mardi 23 février 2010

L'aventure mondialisée

2001, odyssée du mondialisme?
2100, odyssée de la mondialisation?


La différence entre mondialisation et mondialisme, notamment proposée par le géopoliticien Hillard, éclaire la confusion qui régit le processus d'unification de l'homme. Deux conceptions antagonistes s'opposent :
1) La mondialisation désigne le processus historique qui tend au fil des siècles à l'expansion de l'humanité et à son accroissement. Après des limites tribales, puis nationales, nous en sommes actuellement à un stade de globalisation mondiale qui n'est qu'une étape dans le processus historique de croissance et d'expansion menant vers la conquête inéluctable de l'univers.
2) Le mondialisme désigne une idéologie impérialiste qui estime que le processus historique d'expansion et de croissance baptisée mondialisation doit s'arrêter au stade de l'unification et de l'unité terrestres. Le mondialisme réunit en son sein fédérateur, voire consensuel, les projets libéraux de libre-échange et communistes d'internationalisme. Rien d'étonnant à ce que le mondialisme soit la doctrine prônant un gouvernement mondial sous l'inspiration du Nouvel Ordre Mondial, soit de l'impérialisme britannique promu par les figures de Wells et Russell ou par des sociétés comme la Fabian Society ou la Roundtable.
La mondialisme manipule la mondialisation à des fins dominatrices; afin qu'une élite oligarchique domine l'humanité unifiée, dont on estimerait arbitrairement que le processus d'expansion doit s'arrêter au stade de la mondialisation. La différence principale entre mondialisme et mondialisation tient dans la limite : la mondialisation est le processus dynamique qui implique que l'homme aille dans l'espace - la limite n'est pas le monde; quand le mondialisme est le stade ultime d'une conception figée et finie de l'homme - où la limite est dans tous les sens le monde.
La caractéristique principale de la mondialisation est qu'elle est une étape; quand le mondialisme considère la mondialisation comme la fin indépassable du développement humain. Selon le mondialisme, l'homme ne peut dépasser la limite terrestre; selon la mondialisation, l'homme ne cesse de croître et est conduit à conquérir l'espace s'il veut poursuivre sa croissance et maintenir sa vitalité. La meilleure définition de la mondialisation renvoie à la croissance continue comme définition de l'homme. Le mondialisme tend vers la décroissance, sous des masques toujours harmonieux et subtils.
Si l'on se souvient que l'homme ne peut que croître ou décroître et que sauf dans des utopies pernicieuses, il ne saurait jamais stagner de manière harmonieuse, la conception propagée par le mondialisme est particulièrement inquiétante et sombre. Elle pose le problème de la conception de l'homme, du sens et de l'histoire : se montrer favorable au mondialisme, c'est être typiquement réactionnaire, soit vouloir revenir dans le passé sous prétexte que c'était mieux avant. Qu'est-ce qu'un mondialiste qui considère que le sens est figé, que l'aventure humaine est parvenue à son terme et qu'il ne reste plus qu'à contrôler de manière harmonieuse son monde figé et définitif? Réponse conséquente, inattendue et en inadéquation avec la conception qui veut que le nouveau soit progressiste et avant-gardiste : un pervers.
La limite indépassable et irréfutable fixée par le mondialisme à la croissance humaine indique que selon cette conception le monde est fini et fixe. C'est la définition que fournit un pseudo-philosophe, l'une des icônes des partisans de la décroissance, qui allient la bêtise réactionnaire à l'érudition intellectualiste. Un certain Kenneth Boulding explique sans craindre la contradiction pourtant obvie de sa pensée : «Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste.» Nonobstant le déni de ces décroissants gauchistes qui confondent postulat et démonstration et qui ne se rendent pas compte qu'ils font le jeu des libéraux conservateurs qu'ils professent de contredire, il n'est pas envisageable de se montrer à la fois décroissant et anti-impérialiste.
Un décroissant comme son nom l'indique est du côté de la destruction et du déclin. Qu'il le veuille ou non, il soutient les forces impérialistes sous des motifs nobles de souci écologique et de contrôle des dégâts occasionnés par l'espèce humaine. La dimension faussement charitable et vraiment arrogante de la décroissance est certes insupportable dans sa posture d'avant-gardisme, mais l'identité de la décroissance devient cocasse et limpide dans son identité avec le mondialisme. Tous les types de décroissance sont des expressions plus ou moins idéalistes, plus ou moins utopiques de mondialisme.
L'anticapitalisme professé par les décroissants de gauche ou leur engagement antilibéral ne sont que des masques irrationnels ou inconséquents. En réalité, quelles que soient les différences, il ne peut exister qu'une décroissance de type impérialiste, mondialiste, oligarchique. C'est une contradiction intéressante, quoique parfaitement explicable; comme l'alliance apparemment surprenante, voire contre-nature, des idéaux internationalistes et mondialistes. Pourtant, les théoriciens du NOM impérialiste britannique se sont rendus compte de la communauté de vue des deux idéologies les plus antagonistes et ont produit une synthèse convergente qui indique la parenté pourtant déniée entre capitalisme et communisme.
Dans cette opposition entre mondialisme et mondialisation, c'est la définition du sens qui prévaut. D'un côté, le sens se situe vers la croissance, l'épanouissement, le changement, la nouveauté. Il intègre la dynamique constante et fait de la mondialisation un processus dont l'unité mondialiste ne serait qu'une étape vers la conquête spatiale prévisible. Dans l'autre schéma, l'approche impérialiste, la limite mondialiste indique la décroissance, le dépérissement, la stabilité, l'immuabilité.
Il est vrai qu'envisager la possibilité d'une dynamique décroissante et impérialiste est un trait d'humour ou une apologie de l'irrationalisme. La mondialisation est du côté de l'histoire; le mondialisme fixe une fin toute finie à l'histoire. Qui raconte des histoires? Plus d'aventure spatiale, plus de changement, plus de croissance. Si la conception fixe du mondialisme se trouve en adéquation avec l'approche impérialiste de l'homme, elle constitue un contre-sens majeur et suicidaire pour la pérennité de l'homme. Veut-on poursuivre l'aventure humaine ou la subordonner à des intérêts impérialistes maquillés en écologisme pervers et en domination irrationnelle et injustifiable?

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