vendredi 31 décembre 2010

L'idéologie contre le réel

Guy Sorman est un dur. C'e qu'on pourrait appeler un fanatique. Le libéralisme se meurt, Sorman s'entête. Pareil à ces porte-paroles bornés qui refusent d'abjurer contre l'évidence, y compris sur le bûcher, Sorman privilégie contre le réel sa représentation. L'idéologie contre le réel. Un exemple croustillant de ce déni historique : un porte-parole de Saddam Hussein, à mesure que les forces de la coalition atlantisme approchaient du siège de la télévision irakienne, s'ingéniait à affirmer que jamais la défaite des alliés occidentaux n'avait été aussi cuisante.
Avec l'accusation de complotisme, qu'ils dégainent comme une fatwa indiscutable révélant les limites de leur conception, les thuriféraires de l'impérialisme en Occident sont devenus fous : c'est pour eux un curieux moyen de décréter que leur société libérale se trouve débarrassée une bonne fois pour toutes (une mauvaise foi) des complots, qui n'ont jamais cessé de parsemer l'histoire. Guy Sorman est une incarnation de cette sclérose mentale consistant à dégainer le complotisme plus vite que son ombre. Problème médiatique : l'argutie contre un comique balourd comme Bigard (comment expliquer le succès populaire du comique balourd, notamment en France?) peut fonctionner tant un Bigard sert de repoussoir; mais contre un ancien ministre chevronné des Affaires étrangères et ancien président du Conseil constitutionnel, cela devient passablement ridicule.
Et le pédigrée de Roland Dumas, un immoraliste intelligent, comme le définit un ancien membre du Conseil constitutionnel ("il lui manque une case, celle de la morale", en substance), loin de remettre en question ses déclarations récentes concernant le 911, leur confère une portée irréfutable pour qui veut comprendre : car désormais, c'est un impérialiste progressiste qui entre dans la danse, dénonce la supercherie dont les populations sont victimes par acceptation veule et s'émeut du sort qui est réservé aux peuples d'Occident.
Face aux durs comme Sorman, Lellouche ou Delpech, Dumas entre en résistance : pas question d'accepter que l'on détruise les peuples pour privilégier quelques oligarchies - comme le prévoient les programmes des experts et autres conseillers mandatés par le conglomérat bancaire Inter-Alpha. Sorman se comporte comme le porte-parole de Saddam : il a trop accepté de diktats du libéralisme pour être en mesure de se dédire. Il est trop tard pour Sorman.
Un peu de lacanisme. Quel est le nom révélateur de notre Guy atlantiste? Sorman signifie : le sort ment (également : le saure ment, mais ce serait injurieux). Face à la réalité apocalyptique de l'effondrement du libéralisme, Sorman choisit contre le réel la représentation de l'idéologie libérale, qui déroule un programme harmonieux de développement mondialiste - en réalité, la guerre de tous contre tous. Le sort ment, j'ai raison. A côté d'une autre victime (collatérale?) du lacanisme, le sombre Lellouche, si bien-nommé pour son rôle de propagandiste de l'OTAN et d'autres intérêts ultralibéraux et altlantistes, Sorman aimerait endosser la tunique du grand professeur pontifiant alors qu'il est au mieux un perroquet savant, sans doute encore plus un répétiteur stéréotypé, qui ne fait que ressasser des discours prémâchés avec une certaine habileté.
Mais revenons sur le commentaire que Sorman propose de la déclaration du Dumas selon laquelle la VO du 911 est fausse. Sorman est présent sur le plateau en tant que représentant de la mentalité atlantiste, avec ses deux acolytes sus-nommés. Loin de tenir compte du fait que désormais ce sont des centaines de voix expertes et autorisées qui dénoncent l'imposture de cette version folle, Sorman la défend sans aucun esprit critique. Et il pense proposer une certaine argumentation rationnelle avec ce commentaire lénifiant, pour ne pas dire stalinien (tant il est vrai que les libéraux contemporains sont devenus des propagandistes aussi zélés qu'entêtés rappelant les pires heures du communisme qu'ils dénoncèrent) :
"
En fait, il est impossible de débattre avec un "complotiste" car les adeptes de ce culte ne sont pas réceptifs aux arguments: ils estiment appartenir à une caste d'initiés à la manière des gnostiques en théologie. Aucun fait avéré ne pourrait ébranler les certitudes de ceux qui imaginent voir au-delà du réel."
Afin de ne pas laisser planer de soupçons quant à l'importance de son propos, Sorman choisit de souligner et de la surligner en gras. Quand la forme remplace le fond? Pourtant, s'il était plus lucide, Sorman devrait faire montre de davantage de prudence : s'opposer à la vérité vous mène vers de cruels déboires. Derrière le vernis rationaliste se cache l'argutie sophistique. Phrase de constat : il est impossible de débattre avec un complotiste.
Sorman coupe toute possibilité de discussion, ce qui est mauvais signe pour lui - et seulement pour ses positions, qui doivent être bien intenables si elles ne peuvent plus être discutées. Pourtant, c'est ce même censeur masqué qui déclare sans craindre la contradiction que : "Tout débat est bienvenu sur ce blog : c'est le principe fondateur". Faudrait savoir! Sans craindre la contradiction, Sorman plonge dans le sophisme en utilisant la conjonction car qui est sensée (plutôt censée) apporter un brin de raison et d'explication : pourtant, Sorman n'apportera aucune raison à son propos virulent. Il expliquera que le complotisme est un culte religieux, de tendance sans doute païenne et dégénérée; il proposera une comparaison historique savante (gratuite, donc pédante) : la gnose; enfin, il versera dans l'immanentisme de tendance spinoziste en dénonçant ceux qui voient au-delà du réel.
La supercherie est tout à fait décelable à la fin de cette sortie propagandiste : le refus de discuter avec le complotiste s'ancrerait sur le critère du réel. Sorman respecterait le réel; le complotiste injurierait le réel. Mais qu'est-ce que le réel? Comme ni Spinoza, ni Nietzsche, ni aucun postmoderne n'a réussi à définir cette idée, Sorman, qui ne définit rien de plus, verse explicitement dans la supercherie rhétorique : il établit des normes vides de sens et s'y réfèrent pour tenir son propos. Si les normes sont vides de sens, c'est que le restant du propos est lui aussi vide de sens.
La défense inconditionnelle du libéralisme par Sorman s'effondre sur elle-même, à la manière d'un soufflé trop cuit. Cette prose typiquement sorbonnarde est seulement significative d'une mentalité sclérosée qui désormais est certaine de s'effondrer et de passer aux oubliettes de l'histoire. Sorman se comporte comme un entêté scoliaste qui refuserait de changer sa méthode pourtant inepte et fausse, consistant à déduire des raisons jugées valides d'un savoir congelé. Sorman aurait besoin de relire Rabelais.
Rabelais lui permettrait sans doute de quitter les chemins moutonniers et de se défier du savoir qui prétend prendre la place de la connaissance. Tous les Aristoteles dixit du monde ne vaudront jamais aucune idée platonicienne. Mais le plus inquiétant à ce stade de déni, où la réalité se ligue contre Sorman et ses acolytes pour leur rappeler que la VO du 911 est fausse, c'est ce refus d'accepter l'existence pourtant pullulante (voire purulente) des complots. Alors, sans nous éterniser à convaincre en vain Sorman qu'il se trompe, nous allons seulement lui rappeler ces vers d'un écrivain autrement plus important que l'historien des idées anglais Berlin (que Sorman confond avec un philosophe, en montrant qu'il amalgame savoir et connaissance, dazn un bel effort d'impérialsme).
Dans une de ses plus célèbres pièces de théâtre, le grand Shakespeare reconnaît l'existence centrale des complots d'État, au point que c'est Hamlet qui meurt à cause de l'un d'eux et que sa mise en garde contre son temps prend des allures universelles pour toutes les époques, en particulier la nôtre. Au lieu de jouer les philosophes de pouvoir, Sorman ferait bien de la méditer :
"Horatio : - Alors vous entendrez parler d'actes charnels, sanglants, contre nature ; d'accidents expiatoires ; de meurtres involontaires ; de morts causées par la perfidie ou par une force majeure ; et, pour dénouement, de complots retombés par méprise sur la tête des auteurs. Voilà tout ce que je puis vous raconter sans mentir. (Hamlet, V, 2)".

mercredi 29 décembre 2010

Contraction

http://www.lexpansion.com/economie/le-vrai-cout-d-un-eclatement-de-la-zone-euro_245288.html

Le mensuel L'Expansion porte un bien mauvais nom. Car l'expansion vantée par ce magazine économique n'est pas l'expansion physique, mais l'expansion monétariste. Tôt ou tard (bientôt/déjà), le monétarisme court vers la faillite, car il est en économie la méthode de l'oligarchie en politique. En ontologie : le nihilisme. Cette expansion est fausse en ce qu'elle repose sur la création ex nihilo de valeur monétaire, soit une création de valeur qui est irréelle, purement fictive. Il s'agit de l'immixtion du vice dans le virtuel vertueux.
Quand inévitablement survient la récession comme corollaire inavouable de l'expansion monétariste, l'excuse toute trouvée dans le discours est : on ne peut pas faire autrement; il n'existe qu'une seule solution, celle que nous suivons. Variante à peine voilée : nous suivons la meilleure. Le discours que nous sert L'Expansion est de ce tonneau : le magazine, ventriloque patent et mimétique des milieux financiers, nous explique qu'en gros, mieux vaut pour la zone euro poursuivre par une politique de renflouement monétariste et de cohésion fédéraliste (de type oligarchique), sinon toutes les autres options seraient pires, en particulier pour la France.
Le plus écoeurant est qu'on nous légitime ce discours totalement faux par la convocation d'experts prestigieux et ultradiplômés, comme ce stratège en économie de la Société générale qui nous explique que selon ses prévisions, la France qui quitterait la zone euro devrait endurer presque 3000 chômeurs par jour pendant trois ans. Mais, attendez. Wait a minute. Notre prévisionniste en chef relève de la clique de ces soi-disant experts en science économique qui n'ont pas vu venir cette crise systémique et qui se sont trompés du tout au tout quant à la prévision de l'effondrement du système libéral mondialisé... Et ce sont ces mêmes prévisionnnistes incompétents qui recommencent à nous servir leurs prévisions? On entend partout dans les médias chuchoter (en chuintant de plus en plus) les rumeurs de reprise, de croissance, de fin de la crise, répétées avec une assurance mensongère tous les trois mois.
La dernière fois, sur France Culture, j'entendais que les prévisionnistes de l'INSEE je crois évoquaient une reprise, mais de nature molle. Autant nous avouer qu'il s'agissait d'une reprise de la crise? Encore du foutage de gueule. Le discrédit des experts n'est pas pour maintenant, en tout cas dans les médias oligarchiques, puisqu'ils recommencent avec leurs méthodes où le jugement est fondé sur le diplôme délivré par le système jugé...
Vous avez dit juge et partie? Et puis, quand un système s'effondre, ses outils de références sont faux et méritent le discrédit. Il serait temps de s'aviser que nos savants du système libéral se trompent et excellent dans la médiocrité crasse. Depuis un bout de temps, on entend que les énarques qui dirigent en majorité la France font des hauts fonctionnaires souvent incompétents. On se moque à juste titre de la formation diligentée à Sciences po. qui prépare les meilleurs bacheliers à devenir des perroquets savants, soit des roquets arrogants.
Le problème n'est pas de savoir (fantasme bourgeois) ou de se dresser de manière fanatique et hystérique contre le savoir (haine prolétaire), mais de ne pas verser dans l'illusion selon laquelle l'excellence du savoir est la fin de l'intelligence. Car le savoir le plus pointu, le plus académique, se trouvera toujours chapeauté par la connaissance, qui consiste à introduire de l'infini dans le fini - alors que le savoir se contente d'impressionner par la maîtrise et l'étalage de référencées finies et figées.
Aristote a engendré les monstres de la scolastique sorbonnarde. Il est temps d'en revenir à la dynamique d'un Platon ou d'un Leibniz contre le monétarisme financier. Le titre L'Expansionest ironiquement mensonger car il ne peut y avoir d'expansion en pays monétariste. Le traitement ontologique (encore une analogie frauduleuse et scientiste) réservé à l'entropie physique par les élites intellectuelles libérales décrypte ce phénomène de l'intérieur : car si c'est le mécanisme entropique qui dirige les phénomènes, alors l'expansion est une erreur - ou un mensonge.
Au passage, que ceux qui ne discernent pas le nihilisme dans cette adaptation peu scrupuleuse de l'entropie physique telle qu'elle se trouve issue des lois de la thermodynamique actuelle sont des aveugles. Avancer que le réel retourne au chaos est certes une rengaine de Rosset qu'il définit avec précision notamment dans l'Abrégé de philosophie (excellente approche de l'immanentisme terminal).
Au lieu de nous parler d'expansion, l'honnêteté minimaliste serait de proposer des titres comme La Contraction. Car l'expansion qui est entropique signifie en fait, de manière oxymorique, la promotion de la décroissance. De même qu'on ne peut promouvoir de la valeurex nihilo sans nihilisme; de même on ne peut soutenir de la décroissance sans nihilisme. Dans les deux cas, il convient que l'être côtoie le néant.

