mercredi 31 mars 2010

L'Organisation du Colonialisme et de la Destruction Efficiente

Dépêche spéciale et urgente.



L'Organisation du Colonialisme et de la Destruction Efficiente vient d'annoncer que l'État démocratique et paradisiaque d'Israël avait enfin été accepté en son sein. Pourtant, les choses n'ont pas été faciles. D'ordinaire, l'Organisation n'accepte que les pays qui manifestent le plus ouvertement leur colonialisme et leur appétit de destruction. Tel n'est pas le cas d'Israël qui, rappelons-le, est un pays profondément pacifique, réputé pour son esprit de tolérance et d'humanité. Du coup, les tractations ont été longues et semées d'embûches. Israël a peiné à apporter les preuves concrètes de son colonialisme et de sa mentalité destructrice, voire prédatrice. Pensez! Le pays de la Shoah soudain sans autre choix que de pactiser! Les victimes éternelles devenues colonisateurs impavides et impitoyables! L'Organisation du Colonialisme accueille en son sein les pays d'Occident qui pratiquent la politique de colonialisme et d'impérialisme assurant leur suprématie technologique depuis l'époque dite moderne. Ces pays se mettent d'accord entre eux pour diriger le monde et le partager selon les intérêts de leurs coupes réglées. On se demande bien en quoi Israël, ce petit pays inoffensif et si altruiste, aurait quoi que ce soit à voir avec le colonialisme à visage découvert. Certains esprits favorables à l'entreprise israélienne osent dénoncer cette admission au nom du statut si exemplaire d'Israël. Que penseront les historiens du futur de cette accession contestable? Israël ne passera-t-il pas pour un horrible tortionnaire et un sanguinaire bourreau? Déjà, des voix parmi les Palestiniens, le peuple qui n'avait pas hésité à coloniser la Judée il y a cinq mille ans et à en chasser les généreux Hébreux (ancêtres bien connus des Israéliens actuels), ont le courage de dénoncer ces critiques injustes et sordides. En effet, jamais les Palestiniens ne se sont trouvés si bien traités que depuis l'arrivée récente des Israéliens sur leur territoire. Non seulement les Israéliens se montrent plus que coopératifs, mais en plus ils ont permis aux Palestiniens de bénéficier d'une prospérité intellectuelle et matérielle jamais espérée auparavant. Il est vrai que les Palestiniens sont proches des autres peuples arabo-musulmans de la région, qui se distinguent par leur obscurantisme exacerbé et leur bêtise crasse. Heureusement, bel exemple de charité et de pardon, les Israéliens, pas rancuniers, ont pratiqué une politique éclairée de scolarisation intensive des enfants palestiniens et de développement de l'économie palestinienne, afin d'aider ce peuple fautif à sortir de son âge des ténèbres. Du coup, les Palestiniens, qui voient leur intérêt, craignent d'avance qu'en entrant dans l'Organisation du Colonialisme les Israéliens perdent leur belle âme. Ils en seraient les premiers perdants. Les véritables victimes se trouveraient à n'en pas douter dans les rangs des Occidentaux colonialistes qui jusqu'à présent étaient tirés par le haut grâce au modèle unique et supérieur d'Israël.

High quality



Le qualitatif est le maître du quantitatif.


D'une certaine manière (tronquée), l'argument historique invoqué par les impérialistes (l'infecte loi du plus fort) présente une certaine validité : d'un point de vue quantitatif, seulement tel, les formes prégnantes d'impérialisme ont toujours existé dans l'élaboration des sociétés humaines. Quoique. Couac. Coexisté. Avec quoi? L'impérialiste serait-il ce déformateur illusionné qui ne concevrait du réel que sa partie immédiate et intangible?
Le quantitatif peut se définir ainsi : réduire le réel à un certain donné limité, stable, fini. On ne peut quantifier que ce qui est stable. Dans l'ordre purement donné, le raisonnement en faveur de l'impérialisme serait valable. Effectivement, l'ordre politique dans un donné circonscrit et quantifiable débouche sur l'impérialisme. Effectivement, d'un point de vue historique, on trouve une quantité inouïe d'empires.
C'est l'argument que déversent les experts actuels en impérialisme, qui promeuvent l'impérialisme monétariste britannique sous couvert d'étudier par exemple la forme postmoderne de l'Empire européen (Cooper). Récemment, un éminent membre du CFR américain (relié au RIIA britannique) a pu faire mine de s'interroger sur le déclin inéluctable des Empires en référence au soi-disant Empire américain. Le secret le mieux gardé des critiques anti-impérialistes : l'Empire américain est un des masques les plus efficaces de la véritable identité de l'Empire actuel, qui est britannique, dont les opérations monétaristes principales se déroulent ente la City et les paradis fiscaux sous contrôle.
Dans cette configuration, certains territoires jouent le rôle de satrapies. Historiquement, les États-Unis sont un État-nation fédéral (ainsi que le remarque Cooper avec haine), mais ils sont infestés par une faction historique favorable à l'impérialisme britannique, que l'on retrouve dans la tradition sudiste/confédérée. Cette tradition, loin de s'éteindre, a pris le pouvoir à Wall Street, à Chicago et de plus en plus dans les allées du pouvoir fédéral américain.
La lutte interne américaine entre la tradition républicaine de Lincoln ou Roosevelt et la tradition impérialiste britannique, dont l'actuel Obama est un représentant attitré, si l'on ôte l'illusion raciste de sa soi-disant négritude (aussi fausse factuellement que culturellement), constitue un excellent cas d'étude par rapport à l'apologie débridée de l'impérialisme, qui ces dernières décennies passait par l'apologie décomplexée de la dérégulation ultra-libérale, et, depuis que le modèle libéral s'est effondré irrémédiablement, prend des allures de calamité nécessaire et inévitable.
Si les États-nations parviennent encore à tenir le coup malgré l'entreprise destructrice de l'impérialisme britannique, si les États-Unis arrivent encore à lutter contre le travail de sape de ses factions impérialistes internes, c'est que l'apologie quantitative est fausse. La réduction du réel à un donné est fausse. Une autre constatation corrobore en l'accentuant la solidité manifeste des États-nations et leur supériorité constitutive (et constitutionnelle) sur les formes impérialistes prédatrices et informelles (bien que par les temps qui courent elles se parent des vertus du Nouvel Ordre et autres billevesées diaboliques et tentatrices).
Si l'on examine l'histoire, on constate une progression constante en termes sociaux, politiques, économiques ou technologiques. Cette progression, qui va de pair avec l'évolution religieuse, est incompatible avec la notion d'impérialisme qui se développe dans un donné ordonné et stable et qui aboutit inéluctablement à l'appauvrissement et l'épuisement du donné quantitatif. La conception quantitative est finie dans tous les sens du terme : définie, elle est sujette à la dégradation puis l'anéantissement.
Combien d'Empires puissants ont disparu des mémoires et ne subsistent que dans l'érudition désuète quoique admirable de quelques exceptions savantes confirmant et confinant la règle? Cette progression n'est pas possible dans un univers quantitatif et donné. Elle n'est envisageable que dans une configuration ontologique qui intègre l'ordre humain à un contexte d'infini. La dynamique est la spécificité humaine : le changement implique que l'ordre dans lequel l'homme se muet et se développe soit lui-même en constant changement.
Le changement est possible parce que le réel est infini. La spécificité humaine, la démarche dynamique, n'est possible que parce que la conception quantitative est fausse. La conception qualitative ou dynamique est seule juste. Elle est corroborée historiquement et elle répond théoriquement à la distinction qualitatif/quantitatif. Selon cette conception, les principes qui régissent l'action humaine sont qualitatifs et méritent d'être appelés progrès.
L'action historique de principes quantitatifs peut sembler majoritaire ou dominante, mais elle n'est qu'une erreur d'optique. L'influence du quantitatif sur le développement humain n'est qu'une conséquence faible, voire insignifiante du qualitatif. Le quantitatif est du qualitatif dégénéré. C'est un principe dégénéré au sens où le genre humain obéit au principe universel de progrès et de changement. Le principe désigne ce qui est pris en premier. Les philosophes pré-socratiques cherchaient le principe constitutif et originel de l'univers. Les pythagoriciens estimaient que le principe premier tourne autour de la limite (limite/illimité).
Donner une limite à l'illimité : tel est le principe fondamental humain - toujours changeant, toujours évolutif. Le quantitatif d'expression politique impérailiste consiste à donner une limite définitive, voire à nier l'illimité (en le remplaçant par le concept creux et vide de néant positif). La dégénérescence quantitative du principe qualitatif est inévitable dans la gestion des affaires humaines, mais ce qui meut l'homme est le qualitatif. Du coup, l'évolution qualitative s'opère non de manière quantitative, mais par des soubresauts qualitatifs, par des changements qui opèrent des changements paradigmatiques en termes qualitatifs.
C'est ce que note l'économiste autodidacte LaRouche dans son En défense du sens commun, reprenant la vision classique de la dynamique, telle notamment que les pythagoriciens, les platoniciens et les leibniziens l'appliquent (suivant le principe transcendantaliste défendu par les scribes et les savants prêtres d'Égypte). Selon cette conception, il importe de considérer le qualitatif pour comprendre la dynamique qui meut l'histoire humaine. Le quantitatif n'est qu'une sous-manifestation sérielle du qualitatif. Si l'on s'en tient à une représentation strictement quantitative, on est un dégénéré - littéral.
On commet un contresens historique, surtout on se comporte comme un dangereux prédateur - un porc impérialiste. Tous les impérialistes occidentaux postchrétiens ne suffiraient pas à faire passer l'émergence du christianisme en Europe pour un principe utopique. Au contraire, le christianisme engendre l'effondrement de l'impérialisme romain et le changement paradigmatique vers l'État-nation moderne (paix de Westphalie, 1648). Le christianisme augure en Europe d'un changement de paradigme qui propose un progrès inévitable et qui encadre dans un nouveau donné les formes d'impérialisme.
Cette seule illustration chrétienne montre que la réduction impérailiste s'appuie sur une réduction historique et une réduction ontologique de l'esprit humain. L'impérialisme n'est qu'une manifestation réduite du principe qualitatif qui meut l'homme. Il est illusoire de considérer l'histoire en termes impérialistes comme le font certains analystes actuels subjugués par l'impérialisme à mesure qu'il s'effondre. En réalité, les analyses les plus fouillées de l'impérialisme passent à côté du principal principe humain de développement.
Principe religieux qui se manifeste certes dans l'histoire mais qui n'est pas historique. C'est un principe qui est atemporel et qui en réalité se confronte à l'infini. A l'heure actuelle, ce principe mute en ce qu'il engendre un changement paradigmatique d'une importance profonde. Raison de la crise actuelle et du manque de perspectives à court terme qui nous poussent à adorer le Veau d'Or de l'impérialisme benêt - pour les esprits subjugués par la puissance matérielle et la domination sensible.
Une goutte de qualitatif vaut plus que l'ensemble d'un donné quantitatif. Une goutte d'infini suffit à transformer un donné en un changement paradigmatique. L'esprit du principe se manifeste dans le changement paradigmatique, à l'intérieur duquel s'épanouit le quantitatif. C'est se montrer dégénéré que d'oser suivre le principe dévalué et fallacieux du quantitatif, car c'est croire qu'une certain ordre donné constitue le tout (à la manière de ce monstre de Spinoza qui ose dans l'époque moderne prôner son immanentisme moniste) et peut prévaloir sur le qualitatif.
Il faut se montrer désaxé pour confronter le quantitatif et le qualitatif. Comme si les deux interprétation s'opposaient et se valaient - quand elles ne sont pas antagonistes, mais que l'une englobe l'autre. Les zélateurs du quantitatif (qui souvent sont des thuriféraires de la force ou du fascisme) ne parviennent à défendre leur position stérile qu'en faisant mine d'évacuer tout autre cadre que leur quantitatif. Ils sont réduits à la mauvaise foi pour sauver leur raisonnement. Dès qu'on restaure avec bon sens l'existence de l'infini, le raisonnement quantitatif s'effondre.
La fameuse loi du plus fort est hors-la-loi dès qu'on la confronte à l'infini. Le pervers disparaît dès qu'on le démasque, c'est-à-dire dès qu'on exhibe son retournement du sens. Le sens à l'endroit tient dans la tentative de définition de l'infini. Le sens à l'envers tient dans la réduction du sens au pur fini. La poursuite du sens indique que nous nous situons à un carrefour, soit à un changement paradigmatique ou qualitatif.
Nous allons vers un nouvel ordre, qui est l'ordre spatial, par opposition à toutes les conceptions actuelles qui conçoivent l'ordre en termes réduits à la Terre. Les formes impérialistes vont jusqu'à promouvoir la décroissance (en définissant la décroissance en tant que progressiste et anti-impérialiste) comme seul horizon au sein d'un réel fini. Dans une concpetion impérialiste, la décroissance est sans doute le seul horizon envisageable.
Dans un horizon qualitatif, la décroissance est une folie suicidaire qui mène l'homme vers l'abîme. L'impérialisme est promis à la disparition. Le changement paradigmatique vers l'espace s'appuie sur un changement de normes. On passe de la norme transcendantaliste à la norme néanthéiste. On passe du prolongement à l'enversion. On passe de l'idée que le progrès rime avec l'augmentation à l'idée que le progrès s'opère par la diminution. Diminution qualitative qui engendre une augmentation quantitative.
La néguentropie va de pair avec la diminution au nom du nouveau principe du néant qui remplace l'Être et qui rend caduc le principe dégénéré et quantitatif du nihilisme. La crise immanentiste révèle que le transcendantalisme est caduc sous sa dernière forme monothéiste et qu'il convient de répondre au défi du néant nihiliste par l'intégration du néant à la mentalité religieuse telle qu'elle est exprimée sous sa forme transcendantaliste. Le religieux est ce qui permet à l'homme de croître. De ce point de vue, le nihilisme engendre la décroissance de l'homme (que cette décroissance soit stigmatisée ou vantée sous ses formes les plus pernicieuses et terminales).
Le problème de l'existence quantitativement importante de l'impérialisme se heurte au problème de la prédominance qualitative sur le quantitatif et surtout du fait que le changement est qualitatif. On ne peut soutenir l'optique quantitative que d'un point de vue quantitatif, soit sous un angle réducteur et vicieux. Si l'on rétablit le problème qualitatif de l'infini, on obtient une ordonnation qui engendre nécessairement du quantitatif et de l'impérialisme (appétit de domination dans l'ordre fini). Mais le principe n'est pas impérialiste. Le principe est religieux.
Le principe est infini, changeant, dynamique. Nous en sommes au changement du néanthéisme. Ne ratez pas le train. Ne ratez pas le coche. Dépassez le cache. Ne bloquez sur la phase immanentiste. Oubliez les ratiocinations des Descartes, Spinoza, Hegel, Nietzsche - Heidegger. Lisez Leibniz. Étudiez LaRouche. Tournez-vous vers l'espace. C'est la destination de l'espèce. L'homme. L'âme. L'infini.

