dimanche 13 mars 2011

L'Empire contre-explose

La rhétorique délirante de Kadhafi est emblématique de l'hypocrisie qui secoue l'ensemble des membres de l'Empire britannique, en particulier quand ce sont des opposants internes et pestiférés. Tous ces opposants faux ont pour point commun de s'en prendre comme forme d'impérialisme aux Etats-Unis et/ou à Israël (au sionisme). Commode moyen de déformer la réalité de l'impérialisme britannique et de le rendre inoffensif et fantasmatique.
N'étant pas à une incohérence près, le satrape Kadhafi se présente comme un ennemi pestiféré d'Israël, sans doute sur le mode de l'Egypte. La monarchie saoudienne évoque le mensonge de Kadhafi, mais le Colonel détesterait les Saoudiens, ce qui nous montre que l'Empire britannique oppose les valets et les satrapes qu'il utilise dans ses opérations de déstabilisation et qui sont des rivaux hypocrites et cupides les uns avec les autres.
Le plus sûr moyen de démasquer l'imposture de ces satrapes anti-impérialistes qui jouent le jeu de l'impérialisme en l'identifiant mal et sciemment : jamais ces individus ne s'en prennent ouvertement aux forces financières de l'Empire britannique. Pourtant, aussi fous ou décalés soient-ils, ils ne peuvent pas ignorer l'existence de cet Empire qui a survécu à sa décolonisation politique pour se muer en force financière contrôlant les États prémodernes, comme Israël, mais surtout les Etats-nations, comme les Etats-Unis (via en particulier sa branche américaine Wall Street). Cet Empire appelle à la constitution d'un Etat postmoderne sur le modèle fédéral, qui s'oppose à l'Etat-nation.
Exemple caractéristique de la duplicité de ces potentats orientaux qui se sont effondrés les premiers dans la liste de ceux qui sont les serviteurs zélés et inavouables de l'Empire britannique en décomposition : le clan Moubarak détenait des avoirs colossaux placés dans les banques de la City pour une importante partie (et dans les banques alliées suisses pour une autre). Quant à Kadhafi, ses liens toujours claniques, à l'opposé de la rationalité westphalienne de l'Etat-nation (notamment avec son fils de la LSE Saïf Al-Islam) sont tellement nombreux et évidents que l'existence de l'Empire britannique se dévoile avec l'examen des placements financiers libyens (le clan Kadhafi se mélangeant avec l'Etat libyen). Par exemple :
http://www.thisislondon.co.uk/standard/article-23925939-gaddafi-son-at-heart-of-british-society.do
Au passage, la Troisième Voie promulguée avec arrogance par Kadhafi dans les années 70 n'a pas seulement échoué comme une fumisterie au demeurant prévisible. Elle recoupe cette fameuse et fumeuse troisième voie promulguée par la Société fabienne, et qui trouvera son incarnation contemporaine avec le blairisme de Tony (que les Britanniques devenus critiques avec leur ancienne idole, notamment depuis les crimes irakiens, nomment non sans humour le Blaireau). Cette Troisième voie n'existant pas autrement que sous la forme consternante d'un mirage du désert, elle encourage l'impérialisme comme le couronnement idéologique de la voie communiste et de la voie libérale.
En servant aussi servilement l'Empire britannique, Kadhafi a montré avec emphase que l'on ne peut inventer quelque chose qu'en proposant une alternative positive viable. Quand on s'en tient au versant négatif de la critique pure et dure, on mélange le mensonge et l'erreur. Erreur : on ne propose rien d'alternatif (pas de Troisième Voie autre que le mirage présenté comme l'oasis). Mensonge : on évite d'accuser l'Empire britannique et on s'en prend à des faux impérialismes, comme l'Empire américain et son allié sionisto-israélien.
Moralité : le Colonel n'est pas seulement un serviteur du véritable Empire opposé à un faux Empire, c'est aussi le pire des tyrans de son peuple, dont la rhétorique anti-impérialiste et anticolonialiste s'effondre sur elle-même. Ce psychotique et psychopathe certain, amateur de drogues plus ou moins hallucinogènes et de femmes plus ou moins amazones, se sert d'une fausse idéologie islamisto-socialiste pour voler son peuple (en tant que tribaliste intransigeant, la notion de peuple libyen n'a pour lui aucun sens). Il ne vaut pas mieux que Moubarak le Pharaon de l'ultralibéralisme ou Hussein le Nabuchodonosor de Tikrit.
Ces sales types (au sens balzacien) sont des représentants du colonialisme et de l'impérialisme qui n'hésitent pas à tirer sur leur soi-disant peuple qu'ils martyrisent et auquel ils n'appartiennent nullement. Ils agissent comme les mauvais élèves d'une classe : ils sont certes relégués au dernier rang des cancres, mais ils appartiennent à la classe (au milieu ambiant). Quand les têtes pensantes n'ont plus besoin d'eux et quand ces mauvais élèves deviennent trop dérangeants, les meneurs se débarrassent d'eux. Avec Moubarak, l'armée égyptienne (pilotée par les confrères américains) se montra magnanime et libérale. Avec Kadhafi, les politiciens et les intellectuels d'obédience libérale feignent de s'être toujours opposés aux menées violentes et criminelles du malotru.