P.S. : je rappelle que l'explosion du système économique mondialiste est imminente et que les historiens du futur jugeront nos prévisions concernant le renflouement de la zone euro ou autres chimères consternantes comme des préoccupations comparables aux prophéties d'invulnérabilité mécanique émises par quelques experts radieux et sereins sur le pont du Titanic.

Chine TOC

http://sobiz.over-blog.com/article-quand-la-chine-s-effondrera-63492729.html

Cet article à contre-courant de la doxa relayant la menace du péril chinois a le mérite de rappeler que la Chine est l'arrière-cour de l'oligarchie mondialisée et qu'à ce titre elle ne saurait être en aucun cas un péril autre qu'oligarchique pour les peuples d'Occident. L'ennemi pour ces peuples aspirant aux principes républicains est l'oligarchie, pas le peuple de Chine. Si l'on ne comprend usuellement pas cette donnée, au point d'avoir peur de la concurrence chinoise (concurrence oligarchique, concurrence populaire, quel type de concurrence?), c'est parce que les élites oligarchiques - plus que les peuples - d'Occident pratiquent depuis l'époque coloniale à l'encontre des autres peuples une politique d'oligarchie (d'impérialisme).
Quand on a compris cette donnée, on mesure l'arnaque et la diversion perpétrées par les propagandistes alarmistes et anxiogènes (la vieille rengaine du sécuritarisme) nous rabâchant avec un aveuglement de bonne foi (de filiation oligarchisante) que le développement de la Chine pourrait porter atteinte au développement de l'Occident. Il n'existe pas de développement mutuel possible dans un monde fini, seulement des rapports de force et de concurrence (d'antagonisme).
A y bien regarder, si la Chine en tant que peuple se développe, l'Occident en tant que peuples se développera. Mais si l'oligarchie se développe comme c'est le cas actuellement, ce sont des élites transversales entre Chine et Occident qui se développeront. C'est le schéma actuel qui nous opprime et pour nous faire oublier sa réalité cruelle et inacceptable, on crée une diversion et l'on fait croire que la menace pour l'Occident serait chinoise et que les mesures prises à l'heure actuelle par nos élites oligarchiques d'Occident seraient in fine motivées par cette menace.
L'ennemi de l'Occident est pourtant intérieur, pas extérieur (chinois, indien, ou autres). Le développement du marché intérieur chinois ne peut qu'être bénéfique pour les intérêts économiques et politiques des peuples d'Occident. La seule menace chinoise qui existe, c'est le péril oligarchique. Mais alors, ce ne sont pas des élites oligarchiques chinoises qui menaceraient le développement républicain occidental, mais des élites oligarchiques occidentales qui délocalisent en Chine (avec la complicité d'élites oligarchiques autochtones) en profitant du développement précaire et inégalitaire du marché chinois.
La ruse ressortit de l'intoxication classique : on exhibe un ennemi illusoire et instrumentalisé alors que le véritable ennemi se tient ailleurs, tout à côté. L'ennemi n'est pas le peuple de Chine, l'ennemi est l'oligarchie. Et le centre névralgique de l'oligarchie se situe à la City de Londres. Quant à la menace représentée par le faible coût de la main-d'oeuvre chinoise, le meilleur moyen d'y remédier est de développer le marché intérieur chinois et d'augmenter les salaires et les droits sociaux des travailleurs chinois.
Le développement républicain de la Chine assurerait le développement républicain des peuples du monde. Dans le cas contraire, l'oligarchisation de la Chine va de pair avec l'oligarchisation du monde. C'est ce qui se passe actuellement et c'est pourquoi il est ridicule de s'en prendre à un faux ennemi, le péril chinois (qui plus est resucée raciste du péril jaune), au lieu de s'en prendre au vrai ennemi : la mentalité oligarchique. Si les populations occidentales se rendaient compte de cette manoeuvre grossière de diversion, au lieu de craindre le développement de la Chine, non seulement elles l'appuieraient, mais encore elles disposeraient de leur liberté de s'attaquer au vrai problème : les intérêts financiers et industriels apatrides et mondialistes qui pillent le peuple chinois en l'utilisant comme rival emblématique et exploité contre les peuples d'Occident - et en laissant entendre par la suite que le rusé et travailleur peuple chinois représenterait un danger pour le développement des peuples d'Occident.
Cette stratégie est certes insufflée en premier lieu par les intérêts financiers qui ont intérêt à sauvegarder le schéma oligarchique actuel, où on légitime auprès des peuples d'Occident l'exploitation oligarchique de la Chine par les élites oligarchiques occidentales au nom de la menace fantasmatique chinoise : les peuples d'Occident servent de débouché aveuglé pour des produits médiocres fabriqués à bas coût par les travailleurs exploités des pays sous-développés (qu'on qualifie d'émergents pour leur donner un certain statut).
La stratégie oligarchique menteuse et propagandiste se trouve relayée par les intérêts oligarchiques transversaux de ces pays qui y trouvent leur intérêt de castes, alors qu'au lieu de le menace de tendance xénophobe qu'ils agitent comme diversion, ce sont eux qui travaillent conte leur peuple et qu'ils trahissent les intérêts républicains. Enfin, on nous serine que nous vivrions en Occident dans des républiques démocratiques et libérales : eh bien, la preuve que ces espaces de liberté délivrent l'intoxication critique qu'ils prétendent combattre et dénoncer (notamment en Chine), c'est que cette stratégie est relayée par les médias occidentaux qui ne sont pas un contre-pouvoir comme ils le proclament, mais une caisse de résonance au service des intérêts oligarchiques.
Le plus stupéfiant et le plus prévisible reste que ce discours en faveur de l'oligarchie mondialiste (centré autour de la City) et contre les intérêts des peuples (en particulier des classes moyennes) se trouve repris et validé par les peuples eux-mêmes, à commencer par les peuples d'Occident, qui ne se rendent pas compte qu'ils soutiennent le discours qui les défavorise. La raison pour laquelle les victimes soutiennent le discours de leurs bourreaux tient à leur aveuglement dans la représentation du réel : c'est parce qu'ils vivent dans une représentation finie et figée du monde que les peuples (en majorité) en viennent à soutenir la loi du plus fort, que leur est préjudiciable, mais qui est la loi caractéristique du réel si le réel est fini.
Dans un monde fini, la loi du plus fort est la loi logique et inévitable. Aristote en sait quelque chose puisqu'il en vient à défendre le régime tyrannique (la version la plus dure de l'oligarchie) à partir du moment où il valide ontologiquement la finitude. Ce que l'on nomme métaphysique n'est pas une certaine mouture de l'ontologie classique, en particulier platonicienne, mais un discours de sophiste tenant compte de l'ontologie opposée et prétendant résoudre le problème d'invalidité du sophisme par la proposition du compromis (en gros, Aristote oscillerait entre Gorgias et Platon).
C'est ce discours grec de facture oligarchique qui mérite d'être dénoncé parce qu'il est la matrice occidentale de l'oligarchie occidentale contemporaine, à une période où les sorbonnards sont redevenus des normes intellectuelles et où les élites postmodernes ont repris les rengaines oligarchiques de la scolastique médiévale. Le problème n'est pas la Chine, mais l'oligarchie; et le ferment de l'oligarchie, si historiquement il peut se déceler dans certains versants de la culture chinoise, se trouve dominant à l'heure actuelle en Occident. Domination financière immédiate autour de la City de Londres.
Mais surtout domination culturelle, qui est le vrai soubassement expliquant le développement de la mentalité oligarchique. Le mimétisme. Au départ, on adoube la violence qui nous détruit. Et puis, petit à petit, on s'en prend au bouc émissaire faible au lieu de l'auteur authentique, mais dangereux. On s'en prend à la Chine au lieu de la City? Alors qu'il serait tellement plus pertinent de dénoncer les élites chinoises de mèche avec l'oligarchie centrale occidentale (autour de la City) et non le peuple de Chine qui en tant que peuple non pas rival mais allié se développerait dans l'intérêt des peuples d'Occident...

lundi 27 décembre 2010

L'autre mode

La culture connecte le monde de l'homme avec le réel (la partie avec le tout), tandis que la contre-culture enferme l'homme dans une bulle à l'intérieur du monde de l'homme - et en totale scission. Comme le proclame avec franchise cette chanson de rock émanant d'un groupe typique de la contre-culture : "Je rêvais d'un autre monde".
Sans doute entre-t-il dans cette déclaration d'intention un brin romantique une bouffée de business, mais l'autre monde désigne le monde de la contre-culture, soit un monde qui n'est pas le réel et qui n'est pas uni. Tout l'effort des républicains en politique consiste à unifier l'homme au réel, en particulier sous la forme (croissante, provisoire et déterminante) du peuple. Cette définition du républicanisme découle de la conception ontologique du nihilisme, selon laquelle (notamment suite aux investigations métaphysiques d'Aristote) l'être est multiple car il découle d'un non-être engendrant à son image (multiple).
Chez Aristote le non-être préexiste à l'être, alors qu'on ne sait pas trop qui est premier chez Démocrite. Non seulement cette précellence indique l'identité d'Aristote le nihiliste camouflé en métaphysicien pragmatique de l'être multiple, mais surtout qu'Aristote prône la contre-culture qui consiste à se recentrer autour du monde de l'homme, soit à dissocier le monde de l'homme du réel. Chez Aristote cette approche contre-culturelle part du postulat (erroné) que le monde est fini, puis, quand le nihilisme ressuscite dans la modernité, cette finitude s'exacerbe en complétude du désir.
Un mythe puéril qui indique que pour obtenir une définition certaine du réel, on restreint encore le périmètre du monde de l'homme au - désir. On retrouve une trace de cette réduction dans l'éclosion du critère de la mode tel qu'il fut théorisé par Baudelaire : qu'est-ce que la mode sinon l'expression de la contre-culture, qui morcèle le réel et qui ne cesse de changer (quitte à revenir périodiquement, le changement dans le fini étant limité)?
Si la mode est un enfermement et si la mode est devenue un art quasiment nouveau, c'est parce qu'elle illustre cette toute-puissance de la contre-culture, dont la caractéristique principale est de suivre les résolutions de l'immanentisme : instaurer un monde fini, figé, défini, dans lequel c'est le désir qui commande et qui resserre encore l'univers, depuis le monde de l'homme (déjà partiel) jusqu'au désir de l'homme. Quiconque vit selon son désir en tant que finalité existentielle est condamné à perdre tout repère réel puisque le monde du désir est une réduction du monde de l'homme qui est une réduction du monde réel.
Si chaque étape implique des déformations, que l'on juge des déformations successives et inflationnistes chez celui qui adhère au mythe du désir complet institué par Spinoza (et ses disciples). Ne reste alors plus au fan d'une des innombrables chapelles contre-culturelles qu'à adhérer à (adorer) un autre monde pour ne pas suffoquer dans son petit monde de mode étriquée et réduisant au rythme mortifère de la peau de chagrin (raison pour laquelle on trouve tant de dérèglements psychiatriques chez les divers adeptes des innombrables chapelles, qui pètent les plombs à force de chagrin et d'insuffisance).