samedi 27 mars 2010

A la racaille halalisée

« Ce que tu fais de valeureux aujourd'hui inspire les actions des autres dans le futur. »
Marcus Garvey.

Tends la main à l'Afrique : elle est ta fille et ta mère.



Alors que le polémiste Zemmour bassine avec des préoccupations proto-nationalistes et proto-xénophobes - de telle manière que le postpoujadisme soit intégré dans l'horizon du fascisme ultra-libéral (le fond du fascisme est corporatiste, interne à la crise du libéralisme), notre brillant essayiste-journaliste-polémiste-critique s'acharne sur le problème numéro un bien connu de France : l'immigration africaine (au sens large). Corolaire : le problème de la religion - l'Islam qui n'est pas le christianisme (ni le judéo-christianisme syncrétique et fort naturel). Outre ses outrances et ses erreurs, il semblerait que Zemmour hiérarchise passablement mal les problèmes, confondant le faible et le bouc émissaire, soit s'en prenant avec un courage remarqué plus que remarquable au plus faible. Je croyais pourtant que l'un des mentors de Zemmour, un nationaliste de gauche se réclamant de Marx, Alain Soral le boxeur (plus que sociologue d'ailleurs), désapprouvait ces manières de racaille, notamment au nom de Marx.
La démarche de Zemmour est peu reluisante : par temps d'islamophobie, on ne flatte pas les plus vils instincts de l'Occidental oppressé et oppresseur (xénophobie, préjugés racistes, intolérance religieuse...). Les protestataires bien-pensant s'en prennent à la phrase de Zemmour concernant la délinquance majoritairement africaine ("Les Français issus de l'immigration étaient plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes... C'est un fait."). Bien entendu, outre une instrumentalisation des statistiques, l'explication à la surdélinquance des individus issus de l'immigration africaine récente (depuis les années 60 pour faire large) s'explique en termes sociologiques classiques.
Si les Français issus de l'immigration africaine récente connaissent en leur sein une surdélinquance fort minoritaire (et fort prévisible), c'est pour des raisons sociales - certainement pas culturelles, religieuses ou raciales. Justement. La distinction entre les races est le vrai fond du comlmerce, pardon, du débat qu'introduit Zemmour. C'est un scandale! Les contempteurs plus ou moins sincères de Zemmour feraient bien de s'insurger de la sortie véritablement plus scandaleuse de Zemmour, qui ne concerne pas la question de la délinquance, mais le problème de la race. Et après, on nous dit que le fascisme n'est pas tapi au cœur de notre débat actuel? Reportez-vous notamment à cette retranscription d'une émission télévision relativement plus ancienne (13 novembre 2008, Arte, intitulée délicieusement Paris/Berlin : le débat), dans laquelle les propos de Zemmour sont tout simplement racialistes :
http://www.vincentcespedes.net/fr/Paris-Berlin.pdf
La différence entre racialisme et racisme? Le raciste expliquerait l'existence de races différentes à l'intérieur de l'espèce humaine par des échelles de valeur; le racialiste se contenterait d'énoncer qu'il existe des races différentes (sans valeur explicite). Souvent les racialistes seraient des racistes demi habiles. De ce point de vue, Zemmour le racialiste profère des absurdités en mélangeant la race, la couleur de peau, le phénotype. Je sais bien que par commodité langagière certains scientifiques ont pu parler de races pour dénoter des groupes géographiques, voire culturels. Mais cette définition n'allait jamais sans la reconnaissance implicite de l'existence connexe et irréfutable d'une seule race au sein de l'homo sapiens sapiens.
Un racialiste comme Zemmour foule aux pieds de ses polémiques sécuritaires, voire nationalistes (certains diront souverainistes) les évidences scientifiques en recourant à la figure rhétorique archétypale de la mauvaise foi : l'amalgame. Zemmour amalgame le sens de la race, de la couleur de peau et du phénotype. Cette confusion sans doute volontaire aboutit à des conclusions populistes, voire nauséabondes. Personne n'a prononcé l'exclusion suite à ces propos, parce que Zemmour est un polémiste instrumentalisé. Où un Cespedes (contradicteur de Zemmour sur le plateau d'Arte) explique la présence de Zemmour par le climat de l'époque (dérive droitière, sécuritariste et xénophobe), il n'est pas moral de voir un Zemmour invité partout dans les médias.
Comme celle d'un BHL, son contradicteur médiatique qui aux dernières nouvelles se prendrait en ultime avatar d'un génie du judaïsme, comme celle de son mentor nationaliste de gauche Soral (à ne pas confondre avec le trouble et pacifiste homonyme Sorel, un modèle de Soral), la pensée de Zemmour est nulle. Chacun le sait. Pourtant Zemmour s'en sort à son avantage : les poursuites sont abandonnées suite à des explications satisfaisantes (à ce décompte de mansuétude, on eût aimé qu'un Dieudonné bénéficiât de la même compréhension!); les tribunes médiatiques de Zemmour sont maintenues malgré les menaces de licenciement conditionnel; plus fort dans l'instrumentalisation, une manifestation de soutien est organisée à la sortie du Figaro (journal fort conservateur tenu par l'héritier synarchiste patent Dassault auquel Zemmour est salarié - fort théoriquement d'après le journaliste quasi homonyme dudit Figaro Zemmouri).
Que ne remarque-t-on que les polémiques de Zemmour à propos de la délinquance ou de la race interviennent en plein débat sur l'identité nationale instrumentalisée par le gouvernement néo-conservateur français de Sarkozy? Que ne remarque-t-on la prégnance de ces débats pathétiques depuis au moins l'élection présidentielle de 2007? Que ne remarque-t-on que les propos de Zemmour font chœur avec l'instrumentalisation du nationalisme, du poujadisme, du frontisme, du populisme, de la xénophobie, voire du racisme par le pouvoir en place? Il est vrai qu'un autre synarchiste, le socialiste Mitterrand, avait initié cette veine manipulatrice qui consiste à diviser pour régner.
Zemmour appartient au dispositif médiatico-polémique pour mettre sur la table officielle des thèmes sécuritaires qui permettent une diversion par rapport au vrai problème : la crise financière qui est une crise systémique et qui menace de balayer le monde actuel en quelques années. Zemmour ne fait pas partie d'un complot unique et pyramidal de type sécuritariste pour nous divertir. Il nous divertit, mais c'est pire : il s'appuie sur des réseaux qui lui permettent de développer sa pensée mensongère et fort proche d'un certain nationalisme et d'un certain fascisme au nom de l'irrationnelle liberté d'expression. Liberté changeante suivant les thèmes que l'on aborde. Si l'on attaque des sujets défendus par le pouvoir en place, on est attaqué au nom des limites de la liberté d'expression; si l'on attaque des sujets favorables au pouvoir en place, on est défendu derrière les attaques (finalement avantageuses) au nom de la liberté d'expression. Apologie de la fable de la chauve-souris, qui est souris ou oiseau suivant ses interlocuteurs et ses intérêts.
Apologie de la mauvaise foi et du double discours. Dans le même temps, Zemmour abat les cartes de son jeu de polémiste-propagandiste dénué d'idées valeureuses en dressant l'apologie de moins en moins masquée de l'impérialisme. Zemmour sur les plateaux se montre fasciné par l'Empire romain, au point qu'il explique que la France a été en partie l'héritière de cet impérialisme. Pour Zemmour, l'impérialisme semble l'horizon indépassable de la réflexion politique. Nous songerons à envoyer à notre brillant analyste politique une copie des productions impérissables de l'impérialiste posteuropéen Cooper, qu'il voie si la jonction est opérée avec l'anteimpérialisme romain.
Dans une mentalité impérialiste, les positions d'un Zemmour s'expliquent : la domination finaliste induit l'explosion inéluctable de l'impérialisme. Du coup, quand on se trouve au bord de l'abîme impérialiste, quand la forme impérialiste à son paroxysme de domination a détruit son ordre, pour se sauver de la disparition à laquelle elle se trouve acculée, elle bascule dans l'extrémisme - l'apologie des thèses les plus violentes et irrationnelles.
Considérez le comportement de Zemmour l'impérialiste postmoderne (selon les propres attentes du gourou Cooper) : en pleine crise majeure et irréversible de l'impérialisme contemporain, damné par son mal incurable, notre polémiste joue le jeu en France du sécuritarisme, qui est la diversion historique de l'impérialisme en phase terminale et en fin de course pour sauver sa peau et poursuivre sa besogne (jouer au sauveur de la populace alors qu'on en est le pirate). Zemmour roule pour l'impérialisme qui le fascine et pour le sécuritarisme qui en est sa conséquence ultime. Zemmour lui-même évoque la fin de l'Empire romain, la chute de Rome. Sauf qu'il n'en retient que l'explication lacunaire par les invasions migratoires barbares et qu'il rend cette chute aussi inexplicable qu'irrationnelle.
Le modèle que propose Zemmour est explicable à l'intérieur du phénomène impérialiste. C'est dire que Zemmour roule objectivement pour les intérêts de l'Empire britannique de type financier, qui a pris la succession du fameux Empire romain (via des formes transitoires comme Venise) et qui a été théorisé dès ses limbes par le roi d'Angleterre Jacques Ier Stuart dans son révélateur Basilikon Doron (1599). Zemmour se rend-il compte qu'il travaille pour les intérêts de l'impérialisme contemporain? Est-il seulement envisageable que Zemmour s'imagine suivre de quelconques idées ou une quelconque carrière littéraire (vu que même ses adversaires médiatiques lui serinent avec délectation qu'il écrit très bien et qu'il est très intelligent)?
Un peu de sérieux dans la manipulation rebattue et embrouillée. Plus personne ne parlera de l'action ou de l'œuvre de Zemmour d'ici dix ans - et c'est tant mieux. Quand on veut dénoncer littérairement, polémiquer littérairement, satiriser littérairement, pamphlétiser littérairement, il convient de s'attaquer à des intérêts puissants et officiels. De préférence peu reconnus. Au mieux, pas du tout. Le pire est de taper sur les faibles afin de protéger les puissants (pour lesquels on travaille). Au lieu de s'en prendre aux voyous racailleux de banlieue issus de l'immigration africaine récente, à des minorités ethniques ou religieuses amalgamées, voire illusoires, que Zemmour ne nous entretient-il pas avec la même flamme et la même flemme (peu flegmatique) de la délinquance en col blanc, des crimes des financiers, des crimes des sionistes à Gaza, des crimes du 911, de tous les crimes dans le monde où l'on tue des enfants et des innocents au nom du diabolique voire fasciste droit du plus fort?
Le contresens qui enterre définitivement Zemmour en tant que penseur ou qu'écrivain amène à rappeler que non seulement Zemmour (qui me fait penser à un éléphanteau fils de Jumbo) se trompe de trempe mais qu'il délire tant et si bien qu'il en indique en contrepoint la vérité. Allez, le salut passe par le courage. Le salut se loge chez les faibles, les opprimés et les marginalisés. Loin d'être les calamités des sociétés occidentales qui les intègrent - ou les désintègrent, les immigrés africains constituent le salut de ces sociétés. La culture occidentale est exsangue, vidée de son sens plus encore que de son sang par son impérialisme frénétique qui l'a conduit à dépoter en esclavage les Africains et à coloniser le monde.
L'avenir de l'homme se situe dans l'espace et par l'Afrique. L'avenir de l'Occident se situe à Gaza. Pas en Israël sous l'égide des crypto-fascistes du gouvernement actuel emmené par les fils idéologiques de Jabotinsky. Les immigrés issus de l'Afrique vont sauver l'Occident. Ils vont le sauver moralement. Ils vont le sauver énergétiquement. Nous avons besoin de sang neuf. Pas d'histoires sclérosées et réactionnaires de races ou de couleurs. Nous avons besoin de sens neuf. Nous avons besoin de rédemption.
Nous y sommes. Bob Marley (métisse de père blanc anglais et de mère noire esclavagisée) y était. La rédemption. Tout est dans la rédemption. La rédemption peut être apportée par les Occidentaux d'Afrique. J'ignore si l'Occident se sortira de son pas à trac - ou s'il sera l'équivalent moribond et décati de l'Afrique actuelle, mais l'Afrique est la planche de salut de l'Occident. Sa damnation : la planche à billets. Dans ce jeu de dupes, un Zemmour charrie du sens pervers au sens où il inverse stricto sensu le sens : la rédemption de l'homme blanc passe par l'intégration de l'Occident à l'Afrique.
C'est le rôle que jouent les Occidentaux issus de l'Afrique. De toute façon, les dés sont joués : l'avenir de l'Occident se situe en Afrique. L'Afrique a les clés des dés. Soit l'Occidental poursuit son entreprise de déni colonisateur qui le pousse à stigmatiser cyniquement le sanglot de l'homme blanc (à la manière de ce néo-conservateur de Bruckner); soit il en accepte l'évidence littérale et il arrête le coup des dés pipés. Il tend la main à l'Afrique et il comprend que l'avenir de l'Occident coïncide avec l'avenir de l'homme. L'Afrique à venir.