L'Empire britannique a utilisé sciemment Kadhafi en feignant de s'y opposer comme un satrape tribaliste qui permettait, sous la condition que son clan s'enrichisse et se confonde avec l'Etat libyen, que les financiers et industriels de l'Empire britannique exploitent les gisements pétroliers et de gaz de la Libye soi-disant décolonisée. Kadhafi connaît tellement l'existence, les arcanes de l'Empire britannique, que son propre fils Saïf al-Islam a été formé par les meilleures écoles de l'Empire et a promu depuis dix ans les manifestations de l'ultralibéralimse stratégique : dérégulation, privatisation, démocratisation... Pendant les quarante ans de règne du Colonel, l'Empire, notamment via l'ennemi Israël, n'a cessé de soutenir son despote allumé qui sinon aurait fini renversé et assassiné par ses nombreux opposants intérieurs (qu'on les comprend).
D'une main, l'Empire soutenait le Colonel; de l'autre, il faisait mine de le combattre, notamment via les Etats-Unis. Cette stratégie serait toujours appliquée, si l'on en croit leRéseau Voltaire, selon lequel des mercenaires africains sont dépêchés via une société israélienne partenaire attitrée des Forces de défense israéliennes. Mais une donnée capitale est survenue dans cette stratégie du diviser pour régner ou de l'ennemi/ami : l'Empire britannique financier s'effondre. Du coup, les premiers à tomber sont ses alliés des Marches et des marges de l'Empire.
Ce n'est que quand on dénoncera l'Empire britannique actuel, ses formes financières centrées autour de l'Inter-Alpha Group, que l'on pourra tenir une critique sérieuse, qui ne saurait se limiter à de la critique négative, mais qui comprend un versant positif : une proposition alternative pour sortir de l'impérialisme. Le propre de l'impérialisme est de dominer en empêchant le changement, l'évolution, l'innovation. Cette stratégie de la staticité ou de l'immobilité est démasquée dans l'ère moderne chez un Hegel, lui qui propose commeentourloupe d'intégrer le changement au donné, ce qui est une contradiction dans les termes et qui ne peut contenter que Hegel lui-même, en lui donnant l'illusion qu'il est parvenu à intégrer le changement dans son système philosophique (résultat mirobolant auquel ses prédécesseurs n'étaient pas parvenus, quelles que soient leurs qualités éminentes, etc.).
La proposition de la Troisième Voie recoupe cette démarche hégélienne de nature philosophique (un nihilisme ontologique calqué presque directement sur la ruse d'Aristote) et la transpose dans le domaine idéologico-politique (géopolitique puisque c'est un théoricien de l'Empire qui a fondé cette discipline). Il s'agit de légitimer l'impérialisme en l'affublant d'une alternative noble. Comme par hasard, la légitimation dominante (le blairisme fabien) recoupe la légitimation dominée (le Livre vert du Guide libyen). Un Kadhafi prétend dénoncer l'impérialisme et le néo-colonialisme dont serait victime son pays, alors qu'il s'en montre un serviteur patent et conscient.
L'arnaque de la dénonciation, sa supercherie, consiste à attaquer l'impérialisme américain comme faux nez de l'impérialisme britannique, avec une constante : l'impérialisme dénoncé est impossible et réducteur en ce qu'un Etat-nation ne peut être impérialiste. Les Etats-Unis ne peuvent être impérialistes, ce qui ne les lave certainement pas de la possibilité de crimes, mais qui recoupe le fait que l'impérialisme britannique n'est pas l'impérialisme du peuple britannique ou de l'Etat-nation britannique, mais l'impérialisme financier centré autour de la City de Londres et d'une oligarchie aristocratique organisée autour du prince Philip d'Edimbourg.
L'attaque rhétorique et militaire de Kadhafi est remarquable en ce qu'elle s'en prend à l'Etat-nation d'un point de vue tribaliste. Autant dire que le tribalisme ou le clanisme du chef Kadhafi exploitant sans vergogne les richesses naturelles de la Libye, à condition que son clan s'enrichisse massivement, satisfait les attentes et les désidératas des conglomérats de l'Empire britannique (comme les compagnies historiques BP et Shell en matière de pétrole), qui sont eux aussi des factions et des clans de facture oligarchique. L'élitisme est historiquement contenu dans le tribalisme, avec la notion de caste propagée par certaines traditions indiennes, puis mésopotamiennes (babyloniennes et perses).
La ruse de Kadhafi (dénoncer un impérialisme impossible pour cacher l'impérialisme qu'il sert) recoupe sa participation vérifiable au tribalisme comme forme alliée de l'oligarchie (promue en Occident par un Aristote) et comme support de l'inégalitarisme. A la limite, on pourrait constater que le clanisme ou le tribalisme sont les formes ataviques de l'oligarchie et qu'aujourd'hui ce système de castes est promu par des formes postmodernes comme l'ultralibéralisme. Un Saïf al-Islma Kadhafi exprime assez le choc des civilisations à l'intérieur de l'oligarchie historique, lui qui doit naviguer entre le tribalisme familial et la culture ultralibérale et guindée de la LSE. Au final, il est normal que par gros temps, il perde un peu les pédales, et qu'après avoir squatté un manoir chic de Londres en promouvant la démocratie dérégulée, il ait récemment promis aux insurgés de son peuple des rivières de sang. L'avant-garde oligarchique côtoie chez lui la vielle coutume tout aussi oligarchique.

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