La plume et le goudron

Olivier Bonnet m'envoie le lien :
http://archives.plumedepresse.net/spip.php?article513
dans lequel il commence à remettre en question dès le 29 juillet 2006 la VO du 911. Néanmoins, c'est suite à la sortie médiatique de Roland Dumas de ces derniers jours (fin 2010) qu'il exprime publiquement son doute majeur face à cette VO qui ne tient pas la route. Je maintiens que la démarche journalistique se complaît dans un négativisme parcellaire qui l'empêche d'accéder à la réalité (sorte de prolongement du positivisme).
Cependant, le mérite de cet article assez précoce de Bonnet est de citer des enquêtes sérieuses et très instructives, comme celle du journaliste allemand Elsässer, dont on a fort peu parlé dans les médias dominants parce que justement on se meut dans la propagande médiatique atlantiste et qu'on refuse d'aborder sérieusement le problème autour du terrorisme actuel. Je trouve que Bonnet est plutôt de bonne foi en m'envoyant ce lien, car dans cet article il commence à énoncer des doutes sérieux dès 2006, même s'il se montre à mon goût encore trop timide et trop détaché d'un scandale majeur (plus important que l'affaire Dreyfus). Pour cette raison, je tiens à m'excuser auprès de lui si je l'ai amalgamé trop rapidement (non sans certaines raisons) avec la mentalité des journalistes majoritaires, certains versant dans les accusations délirantes et infectes, comme ce Revel de l'Express, qui ne craint aucun amalgame historique, même les plus répugnants.
Cependant ma critique de fond du journalisme, prôner les faits purs y compris au prix de la seule et intenable vérité négative (en décrétant que la vérité positive est impossible), touche juste d'un simple point de vue historique : en France, l'enquête d'un autre journaliste, Eric Laurent, est parue en 2005. Si on la lit, il en ressort que la VO est une imposture caractérisée et irréfutable. Le moins qu'on puisse constater, c'est que si Bonnet se montre très en avance sur sa profession en exprimant ses doutes quand la plupart des autres mentent ou détournent le regard (suivant une gradation à mon avis trop lente pour un journaliste), il se révèle très en retard par rapport au réel (entre cinq et dix ans pour s'aviser négativement que quelque chose cloche dans cette affaire centrale pour l'histoire contemporaine).
Mais je voudrais finir en remarquant que l'ouvrage de Elsässer présente pour particularité de livrer une enquête approfondie avec de nombreuses révélations inconnues du grand public sur les liens entre al Quaeda et l'ancienne Yougoslavie, ou les circuits inavouables du terrorisme, dont les centres névralgiques ne se situent pas dans les montagnes d'Afghanistan, mais dans des bureaux d'études très occidentaux. Eh bien, ce que nous pouvons demander à Bonnet, même si la tâche est ardue, c'est de nous livrer une enquête aussi courageuse et approfondie, peut-être pas sur l'intégralité du 911, mais par exemple sur les liens entre l'Arabie saoudite, al Quaeda et le 911.
Si cette enquête est menée avec la même détermination et la même pugnacité que celle de Elsässer, nul doute que nous aurons de nombreuses informations pertinentes et cachées à nous mettre sous la dent - et que la fable de la VO du 911 se trouvera encore plus enfoncée comme une porte ouverte débouchant sur le - gouffre. C'est à ce prix que Bonnet deviendra réellement un journaliste indépendant et courageux. Sinon, il risque de verser dans la rébellion médiatique et consensuelle, récupéré par un système médiatique et journalistique qu'il prétend repousser et critiquer.

P.S. : Bonnet se montre très sévère à l'encontre du Réseau Voltaire et de Meyssan qu'il accuse d'élucubrations. Dans l'affaire du 911, même si certaines erreurs ont glissé ça et là, je constate qu'à l'heure actuelle, Meyssan est le premier à avoir dénoncé l'imposture de la VO et qu'il a eu raison. Il serait précieux et courageux de le reconnaître plutôt que de participer à la cohorte des voix qui l'enfoncent pour de mauvaises raisons (taire que la VO du 911 est une imposture). J'aimerais donc que Bonnet reconnaisse ce fait, alors que je reproche beaucoup au Réseau Voltaire, moins sur des élucubrations factuelles à mon avis largement exagérées et instrumentalisées que sur des interprétations simplistes et à la mode (antiaméricanisme primaire ou collusion avec des dirigeants peu recommandables comme l'Iranien Ahmadinejad). Bonnet cite positivement (à raison) l'interview de Cattori avec Elsässer. Or Cattori est une collaboratrice attitrée du Réseau Voltaire et il existe des articles de qualité sur ce site, à moins que Bonnet démontre le contraire en démontant réellement l'imposture - pas comme Fourest et Venner ont prétendu le faire alors que ce sont elles qui se sont trompées, voire ont trompé sciemment, à l'occasion de la parution d'une commande douteuse, toujours en 2005.

dimanche 26 décembre 2010

Les trois signes

A propos des trois singes, l'un se couvrant les yeux, l'autres se bouchant les oreilles, le troisième se fermant la bouche, il existe plusieurs interprétations, la plus courante consistant à se murer dans le refus du jugement sensible pour ne pas commettre le mal : ne rien voir de mal, ne rien entendre de mal, ne rien dire de mal. Cette interprétation en recoupe d'autres qui sont plus génériques ou un peu différentes.
Cette première interprétation présente déjà la caractéristique d'être relativiste (dans un sens aristotélicien), puisque le mal est considéré par rapport au jugement subjectif et qu'il n'existe pas de mal universel et objectif (dans un sens platonicien). L'erreur est constatée quand survient le mal et que les partisans du mal relativiste en viennent à considérer que le seul mal qui existe provient de ceux qui voient le mal - partout et surtout - à l'extérieur d'eux. Inversion croustillante quoique accablante, qui explique tant l'accusation rémanente de complotisme que les persécutions qui découlent de l'accusation latente de répandre le mal (Socrate en sut quelque chose).
Dans la note que j'ai envoyée au journaliste indépendant Bonnet (qui par ailleurs ne répond pas vraiment à ce que je le dis sur le fond), notre indépendant relatif (à mon avis) me répond (ce qui se fait rare parmi les journalistes) qu'il n'existe pas de vérité positive, seulement une vérité négative. Selon lui, l'accès à la vérité positive est impossible. La catégorie de l'impossible est l'expression du nihilisme. Mais aussi : l'étymologie de singe en japonais (saru) jouerait avec la forme verbale zaru, qui exprime de manière archaïque la négativité. Autant dire que l'approche typiquement positiviste de Bonnet (le positif n'existe pas puisque le factualisme est négativiste) recoupe l'attitude des trois singes, qui se murent dans le négatif pour obtenir le bine.
Cette attitude consistant à obtenir du positif par le négatif rejoint l'idée libérale (développée initialement je crois par Mandeville avec la fable des abeilles) selon laquelle les vices privés deviennent des vertus publiques. Cette opération n'est pas explicable au sens où elle est irrationnelle; elle se trouve établie dans la doctrine nihiliste développée par exemple de manière assez explicite par l'atomiste Démocrite au sens où l'existence du néant côtoie l'existence de l'être. Impossible d'expliquer pourquoi l'être n'est pas détruit par le néant antagoniste, ni pourquoi l'être est, autant que le non-être n'est pas.
Cette manière d'envisager le réel de manière négative (et donc nihiliste, même indirectement ou inconsciemment) rejoint cette propension curieuse chez l'artiste à dénoncer le mimétisme par le comportement animal : chez Rabelais, en pleine Renaissance, ce sont des moutons qui se trouvent dénoncés; alors que du côté de l'Asie, notamment chez le sculpteur japonais Jingoro, ce sont des singes. Dans les deux cas, au-dela du relativisme culturel et animalier, ce qui est dénoncé réside dans le mimétisme (moutonnier dit-on depuis Rabelais) qui différencie l'animal de l'homme.
Comme le proclamait le président américain Abraham Lincoln dans un discours, le castor reproduit toujours la même maison, alors que le mineur est la métaphore de la spécificité et de la supériorité humaines en ce qu'il est capable de créer, d'innover et de proposer des formes supérieures d'expression. Ce sont des animaux qui se montrent dans l'erreur au nom du bien parce que c'est quand l'homme se comporte comme un animal qu'il croit atteindre le bonheur alors qu'il sombre dans le mal (destruction, ...).
Nous disposons d'un exemple théorique dans l'oeuvre de Rosset : en bon immanentiste terminal, notre philosophe nietzschéen dresse l'apologie des animaux qui seraient eux pleinement heureux de vivre de manière stable et insouciante, alors que l'homme est doté du savoir en trop ne lui permettant pas d'accéder au bonheur. Si ce sont des animaux, trois singes ou un troupeau de moutons, qui expriment le comportement humain de dégradation, aberrant et mimétique, au point de produire un néologisme avec l'excellent adjectif moutonnier, c'est que la référence à l'animal en tant que modèle est mauvais signe.
Bonnet est à ce titre un cas, certainement pas la racine du mal. Il se pourrait même qu'il soit doté d'idées généreuses et qu'il participe à l'élan de tous ces progressistes qui ont tant contribué à l'état actuel du système : la crise financière qui est culturelle. La critique contre le journalisme dont la méthode est d'obédience positiviste incline à un certain pessimisme car il se pourrait que le positivisme ne puisse y répondre sans la déformer. C'est d'ailleurs de cette manière qu'agit Bonnnet, qui ne veut pas entendre que la fable des trois singes désigne plus des gens comme lui que des dominateurs fascistes et passablement désaxés comme ceux qu'il finit par dénoncer avec retard.
Quelle est l'antienne des singes? Ne pas commettre le mal. Mais surtout : estimer qu'on n'agit bien qu'en agissant au niveau individuel. Un discours que l'on entend souvent de nos jours où les anciens collectivistes désabusés se sont réfugiés dans le micro-économique. Micro = individuel. Cette attitude sclérosante ne peut être dépassée qu'en découvrant que le nihilisme n'est pas un principe actif mineur dans l'histoire des idées, mais le grand courant qui traverse de manière déniée l'histoire des idées et dont on trouve des traces explicites aux périodes de crise, comme à l'époque des sophistes ou des atomistes - et comme maintenant.
Le nihilisme est à l'oeuvre dans ce négativisme présent et explicite chez Bonnet, mais aussi chez les journalistes en tant que discipline qui tendrait de plus en plus à noyer l'expression littéraire sous la religion du fait. Mais il faut élargir à une mentalité générale, surtout par temps mondialisé, et comprendre que la fable des trois singes désigne la propension populaire (dans ce cas moutonnière) à subir la domination de la mentalité du plus fort (nous en avons un cas avec l'accusation de complotisme qui est très souvent inepte mais trop souvent fonctionne); alors que la plupart du temps, comme c'est le cas chez Bonnet à propos de la VO du 911 relayée par les puissants de ce monde, on estime que ceux qui ne veulent pas voir, entendre et répéter sont les puissants méchants et dominateurs.