vendredi 26 mars 2010

Tu peux ou tu peux pas?

"Bon, ben voilà, ça y est, c'est fait."
Marc-Edouard Nabe, L'Homme qui arrêta d'écrire.



Après lecture d'un énième article consacré à l'écrivain marginalisé et censuré,
http://www.alainzannini.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1814%3Ale-point-25-mars2010&catid=74%3Ainterviews-presse&Itemid=93
je m'aperçois que la cote médiatique de Nabe est (notamment et en particulier) assurée par un énergumène de la trempe de Giesbert. Récemment, Nabe a été présenté sur le plateau d'un autre animateur en vogue (Taddeï) d'une manière absolument distanciée et critique : "Vous écrivez depuis 1985 et même vos détracteurs, et ils sont nombreux dans le milieu littéraire, reconnaissent que vous êtes un grand écrivain. Ils ont eu le temps de s'y faire puisque vous publiez votre vingt-huitième livre qui s'intitule L'Homme qui arrêta d'écrire. Alors c'est un évènement à plusieurs titres. D'abord parce que cela faisait quatre ans que vous n'aviez pas publié de livre (...). Ensuite, c'est un événement parce qu'il prend les années 2000 à bras le corps et c'est sans doute le premier roman aujourd'hui qui véritablement s'attaque à notre époque dans ce qu'elle a de différent par rapport à toutes les époques qui l'avaient précédée. Et enfin parce qu'il dynamite les habitudes de l'édition française. Vous avez dit que c'était de l'antiédition.".
Il serait temps de s'occuper du cas Nabe. Pas pour en faire ce qu'il n'est pas. Ni un antisémite (terme impropre), ni un horrible néo-nazi. Un nase à lazzis? Un fasciste? Un extrémisme - de l'anarchisme et de l'individualisme? Un fils à papa? Notre Grand Écrivain du Moment est le fils de Marcel Zanini, instrumentiste de jazz et chansonnier à succès. Papa chantait : "Tu veux ou tu veux pas?", fiston entonne : "Tu peux ou tu peux pas?".
Entre la ritournelle sans prétention et la rengaine prétentiarde de l'héritier putatif, l'évidence aveugle. Longtemps, Nabe a été censuré, vilipendé, agressé, détesté, évité, évincé, martyrisé, haï. On lui a reproché les pires maux de son époque avec une injustice flagrante. En même temps, la lecture de ses livres se révèle des plus décevantes, puisque Nabe apparaît en gros comme un devancier plus ou moins prophétique du genre nauséabond de l'autofiction. Nabe s'est fait agresser sur un plateau médiatique par un faux écrivain de la trompe d'Angot? Trompettes de la renommée! Normal que l'élève en mondanités littéraires tue le maître!
L'engagement politique de Nabe est des plus puérils : facile de lutter contre le colonialisme et l'impérialisme de l'Occident quand on prend des positions exactement inverses. Soit un anti-impérialisme et un anticolonialisme qui sont littéralement de l'impérialisme et du colonialisme retournés. L'acmé emblématique de cette dérive impérialiste sous couvert de contestation de l'impérialisme exclusivement occidental se situe dans la position autour du 911. Nabe ne s'est pas montré capable de comprendre le 911, malgré de nombreuses parutions consacrées au sujet?
Normal selon ses positions d'impérialiste anti : selon lui, fidèle à son antioccidentalisme exclusif, la VO est juste, sauf que l'acte terroriste est un châtiment mérité. Du retournement de toutes les valeurs! Vive le Dionysos de l'anarchie! Le Nietzsche de la Synarchie? On va juste rappeler la vérité désormais véreuse à propos du 911 : la VO est fausse, bien qu'elle ne soit en aucun cas méritée. D'ailleurs, si elle est fausse, on voit mal en quoi elle pourrait être un châtiment de quelque sorte que ce soit. Passons. Le contresens historique de Nabe (se planter sur l'événement catalyseur de son siècle!) va de pair avec son contresens esthétique concernant l'autofiction : dans les deux cas il s'agit de promouvoir un individualisme exacerbé et un impérialisme connexe - au moment où les valeurs de l'immanentisme liées à l'impérialisme britannique s'effondrent.
C'est au mo-ment où le monde que nous connaissons s'effondre, au moment où sa version terminale et putride nous est infligée, pour le meilleur (le changement) et le pire (la corruption) que la promotion médiatique de Nabe déroule et roule. Ta bille. Ta bile. Ta bulle. De mémoire, rappelons des faits de fats falots : renvoyé par son éditeur Le Rocher, qui venait d'être racheté par des intérêts pharmaceutiques, Nabe se retrouva au banc de la société des Lettres. Loin de le démoraliser vraiment, cette fausse mauvaise nouvelle l'incita à créer son concept d'antiédition et à lancer après quelques années de silence ponctué de tracts politiques néo-dadaïstes et néo-surréalistes un vingt-huitième roman consacré dès le titre à sa propre histoire romancée et autofictionnée.
Nabe revient en forme médiatique et accède à la reconnaissance artistique (de la République des Lettres) alors qu'il l'insulte et qu'il entretient une réputation de sulfureux marginalisé. C'est au moment où les porte-paroles de l'oligarchie financière mondialisée tirent à boulets rouges contre Internet et ses dérives complotistes (comme si le complotisme était hiérarchiquement la plaie de son temps, alors que pleuvent les complots apocalyptiques en ère de déclin...) que Nabe choisit de sortir son dernier opus, un sac à puces ou un poil à gratter, consacré entre autres parles à dénoncer les illuminés complotistes, à accréditer la VO du 911 et à décrire un Paris mondain fin de règne, ou, devrait-on plutôt dire, fin d'Empire. Un Saint-Gertmain napoléonien.
Nabe advient enfin à la mode et à la reconnaissance auxquelles il a toute sa vie aspiré au moment où l'aspirateur impérialiste qui s'effondre a grand besoin de contestataires qui le soutiennent. Nabe qui prétend être exclu est seulement le paria des mondains. Sacré pari que ce Saint-Loup de Paris méprisant ce qu'il adule et adulant ce qu'il méprise.
Tu parles d'une méprise! Souvenez-vous : Nabe est contre tout. Du coup, quand on est contre tout, on est pour les valeurs contre lesquelles on s'affiche. On s'en fiche? On est pour ce qu'on est contre, quoi. Après être passé chez FOG, qui anime un magazine de critique culturelle et politique au nom changeant (en ce moment ça s'appelle Vous aurez le dernier mot et ça passe sur France 2), Nabe est à présent interviewé par l'hebdomadaire Le Point concernant une obscure affaire de polémique littéraire entre un cinéaste sioniste assez célèbre (Claude Lanzmann) et un romancier archétypique de la dérive lettreuse de la République des Lettres (Yannick Haenel).
Haenel est un protégé de l'éditeur Sollers, un ancien ami et éditeur de Nabe. Sollers est connu pour ses goûts familiaux bourgeois et anglophiles et pour son arrogance frisant le ridicule. Le pape du christianisme libertin est aussi nietzschéen, favorable tant à Balladur (tendance ultra-libérale oligarchique déclarée) qu'à Royal (socialisme postmitterrandien). Le Point est détenu par l'industriel malthusien et philanthrope Pinault. Le PDG actuel n'est autre que cette vieille connaissance de Giesbert (qui n'est pas qu'écrivain antichiraquien et sarkozeste de choc).
C'est dans les pages du Point que commet régulièrement BHL, un autre sioniste ennemi déclaré de Nabe, connu (tout comme Nabe?) pour sa mégalomanie dévorante le poussant à jouer le Grand Écrivain Détesté. Nabe serait-il antisioniste comme il est anti-impérialiste? Serait-il antisinistre? BHL se prend explicitement pour l'avatar de Mauriac avec son Bloc-Notes sirupeux et promotionnel (notamment pour les sorties archimédiatisées du copain Lanzmann). Récemment, Le Point s'est signalé par un numéro ouvertement malthusien et antiafricain, fidèle à la ligne des intérêts financiers de la City de Londres, qui prônent l'écologie ultra-libérale pour créer un nouveau marché du carbone et du climat (dans lequel serait impliqué Pinault, via notamment la promotion de l'Admirable Artiste Artus Bertrand).
Tout ce cirque ne doit pas nous faire oublier l'essentiel littéraire. Désolé de me montrer cruel, mais Nabe est un mineur qui aurait rêvé d'être le Majeur d'homme de son temps, un mangeur d'âmes qui s'épanouit quand on l'acclame, à condition qu'il fanfaronne et crée des scandales. Nabe est au mieux un Bloy, certainement pas un Céline. Les représentants intellectuels de l'oligarchie sortent de leur chapeau ce genre de marginalisés et de contestataires au moment où leur système s'écroule comme un château de cartes. Ils espèrent ainsi prouver leur haute définition démocratique et leur acceptation de la dissidence virulente et radicale. Ils escomptent surtout sauver le système par la production de parangons anti-système pro.
Malheureusement, ce n'est pas par ce genre de jokers proches de la figure du desperado qu'ils parviendront à sauver leur peau condamnée et damnée. Aucun espoir de ranimer la flamme d'un mort pour l'ultra-libéral. Aucun espoir de ranimer la flamme d'un mot pour l'ultra-anarchiste. Du coup, Nabe qui triomphe actuellement avec son retour à la grâce médiatique (plus qu'à l'écriture), sa renaissance de phénix avant-gardiste, son coup révolutionnaire de l'antiédition et son verbe flamboyant, est promis au même destin funeste que le système qu'il est réputé exécrer et qui l'encense frénétiquement, par ses entrées les plus extrémistes (l'ultra-libéralisme) et institutionnelles (l'élite ultra française).

