le dispute à la finesse. Comme l'a chanté un troubadour de valeur, lui, le temps ne fait rien à l'affaire. Dans ce cas, pour ce cas-fard, c'est inquiétant. Entre temps, notre dégourdi des neurones, dont l'esprit critique en est à un stade critique, m'a doctement expliqué que j'étais antidémocrate et partisan de la théorie du complot. Pour la démocratie, notre théoricien novateur est le mouton des zélateurs de la démocratie occidentale qui se présentent tous comme des archi-démocrates déclarés.
Ils seraient plus honnêtes de préciser qu'ils sont démocrates libéraux, soit des drôles d'oiseaux qui volent à condition de rester au chaud dans leur cage. La démocratie et la liberté sont ainsi des noms d'oiseaux que les chauve-souris de l'impérialisme occidentaliste peuvent échanger pour paraître tout à fait oiseaux. Sur ce point, ils sont aussi démocrates qu'impérialistes. Spécifiquement, notre impairméable blanc, qui se destine à la médecine du travail et a déjà prêté segment devant son auguste Hypocrite, incarne une espèce encore peu démasquée, qu'il convient d'identifier par es temps de crise qui courent.
C'est le fasciste cool. D'apparence, il est désinvolte, il fume des joints, il écoute du reggae, il est branché informatique et immobilier. Quand on creuse, on se rend compte qu'il est individualiste, cynique, cassant, superficiel et violent. Si l'on analyse ses propos, il craque : avant de vitupérer et d'insulter, confondu de son inconséquence, il se réclame de la loi du plus fort. Aucun doute, notre cas social est un symptôme de fascisme doux. Pas encore fasciste explicite, il n'est plus libéral conséquent. Il est cet impérialiste qui sent que sa domination s'effondre et qui se montre prêt à tout pour la conserver le plus longtemps possible.
Comme nous nous situons dans une période de troubles plausibles et de crise palpable, c'est ce genre d'individus qui sont en mesure de basculer dans le fascisme bourgeois. Pour l'instant, notre fasciste est masqué, cantonné dans sa bulle. Il vote pour les Verts Cohn-Bendit ou pour les socialos DSK, mais aucun doute, dès que le vent tournera, ses intérêts il défendra. Quand on est pour la loi du plus fort, on défend la loi du plus fort.
La catégorie du facho relève après tout de la case économique (le cartel). Ce sont en priorité les thuriféraires du fascisme mou et moyen qui montent au créneau quand le vent souffle. Les dirigeants laissent la besogne aux valets, avec pour ruse bien connue de leur accorder une importance et un pouvoir qu'ils n'ont pas. Le meilleur moyen pour le maître de dominer est encore de laisser entendre à son valet qu'il est le maître.
Dans ce jeu de dupes entre pitres piteux et pitoyables du même bord, ceux qui appartiennent aux classes moyennes aisées se croient au-dessus du rang réel qu'ils occupent. Socialement, ce sont des seconds couteaux. Intellectuellement, ce sont des ratés tarés. Cas tout à fait nietzschéen de notre vedette psychopathologique qui me prouva non seulement son identité politique réelle, mais encore l'état de délabrement avancé de son équilibre affectif ne recourant à l'insulte. Insulter quelqu'un est toujours signe d'insigne faiblesse.
Insulter quelqu'un sur le terrain des idées, même les idées les plus factuelles, c'est avouer qu'on ment, qu'on a tort et qu'on avance sans bille. Te bile pas, Bill. Il est toujours périlleux d'avancer marqué et masqué. On risque à tout moment de chuter. C'est la morale qui clôt le Gorgias de Platon : l'irrationalisme n'a aucune chance théorique de perdurer face aux questions de Socrate. Sur le court terme, son pragmatisme sinistre peut triompher. Sur le terme plus long, cette apologie de la loi du plus fort est vouée à l'échec. Le refus du dialogue est le signe quasi infaillible de la violence, de l'irrationalisme et d'un penchant plus ou moins évident pour le fascisme.
En tout cas, l'amalgame de la démocratie et de la dénonciation de la théorie du complot m'a fait tilt pendant que notre vengeur mesquin éructait ses pschitts grotesques et vulgaires. Chaque foi que des voix se lèvent pour dénoncer un complot, réaction : les défenseurs du système les plus zélés sortent l'étiquette infamante du complotisme. Le complotisme désigne la confusion mentale d'une pseudo-théorie qui distinguerait des complots derrière chaque événement, qu'il soit humain ou non.
A partir de cette définition, une remarque simple surgit : quand on dénonce des complots, on ne voit pas des complots partout. Parler de complotisme pour discréditer des dénonciateurs de complots est un coup d'épée dans l'eau, un confusion d'ordre complotiste, un amalgame grossier. Les rhéteurs qui ont recours à ce genre d'arguties manifestent de fait un développement mental assez inquiétant et pervers.