Bonnet blanc et blanc bonnet

Téméraire, mais pas courageux.

http://www.plumedepresse.net/roland-dumas-le-11-septembre-je-ny-crois-pas-et-vous/

Dans cet article, un journaliste qui se présente comme indépendant et qui utilise l'outil Internet pour sortir le journalisme de sa dérive actuelle (en Occident, les journalistes sont de plus en plus des propagandistes au service des pouvoirs en place) reprend les doutes exprimés par Roland Dumas concernant la VO du 911.
Certes, Bonnet n'est pas le premier journaliste en France à avoir fait part de ses doutes sur le sujet. On pourrait mentionner le cas de Meyssan, qui se trouve ostracisé au Liban parce qu'il a dit la vérité. Il en va toujours ainsi avec ceux qui expriment la vérité en avance : au mieux, ils se font exiler, au pire, martyriser jusqu'à la mort. Mais si l'on pourrait estimer que les journalistes indépendants d'Internet manifestent de l'avance factuelle par rapport à ceux de la presse écrite de format Gutenberg concernant l'exercice de la vérité (journalistique), la démarche de Bonnet est plus que tardive (outre le fait que des médias officiels commencent à relayer les nombreux doutes exprimés un peu partout dans le monde).
Wait a minute, comme proféreraient les détectives. Nous sommes en 2011 du calendrier chrétien. Les attentats ont eu lieu en 2001. Dix ans pour constater que la VO pourrait finalement être fausse, c'est trop long. C'est invraisemblable. On peut incriminer la lâcheté et le mimétisme moutonnier de la plupart des citoyens d'Occident : la peur de sortir au grand jour ce qui est rendu tabou par la doxa publique. Cette attitude de censure en dit long sur l'authenticité de la liberté d'expression dans des pays qui se prétendent libres comme jamais auparavant.
Qui a osé brisé le silence criminel en 1963 alors que le président JFK de la première puissance mondiale se faisait assassiner dans la plus grande des hypocrisies? De même quarante ans plus tard avec le 911 : personne n'ose sortir la vérité pourtant la plus irréfutable, à savoir que la VO est d'une fausseté loufoque. La seule différence, c'est qu'entre temps on mesure la chute d'influence de l'Occident au fait que la contestation est de plus en plus importante. C'est le résultat vérifiable et direct de la politique de désindustrialisation pratiquée par l'Occident depuis que l'agent britannique Russell, qui passe encore trop pour un philosophe mineur mais sincère, a théorisé cette politique féodale de type entropique (autour de la conférence symbolique de Pugwash).
Il serait temps de démystifier le critère de la vérité journalistique. La vérité peut-elle être factuelle? Souvent on critique virulemment le journalisme actuel comme une dérive propagandiste par rapport à la vérité de ce que serait le journalisme : le contre-pouvoir, l'exercice de critique. Mais quelle est la démarche du journalisme? C'est le culte du fait. Or cette position ressortit du positivisme. Il est tout à fait légitime qu'une démarche purement factuelle engendre la détérioration viscérale de la discipline - dans le simplisme. On s'étonne que le contre-pouvoir serve les pouvoirs? Mais comment être un contre-pouvoir en en restant aux faits, alors que tout discours n'a de valeur que s'il dépasse les faits et s'il verse dans l'interprétation?
La vérité n'est pas accessible si l'on en reste aux faits. Il convient certes que la théorie se confronte aux faits, mais seulement à partir de l'élaboration théorique et surtout avec l'idée constante que l'élaboration théorique est supérieure aux faits. Le journalisme ne peut que dériver vers la dégradation et la trahison de son idéal affiché (et frauduleux), car son idéal initial ne tient pas la rampe : s'en tenir aux faits comme à une religion pieusement suivie vous promet la trahison.
C'est exactement ce qui arrive à Bonnet, qui a certes le courage de se lancer dans l'exercice périlleux du journalisme véritable sur Internet, sans craindre la précarité voire l'exclusion; mais Bonnet se comporte en tant que journaliste en ce qu'il met dix ans à comprendre l'événement le plus important de son époque, celui qui lance le siècle (chrétien) et qui explique le changement important de politique (baptisée guerre contre le terrorisme). Raison : on ne peut comprendre un fait en s'en tenant aux faits.
On ne peut comprendre le 911 en s'en tenant aux faits. Ceux-ci vous explosent à la gueule et c'est ce qui se passe avec Bonnet qui candide déclare sans rougir qu'il savait la vérité depuis le début (dans un commentaire au site Reopen news je crois) et en courageux journaliste que la VO est fausse. Dans ce cas, ce n'est plus une mauvais grille d'analyse; c'est carrément de la complicité en mensonge... Pour valider l'idéal journalistique, il conviendrait de sortir du moule journalistique, de le briser et de proposer une grille d'interprétation qui se réfère aux faits tout en répudiant l'hypocrisie du factualisme.
Dès lors, l'on se rend compte que l'effondrement du système libéral fait sortir de leur boîte les impérialistes progressistes comme Dumas et leurs alliés objectifs, qui se pressentent d'autant plus comme de véritables rebelles qu'en réalité ils servent ceux qu'ils prétendent combattre. Bonnet accepte de faire montre de courage à partir du moment où il relaye les soupçons d'un ancien haut personnage de l'Etat français. C'est dire qu'il attend que le système libéral s'effondre et que des impérialistes progressistes dénoncent le mensonge au nom de la sauvegarde de leur système pour enfin emboîter le pas et confesser qu'il ressent quelques doutes depuis le début de l'histoire...
Cette erreur d'appréciation de Bonnet se double d'une erreur d'honnêteté qui explique parfaitement le décalage entre l'idée journalistique et la réalité du journalisme. Dérive prévisible, que Bonnet ne pourra éviter tant qu'il s'en tiendra à une approche positiviste. Ce ne sont pas les failles intellectuelles de Bonnet qui seraient en cause, mais sa démarche qui n'est pas pertinente. D'ailleurs, le plus important, c'est que le retard accumulé par Bonnet dans la triste VO du 911 le pousse à accomplir de plus notables forfaits :
1) il commence à s'émouvoir négativement de la VO alors qu'on serait en droit de lui demander quelle est sa version positive des faits (il est inadmissible de s'en tenir à une position qui à force de négativité va tendre vers le négationnisme historique...);
2) c'est verser dans la bulle contre-culturelle que de ne se préoccuper que de la question du 911, comme si le 911 pouvait acquérir une dimension indépendante et propre. La compréhension des mécanismes du 911 n'est enrichissante que si on la connecte avec son époque et avec un sens plus général, soit : si on la sort de son seul contexte isolé (quasi isolationniste) et qu'on la confronte avec des questions classiques.
Questions politiques et plus généralement questions de pensée. Du coup, le 911 devient le symbole d'une mentalité nihiliste qui ronge l'usage de la pensée pour la réduire à des fragments mécaniques et égarés. Dans son message Internet qui se voudrait courageux, Bonnet a le cran d'illustrer son propos par la référence aux trois singes réputés sages :


Dans cette sculpture attribuée au Japonais Hidari Jingoro, les trois singes de la sagesse sont réputés sages, sans craindre le ridicule, alors que la sagesse de Socrate s'oppose à la lâcheté humaine et à l'attitude populaire de soutien pour le moins paradoxal aux dérives mafieuses : je n'ai rien vu, rien entendu - rien dit. Ces trois singes de la sagesse sont sages dans la mesure où ils sont lâches? Cette sagesse-là exprime peut-être la vision de la sagesse populaire par la mentalité oligarchique dominante : les masses sont sages si elles sont obéissantes et si elles soutiennent leurs maîtres injustes et violents - particulièrement quand ils se montrent injustes et violents.
Dans les histoires de mafia, où les mafieux sont les serviteurs des seigneurs féodaux, la sagesse consiste pour les paysans à se taire devant un crime commis par les sbires cruels de l'ordre féodal. C'est une attitude abjecte et méprisable? C'est l'attitude que la plupart des citoyens occidentaux présentent à l'heure actuelle. Ceux qui attendent que l'on se montre sage à la manière des trois singes prennent le peuple pour des singes (des sous-hommes) et avouent leur mentalité oligarchique. Il suffit de se rappeler que le symbole de la sagesse occidentale Socrate préféra boire la ciguë que de céder au chantage des oligarques pour vérifier que la sagesse diffère de l'idéal de la sagesse crapuleuse et perverse incarnée par les trois singes.
Au passage, Bonnet incarne cet idéal de négation des trois singes : on finit par ne rien dire alors qu'il y a tout à dire. Appeler les trois singes sages indique à quel point la signification de la sagesse se trouve couramment subvertie, pervertie, déformée. L'idéal de sagesse socratique entre en conflit avec la sagesse des trois singes. Les deux références renvoie à deux sens antagonistes. La sagesse socratique est le modèle de la vérité et de la vertu, quand la sagesse des trois singes consiste à réfuter la vertu et l'idéal pour leur préférer la loi du plus fort. Les trois singes se courbent devant l'oligarchie alors que Socrate terrasse l'oligarchie qui l'a empoisonné. Même si à court terme le poison triomphe, sur la durée, le poison de l'oligarchie est inférieure à la vérité.
Car la vérité socratique n'est pas factuelle. Quand on estime que la vérité est factuelle, on adopte l'attitude de lâcheté des trois singes consistant à ne pas voir la vérité. Pour se montrer soumis devant la loi du plus fort, il convient de considérer que la sagesse est d'ordre factuel. C'est exactement l'attitude que manifeste Bonnet dans sa démarche journalistique, à l'exception près qu'il se perçoit comme un rebelle du factualisme journalistique : notre journaliste indépendant s'oppose aux dérives du journalisme tout en ne comprenant pas que ces dérives sont contenues dès les limbes - du journalisme.
La mentalité factualiste charrie l'adoubement envers la mentalité oligarchique. Du coup, notre héros Bonnet met dix ans pour annoncer que l'événement le plus important de son époque, l'événement majeur à côté duquel il ne peut passer, repose sur une version officielle mensongère. Pour un journaliste incarnant le contre-pouvoir, c'est un retard fâcheux doublé d'une erreur consternante. Sans craindre la révélation de son aveuglement, Bonnet explique qui il vise avec cette sculpture des trois singes de la sagesse oligarchique : "L’attitude des tenants de la version officielle, qui excommunient tous leurs contradicteurs en les taxant de complotistes, est parfaitement résumée par l’illustration ci-dessous."
Ce commentaire aurait été valable s'il avait énoncé juste après les faits, en 2001 ou 2002. Fin 2010, il sonne comme une trahison, surtout si l'on se souvient du sort qui fut intenté à Meyssan dans ces années de plomb, simplement parce qu'il remit en cause négativement la VO toute-puissante (maintenant qu'un Bonnet intervient à son tour, elle est pantelante). Moi qui ne suis pas un fanatique de Meyssan, qui lui reproche son préjugé antiaméricain ou son refus de la vérité positive (notamment dans le 911), il est capital de rappeler qu'à la différence du journaliste indépendant Bonnet, Meyssan fut exilé au Liban. Meyssan est victime des préjugés de la méthode factualiste qu'il reprend pourtant - telle qu'elle se trouve mise en lumière par le journalisme.
Le plus cruel à énoncer pour Bonnet qui se présente comme un authentique journaliste indépendant et courageux, au service du contre-pouvoir, c'est que la sculpture des trois singes désigne plus sûrement sa propre position que la position des tenants de la version officielle. Bonnet se dénonce plus qu'il ne dénonce. Car les véritables tenants de la VO du 911 sont les partisans de la morale des maîtres (dont l'idéal fut propagé par Nietzsche à la fin du dix-neuvième siècle, même si Nietzsche donne à cette appellation effrayante une inflexion esthétique plus séduisante, quoique tout à fait désaxée). Les trois singes sont les symboles de la soumission majoritaire et populaire face à cette domination cruelle et implacable.
Que les maîtres soutiennent leur version des faits est bien compréhensible dans la logique de la loi du plus fort (par ailleurs mensongère et folle). Mais qu'un journaliste puisse tenir ce discours accusateur en dit long sur l'égarement du faible face à la vérité : Bonnet est un symbole de ces trois singes qui se taisent tant que les plus forts maintiennent leur chape de plomb violente; puis qui, quand le pouvoir en place s'effondre, s'avisent que finalement, à y bien regarder, la chape exprime le mensonge le plus évident.
N'en déplaise à Bonnet, qui aimerait tant passer pour un esprit courageux épris de vérité, il appartient par son attitude louche à l'attitude de ces trois singes. Les journalistes appartiennent par leur silence à l'ordre des trois singes. Quoi qu'il prétende rétrospectivement, Bonnet n'a rien vu, rien entendu et il s'est tu - pendant dix piges de pigistes. Et maintenant qu'il se met à parler (et à piger), c'est pour n'exprimer avec retard que la moitié de la vérité. La vérité négative. Pour ce genre d'acrobaties rhétoriques, il est vraiment trop tard. Nous avons besoin de sortir de l'Ancien Ordre Mondial qui se présentait comme Nouveau voilà encore peu de temps, de la guerre contre le terrorisme qui terrorise les populations et de la terrible crise culturelle qui n'est que la conséquence prévisible de la loi du plus fort imposée comme mentalité dominante.
Nous avons besoin d'identifier qui sont les trois singes. Cas d'un Bonnet, ce sont tous ceux qui acceptent l'ordre oligarchique, la loi du plus fort et toutes ces balivernes monstrueuses au nom de leur rébellion fausse et puérile. Tous ceux qui voient les trois singes chez les autres, alors qu'ils sont les trois singes. L'enfer de la rébellion simpliste, c'est qu'on s'aveugle en croyant s'illuminer et qu'on fait le jeu du système en croyant s'y opposer. On est singe rebelle quand on bêle - quand on se comporte de manière moutonnière, comme un animal, alors qu'on est un homme. Quand on détruit son pouvoir de création théorique pour s'en tenir prudemment et hypocritement aux faits comme expression de la vérité.
Le courage consiste à s'opposer à la loi du plus fort quel qu'en soit le prix. Socrate l'a payé de sa vie. La lâcheté consiste à estimer qu'il est sage et préférable de se taire et que, quand on n'appartient pas à l'ordre (et à la horde) des forts, on ne peut rien faire d'autre que de subir. C'est l'attitude d'un Bonnet qui en tant que journaliste aimerait tant s'opposer au mensonge alors que sa méthode, singulièrement dans son cas de journaliste rebelle et indépendant, le conduit à entériner la loi du plus fort sous prétexte de s'y opposer. Bonnet incarne un cas ironique d'aveuglement historique face au positivisme postmoderne.