mardi 23 mars 2010

Des contractions dans la contradiction

Revenons à notre mouton antipopulaire et aristocratique, furieux de bêler et proposant pour ne plus bêler de bêler de plus belle. Le fond de la démarche de Nietzsche est trouvé quand on observe que Nietzsche n'accorde pas une attention rigoureuse au principe de contradiction. Les détracteurs qui font le jeu des thuriféraires, en particulier des commentateurs qui commentent dans la mesure où ils dressent l'éloge inconditionnel de leur Grand Auteur Commenté et Commandé, insinuent que Nietzsche serait un écrivain parfois subtil, mais manifestement inconséquent et brouillon.
Les commentateurs ont beau jeu de rétorquer que la démarche de Nietzsche serait supérieure au principe de contradiction. Nietzsche qui prétend dépasser le principe de contradiction, c'est le summum de la philosophie. C'est comme quand il dépasse la métaphysique ou qu'il propose la mutation du réel vers l'Hyperréel : si Nietzsche promet ce qu'il avance, alors il clôt effectivement la philosophie, ce qui correspond en grande partie à son projet posthégélien, au sens où il appelle à des philosophes de l'avenir qui suivraient sa propre démarche, ce dont un Clément Rosset se réclame ostensiblement et ce dont des écrivains autoproclamés par décret publicitaire Nouveaux Philosophes ne sauraient se réclamer en aucune façon.
Voyons ce qu'il en est à partir de la prose typique d'un commentateur - de celui qui est l'un des commentateurs nietzschéennes les plus respectés en France, un ultra-académiste bardé de diplômes et de distinctions prestigieuses, j'ai nommé Patrick Wotling, dans son impérissable et créatif Nietzsche, idées reçues. Notre brillant commentateur, dont la recherche historienne ne saurait en aucun cas coïncider avec la philosophie, est plus qu'un commentateur de Nietzsche. C'est un disciple. Comme l'insigne part des commentateurs académiques? Dans son livre, dont nous avons déjà étudié certaines illusions répandues sous couvert de lutte contre les préjugés, le plus drôle est qu'il prétend dissiper les illusions courantes contre Nietzsche. Toujours ce préjugé aristocratique et élitiste d'ordre critique qui verrait le commentateur détenir un savoir rare et pointu par opposition aux préjugés majoritaires et superficiels.
Si Nietzsche dit vrai, alors son disciple Wotling est superficiel à force d'érudition en apparence profonde. Le quasi Commentateur Officiel de Nietzsche en France de l'heure éphémère explique le reproche de contradiction souvent imputé à son Nietzsche si bien compris (selon quel point de vue?) : "Nietzsche instaure un mode de pensée qu'il qualifie de dionysiaque, qui consiste non pas à dépasser les contraires, mais plutôt, en sens inverse, à mettre en évidence par avance l'illégitimité des oppositions contradictoires, en dégageant les présupposés sur lesquels elles reposent sans vouloir le reconnaître" (p. 30).
Pour démontrer le caractère révolutionnaire et incompris de la pensée nietzschéenne, Wotling ne craint pas d'exhiber son nihilisme exacerbé : "La partition sujet/verbe par exemple, renforce en permanence la conviction que la réalité est faite de choses stables, autonomes, séparées, et susceptibles d'exercer des actions, comme si elles détenaient un pouvoir de déclencher des événements, ou de s'abstenir de le faire. Le langage s'avère ainsi inapte à exprimer par exemple que les choses n'existent pas à proprement parler, qu'elles ne sont que des fictions dont on peut retracer la construction mentale progressive, et que la réalité est uniquement devenir, plus précisément un ensemble de processus de transformation : c'est pour les désigner que Nietzsche utilisera les termes de "pulsions" ou d'"instincts"." (ibid.)
Il est intéressant d'observer la subversion du platonisme que Nietzsche effectue pour le compte de l'immanentisme. Il reprend à son compte l'idée de dynamique pour l'associer au principe du nihilisme : non seulement les choses ne seraient pas stables et figées comme dans la tradition nihiliste antique, mais le dynamisme nihiliste rendrait le mieux compte du nihilisme en ce que la stabilité des choses admet encore trop l'existence de quelque chose; alors que le changement (le devenir) nie l'existence des choses.
Nietzsche prétend aller encore plus loin que les nihilistes antiques en dépassant le caractère des choses et en instaurant une opposition : d'un côté son changement révolutionnaire, nihiliste et nouveau; de l'autre, la métaphysique ancienne, figée et sclérosée. Selon Wotling le scrupuleux Nietzsche chamboule l'opposition religieuse transcendantalisme/nihilisme en la simplifiant. Car il faudrait plutôt opposer à la tradition classique, qui affirme les choses à partir de leur changement idéalisé - la tradition nihiliste qui fige les choses au nom du rien. C'est dans cette seconde catégorie que se situe Nietzsche, qui prétend la dépasser par l'invention d'une innovation conceptuelle : le changement immanentiste.
D'ailleurs, sur le sens réel de ce changement pseudo-dynamique, Nietzsche se réfère explicitement à des valeurs nihilistes, quoique proches de la tradition matérialiste classique : les pulsions et les instincts. Quel que soit le sens subversif que Nietzsche accorde à ces mots, le changement auquel il appelle n'est que trop limpide : c'est la mutation ontologique, qu'il légitime par la possibilité d'un changement exacerbé s'appuyant précisément sur rien, aucun substrat, aucun fondement, aucune réalité de quelque chose.
Le nihilisme de Nietzsche ressort avec évidence de la confession de Wotling précédemment citée : "Les choses n'existent pas à proprement parler" et surtout : "Elles ne sont que des fictions". C'est littéralement ce que Nietzsche nomme le devenir - la transformation, le changement. Le devenir, c'est la reconnaissance du rien fondamental, initial et finaliste. Dans cette mentalité, on peut tout changer, puisque l'on ne change rien. Ce sont des analyses que le Rosset terminal de Logique du pire poussera à son paroxysme.
Le changement est ici nihiliste. La logique de Nietzsche le pousse à légitimer la possibilité du changement le plus révolutionnaire en ce qu'il milite ouvertement pour son idéal postromantique de mutation ontologique dont il est le promoteur et qui lui permet à son goût d'achever la révolution immanentiste, en particulier de sauver l'homme confronté à la phase impossible d'immanentisme tardif et dégénéré. Dans cette logique irrationnelle, Wotling est en droit d'affirmer que "Nietzsche instaure un mode de pensée qu'il qualifie de dionysiaque, qui consiste non pas à dépasser les contraires, mais plutôt, en sens inverse, à mettre en évidence par avance l'illégitimité des oppositions contradictoires, en dégageant les présupposés sur lesquels elles reposent sans vouloir le reconnaître. C'est là du reste une des lignes d'investigation les plus présentes dans la réflexion de Nietzsche que de démontrer en quoi il y a solidarité profonde de ces apparents opposés - plus encore en quoi les choses que nous valorisons naissent en réalité de leur contraire." (p. 20-21).
Suivons pas à pas la logique de Wotling. Nietzsche prétend dépasser la contradiction parce qu'au fond, selon lui tout se vaut ("Les choses que nous valorisons naissent de leur contraire"). Dans cette démarche évidemment fausse, susciter le changement radical implique de se contredire en apparence, parce que pour dépasser le principe de contradiction, il convient d'exacerber la contradiction. De toute façon, si l'on est réellement nihiliste, l'on dépasse le principe de contradiction par l'universalisme du relativisme. Si tout se vaut, les contraires se valent.
Ce que Wotling appelle "l'illégitimité des partages contradictoires sur la base desquels continuent de travailler les philosophes" (p. 31), c'est l'apologie du dépassement de la contradiction sous une valeur de réconciliation supérieure. Cette valeur, le nihilisme la produit négativement, en affirmant que tout se vaut et en proposant comme valeur supérieure de réconciliation le néant. Mais aucune définition positive du néant ne vient. Vraiment rien. Le nihiliste se contente d'affirmer l'existence du néant positif (ce qui constitue une contradiction dans les termes).
L'immanentiste terminal Rosset proposera comme définition la tautologie, ce qui revient à refuser la définition au nom de l'exercice de définition. Et Nietzsche? Que propose-t-il une fois qu'il a constater que "même les penseurs les plus radicaux sont demeurés, en pratique, superficiels, contredisant constamment les exigences qu'ils affichaient" (ibid.)? Rien; trois fois rien. Écoutons sur ce point le Commentateur Pénétrant et Irréfutable (Détenteur de la Vérité Nietzschéenne Ultime) : "Loin de mépriser le souci de vérité et de tomber dans les contradictions, Nietzsche reprend le questionnement à la racine, montre en quoi la valorisation de la vérité est elle-même problématique" (ibid).
Constatation entièrement négative : Nietzsche a sapé les fondements de la vérité classique. Il ne propose rien en échange (indépendamment du fait que sa démarche est frappée par l'erreur la plus obvie). Pis, la parenté de Nietzsche avec les sophistes contemporains de Platon suffit à montrer l'identité de Nietzsche : quoiqu'il passe pour un penseur novateur et incompris, il n'est jamais qu'un sophiste moderne - soit une forme de pensée attendue et rebattue. Et Wotling? Notre commentateur devient l'avocat du - sophiste immanentiste. La position de Wotling est intéressante parce qu'il cache son engagement dans le fond irrationnel, voire médiocre, derrière l'objectivité revendiquée et hypocrite du commentaire plus universitaire qu'universaliste.
Une fois constaté que "l'identification de la philosophie à la recherche du vrai, et les problématiques qui en découlent (recherche de savoir objectif, recherche de l'être), se trouvent ainsi disqualifiées" (p. 31-32), Wotling admet que Nietzsche propose une démarche entièrement critique, ce que Rosset note d'ailleurs à son tour dans ses propres Notes sur Nietzsche.
Pour finir, Wotling propose rien de moins que l'apologie de la rhétorique combinée à la philologie, la formation universitaire et académique du sophiste moderne : "Bien lire" sera désormais le mot d'ordre exprimant la réforme nécessaire de la manière de penser : décrypter la réalité avec probité, en se gardant des préjugés qui ont conduit es philosophes à lui imposer une grille prédéterminée" (p. 32). Il est drôle de parler de réforme, d'une réforme entièrement négative pour le moment. L'éloge de la bonne lecture rappelle étrangement l'éloge similaire du beau langage prôné par Gorgias (et à l'autre bout de la chaîne historique par Rosset).
Bien entendu, la récupération de Nietzsche par le commentateur est patente : l'éloge de la bonne lecture est en tous point, presque mot à mot, le travail qu'effectue Wotling, ce qui est une manière pour Wotling d'expliquer savamment et sans ciller qu'il est, lui le commentateur, la référence du projet nietzschéen : un commentateur droit et zélé. Nous ne savons pas si Nietzsche entendait dans son projet de nouveaux philosophes l'avènement de commentateurs dithyrambiques et apologistes comme Wotling, mais si tel était le cas, le refus du changement au nom du changement nihiliste serait des plus riches.
Nous pouvons présumer cependant que la figure absolument dévaluée et inférieure du pur commentateur comme l'est Wotling (soit d'un érudit qui explique et répète la pensée d'un autre auteur reconnu et prétendument méconnu) n'est pas le nouveau philosophe tant vanté qu'attend Nietzsche. Sans doute son dérivé dévalué ou dégradé. Nietzsche voulait fabriquer une nouvelle race (sans intention raciste) de philosophes qui soient capables de répéter en les reformulant par rapport à leur époque le vieux fond nihiliste avec sa modernisation immanentiste. De ce point de vue, un Rosset correspond plus au projet de Nietzsche qu'un dévoué commentateur par trop stéréotypé.
Mais Wotling tout en dressant l'apologie finale du commentateur à son effigie (à l'image d'un Hegel pour qui la philosophie culminerait à Iéna) s'empresse de montrer qu'il adhère lui aussi à la mentalité immanentiste (qu'il n'est pas capable de déceler par mimétisme plus que moutonnier) :
une des principales caractéristiques de l'immanentisme est la différance, soit l'identité toujours différée et toujours démultipliée. L'autre caractéristique est l'impossible : définition impossible, raisonnement impossible. Après avoir passé son temps à nous expliquer que le projet de Nietzsche consistait à dépasser la contradiction classique par la production d'un terme supérieur, Wotling se garde bien de nous définir le précieux terme-sésame positivement. Toujours le travail évanescent du négatif.
Au contraire, Wotling se contente, suite à son indéfinie dérobade, sans doute à baptiser Éternel Retour de la Dérobade, de botter en touche et de se défiler en appelant à un nouveau terme, comme de juste non défini : "Le résultat en sera une hypothèse de lecture : l'essai d'interpréter le monde comme volonté de puissance" (ibid). Qu'est-ce que la volonté de puissance? Impossible de le savoir dans ces pages consacrées à la contradiction surmontée par une réconciliation d'autant plus supérieure et suprême qu'elle est indéfinissable. La contradiction surmontée par la volonté de puissance. Et la volonté de puissance? Est-elle définie clairement - ou fait-elle partie de ces termes vagues que le Nietzsche conscient n'a guère eu le temps de définir?