Les moutons qui leur emboîtent le pas prouvent que leur mimétisme exacerbé est injustifiable et que dans tout ordre social on peut réussir en étant un imbécile fieffé - à condition d'occuper des postes moyens, où l'on répète autant que l'on pète. Il suffit de suivre avec dévotion le courant en faisant croire que l'on est du côté de ceux qui font le courant (d'air) et que l'on occupe un poste important. On est con de congratuler en grattant. On entretient toutes les chances de garder son grade jusqu'à une certaine garde. Socialement - jusqu'aux cîmes des classes moyennes aisées. Stratégiquement, jusqu'au moment où la décision vous appartient. Ontologiquement, jusqu'à la création d'idées. Religieusement, jusqu'à la prière.
Il va de soi que tous les mimétique ne sont pas des fascistes en puissance, sans quoi l'homme serait condamné à une disparition rapide. Pour être un fasciste potentiel crédible, il faut ajouter à l'ingrédient fondamental du mimétisme une pincée de haine supérieure à la moyenne. Quand on sent sa tare, le moyen de s'élever est de mettre son ressentiment au service des valeurs dominantes. Dès lors, vous tenez un idéal. Moins on réfléchit, plus on est efficace. Notre candidat ès-insultes se croit trop arrivé pour jouer les hommes de main. Il est tout à fait qualifié au vu de son narcissisme de faquin pour un rôle de perroquet/roquet de type bâtard, capable de répercuter sa conception de facho ultra-libéral, calme tant qu'il conserve son niveau de vue (myope), méprisant et méprisable (son (ca)niveau) dès qu'il le sent menacé.
L'amalgame ente complot et complotisme ne fonctionne que parce qu'il est structuré sur le mode de l'amalgame entre le positif et le négatif - l'effectif avec l'illusoire. Comme la définition du réel est impossible, ainsi que le savent Platon et Spinoza, l'ontologue et l'immanentiste emblématiques, on amalgame ce qui est avec ce qui n'est pas. Ce qui est n'est pas. Le complotisme n'est pas en ce que le complotisme n'est pas le complot. C'est pour rassurer les gogos et les moutons que l'on explique le complot par le complotisme.
Ce que cache l'utilisation de l'arme massive du complotisme, c'est non seulement que les complots existent (première évidence), mais encore que les complots sont humains. A une époque d'immanentisme, la révocation du divin, pompeusement baptisée mort de Dieu par Hegel, Nietzsche et leurs suiveurs de plus en plus que moins ignares, accorde à l'action humaine une précellence unique. En dénaturant l'existence des complots derrière l'accusation de complotisme, on commence par faire oublier le rôle de l'homme dans l'action humaine et le fait que certains hommes puissants et dominateurs se considèrent remplaçants des prérogatives divines défuntes.
Plus l'on occulte le statut des hommes-dieux de type immanentiste qui régentent le monde surhumain de l'immanentisme tardif et dégénéré, plus on cache leurs carences de sous-hommes. Ces pauvres types sur-vitaminés n'ont de toute façon pas le niveau pour occuper leurs fonctions. Ce n'est pas qu'ils soient sots. Quel homme peut prendre la place de Dieu? Personne qui ne soit démesuré et perverti par une mentalité qui le dépasse, qu'il n'a pas voulu. Seul les sous-hommes sont appelés à faire le Surhomme. Regardez Kissinger. Rien de délibéré dans l'ordonnation de la mentalité immanentiste. Une mentalité dépasse de très loin n'importe quel dessein, n'importe quelle volonté.
L'avènement d'une mentalité n'est jamais désirée ou volontaire. Ce sont les volontés qui s'adaptent à la mentalité. Les doctrines religieuses nihilistes comme la complétude du désir ou l'absurdité aveugle de la volonté ne sont que des explications a posteriori apportées à une mise en place qui n'a été décidée par personne. De ce point de vue, le complotisme entérine le fait capital qu'aucun homme ne peut par son désir/volonté décider du cours du réel, y compris à une époque de progrès technologique important.
Contre une mentalité complotiste impossible, l'impossibilité du complotisme montre simplement que les complots sont possibles et que la possibilité des complots va de pair avec l'impossibilité des comploteurs à imposer leurs saillies souillées de souillons. Cette vérité est vieille comme le monde. Ce qui a changé, ce n'est pas le statut des comploteurs dans le réel, mais le statut des comploteurs dans le monde de l'homme. La réduction du réel au monde de l'homme. Le complotisme essaye de cacher la béance religieuse et identitaire insurmontable que le changement de statut immanentiste fait intervenir depuis la mort de Dieu, avec le remplacement impossible et inégal de Dieu par le Surhomme.
Le complotisme cache le nouveau statut des complots depuis la mort de Dieu. Désormais, les complots ne sont plus régentés par le divin, soit la reconnaissance que des forces supérieures s'occupent des secrets humains. Désormais, les complots ont le champ libre. Si l'homme avait réussi à remplacer Dieu, on comprendrait l'annonce de la mort de Dieu; la dénonciation du complotisme ne serait pas aussi omniprésente dans le système occidentaliste et leurs caisses de résonance de croque-mitaines médiatiques.
L'explication au mythe du complotisme ne repose pas sur l'existence effective du complotisme - comme l'antisémitisme ne désigne pas la judéophobie effective. Il s'agit de cacher que l'homme n'est pas capable de remplacer Dieu par le Surhomme et que du coup les complots n'ont pas été dépassés. Pis, ils sont devenus l'assurance du déclin et de l'effondrement de la mentalité immanentiste. Nous y sommes.