samedi 25 décembre 2010

L'inégalité et le néant

La cassure entre les élites et le peuple, sanctionnée par la célèbre expression de "fracture sociale" (prononcée par le candidat Chirac en... 1995 et qui s'est amplifiée depuis), indique l'oligarchisation de la société. On s'interroge beaucoup (sans apporter de réponses substantielles) sur les polémiques que génèrent des termes comme élites ou élitisme. Si ces termes font querelle ou débat, c'est que nous avons conscience implicite que nous sommes en train de passer d'un système assez républicain à un système de plus en plus oligarchique.
Ce qui est dérangeant n'est pas l'élitisme républicain, mais l'élitisme en tant qu'il est oligarchique : non seulement les élites se reproduisent socialement (la reproduction au mérite étant inévitable), mais encore l'idée est d'encourager la différence sociale transformée en différence ontologique qualitative (comme chez Aristote) et d'assurer la stabilité du modèle oligarchique tenu pour unique et nécessaire.
L'élitisme oligarchique se fonde sur l'analyse d'Aristote qui postule la multiplicité de l'être en la reliant à la multiplicité du non-être. C'est cet élitisme qui est décrié, parce qu'il instaure un modèle par castes, qui prouve l'inégalité des classes entre les hommes. Les castes demeurent presque stables, alors que l'excellence républicaine implique le changement social. L'élitisme républicain est inévitable, puisque l'excellence y est représentative. Surtout, l'élitisme républicain s'appuie sur l'idée que le critère du mérite qui s'exprime inégalement dans l'expression sociale est au service de l'ontologique, où l'égalité règne.
Le mérite républicain implique que les inégalités sensibles soient au service de l'égalité ontologique. La multiplicité hétéroclite et inégale est au service de l'égalité de l'Un. Ce passage de l'Un à la multiplicité recoupe celui de l'élitisme à l'inégalité. Dégradation ontologique du tout à la partie; puis infériorité de l'excellence inégale qui se retrouve imparfaite et partielle, alors que l'égalité exprime l'Un.
Platon explique l'inégalité par la figure de l'autre, qui est le non-être. Le non-être est intégré dans l'Etre, au contraire de l'ontologie parménidienne, qui opposait du tout au tout le domaine total de l'Etre avec le domaine inexpliqué du Non-Etre, qui à la fois n'était pas et en même temps était pensé. L'inégalité recoupe la catégorie de l'autre; mais si Platon intègre le néant à l'Etre sous la figure de l'autre, cette solution ingénieuse n'est pas tout à fait satisfaisante.
L'autre n'est pas expliqué. Il est constaté. L'inégalité aussi. La relative faiblesse de l'ontologie platonicienne tient à l'existence de la totalité sous la forme de l'Etre (l'Un). Même si Plotin parvient à l'expliquer en subordonnant l'Etre au Non-Etre identifié à l'Un, cette innovation néo-platonicienne n'en demeure pas moins à son tour indéfinie, ce qui est un aveu de faiblesse, aussi estimable soit la pensée de Plotin. L'ontologie posttranscendantaliste, sous la forme du néanthéisme, explique davantage l'inégalité (et l'autre) en réfutant la complétude sous la forme d'un état, mais d'un reflet.
L'inégalité exprime un état en ce que l'état d''être à l'intérieur du mouvement de reflet implique que les formes soient séparées - inégales. L'inégalité devient le corollaire de l'être, parce que l'éclatement du néant unifié engendre pour créer sa complétude (son équilibre) une production de formes stables et qui ne peuvent sortir du néant unifié que de manière inégale. L'existence du néant implique que l'être soit inégal.
Mais cette proposition d'explication reste ontologique, au sens où ce qui est se trouve expliqué par l'ensemble du réel. Pourtant, dans le cas d'Aristote, l'être ne peut être multiple qu'en accordant son statut d'ontologie confiné au social. Dans les catégories classiques, le politique est reconnu - et se trouve subordonné à l'ontologie. La métaphysique s'oppose à l'ontologie en ce que la métaphysique ne parle d'être que dans des termes où le politique se trouve réduit au social.
L'inégalité est inexplicable, mais elle est constatée empiriquement. La multiplicité de l'être détruit la possibilité de discours autour de l'Etre et réduit le discours à propos de l'Etre à un discours social, économique et contre-culturel. Raison pour laquelle l'inégalitarisme se trouve légitimé : on crée les conditions théoriques dans lesquelles cet état est irréfutable - et peu importe que ces théories soient quant à elles parfaitement fausses. Tant que l'élitisme représente l'excellence du peuple, il est légitime.
Une réflexion ontologique rappelle que l'inégalité est inévitable, mais que cette inégalité ne repose pas sur un fondement inégalitaire, mais sur un fondement un. L'égalitarisme est un leurre en ce qu'il omet de cerner les liens entre l'Un et l'inégalitarisme. On pourra prendre comme exemple de cet égarement les propositions de Marx. Le jeune Marx travailla sur l'atomisme de Démocrite et finit par décréter pour fonder son Capital que l'hégélianisme était un système métaphysique à inverser.
J'emploie à dessein l'usage de métaphysique pour Hegel parce que les amphigouris du maître allemand rejoignent le nihilisme antique d'Aristote. Hegel comme Aristote sont partisans d'un système politique tyrannique, et cette inclination vers l'oligarchie pure et dure ne se peut établir qu'à partir d'une conception du réel nihiliste. Chez Hegel, la volonté de clore le discours philosophique apparaîtra démesurée. Elle se fonde sur la clôture du réel, que Hegel fond dans un processus en trois parties : du coup, le processus dialectique devient fini et Hegel retrouve la finitude aristotélicienne sous sa dialectique modernisée.
Quand Marx renverse la dialectique hégélienne en décrétant que le système de Hegel est intéressant à condition que l'on lui ôte ses oripeaux métaphysiques trop abstraits et inutiles, il ne fait pas qu'instaurer la prédominance du modèle politique. Longtemps, Marx a été tenu par les sorbonnards pour un théoricien économique, pas un philosophe. Cette demi injustice indique que la conception politique de Marx est réduite à l'économique, soit que Marx a pour caractéristique réflexive de réduire le réel à la conception nihiliste, qui court chez lui de Démocrite à Hegel en passant par Aristote.
Le tic de Marx le matérialiste moderne consiste à corriger les erreurs des autres tout en les reprenant. Marx ne se rend pas compte qu'il corrige le libéralisme tout en reprenant ses axiomes; de même avec Hegel. Il entend expurger l'hégélianisme de sa gangue abstraite absconse tout en reprenant l'erreur principale de Hegel : sa sainte dialectique trinitaire est fausse car elle fige le réel.
Marx aussi fige le réel sans comprendre que le communisme ne peut venir à bout d'aucun système politique dans un réel qui n'est pas fini, mais infini. Marx est un libéral autant qu'hégélien - honteux. Il est vrai que son intérêt pour Démocrite ne l'a jamais quitté, puisque là encore, il reprend les erreurs de Démocrite sous prétexte de les corriger. Il en est incapable, car Marx ne peut corriger ce dont il se désintéresse. La psychologie de Marx le pousse face à un problème à décréter que le problème n'existe pas. Du coup, pour éluder le problème, Marx le réduit à une conception inférieure.
Face au problème ontologique, on réduit l'ontologie au politique. Et face au problème politique, on réduire le politique à l'économique. Marx n'est pas un économiste, c'est un philosophe qui réduit la philosophie à la problématique idéologique - d'où cette impression d'économie. Marx loin de résoudre les problèmes les amplifient en les niant sans les résoudre. Marx montre son nihilisme dans cette négation sans affirmation. Je m'étonne qu'on ne s'émeuve pas davantage de cette faille béante dans le raisonnement de Marx, qui le contraint à poser des principes simplistes : hégélianisme matérialiste étriqué et renversé (sans queue, ni tête); communisme dépassant le libéralisme en reprenant ses erreurs...
On peut dire que le système politique de Marx, même de facture économique réduite, résout les problèmes à partir des fondements qu'il pose; ces fondements sont faux. Du coup, la résolution est fausse, non à cause des erreurs qu'elle pose directement, mais parce qu'elle réfuse de considérer les erreurs; Marx dénie et résout son déni en réduisant le réel à l'idéologique.
C'est ce Marx qui contemporain du théoricien de la mode Baudelaire semble avancer un système idéologique courageux et progressiste, alors que le progrès se résume à l'édiction de l'impossible et de l'erroné. Cherchez l'erreur. Quand Marx propose un système politique égalitaire, la première objection qu'on lui adresserait est de se demander comment un système peut tourner de manière harmonieuse en politique alors qu'aucune des contradictions supérieures (de nature ontologique) n'a été envisagée.
L'égalitarisme politique repose sur le déni miraculeux, soit l'idée que l'on résoudra le problème politique de manière magique et irrationnelle. Cet égalitarisme a toutes les chances d'être irréalisable, et d'est d'ailleurs ce qui s'est produit : à chaque fois que des thuriféraires politiques des théories marxiennes se sont empressés d'appliquer le modèle, ils ont échoué. Le modèle emblématique se situait en Union soviétique. Les experts en marxisme relèvent avec un ton docte que les conditions pour une révolution prolétarienne de nature marxiste n'étaient pas existantes en URSS.
Comment ne pas voir que cette révolution politique impossible n'est que la reprise de la théorie marxienne impossible? Si la révolution n'était pas prête en Russie, il est normal que des révolutionnaires marxistes entreprennent une révolution impossible puisqu'ils appliquent une théorie de nature impossible, qui nie les problèmes au lieu de les résoudre. Les révolutionnaires communistes léninistes n'ont pas mal appliqué une théorie peut-être trop idéaliste, mais viable; ils n'ont fait que rédupliquer l'impossibilité théorique en impossibilité pratique.
L'égalitarisme de Marx n'est pas possible, et s'il n'est pas possible, ce n'est pas parce que la seule théorie marxienne serait erronée. C'est parce que le réel n'est pas égalitariste au sens où l'égalité de l'être est un leurre. La seule égalité qui soit repose sur l'unité. C'est ce que ressent un monothéiste quand il considère que les individus sont inégaux quant leurs capacités, mais qu'il possèdent tous une unité infinie en eux. Même si la présentation de cette conception est limitée, elle est juste. Quant à l'égalitarisme matérialiste, il est d'autant plus faux qu'il prétend s'émanciper des erreurs de l'idéalisme platonicien en affirmant un matérialisme intransigeant et souvent réducteur.
Ne pas s'étonner de la catastrophe finale prévisible. Le monde de l'homme ne peut être rendu égalitariste puisque le réel est inégalitariste. Cet inégalitarisme n'est pas ontologique, il est inévitable dans le monde sensible, pour s'exprimer en termes transcendantalistes. L'être est inégalitariste, le néant uni et le reflet est égalitariste. Marx prétend corriger un défaut qui n'est pas perfectible parce qu'il part d'un principe ontologique faux : son matérialisme idéologique s'ancre sur la conception matérialiste antique de nature ontologique : celle de Démocrite d'Abdère et de son maître Leucippe.
Marx pense que le réel est perfectible parce qu'il part d'une conception du réel totalement fausse et réductrice. Se trompant sur la nature du réel, Marx ne peut qu'engendrer une théorie particulière fausse. Le progressisme matérialiste est faux parce que le matérialisme est faux. Le problème qui n'a toujours pas été résolu, mais sans cesse été différé (repoussé), c'est que l'égalitarisme n'est envisageable que d'un point de vue ontologique. Marx décrète que n'existe que le réel politique. Il aboutit à un réel idéologisé, de facture seulement - économique.
Son égalitarisme réducteur et politique est faux parce qu'il voudrait transformer le sensible en absolu (idéal). Le projet matérialiste de Marx est délirant parce que son renversement de l'hégélianisme aboutit à décréter que l'on peut transformer le fini en infini. De ce fait, le progressisme marxien est typique de l'immanentisme tardif et dégénéré qui commence à péricliter et qui ne peut s'en sortir, mais il contient une faille logique que Rosset l'immanentiste terminal a décelée : un matérialiste ne peut être progressiste, parce que le propre du matérialisme est de demeurer immuable. Pas révolutionnaire.
Mais Rosset n'a rien trouvé de novateur. Il ne fait que se référer aux principes antiques du matérialisme, qui sont antirévolutionnaires. Dans la conception matérialiste antique, le réel est fondamentalement et immuablement inégalitariste. Marx veut à toute force rendre cette conception égalitariste en demeurant dans le schéma matérialiste erroné. Autant dire que son projet est voué à l'échec, car il rajoute à l'erreur ontologique initiale une erreur interne prévisible et plus importante. L'échec historique du communisme est désolant, car il était certain que le matérialisme ne pouvait être égalitaire.
C'est ce qui arrive quand on estime que le sensible peut être égalitariste, c'est-à-dire quand on refuse de considérer que le réel est infini. L'égalitarisme fini et figé est un leurre. Le scandale de l'inégalitarisme ne peut trouver d'explication que si on le confronte à l'infini. Faute d'avoir osé cette confrontation, fidèle à son habitude de fuite devant les problèmes, Marx a préféré délirer sur l'idée de finitude égalitaire.
D'un point de vue politique, il est plus lucide d'accepter l'inégalité tout en estimant qu'elle doit être encadrée de manière à tendre vers l'égalité. Cette conception politique s'ancre sur la connaissance selon laquelle c'est dans un monde figé que l'inégalitarisme existe et que cet inégalitarisme n'est que l'expression imparfaite de l'Un, qui est de nature égalitaire sans également recouper une conception fondamentale et réductrice.
L'égalité est une réduction presque anthropomorphique de l'Un. Au lieu du terme anthropomorphique, qui rappelle trop la démarche immanentiste de Spinoza, mieux vaudrait employer le terme de réduction, qui est plus ontologique et moins rattaché au désir. Si les parties du réel ne recoupent pas le réel in extenso, si le réel est uni mais pas univoque, alors l'idée d'égalité est al déformation du point de vue de l'homme de ce qu'est l'Un. Si l'inégalité est la loi qui prévaut au sein du sensible et que néanmoins nous tendons vers le mythe de l'égalité, c'est que cette égalité n'est pas réalisable dans le sensible, mais qu'elle est l'expression déformée et incomplète de l'Un, une représentation du réel dans son ensemble qui nous indique que toutes les parties du réel comprennent en elles l'unité du réel.