lundi 22 mars 2010

Idénix

Le déni se produit par rapport à un objet ou un être aimé. Trop aimé pour être remarqué. Encore plus par rapport à un être qu'à un objet. Le déni consiste à finitudiser de toute force et sans recours le réel, en lui ôtant sa partie infinie. Du coup, l'être - dynamique - devient plus inacceptable encore que l'objet - stable. C'est ce qui se produit avec Œdipe qui ne peut accepter que sa reine soit sa mère et que Laïos soit son père. Œdipe ne se crève pas les yeux pour ne plus voir ou n'avoir pas vu. Il se crève les yeux pour enfin voir. Voir suppose qu'on ne voie pas. Du moins : qu'on ne voie pas avec le sens. Qu'on voie trop avec les sens. La vue sensible trouble la vision effective, en prise avec la réduction du réel au sensible.
L'un des cas les plus drolatiques de la littérature cite l'expérience du cocu, tel que l'exprime le dramaturge Courteline je crois et que le rapporte le philosophe Rosset : de mémoire, Boubouroche aime éperdument une jeune maîtresse, qu'il entretient avec la possessivité de tout passionné dans une chambre de bonne. Catastrophe! Un voisin l'avertit que l'entretenue entretient un autre amant que le payeur. Boubouroche vérifie à l'improviste. Il trouve un jeune homme nu dans le placard! Certitude, il va corriger le rival et chasser l'infidèle.
Loin de lui cette idée sagace : optant pour la fuite en avant, il s'en prend violemment au voisin, dont le vérisme suspect et peut-être sadique se trouve récompensé par la figure du bouc émissaire - en pleine tronche. Le déni de Boubouroche (ne pas voir l'amant dans le placard) recoupe le déni d'Œdipe (tuer son père et coucher avec sa mère) : on réduit la réalité à son désir. C'est la faux plus que la faute de l'Hyperréel. Le déni signale qu'on voit le plus visible et qu'on considère le plus évident.
Boubouroche voit l'amant dans le placard. Œdipe voit l'identité de sa femme. Le dénieur nie le réel qu'il voit, pas parce qu'il est de mauvaise foi - parce qu'il ne possède pas les instruments adéquats pour déchiffrer la partition qui lui est soumise. C'est un ordinateur qui ne parvient pas à déchiffrer un logiciel trop avancé pour son fonctionnement. C'est un alphabet inconnu du lecteur. C'est un trousseau de clés inadaptées à la serrure. A la différence de l'incompréhension totale, le déni se manifeste malgré la possibilité de compréhension.
Où certains éléments ne peuvent être décodés par l'intelligence humaine (à tel point qu'on peut se demander si certains éléments de notre paysage ne nous sont pas inaperçus alors qu'ils existent bel et bien et nous voient peut-être), le déni se produit par rapport à certains éléments du réel que le dénieur peut voir mais qu'il ne voit pas. Le dénieur voit. On avance que le déni s'attache à dénier une réalité trop douloureuse pour être remarquée. En réalité, ne serait-ce pas plutôt une réalité trop - aimée.
Ou encore : trop réduite? Cette réduction de la réalité aux bornes du désir se manifeste tout à fait dans des périodes de grande douleur, soit de grande contraction. Contraction qui n'est pas loin de la contradiction. Contraction ontologique. C'est dans les périodes de réduction que le sens disparaît et qu'il est remplacé par des normes si réduites du réel qu'elles en viennent débilitantes. Des modèles de réel réduit. On ne dénie pas de refuser de voir; on dénie d'aimer trop voir.
Face à un dénieur, ne proposez pas un remède agréable pour les sens, mais un puissant électrochoc intellectuel. Raison pour laquelle Œdipe se crève les yeux. Il a besoin de se priver de sensations agréables pour enfin voir. Une époque de déni est une époque de déclin, dans laquelle les normes se réduisent comme peau de chagrin. On sait ce qui se produit pour la peau de chagrin : sa réduction accompagne le déclin, puis la mort de son propriétaire diabolisé.
Il en va de même pour une époque de déni : elle réduit les facultés de représentation collective et normative, au point que la fin de la représentation désigne de plus en plus des valeurs réduites proches des sens humains. Pas du sens. Le sens de l'essence contre l'essence des sens. Quand surgissent des normes des sens, des normes hédonistes, c'est le signe que nous sommes proches d'une grave crise du sens. C'est alors que le déni passe d'un statut de manifestation partielle et parcellaire à une présence de plus en plus imposante.
Le dénieur dénie d'être rivé à son rocher de plaisirs et de sensations agréables, soit à un horizon réel qui se borne aux impressions sensibles. Le réel ne se résume pas à cette réduction. Le réel commence seulement à partir de cette somme de sensations. Si on s'y arrête, on nage dans le déni. Quand on sombre dans cette réduction, on plonge - dans le déni. Il est possible facilement de quitter les miasmes du déni : c'est de quitter la fin du plaisir comme fin. Vivre selon son plaisir, c'est suivre la version animale de l'homme. C'est pencher pour la pente du diable. C'est dans univers glauque et stagnant, comme l'atmosphère pestilentielle des marais, que s'ébat et prospère le déni.
Dès qu'on pose comme fin des objectifs qui sortent du cadre hédoniste et réducteur, le défi s'avère insurmontable pour le déni. Le déni découle du complot en ce que la fin du complot devient réductrice quand elle se pose comme fin ultime de la représentation. La fin du déni est tout aussi réductrice. Refuser de voir des complots est encore plus réducteur que de voir des complots partout et d'expliquer tout par des complots. Le demi habile qui croit échapper au complotisme en déniant le complot sombre dans le déni encore plus que le complotiste qui est un parangon de déni et qui pour expliquer dénie.
C'est cela le déni : expliquer l'inexplicable par un trop explicable. Cette explication simpliste et facile se situe dans le recours aux oraisons hédonistes. Si vous voulez échapper à l'hédonisme, rien de plus facile : quittez la réduction de la finitude pure. Confrontez-vous à l'infini. Qu'est-ce que l'infini? C'est la question qui tue le déni. Après cette question, on ne peut plus s'en désintéresser, vivre dans les bluettes consuméristes et consumantes de l'individualisme, de l'hédonisme, du cynisme et du nihilisme.

dimanche 21 mars 2010

Le pal pâle du mal


belkhayat monfarija
envoyé par fataiss. - Regardez d'autres vidéos de musique.