mercredi 22 décembre 2010

Impérialismes posthumes


Qu'il est drôle de constater l'essor et la reconnaissance du terme Françafrique popularisé par l'économiste Verschave et repris par son association Survie - depuis plus de trente ans. Au départ, ce fut le futur président ivoirien Houphouët-Boigny qui lança le néologisme, en 1955, pour désigner la collaboration entre les élites africaines et françaises. On pourrait se féliciter de cette reconnaissance tardive, fort du principe selon lequel mieux vaut tard que jamais.
L'évolution du terme tient à la récupération pour des motifs négatifs. Désormais, la Françafrique désigne cette alliance maléfique transversale entre les élites africaines et les élites françaises corrompues, sur le dos des peuples français et africains, principalement africains. Que de chemin néfaste parcouru, qui témoigne de l'oligarchisation du monde. Avant, on se faisait traiter de fou par ceux-là qui aujourd'hui sont les pionniers dans la dénonciation de cette Françafrique subvertie et pervertie, dénoncée à tort et à travers par des artistes africains francophones, obnubilés par le fait qu'ils sont noirs (préjugé inversé) ou qu'ils seraient progressistes - ils sont au mieux idéalistes, au pire, calculateurs, sans doute un peu des deux.
Que proposent ces gens pour mettre fin au néocolonialisme? Rien. Si l'on écoute un Tiken Jah Fakoly, artiste ivoirien engagé, plus par les médias francophones que par les peuples d'Afrique, on assiste à la récupération néocolonialiste d'un artiste pour le moins médiocre, puisque notre militant anticolonialiste et amateur de tradition reggae (dans le sillage Marley) ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes et énoncer des stéréotypes tous plus creux les uns que les autres. Je sais bien que les Rastas sont spécialistes pour proposer des fausses solutions face à des problèmes réels - comme ce retour délirant à l'Afrique pour les populations noires d'Amérique esclavagisées et opprimées.
Le Tiken tribun ne délire pas comme son compatriote (plus ou moins rival) Alpha Blondy quand il s'exprime, bien qu'il chante moins bien. Surtout, il n'a jamais rien proposé de positif pour empêcher ses récriminations justes, parcellaires, fragmentées, éculées. Depuis son dernier album, injustement baptisé African Revolution, son approche de la résistance le conduit vers les exemples rebattus de fausse résistance : promouvoir des ONG en Afrique, changer les mentalités, annoncer le développement prochain de l'Afrique... Les ONG, aussi bien intentionnées soient-elle, sont le paravent de la charité que les millionnaires déploient après avoir exploité le peuple pour lui en redistribuer une infirme part.
Comme un symbole linguistique, voire sémantique, l'album de notre Tiken bien instrumentalisé, qui prétend agir après avoir donné dans la dénonciation des crimes néo-coloniaux, est intitulé en anglais. Signe de soumission plus culturelle encore que linguistique - ou de révolution vérifiable? Le public lucide a un début de réponse quand il constate que chez Tiken la solution au néocolonialisme tient à l'humanitaire, soit à la légitimation du pillage néocolonial par la compensation charitable et perverse. Autant dire que cette solutionarchirebattue ne résoudra aucun problème car elle n'en a jamais résolu aucun.
Ce pour une raison simple : le seul moyen pour un pays de se développer es de s'appuyer sur le peuple en question, pas sur des aides étrangères, aussi bien intentionnées soient-elles. Que dirait-on si la France devait se coltiner une ribambelle d'ONG étrangères sous prétexte de l'aider à pallier à son sous-développement? Jamais on n'a tant dénoncé la Françafrique pour se donner bonne conscience, notamment en Occident, au moment où le système impérialiste et monétariste occidental centré autour de la City de Londres s'effondre.
Outre que la dénonciation est déconnectée de toute solution réelle, autre que l'arnaque humanitaire, le signe que tous ces intellectuels et artistes françafricains nous distraient, nous amusent et se promeuvent sous prétexte de dénoncer les crimes néocoloniaux, c'est que la Françafrique est reconnue au moment où elle n'existe plus, avalée par les intérêts financiers de l'Empire britannique mondialiste et tentaculaire.
On ne reconnaît la Françafrqiue qu'à condition qu'elle n'existe plus et qu'elle cache la forêt de l'Empire britannique? On apposerait le même raisonnement à propos du déni : on dénie aujourd'hui l'existence de l'Empire britannique comme l'on déniait autrefois (toutes proportions gardées) l'existence de la Françafrique impérialiste. Les historiens dans cinquante ans seront-ils enfin plus lucides (et courageux) que ceux d'aujourd'hui quant à l'existence d'un phénomène impérialiste de nature monétariste, qui prolonge le phénomène françafricain, avec cependant des proportions plus importantes?
La Françafrique désigne, au lieu de la coopération républicaine et dynamique entre la France et ses anciennes colonies, les élites transversales qui constituèrent l'Empire français officiellement dissout et qui après la décolonisation politique pratiquèrent un colonialisme économique d'ordre financier (monétariste) connu sous le nom de néocolonialisme. Cette réalité longtemps moquée, tue ou décriée est aujourd'hui couramment admise comme si elle l'avait toujours été - et par ceux-là mêmes qui l'ont réfutée - ou qui la réfuteraient, par exemple sous le sobriquet hystérique et pervers de complotisme.
Longtemps elle a tué, les opposants africains comme Lumumba ou Sankara, les intellectuels et les authentiques patriotes d'Afrique. Il aura fallu l'intervention opiniâtre d'un Français (Verschave) pour que le phénomène soit porté à la connaissance du public francophone non initié et que les exactions d'un Pasqua soient par exemple démasquées. Cette révélation économique, politique et historique a-t-elle changé les choses? L'Afrique se débloque-t-elle ou débloque-t-elle? L'Afrique se décolonise-t-elle? Se républicanise-t-elle? Si l'Afrique n'a jamais été aussi pauvre, il doit bien y avoir une raison.
Cette raison est simple : l'impérialisme occidental n'a pas cessé. Il s'est accru. L'impérialisme françafricain s'est fondu dans l'impérialisme britannique. Même tabou, l'on n'aborde jamais la question de l'Empire britannique (du vrai Commonwealth) depuis sa décolonisation. On traite de fous, d'extrémistes et de désaxés quiconque présente la lucidité d'identifier le phénomène. L'on met en avant, soit des phénomènes impérialistes passés et inoffensifs comme la Françafrique; soit de faux et ineptes formes impérialistes comme l'impérialisme américain, alors que la Constitution américaine empêche l'Etat-nation américain de pratiquer l'impérialisme (ce qui implique que l'appellation impérialisme américain soit invalidée par les faits qui amalgament Wall Street et les Etats-Unis).
Aujourd'hui, l'impérialisme véritable n'est ni françafricain, ni américain. Ni défunt, ni mal identifié. Cet impérialisme n'est pas idéologique (comme pour le sionisme). Il est monétariste, financier et a pour nom l'Empire britannique. Il siège à la City de Londres, étend ses ramifications dans les paradis fiscaux, se prolonge à Wall Street et se satrapise dans les pays émergents (comme le Brésil). On pourrait s'étonner qu'on reconnaisse tardivement un impérialisme posthume et qu'on ne soit pas capable de reconnaître son prolongement, son successeur et son repreneur, alors que l'Empire britannique existe à peu près sous les mêmes termes que l'Empire françafricain.
Seule exception : il n'est pas circonscrit aux limites de l'ancien Empire français en Afrique, mais, plus étendu, il est mondialiste et opère sur les marchés financiers depuis la City. L'Empire britannique existe comme l'Empire français existait - en plus étendu. Il n'est pasinidentifiable ou tout-puissant : si on ne le voit pas, c'est parce qu'on refuse d'admettre sa définition, ses contours et son existence. On refuse que l'impérialisme soit fondamentalement financier et monétariste. Ne cherchez pas d'Etats-nations : lorgnez du côté des factions. On refuse la réalité comme de considérer la différence entre un faux résistant du style du chanteur Tiken Jah Fakoly et un vrai de la dimension de Sankara.
Le plus poignant n'est pas que Sankara ait fini assassiné par son ami dans l'année qui a suivi son discours d'Accra. Le plus terrible est que l'on continue à perpétuer les mêmes impostures en médiatisant les faux rebelles pour enterrer la véritable opposition. Tiken est un faux rebelle; Sankara un vrai opposant, parce qu'il émettait des propositions politiques panafricaines sans recycler les cataplasmes néocoloniaux à l'effet inverse de celui présenté (on ne lutte pas contre le colonialisme avec de l'humanitaire). Pas de négatif sans positif. La fin de l'impérialisme passe par le démantèlement du véritable impérialisme (britannique) et par le développement souverain des peuples d'Afrique.
Identification de l'impérialisme, développement souverain de l'Afrique : l'un ne va pas sans l'autre. Tant qu'on perdra son temps à révérer des fausses critiques, des négatifs sans positif, on ne pourra empêcher l'oligarchisation du monde. Ce processus sinistre a pris une inflexion plus urgente de nos jours puisque nous assistons à la fin du cycle : c'est à présent le coeur de l'impérialisme britannique, cette Europe financière de mentalité oligarchique, qui se trouve attaquée, la proie des faillites d'Etats. Sankara dans son discours d'Accra insiste sur le lien entre la communauté de destin des peuples d'Afrique et d'Europe.
Il rappelle que les peuples d'Europe sont aussi les victimes des factions impérialistes européennes; tout comme les peuples d'Afrique subissent l'impérialisme prolongé par les élites impérialistes africaines (autochtones). Si Sankara a fini assassiné, à l'époque où Mitterrand était en France le président allié de la politique ultralibérale d'une Thatcher en Grande-Bretagne, c'est parce qu'il a osé dire la vérité insolente (et drôle). Ceux qui ont éventé le secret de l'impérialisme françafricain ont été ses victimes parce qu'ils ont parlé en avance. Idem avec l'impérialisme britannique.
Il leur arrive le même sort : l'homme politique américain LaRouche a été emprisonné et subit des campagnes de calomnies invraisemblables. A l'époque, on taxait un Sankara de stalinisme, de communisme, de trahison face à l'idéal libéral. Aujourd'hui, on traite un LaRouche d'antisémite, de nazisme et autres sornettes qui en disent long sur les mensonges gobés par les peuples complices passifs. Pourtant, si l'on étudie des projets comme la revitalisation du lac Tchad, on s'aperçoit que les larouchistes (autour de Cheminade en France) sont à la pointe du développement de l'Afrique et contre l'impérialisme financier qui détruit le monde (pas seulement l'Afrique) et qui, pour ceux voulant comprendre, est entré dans sa phase terminale de désintégration. Tout l'inverse d'un Tiken qui contribue à détruire l'Afrique avec sa reprise éculée de l'humanitaire anticolonial et qui soutient sans s'en rendre compte l'impérialisme britannique sous prétexte de dénoncer l'impérialisme françafricain.