Le déni de complot est encore plus spectaculaire que le complotisme effectif et authentique : dans tous les cas, dans ces deux cas, où le complotisme est dénoncé par l'anticomplotisme dénieur de complots irréfutables, où les forces de propagandes favorables au pouvoir nient le complot (souvent sous le prétexte de s'opposer au pouvoir), quoi qu'il en soit, il est moins pénétrant de réfuter l'anticomplotisme - ou le complotisme -, que de remarquer que l'opposition complotisme/anticomplotisme permet de réduire la problématique politique à une opposition fallacieuse et étriquée.
Ne parlons pas de religieux, sinon les poils des post- vont se hérisser. Selon cette mentalité postmoderne à défaut d'être éclairée, on est sorti du religieux depuis belle lurette. Au moins un demi siècle. Autant dire une éternité. Rien n'est plus conservateur que de susciter des oppositions et des différences qui n'ont aucune chance de susciter le changement, mais qui sont figées avec le système. Tant le complotisme que l'anticomplotisme sont des attitudes figées face à un référentiel réducteur et erroné : le complot.
Évacuons le problème caractéristique du déni : le déni sert à cacher une réalité supérieure (plus importante et englobante). Le déni de complot élude que l'interprétation de l'histoire ou du réel par les complots produit une déformation réductrice et faussée. Biaisée. Pourtant, il n'est guère contestable que les complots pullulent, en particulier dans les sphères du pouvoir. Le contestable est d'interpréter le sens de l'histoire comme si les complots constituaient le stade ultime de l'interprétation.
Si l'on suit ce genre d'interprétation, on déforme grossièrement - le sens. Le déni de réalité du complot ne doit pas faire oublier que le complot n'est jamais que la forme réduite et rapetissée de manifestations supérieures. Réduire le sens aboutit à une incompréhension de la réalité. C'est ce qui se produit si l'on se borne à déchiffre l'histoire, voire le réel avec la clé du complot. Bien entendu, il ne s'agit pas de nier que les complots de pouvoir existent, comme le font au moins implicitement des propagandistes comme un Taguieff en France - quand notre lumière fait mine d'étudier de manière objective et impartiale la maladie du complotisme en amalgamant grossièrement les complotistes effectifs avec les dénonciateurs de complots effectifs.
L'acmé du déni est atteinte quand on hurle au complotisme pour qualifier les esprits un tantinet lucides qui constatent, faits en main, que la version officielle du 911 est une somme de mensonges et d'erreurs qui indiquent que le complot émane de cercles institutionnels appuyés et inspirés (au plus mauvais sens du terme) par les factions financières mondialisées. Au reste, l'amalgame repose sur la confusion mentale la plus inquiétante pour ses soutiens et ses thuriféraires aveuglés, voire aveugles : oublie-t-on que la propre version officielle criblée de délires s'appuie sur la dénonciation d'un complot ourdi par une nébuleuse terroristes aussi obscure que terrifiante?
Maintenant, si l'on reconnaît que le complot existe, il n'est possible de comprendre le complot par lui-même, c'est-à-dire comme l'interprétation supérieure et définitive des choses. Au contraire, il convient de sortir du système instauré par le complot, du diptyque antagoniste complotisme/anticomplotisme, de ce cercle vicieux d'où l'on ne sort pas, que l'on pourrait baptiser le cercle des penseurs disparus. On ne sort pas d'un système en le déniant, mais en produisant des valeurs interprétative supérieures.
Le propre du complot est de réduire le cours des événements à des productions humaines (première réduction) et de réduire le réel au désir humain (à l'Hyperréel). Dans la mentalité complotiste, on se meut dans une configuration de réel figée et sclérosée. On réfute l'idée d'infini. Le complotisme passe à côté du réel parce qu'il refuse d'interpréter les complots à l'aune du principe d'infini, soit du principe de réel. Dans la grille de lecture transcendantaliste, le complot positif, tel qu'il se déroule et selon les intentions qui le produisent, ressortit de la conception typique du mal.
Qu'est-ce que le mal - sinon la réduction du réel au sensible? Qui est le diable monothéiste sinon une sorte de prince du sensible? Peut-on concevoir le mal seul, indépendamment de son principe supérieur et englobant - le bien? Ce serait interpréter la tradition sensible sans le réel qui l'englobe tel un corps ultime. Où l'on voit que la dénonciation des complots circonscrite à l'interprétation complotiste débouche sur la reconnaissance pessimiste et absurde (irrationnelle) du mal solitaire, dénué de son complément pourtant indéfectible et supérieur le bien.
Dans cette configuration classique, on ne peut pas interpérter un complot en se contentant de le considérer comme un complot pur et simple - ultime et définitif. On ne peut reconnaître l'existence des complots qu'en les intégrant dans une perspective d'infini, en définitive par rapport au principe du bien (dont le mal n'est qu'une sous-partie réductrice). Quand on remarque (avec raison) que l'histoire est jonchée de complots et que les changements historiques se produisent à partir de complots, on propose une constatation, à condition d'y adjoindre une interprétation qui ne se résume pas à expliquer par les complots, mais qui comprend que les complots suivent des principes de changement soumis au bien, au-delà de leur principe supérieur direct le mal.
C'est dans cette optique qu'il convient de resituer l'opposition figée entre complotisme et anticomplotisme : il s'agit bien entendu sous couvert d'examiner des oppositions authentiques de conforter un système général qui accorde la part exclusive au mal, qui dénie le bien et qui promeut un système politique - impérialiste et oligarchique. C'est dire que tant le complotisme que l'anticomplotisme sont au service du nihilisme le plus virulent.
Si l'on examine sommairement le déroulement du 911 comme archétype et symbole du complot mondialisé, dont l'incidence est capitale pour l'évolution historique de nos sociétés, on commence par constater que le but de ce complot est de détruire les États-Unis en tant qu'États-nations fédéraux et souverains au profit de l'impérialisme britannique historique, dont le centre symbolique gît à la City de Londres et qui possède des ramifications confédérées et sudistes aux États-Unis (ainsi que des prolongements satrapiques en Arabie saoudite et en Israël, dans des lieux où le financement et la conception des attentats a pu se dérouler de manière plus vraisemblable que dans les grottes d'Afghanistan ou les madrasas fanatiques du Pakistan).
Cette première remarque n'est quasiment jamais énoncée dans les sites Internet qui prétendent décrypter le 911 et se contentent de remplacer les causes mensongères de la VO par un écran de fumée irrationaliste et impossible (confortant de facto la VO sous prétexte de la contester). Mais si l'on connecte ce premier aspect avec le mondialisme, on aboutit à cette seconde remarque : le 911 sert à légitimer, sous couvert de guerre contre le terrorisme, l'impérialisme tapi sous le terme de mondialisation et plus justement défini par le terme de mondialisme.
Autrement dit : les intérêts financiers britanniques ont ourdi ce complot médiatisé à l'échelle mondiale pour détruire le barrage des États-nations et promouvoir l'alternative impérialiste. Le 911 a été réalisé pour accélérer le processus d'impérialiste mondialiste spécifique et détruire les États-nations, en premier lieu l'État-nation dominant, les Etats-Unis, et pour amoindrir la résistance contre le projet impérialiste mondialiste connu sous le nom de Nouvel Ordre Mondial.
Mais ce complot du 911 est-il vraiment une action secrète avec pour but mauvais de détruire les États-nations et de promouvoir une alternative mauvaise pour les masses mondialisées (l'impérialisme mondialiste)? Quand un suppôt inconditionnel du libéralisme remarque que les complots échouent dans leurs intentions comploteuses, il n'a que trop raison. C'est dire de manière réductrice que le mal échoue face au bien. Destin de diable.
Le complot du 911 échouera en tant qu'intention cathartique d'imposer le mondialisme et d'empêcher la croissance spatialiste. Le 911 est le grand accident traumatisant qui légitime les mesures prises par la suite dans le cadre de la guerre contre le terrorisme et du péril écoloillogique. Par contre, le complot signale dans le cadre de la défaite prévisible et programmatique du mal que l'ordre du mal est en crise.
Le mal en tant que refus du réel non sensible signifie un projet de réel figé et sclérosé. Le mal signifie moins l'ordonnation en tant que processus humain d'appropriation du réel que la fixation autant que la fixette que l'amalgame fallacieux de l'ordonnation voue à un certain ordre donné et intangible. Le mal réduit en ce qu'il ne comprend pas. Il ne perçoit du processus dynamique de l'ordonnation que l'expression donnée.
C'est dans le cadre de cette mésinterprétation que le complot survient comme tentative désespérée d'empêcher le changement et d'imposer la stabilité du réel à un certain ordre, un certain donné. River le réel à un certain ordre de sorte qu'on empêche au changement d'advenir. On remplace le changement par le désir. Si le bien désigne le projet de dynamique continu, soit de croissance, le propre de la mentalité complotiste ne peut survenir que dans un réel statique.
Le complot du 911 survient dans la sclérose mondialiste, alors que le projet de bien dynamique indique l'espace comme lieu de croissance et de changement. De progrès aussi, si l'on se souvient que le progrès historique se manifeste par une croissance supérieure. Croissance qualitative, qui permet à l'homme de changer constamment de dimension. Mais le mal sert le bien : le projet spécifique du mal entre dans la logique du bien. Le complot croit servir des objectifs internes au mal, à des manipulations, et en fait il sert le bien dont la logique est dynamique (et peut-être ironique).
C'est la tragédie caustique du mal : la tentation dupe plus le tentateur que les victimes. Les commanditaires du 911 ont cru servir leur projet spécifique - de mondialisme. Ils ont servi en réalité le projet auquel ils estimaient s'opposer de toutes leurs forces : la croissance vers l'espace. Le changement qu'induisent les complots n'est jamais le changement que désirent les comploteurs. C'est le changement qui suit la logique dynamique, croissante. Les comploteurs du 911 n'ont pas réalisé qu'ils promouvaient le spatialisme et la fin inéluctable de leur impérialisme.
Les promoteurs de la manipulation écologique autour du réchauffement climatique n'ont pas conscience qu'ils desservent leur propagande décroissante (et autres billevesées impérialistes autour des projets de Cooper ou Lewis). Ils servent le projet de spatialisme et le changement planétariste qui est la négation de l'impérialisme. L'opposition radicale du nihilisme et du néanthéisme tient dans la découverte triomphaliste du néant par les immanentistes modernes.
En prenant acte de la mort de l'Être ou du Dieu monothéiste, les immanentistes ont cru qu'ils représentaient l'alternative et que leur principe du néant camouflé en incréation et en infini rapporté à la logique hyperréelle (le désir humain) reprenaient la succession du divin. Las! Le divin s'appuie sur quelque chose. Les immanentistes ont exhumé le remplaçant du Dieu monothéiste, soit de l'Être caduc. Pas le principe antagoniste du néant positif, mais le néant comme quelque chose (comme réalité diminutive en opposition au prolongement transcendantaliste).

vendredi 19 mars 2010

Planétarisme et spatialisme



Avec le spatialisme et le planétarisme, nous tenons les deux axes de la renaissance du sens. Le renouveau du sens. Qu'est-ce que le sens? C'est donner une direction. Quel type de direction? La direction de la vie. La direction de l'avenir. La direction de la pérennité. En passant, le propre de la religion classique, d'obédience transcendantaliste, est de susciter la culture. La culture de la vie. Le phénomène religieux est indissociable de la présence humaine. Pas de culture sans religieux. Raison pour laquelle les béotiens sophistiqués, proclamés avec emphase postmodernes, en dépassant le religieux foncent droit dans le mur. C'est quoi, le mur? A qui les Tours?
Le sens indique l'orientation de la vie, soit de la pérennité humaine. C'est le changement croissant. Dans le sens opposé, c'est la décroissance, dont on nous vante les mérites soi-disant progressistes à une époque d'effondrement terminal. On ne peut vivre sans direction de croissance. Le sens, c'est la croissance. C'est le nihilisme qui porte le courant antithétique, le courant décroissant. Sens exactement pervers, en ce que le sens se trouve retourné. Effectivement, l'homme a le choix de changer - puisqu'il n'a pas le choix de ne pas changer : soit croître, soit décroître.
Le spatialisme et le planétarisme sont les deux phénomènes jumeaux du sens croissant. Le sens croissant consiste à prolonger l'évolution de l'humanité : le phénomène de mondialisation n'est qu'une étape dans l'édification du processus continu de globalisation. Les limites de la Terre ne sont pas indépassables. Si l'on part du principe que la pérennité du genre humain tient lieu de norme et de boussole, cette pérennité ne peut être assurée que dans le phénomène de croissance de type spatialiste. Le phénomène de décroissance indique pour l'esprit lucide la phase terminale de l'impérialisme mondialiste, selon lequel il convient de légitimer l'effondrement de l'impérialisme par la promotion du sens pervers, du sens moribond, du sens qui hypothèque à tous les coups l'avenir de l'homme.
Quelles que soient les bonnes raisons et les vertus invoquées, il est urgent face au choix du sens de ne pas suivre aveuglément l'utopie de la décroissance harmonieuse et égalitariste. La seule alternative au problème réel et intenable du mondialisme (soit de l'humanité figée au stade de la Terre) tient dans le dépassement des limites, dans la poursuite de la caractéristique historique de l'homme qui consiste à changer dans la croissance - et non à se scléroser - à légitimer son déclin. La décroissance est la légitimation, voire la promotion du déclin sous des atours intellectualistes et scientifiques (où l'on constate que le scientisme, loin d'être caduc, s'avère le garant de la mentalité nihiliste terminale).
Pour le dire de quelques mots, le spatialisme connote l'aventure qui permet à l'homme bien davantage que de se rendre dans l'espace. C'est la seule direction (le seul sens) qui lui permette d'assurer sa pérennité. Son salut. Le prochain stade de l'homme se trouve dans le spatialisme qui est le mouvement politique correspondant au processus religieux du néanthéisme. Le spatialisme ne va pas sans une évolution profonde des organisations politiques. Nous irons inévitablement vers le planétarisme.
Où les idéologies mondialisatrices (et leurs consœurs internationalistes) stoppent le processus de globalisation humaine aux bornes arbitraires et suicidaires de la Terre, le planétarisme institue la forme de l'État au niveau de la planète par référence aux autres planètes colonisées et rendues habitables. Il n'est pas possible d'instaurer un système quel qu'il soit sans extériorité. Le planétarisme ne déroge pas à cette règle ontologique. A l'inverse, le mondialisme et ses formes afférentes sont privées de cette vitale extériorité. Du coup ils se replient sur eux-mêmes et finissent en apologie de la décroissance, du déclin et du parangon d'écologie qui exprime l'apologie de l'impérialisme figé opposé à la conquête spatiale religieuse.

jeudi 18 mars 2010

L'immondialisation

Le raisonnement de l'oligarchie financière mondialisée repose sur un postulat : le système oligarchique est vi(v)able. Si l'on étudie les fondements religieux de l'oligarchie, c'est le nihilisme qui inspire l'oligarchie. Contre le pessimisme qui saisit les mentalités soumises à l'oligarchie, pessimisme selon lequel on ne peut rien faire contre la domination quasi toute-puissante du mal, il est urgent (en pleine désintégration culturelle de la société mondialisée) de dénoncer l'équilibre oligarchique.
Pour justifier l'inégalitarisme croissant qui découle du système oligarchique, les théoriciens (regroupés sous la bannière de l'impérialisme) expliquent que l'impérialisme a toujours existé et que son fonctionnement a toujours été pérenne. Rien n'est plus faux autant que fou, puisque le fonctionnement des Empires était régional, alors qui nous nous situons dans une configuration mondialisée inédite. Au passage, l'évolution constante de l'humanité vers la globalisation, qui ridiculise l'apologie de la décroissance, indique que ce sont des principes anti-oligarchiques et anti-impérialistes qui régissent le développement culturel et identitaire humain.
Des principes religieux et républicains? Dans une société mondialisée, la promotion de l'oligarchie universelle implique l'effondrement rapide de ce type de société. Le système oligarchique mondialisé repose sur l'exploitation dévastatrice et croissante de la majorité du monde par une minorité. Cette exploitation à première vue est le fait d'un territoire, l'Occident. L'Occident domine le monde, l'exploite et provoque dans les autres parties des dévastations qui se mesurent en termes d'instabilité et de déliquescence.
L'acmé de la dégradation se situe dans les pays africains, qui sont les boucs émissaires de l'impérialisme mondialisé. L'équilibre oligarchique précaire actuel se fonde sur une luxuriance injuste du cœur du système oligarchique (l'Occident) aux détriments des parties exploitées et soumises (le restant du monde). Comme la mentalité immanentiste et oligarchique dénie le changement, mais que le déni n'empêche nullement la réalité déniée d'exister, l'évolution déniée du système oligarchique entraîne une désintégration culturelle qui après avoir ravagé les parties revient, tel un boomerang, s'en prendre au cœur.
C'est l'expérience que les populations occidentales subissent à l'heure actuelle, et contre laquelle elles sont plus que démunies, puisqu'elles vivotent dans un rêve désaxé d'individualisme consumériste. En attendant de vérifier qui est qui, qui un mouton, qui un fasciste, qui un résistant, le raisonnement pour cautionner l'effondrement du cœur est le même que celui qui légitimait la dévastation des parties : on peut vivre de cette manière - approche souhaitable.
Elle repose sur la théorie ultra-libérale, développée par von Mises notamment, selon laquelle la promotion forcenée des meilleurs (au sens contestable de financiers) aboutit à l'amélioration de la race, dans un raisonnement néo-darwinien aussi raciste que fallacieux. Selon cette conception simpliste, l'universalisation du modèle oligarchique est possible. Dans la configuration précédente, où le cœur prospérait sur l'exploitation des parties, l'équilibre était fondé sur l'inégalitarisme. A partir du moment où cet équilibre de toute façon précaire (sort du droit du plus fort) s'effondre, que reste-t-il? Pour parodier un idéologue, un "fascisme universel". Dans ce système, l'équilibre même précaire n'existe plus.
Le cœur du système dévasté après les parties, l'équilibre inexistant indique que le système oligarchique mondialisé n'est pas viable et qu'il mène vers l'anéantissement de l'homme. L'arnaque consiste à oublier que le cœur ne peut s'effondrer sans entraîner l'effondrement de l'ensemble du système. Tant que c'était les parties qui étaient dévastées, le système tenait grâce à la bonne santé du cœur. A partir du moment où c'est le cœur qui devient attaqué, le raisonnement précédent ne vaut plus et n'est plus viable. Le système en question est promis à une chute évidente.
C'est dire que l'expérience oligarchique ne peut se perpétuer dans une configuration universelle. Elle réclame toujours l'exploitation d'une majorité (les parties) par une minorité (le cœur) pour tenir le coup. Quand le cœur vient (inexorablement) à être attaqué à son tour, comme les parties l'avaient été en premier, le système oligarchique s'écroule. Système qui n'est viable que sur le court terme, dans l'exploitation croissante de la majorité par une minorité immorale et éhontée. Dès le cœur à son tour attaqué, l'équilibre précaire est rompu, impossible, sans retour. Pourtant, ce stade ultime était inexorable et prévisible. Au passage, nous y sommes.
Reste à préciser que le cœur n'a jamais été un ensemble uni et homogène, mais un repaire de pirates, où les factions s'arrangent pour protéger leur antre à partir duquel ils peuvent se terrer et se masquer. Les pirates des factions oligarchiques utilisent comme otages plus ou moins consentants les populations occidentales qui y trouvent un intérêt matériel immédiat (et qui oublient qu'à terme cet intérêt matériel immoral fera place à une déchéance plus importante et durable). La justification de l'oligarchie mondialisée repose sur un énorme bobard : le système oligarchique mondialisé serait nécessaire - la seule issue. A d'autres. En réalité, il n'est pas seulement immoral; il est carrément invivable.