lundi 20 décembre 2010

Contre-littérature


"La mise en valeur de ce qui était plutôt sous-culturel dans les années quatre-vingts, c'est là au moment où je suis apparu si vous voulez..."
Nabe, Arrêt sur image, D@ns le texte.

Dans l'émission tout à fait bobo D@ns le texte de la chaîne câblée Arrêt sur images fondée par le faux critique Schneidermann, l'écrivain pour adolescents postmodernes Nabe empile les perles. Il est toujours irritant de supporter le discours d'un type congestionné par son égo surdimensionné, qui se compare sans rougir avec Dostoïevski ou Gogol, alors qu'il est au mieux un symptôme de son temps. La journaliste en face, Judith Bernard, l'a mouché en lui expliquant qu'on n'a pas besoin d'être écrivain pour avoir un peu d'esprit critique. Elle lui a rappelé que le roman L'Homme qui arrêta d'écrire est plus vain que mauvais.
Ca fait du bien, un peu de vérité parcellaire et épisodique dans les médias, même si Nabe, après avoir été boycotté, continue à être subitement cité comme référence (ambiguë) d'une époque troublée et décadente - en grande partie parce que Nabe participe aux rengaines déversant les sornettes sur les conspirationnistes d'Internet. Nabe surgit au moment où l'Occident bascule dans un processus d'extrémisation politique, qui a commencé avec les néoconservateurs et qui se poursuit avec les libertariens. Au passage, répétons qu'un écrivain qui prétend décrire son époque et qui ne comprend rien à l'événement catalyseur de son époque passe à côté d'elle. Il énonce un contresens vertigineux qui en dit long sur son identité. En se plantant du tout au tout sur le 911, Nabe n'a pas commis un petit faux sens anodin; il a signé un magnifique roman de contre-culture, anti-édité et promu par les pires figures du système qu'il entend combattre.
Cherchez l'erreur. La journaliste remarque avec pertinence que Nabe passe un temps fou à démystifier ce qui n'est qu'un mythe peu représentatif de son temps, ces milieux branchés de Paris entre show-business et boboïtude. Cette erreur de Nabe vient de ce qu'il croit que lespeople représentent le peuple (et qu'il appartient à la catégorie enfants terribles des people). Nabe est plus proche d'Angot qu'il ne le croit. Il illustre la dérive oligarchique consistant à considérer que la représentation démocratique passe par l'immobilisme social : en gros, lespeople sont appelés une fois pour toutes à représenter des tendances populaires. Raison pour laquelle Nabe est un écrivain si immobile? En tout cas, c'est un écrivain oligarchique, dont l'anarchisme est oligarchique et la métaphysique irrationnelle.
Nabe ne comprend pas parce qu'il n'a pas réussi à sortir de ce milieu qui est le sien et qu'il hait sans distanciation. A la différence de Proust qui indique la décomposition des élites germanopratines (et oligarchiques), Nabe est ce chroniqueur mondain qui déteste le monde qu'il côtoie tout en en étant un représentant farouche. Sinon, comment expliquer cet ultraindividualisme exacerbé, franchement puéril, qui recoupe le romantisme adolescent de l'écriture, et qui connaît une médiatisation tardive et inespérée au moment où le système libéral s'effondre et accouche en guise de prolongement terminal du moment libertarien infect et franchement fasciste?
Puis cette même journaliste Bernard durcit le ton et demande à Nabe si à force de décrire un Paris crépusculaire et mortifère, ce ne serait pas lui le zombie, le mort et le détruit. Hypothèse psychologique sans doute fine, mais qui indique quel est le symptôme de Nabe, pourquoi cette débauche surannée, finalement touchante, d'arrogance et d'égotisme : par sa contre-littérature adolescente et boursouflée de narcissisme puéril, Nabe incarne l'effondrement du système. En tant qu'écrivain, il joue le rôle du Grand Ecrivain bourgeois rebelle qui n'a pas compris que la catégorie assez récente du Grand Ecrivain a disparu et que seuls des zombies subsistent dans ce pari crépusculaire : ce que Nabe décrit, ce n'est pas Paris ou le peuple, c'est le milieu oligarchique qu'il côtoie.
Ne nous y trompons pas, Nabe est des zombies; un zombie surexcité et vindicatif, mais un zombie. Si Nabe ne parvient à recevoir cette critique, s'il recourt à la figure déculpabilisatricede la projection pour projeter sur ses semblables ce qu'il est lui surtout, un mondain arrogant et un médiocre écrivain, c'est le signe fort qu'il n'a pas su opérer de distanciation littéraire et qu'il incarne une sorte d'antiproustisme exemplaire - au sens où Proust est devenu un grand écrivain en se démarquant des snobs qu'il fréquentait, alors que Nabe au contraire est un snob qui se moque des snobs, comme un Daudet, et sans parvenir à sortir du cercle vicieux de la projection.
Signe que Nabe se plante sur l'essentiel : en tant qu'écrivain, Nabe aurait dû saisir l'originalité d'Internet, surtout lui qui se vit comme paria de la République des Lettres. Mais ni lui, ni ses fanatiques typiques de la contre-culture n'ont réussi à capter le suc d'Internet, l'innovation Internet, parce que Nabe est resté proche de ceux qu'il déteste comme ses frères et qu'il voudrait tenir éloignés comme des ennemis. Il serait temps de rappeler que Nabe est demeuré proche de Sollers, son mentor d'un temps, et surtout qu'il a recopié en moins bien Matzneff, dont il ne parle (presque) jamais, alors que Matzneff n'est pas un grand écrivain, mais un écrivain si supérieur - à Nabe.
Ne rien comprendre au 911, rien à Internet, rien à l'écriture : Nabe exprime de manière paroxystique un condensé des préjugés et des stéréotypes contemporains sur la littérature et sur l'écrivain. Non, l'écrivain n'est pas confiné à la pose de l'écrivain bourgeois souffrant de son incompréhensions; non, le monde ne tourne pas autour du nombril de l'écrivain. Le genre de l'autofiction, auquel Nabe sacrifie sans avouer ses modèles, indique en tant que sous-genre mineur et passablement irritant (le nombril se commuant en sexe appel) cette dégénérescence de la littérature bourgeoise depuis les grands modèles auxquels Nabe se réfère jusqu'aux prolongement nauséabonds et souffreteux, dont Nabe est un cas d'école (à colle).
De la même manière que les libertariens sont les zombies harassés et éreintés du libéralisme croissant; de même Nabe est par l'autofiction un cas d'agonie de la figure de l'écrivain bourgeois dégénérant. Si on reconnaît un arbre à ses fruits, les productions de l'autofiction sont le signe que la littérature bourgeoise est arrivée à extinction et que les fruits qu'elle produit sont pourris sur la branche.
Réveillez-vous, le monde de la bourgeoisie et du libéralisme est mort. La littérature se trouve désormais sur Internet, plus dans les formats Gutenberg, qui bien qu'encore vivaces (le soubresaut de l'agonie) sont appelés à disparaître. L'antiédition est de la contre-culture. L'usage intéressé et profiteur que Nabe fait d'Internet indique à quel point il ne comprend rien aux productions de son temps, combien il reste prisonnier de ses mythes dépassés et caducs. Non, Internet n'est pas au service de l'égo de Monsieur Nabe, non le but d'Internet n'est pas de tisser des louanges au roman antiédité de Nabe. Le détournement d'Internet par Nabe est typiquement réactionnaire, puisque Nabe entend utiliser le futur pour le passé, comme si le passé étai éternel et le futur au service du passé.
Si Nabe n'a rien compris à l'art ou à Internet, c'st tout simplement parce que la littérature qu'il pond est de la contre-culture. Le propre de la contre-culture étant de figer, les innombrables chapelles de contre-culture ont pour caractéristique d'être figées dans un type donné et immuable. En l'occurrence, la contre-culture d'un Nabe, c'est l'autofiction. Nabe n'est pas anarchiste, écrivain ou musicien féru de jazz; tous ces prétextes lui servent à sculpter son moi et s'il parle autant, s'il coupe sans fin ses interlocuteurs, ce n'est pas parce qu'il a tort (seulement), c'est surtout parce qu'il pépie : "Moi, moi, moi".
Le cas Nabe est un cas de contre-littérature au sens où la cohorte plus ou moins stable desaficionados de Nabe estime que c'est en adhérant à l'univers de Nabe et aux valeurs de Nabe qu'elle découvrira la vérité sur la littérature et l'art. Tels des adolescents éternels, figure pathologique (vite psychiatrique) que crée la contre-culture, nos nabiens rarissimes et sourcilleux de leur avant-gardisme underground et éthéré estiment que leur culte du jazz ou de telle mode artistique leur ouvrent les portes subliminales de l'art, de la vérité - ou que sais-je.
L'imposture Nabe, que ce soit dans ses positions religieuses (un orthodoxe nihiliste et irrationaliste), dans ses engagements politiques (un anarchiste au fond proche du libertarisme) ou dans son écriture qu'il autoproclame divine (un styliste sans fond, très postmoderne), ressortit bien entendu de la catégorie de la contre-culture, spécifiquement de la contre-littérature. N'en déplaise aux fans transis et aveuglés, qui essaient de croire que l'affrontement est signe de l'excellence, le dialogue avec Judith Bernard indique que Nabe n'a pas le niveau. Ecrivain people, il est fait pour briller sous le feu des émissions à paillettes, où l'on se satisfait de l'étalage de la culture et de la prétention. Pour assurer ces valeurs, aucun souci, Nabe sait y faire. Mais dès qu'il s'agit de montrer en quoi il fait de la littérature, Nabe explose en vol et montre sa médiocrité : la contre-littérature n'est pas capable d'affronter le questionnement rationnel, même conformiste, comme celui de Judith Bernard.
Le truc de Nabe pour embobiner son monde, c'est de hurler comme un hystérique en promouvant sa technique rhétorique (de sophiste) comme l'expression du génie; à la considération, Nabe coupe et présente dans son langage violent des traces de sa mentalité néofasciste travestie en anarchisme vague et fumeux. Quand on subit le discours si significatif de Nabe, on comprend ce qu'est un éternel adolescent : un avorton d'homme, ce à quoi renvoiein fine le pseudonyme de Nabe, qui n'ayant pas réussi à tuer le père magnifié hurle sa haine.
Quand je pense que Nabe a le toupet d'oser créer une fausse polémique contre Houellebecq! On peut reprocher beaucoup à Houellebecq, certainement pas d'être un écrivain supérieur à Nabe. Houellebecq est un schopenhauerien qui restera peut-être comme un écrivain mineur et inégal, qui a sacrifié à la reconnaissance de son temps, mais c'est un écrivain qui a su capter le profond parfum de nihilisme qui hante l'époque et qui la rendra fameuse dans les temps futurs comme une ère de changement et d'instabilité.
Les pessimistes sont des consciences sélectives qui captent une part du réel qu'ils isolent, qu'ils déforment et dont ils prétendent faire la réalité. Ils ne voient dans le changement que l'aspect de destruction et ils en concluent que selon l'étymologie du pessimisme, le monde va de pire en pire (dans la doctrine exacte de Schopenhauer, c'est moins le pessimiste qui est promu que l'absurde). Le pessimisme est le voile élégant de l'absurde au sens où l'absurde exprime l'idée d'immuabilité nihiliste, quand le pessimisme induit que l'état ontologique empire sans cesse, sans que cette dégradation constante n'engendre le chaos. Le pessimisme étymologique n'est pas cohérent, puisqu'il implique une contradiction dans les termes : il faut bien une stabilisation de l'état naturel. Or le pessimiste fait mine de réfuter cet état stable.
Nabe croit dans cette stabilité ontologique, avec la naïveté du contre-écrivain. Il faut être un éternel ado comme Nabe pour estimer que les people peuvent représenter le peuple - ou que l'anarchisme qui plus est terriblement cabotin qu'il revendique peut être une posture philosophique. C'est la particularité des bobos que d'avoir engendré socialement l'art de la contre-culture, au sens où l'artiste est celui qui sait mettre en lumière ses petites émanations individualistes et égostistes. Pas étonnant après que dans ce monde faux, Nabe voit flou : prisonnier de ses hallucinations sociales et philosophiques, il croit vraiment que le monde est le monde et que le peuple est le people. Il serait temps de se réveiller, de mesurer le décalage entre le monde qui s'effondre (celui de l'Hyperréel) et le réel. Même si c'est pour se rendre compte qu'après une nuit de débauche et d'ivresse on a claqué son fric en boissons et vanités - et que le monde tel qu'il est ne correspond pas au monde tel qu'on le désire.