Horde nouvelle



Il faudrait se montrer raciste pour espérer que le visage actuel de l'Afrique l'emporte comme modèle immuable. Ceux qui défendent l'Afrique au nom de son présent - qui n'est pas un cadeau mais un fardeau - sont des racistes plus ou moins inconscients qui légitiment par ce prisme la destruction de l'Afrique depuis l'esclavage, le colonialisme et l'impérialisme. Quitte donc ça. Les valeurs qui régissent l'Afrique contemporaine sont dégénérées. La grandeur de l'Afrique se constate quand on s'avise de son passé, de son histoire, de ses cultures - finalement le colonialisme occidental n'a pris le dessus que récemment. La grandeur de l'Afrique se constate quand on s'avise de son avenir.
La posture d'un Hegel, de ses prédécesseurs ou de ses successeurs (de plus en plus déclinants) est grotesque : estimer que l'Afrique présente un visage pré-culturel éternel - que l'Afrique telle qu'elle se présente de nos jours a toujours existé. Malheureusement, des rudiments d'histoire indiquent que l'Afrique s'est effondrée depuis quatre cents ans et que le modèle oligarchique qu'elle offre actuellement n'est pas son visage de lait, mais un masque effrayant et hideux qu'elle arbore depuis qu'elle est la vache à laid de l'Occident impérialiste et colonialiste.
Si l'on estime que l'avenir de l'homme se situe en Afrique, plus exactement que ce sont des Africains qui mèneront l'homme vers sa prochaine aventure, son prochain colonialisme, son prochain impérialisme, la conquête spatiale, il est important de comprendre que ce n'est pas cette Afrique esclavagisée, colonisée, impérialisée et oligarchique, sous la coupe des intérêts occidentaux monétaristes et prévaricateurs, qui dispose des moyens de relever l'humanité en se rendant dans l'espace.
Ce n'est pas non plus l'Afrique du passé, si tant est qu'il est impossible de revenir - dans le passé. Pas de réaction, pas de ressenti-ment : il serait aussi raciste de revenir dans le passé que de décréter l'Afrique inchangée. L'Afrique dispose en son sein matriciel du moyen de sortir l'homme de sa prison mentale - mondialiste. Ce phénomène émane du continent qui a été le plus détruit et opprimé depuis que l'Occident a pris le dessus technique en instaurant le règne de l'immanentisme, qui désormais touche à sa fin.
Il est bizarre que la terre d'où l'homme vient est le lieu appelé à sortir l'homme de son berceau-fardeau. Dans un roman de science-fiction d'Isaac Asimov, compris dans le cycle Terre et fondation (de mémoire), des hommes de l'espace et d'un futur lointain, certains changés biologiquement (je crois), partent à la recherche de la Terre originelle. Les hommes ont colonisé l'espace, ont conquis les innombrables système solaires, ont oublié à force de millénaires d'où ils viennent. Leurs racines. Leur source. Tout comme l'Occidental contemporain méprise ses racines, au point qu'il en vient à douter, au point qu'il invente d'autres foyers de naissance plus glorieux (pour l'Occident), l'homme de l'espace est incapable de localiser la planète qui l'a vu naître.
C'est un déraciné de l'espace! Un ingrat de l'espèce! Pourquoi ce retour aux racines primordial au moment où l'idéologie mondialiste, fruit du postlibéralisme explicitement impérialiste, commence à fermenter dans les cerveaux rassis des Occidentaux qui croient vraiment qu'il faut arrêter les projets spatiaux et considérer que la limite infranchissable de l'homme finit (dans tous les sens du terme) avec les limites territoriales du monde. L'homme ne peut aller au-delà de sa planète. C'est la mère Afrique qui va se charger de rappeler que les projets compris dans le mondialisme sont caducs : l'impérialisme, le monétarisme, le colonialisme, l'oligarchisme, le mondialisme...
Au lieu de concepts dépassés, l'homme porté vers l'espace va montrer à quel point la réaction rend impossible (l'expression cathartique du nihilisme) ce qui manifeste l'évolution, le changement, le temps. L'immanentiste nie le temps et aimerait figer l'homme à une place statique et figé qui soit définitive : la Terre. L'Occident domine; l'Afrique est hors du temps. Pourtant, le spatialisme est le grand projet qui relègue toutes les conceptions savantes autour du mondialisme dans la réaction. Bien entendu, la décroissance qui se voudrait à l'avant-garde du Progrès exprime la quintessence de cette réaction morbide et légitimée, comme si l'acceptation de la mort rendait la mort plus acceptable.
Les lignes des valeurs bougent tellement que la nouveauté exprimé par le spatialisme renvoie aux oubliettes de l'histoire, vers la réaction claire et nette, des valeurs qui auraient tant aimé se présenter comme avant-gardistes et qui ne sont jamais que désuètes et déphasées. Peut-être que l'aventure spatiale donnera lieu à des impérialismes planétaires, où certains régimes planétaires décideront de dominer d'autres régimes. Des formes impérialistes se mettraient en place autour d'un système solaire, si d'aventure un tyran ou une oligarchie prenaient la tête d'un régime planétaire et décidaient, forts de leur supériorité matérielle, d'assujettir les autres planètes à leur domination. Dans cette configuration, la résurgence de l'impérialisme et du colonialisme classiques serait inéluctable, quoique promise à une certaine limite (ce qui est impérialiste est figé, l'anti-impérialisme est dynamique).
Mais l'aventure spatiale fait évoluer l'impérialisme en ce que la prochaine domination ne se situe plus entre l'homme et lui-même, mais entre l'homme et l'espace. L'homme doit impérialiser l'espace, l'homme doit coloniser l'espace. Plus l'espèce. L'utilisation de forces limitées mais créatrices (innovatrices) pour dominer l'espace propulse l'appétit de domination vers une nouvelle configuration, qui capte l'homme dans la confrontation avec l'étranger autant qu'étrange : l'espace. Dans la mentalité spatialiste, l'impérialisme spatialiste implique que l'homme spatialise l'impérialisme - et impérialise l'espace, tout du moins jusqu'à ce qu'il le domine suffisamment pour s'en prendre à ses congénères, ce qui prendra bien quelques siècles.
Pourquoi l'Afrique sera-t-elle la tête de proue du spatialisme? Pourquoi la mère de l'homme est-elle appelée à devenir sa fille? Pas à cause du clin d'œil - l'origine qui devient l'avenir. Pour une raison précise : les religions polythéistes sont nées en Afrique. Le transcendantalisme est né en Afrique. Le nihilisme est né en Afrique. Le nihilisme n'est pas né suite au transcendantalisme. Il lui est consubstantiel. Le transcendantalisme constitue une réponse au défi du nihilisme atavique.
L'homme des limbes découvre que s'il ne propose pas un projet croissant, il va décroître - disparaître. Nous en sommes à un carrefour : soit l'homme opte pour le déclin, légitimé sous le terme de décroissance; soit il tient la mondialisation pour un processus aussi inéluctable que continu - et il s'envole vers l'espace. Seul l'Africain peut réaliser ce projet vital pour les intérêts humains, en ce que la configuration religieuse est identique à celle qui marquait les débuts de l'homme : le spatialisme est une configuration politique dont l'identité religieuse correspond à une nouvelle forme religieuse qui reproduit la position de l'homme des débuts.
J'ai nommé cette forme religieuse le néanthéisme par opposition à toute forme nihiliste - en particulier la forme moderne de l'immanentisme (aujourd'hui terminal). Dans le transcendantalisme, une forme d'immobilisme s'instaure parce que le religieux renvoie au même quand le sensible est entendu comme l'autre. Dans ce schéma, il convient que le changement soit la partie dégradée et que le tout représente une certaine forme de permanence définie comme l'éternité. Dès lors, cette configuration n'est possible que dans une représentation du réel où l'étranger extérieur est ouvert au point de suggérer qu'il est infini et inépuisable.
Dans le schéma monothéiste qui succède au polythéisme, ce n'est pas l'abolition du transcendantalisme, mais son évolution qui est à l'œuvre. Malgré les freins au changement qu'il implique, le polythéisme voit peu à peu le changement survenir : l'homme poursuit le processus de globalisation qui le voit quitter sa tribu originelle et parvenir vers des formes politiques où la rationalité se combine à la territorialité. C'est en sa forme moderne l'État-nation. Cette phase historique traduit le bouleversement qui conduit à la crise religieuse du polythéisme.
Le transcendantalisme lui survit, mais en s'adaptant, avec la forme du monothéisme. Le polythéisme correspondait à la pluralité des hommes, quand le monothéisme sanctionne l'unification progressive de l'homme. C'est un changement considérable, où le transcendantalisme s'adapte au processus qu'il a à la fois initié et en même temps ralenti - jusqu'à parfois vouloir le stopper carrément. La transition inéluctable entre polythéisme et monothéisme sanctionne aussi le besoin de changement religieux, qui est carencé, voire trop absent du polythéisme. Dans le renversement monothéiste, l'unité du divin s'obtient grâce à l'opposition inversée du même et de l'autre : l'autre est le divin, le même est le sensible.
Dans ce renversement fort peu nietzschéen (au point que Nietzsche chercha un fantasmatique secours dans le recours au polythéisme prémonothéiste compris comme dionysiaque, soit explicitement nihiliste en antipolythéiste à l'examen), le changement se trouve sacralisé et permet de mener l'homme aux limites de la Terre, à un point de virtualité où l'homme se trouve pris entre deux possibles : soit en revenir à une conception finie et statique qui prend pour nom l'impérialisme et qui décroît doucement; soit croîtr evers l'espace.
C'est dans ce contexte de crise du sens et de crise religieuse que survient l'immanentisme, qui n'est jamais que la forme perfectionnée du nihilisme antique (dont on aperçoit le museau lors de la crise amenant le monothéisme). L'immanentisme profite de la crise religieuse qui affecte l'ensemble du transcendantalisme et qui réclame rien moins qu'un passage du transcendantalisme vers le néanthéisme. Dans cette ouverture, le néanthéiste se trouve dans la même position que le polythéiste originel face au monde qui s'ouvrait à lui.
De nouveau, l'espace offre la configuration d'un même qui reste à conquérir et à humaniser. Les différences sont de taille, puisque le néanthéisme suppose le remplacement de l'Être par le non-être et la reconnaissance que le non-être appartient autant au réel que l'être. L'espace étrange et étrange devient humanisable parce que la définition de l'espace se trouve humanisable avec l'appropriation du non-être et la révélation qu'il existe un réel qui n'est pas réductible à l'ordre de l'être et qui pourtant peut être conquis par l'homme.
Sans cette évolution religieuse, l'homme ne peut s'emparer d'un horizon qui lui est étranger. Dans la mentalité immanentiste, le non-être existe, en tant que néant pur et positif. Il est strictement antagoniste à l'ordre de l'être. Rien ne sert de conquérir l'espace qui est l'espace du néant. Mieux vaut décroître. C'est la mentalité africaine profondément ancrée dans la vision polythéiste de l'Être/même qui offre le plus de possibilités pour proposer un nouvel horizon et quitter les limites intenables du monde actuel.
Comme l'Africain a été exclu de l'histoire occidentaliste depuis l'esclavage et la colonisation, il est d'une certaine manière cet homme potentiellement neuf, non pas qu'il ne soit pas corrompu par la mentalité oligarchique, mais qu'il soit ouvert au changement. Au moment où l'Occident se sclérose et devient imperméable au changement, miné par la mentalité immanentiste, la mue ne peut advenir que de la culture qui est le plus aux antipodes de l'immanentisme occidental. C'est la terre qui est le plus détruite par l'Occident qui a le plus de chance d'incarner la relève à cet Occident décadent, moribond et détestable. C'est l'Afrique qui incarne l'homme de demain.
Le dirigeant nationaliste nord-américain (et jamaïcain) Marcus Garvey avait raison à sa manière : « Peut-on le faire ? Nous pouvons le faire ! Nous le ferons ! ». C'est ce même visionnaire qui plus afro-nationaliste que rastafarien avait lancé : « Lève-toi, race puissante, accomplis ce que tu désires ». Garvey ne se doutait pas que l'avenir de l'Afrique ne se trouvait pas en Afrique (mythe du retour impossible et réactionnaire), mais dans l'espace. Garvey gardait une vision réductrice où l'esclavage et le colonialisme étaient les calamités dont l'homme noir ne pouvait s'échapper qu'en retournant dans la terre de ses ancêtres, la symbolique autant que mythique Éthiopie. De ce point de vue, Garvey avait tort. Ce n'est pas en Afrique que l'homme accomplira sa renaissance. C'est dans l'espace.