dimanche 19 décembre 2010

La chanson de Dumas

Mais que se passe-t-il?
http://www.reopen911.info/News/2010/12/17/roland-dumas-le-11-septembre-je-ny-crois-pas/



http://oumma.com/Roland-Dumas-Le-11-Septembre-je-n

Roland Dumas serait-il devenu à l'approche de la mort (il frise les 90 ans) sage et honnête? Celui qui était dépeint en 1995 par un juge du Conseil constitutionnel comme quelqu'un à qui il manque une case, celle de la morale, rembarrait récemment, vertement et justement la sioniste hystérique Elisabeth Lévy, et désormais, toujours sur le plateau de l'animateur Taddeï, dénonce la VO du 911. Chacun sait très bien que cette VO est un tissu de mensonges. Chacun sait très bien que le Vieux de la Montagne version XXIème siècle ne peut avoir échafaudé de près ou de loin cette oeuvre apocalyptique (l'attentat le plus médiatisé de l'histoire, de très loin) sans l'aide de puissants réseaux militaires et institutionnels sur le sol américain, reliés aux cerveaux actuels de la politique occidentale, les financiers apatrides et impérialistes.
N'oublions pas quelle est la morale de l'homme sans morale : Roland Dumas est bien le président du Conseil constitutionnel qui en 1995 a validé les comptes de campagne délictueux de Chirac et Balladur, alors qu'il refusait ceux du plus petit candidat Cheminade. C'est bien, la loi du plus fort et le bouc émissaire. Ce faisant, il ajoutait son nom à la cohorte de ceux qui calomnièrent Cheminade, le traitant sans craindre la contradiction de néo-nazi ou de vassal de Saddam (prière de ne pas rire pour cet article du Monde qui indique le rôle médiatique de notre grand quotidien du soir). Si l'on s'en est pris à Cheminade en 1995, au point de le ruiner, c'est parce qu'il est le seul en France à avoir dénoncé (et annoncé) le cancer financier et la crise inéluctable que nous endurons (et qui peut nous entraîner vers l'abîme).
Roland Dumas a contribué directement à discréditer Cheminade et à faire le jeu des cercles financiers, dans l'orbite du socialisme mitterrandien, allié de faits à l'ultralibéralisme de Thatcher et Bush Sr. Dumas a-t-il décidé au crépuscule d'une existence bien remplie de soudain passer du mensonge à la vérité? Il possède l'expérience pour se rendre compte depuis un bout de temps que la version proposée à propos du 911 n'est pas correcte et qu'elle frise souvent l'impossible. Les autres invités sur le plateau sont au courant du (gros) problème, surtout ceux qui manifestent la mauvaise foi la plus farouche et désormais explicite, comme cette Thérèse Delpech, qui a décidé de faire la radicale atlantiste et de défendre mordicus la version du plus fort, quand bien même elle confine au plus fou.
Ses acolytes Lellouche ou Sorman se montrent moins vindicatifs et catégoriques, mais tout aussi bornés. Je ne pense pas qu'en 2011 (bientôt), l'on ignore encore dans les cercles parisiens bien informés, auxquels appartiennent nos invités, la plaisanterie cynique selon laquelle la VO du 911 est un mensonge aberrant. En attendant de comprendre pourquoi l'aveuglement idéologique peut mener jusqu'au mensonge le plus éhonté et entêté, il convient de comprendre que Dumas n'agit sans doute pas en vériste tardif, afin de racheter ses innombrables mensonges passés par une conduite vertueuse et intransigeante finale.
Dumas représente ce que l'on pourrait appeler le point de vue impérialiste progressiste. De ce fait, il se trouve opposé au point de vue de l'impérialisme ultraconservateur et radical incarné par Delpech, Sorman et Lellouche. Un impérialiste progressiste consent à l'impérialisme, à condition qu'il soit modéré et qu'il procède à des redistributions minoritaires envers le peuple. C'est la définition du socialisme selon maître Mitterrand - sans doute la version socialiste du synarchisme? A l'opposé, ceux qui ont ourdi le 911 sont des impérialistes prêts aux pires extrémités pour imposer leur système à la dérive (leurs dérivés à la dérive), comme de perpétrer un attentat monstrueux sur le sol de la première puissance mondiale aux fins de finir de détruire les Etats-nations et de les remplacer par des fédérations oligarchiques et féodales (le meilleur masque du féodalisme postmoderne étant la revendication écologique néo-malthusienne).
Sur le plateau soudain symbolique de Taddeï, nous assistons à l'opposition médiatique entre un impérialiste modéré et des impérialistes radicaux - un tableau représentatif de notre Occident actuel. Le plus significatif se déroule par temps de crise, alors que l'impérialisme dominant s'effondre. Du coup, changement de ton : les secrets qui auparavant étaient inavouables deviennent urgents à concéder, sous peine de faire partie de la clique des zombies dépassés et détruits. Le 911 est l'acte monstrueux qui sanctionne la fin du processus de destruction de l'Etat-nation démocratique, représenté par les Etats-Unis en tant que première puissance mondiale.
On a réalisé le 911 pour achever de détruire les Etats-Unis et remplacer les Etats-nations par des fédérations oligarchiques. L'action arrive au moment où le système financier est sur point de s'effondrer. Le 911 donne une légitimation aux politiques de guerre contre le terrorisme, sans quoi ces politiques liberticides et homicides n'auraient jamais été acceptées par les peuples d'Occident. Aujourd'hui que le système financier est mort et qu'il convient de le remplacer, la stratégie dure proposée par les cercles financiers favorables à la domination de l'Empire britannique (la Nouvelle Oligarchie Mondiale) est combattue car de plus en plus d'impérialistes modérés se rendent compte qu'elle ne tient pas la route et qu'elle mène dans le mur.
Aucun système oligarchique et impérialiste ne tiendra. Delpech et ses acolytes défendent un modèle d'ores et déjà dépassé et déphasé. La nouveauté dans cette émission, c'est qu'on se souvient du lynchage médiatique qui fut perpétré jusqu'à présent à l'encontre des people qui osaient dénoncer la VO du 911. Outre ce traitement diffamatoire et fort agressif, la personnalité de nos contestataires n'étaient pas très crédible : le comique Bigard ou le réalisateur Kassovitz ne semblaient pas très engagés sur la scène politique et manquaient de crédibilité. Avec Dumas, ce n'est pas la même chose. Dumas a des titres en politique et diplomatie. Même si ce n'est pas un exemple moral, c'est un homme intelligent, cultivé et lucide.
Or ni sur le plateau ni hors du plateau, on ne rétorque à Dumas que ses propos sont faux, inadmissibles ou inacceptables. Au contraire, on substitue au critère de la fausseté celui de la censure. En gros, Delpech déclare (sans rougir) : il ne faut pas dire ce que vous venez de dire, monsieur le ministre. Sous-entendu : ce que vous avez dit est peut-être vrai, mais on ne peut pas le dire. C'est-à-dire que l'affaiblissement des cercles oligarchiques est tel avec la crise financière et culturelle qu'ils sont contraints d'admettre ce qui auparavant les auraient outrés - à des points d'indignation impressionnant.
Le changement de ton dans le traitement du 911 suit l'évolution du rapport de forces dans l'équilibre international. Comme les puissances dominantes s'effondrent, la lumière sur leurs actions les moins glorieuses commence à être levée. On parle plus de l'assassinat de JFK, et pas pour débiter des sornettes sur le meurtre en solitaire du dérangé Oswald. Idem avec le 911, où il n'est désormais plus possible d'ignorer que la VO est remise en question sur le plan international par des personnalités de premier plan, souvent compétentes en matière de diplomatie, de stratégie ou de questions terroristes.
Signe que les temps changent, on est passé des accusations les plus féroces à la censure insidieuse, qui reconnaît que l'on ment. On entendrait presque les atlantistes sur le plateau susurrer : "S'il vous plaît, taisez-vous... Nos affaires sont déjà au plus mal avec cette crise, alors ne venez pas les alourdir avec d'autres accusations associées, aussi fondées soient-elles...". Le problème, c'est que si l'on comprend le sens du 911, on comprend qu'on ne pourra sortir de cette crise sans nettoyer les écuries d'Augias - les puissances financières qui tiennent le monde et qui ont orchestré le 911 pour garder la mainmise sur le monde.
Tant qu'on ne dira pas la vérité sur le 911, on ne pourra sortir de l'ornière actuelle et proposer le changement. On peut changer, seulement en changeant les puissances qui dirigent le monde. Changer les mentalités. Changer les paradigmes. Changer les règles du jeu. Quiconque veut comprendre est prévenu à propos du 911 - et des commanditaires réels. Et le changement de ton (de l'insulte à la censure) indique l'affaiblissement d'un système impérialiste, celui de l'idéologie libérale et de l'impérialisme britannique.

Conclusion : si Roland Dumas n'est pas un mousquetaire, il se pourrait que sur la fin de sa vie, il joue le rôle du fossoyeur de la mentalité à laquelle il a participé et qui l'aura plus desservi que promu. Arrive le moment où la vérité comme principe de réalité revient s'imposer à celui-là même qui avait cru en disposer et manipuler à sa guise (se comportant comme un individu souverain et tout-puissant). On joue avec les hommes, pas avec la mort.