mardi 31 mai 2011

Pornographique 2.0

Le beauf pornographique a remplacé le beau esthétique.

Si le beauf 2.0 est assurément le fils d'autant plus légitime de ses parents qu'il entend rompre avec eux, en écoutant par exemple du rap mâtiné de sauce R&B new wave, au lieu du rockmâtiné de pop, le terrain d'expression de la beaufitude 2.0 s'est déplacé des anciens médias de masse comme le disque - vers le lieu fort riche de créativité et d'innovation qu'est Internet. Au moment où nous vivons une période de grand changement, qui implique sans doute de la souffrance et des douleurs, il est significatif que se développe un grand changement dans l'expression (la communication en langage publicitaire) et que l'on passe du système Gutenberg au système Internet.
Par rapport au parchemin, Gutenberg apportait une virtualité et une audience supérieures; mais Internet progresse encore de manière anti-entropique sur ces deux points capitaux : le virtuel d'Internet est vraiment une vertu au sens où ce virtuel est utilisé par les facultés réflexives humaines pour accroître sa faculté d'expression. Telle est la vertu du virtuel : se trouver au service de l'évolution anti-entropique de l'homme, qui passe par le domaine abstrait avant de se répercuter (de manière simultanée d'un point de vue chronologique, suivant une antériorité d'un point de vue qualitatif) dans le domaine physique.
Mais cette virtualité peut tout aussi bien se commuer en vice si l'on se souvient que dans un palier ou une plateforme quantitative, isolée du restant de son processus, la majeure partie de sa production quantitative est consacrée à la loi du plus fort. La dégradation explicite que subit la pornographie depuis sa commercialisation massive au début des années soixante-dix pour raison de liberté d'expression et de libération sexuelle est consternante - comme significative.
Même ses défenseurs attitrés du départ, des libertaires comme le journaliste Joignot, commencent à s'émouvoir de la banalisation d'horreurs violentes et dégénérées comme le gonzo et toutes ces scènes qui sous couvert de montrer du sexe libéré tendent furieusement vers le viol implicite, la torture suggestive et sensuelle, voire l'assassinat tacite (sans aller jusqu'aux folies supputées du snuff movie). L'aveuglement face à la liberté est la folie idéologique qui s'est emparée de tous ceux qui ont cru que le libéralisme offrait une nouvelle fenêtre à la liberté. L'illusion se retourne toujours contre la liberté, tant il est devenu patent que la définition de la liberté que propose le libéralisme est une supercherie.
Liberté finie, statique et reposant sur l'harmonie de la main invisible, soit la négation réductrice du deux ex machina cartésien en terrain purement commercial. Du coup, toute liberté libérale constitue un oxymore en ce que cette liberté se révèle au service de la loi du plus fort - de l'impérialisme. Les véritables ultralibéraux, à la sauce Friedmann, comme Bolkenstein, sont pour la légalisation universelle de tout objet, étant entendu que la main invisible rééquilibre les rapports de force. L'argutie permet de légitimer la légalisation destructrice pour les plus faibles des drogues ou de la pornographie.
C'est dès le départ que la liberté libérale est viciée - dès ses fondements; c'est dès le départ que la pornographie se trouve viciée, - rien d'étonnant, plutôt de détonant, à ce que la pornographie modérée et pudibonde des débuts soit devenue au fil des décennies la gradation d'impitoyables scènes gonzo oscillant entre torture et viol suggérés.
De la même manière que la liberté impérialiste n'est pas la liberté, sinon pour une petite caste d'oligarques repus et infects, de même la pornographie ne correspond en rien à la libération sexuelle, mais à la transposition pure et simple de la loi du plus fort dans le domaine sexuel. Machisme unilatéral ou presque, mensonge quant au réalisme des scènes, absence totale de pensée au profit de la célébration fasciste du corps triomphant (jusqu'au dopage), la pornographie présente par bien des aspects des points communs avec le sport, du moins dans son expression médiatique, dite populaire.
Mais de même que le sport de masse est destiné à la contemplation écrasante, pour ne pas dire exclusive, de quelques athlètes aussi méritants que dopés et manipulés, de même la pornographie profite moins à ses acteurs, sauf quelques stars ridiculisées et reluquées avec soin, qu'à ses spectateurs. Bien que certains médias essayent laborieusement d'accorder une attention respectueuse aux producteurs (absolument pas créateurs) de la pornographie, ils ne sauraient y parvenir, car la pornographie se limite à la production purement mimétique et répétitive d'un bien mercantile, nul sur le plan artistique.
Un film pornographique n'est pas un film artistique, mais un pur bien commercial, ce qui correspond peut-être au critère ultraréducteur de l'ultralibéralisme de Friedmann, mais pas à la capacité de création de l'homme. Autant dire que l'échec de la pornographie indique l'échec des critères de l'ultralibéralisme, comme le gonzo est la gradation du porno soft des seventies. L'échec de la pornographie exprime l'échec de l'esthétique de Schopenhauer, qui opère un décentrement de l'esthétique de l'acteur, pour se focaliser sur l'esthétique du spectateur.
Cette révolution esthétique de type néo-kantien, survenant chez un postkantien admirateur inconditionnel de la Critique de la raison pure première partie (et de son introduction fameuse louant le décentrement de la perception a priori), exprime l'absence de créativité qui s'élabore déjà chez Aristote d'un point de vue métaphysique (néologisme posthume, quoique fidèle à la démarche antiplatonicienne et nihiliste de cet ontologue d'un genre un peu particulier) : le Premier Moteur abolit dans l'espace du réel fini et physique toute créativité. Chez Descartes, la créativité serait l'intervention irrationnelle de Dieu dans l'espace physique rationnelle et nécessaire.
Chez le disciple cartésien et hérétique Spinoza, la créativité s'accommode avec la loi du plus fort (la liberté s'accroît avec la puissance), lançant la spécificité de l'immanentisme comme avatar du nihilisme moderne. Cette tradition sera reprise chez Nietzsche avec son projet de l'artiste créateur spécifique de ses propres et exclusives valeurs. Mais chez le maître philosophique du jeune Nietzsche, l'idéalisme immanentiste et postromantique de Nietzsche, qui culmine dans son mythe du Surhomme capable d'accepter le réel tel qu'il est, est réfuté : Schopenhauer préfère l'absurde coexistant avec l'abolition du désir (la volonté étant le fondement aveugle de l'univers).
Cette primauté du donné sur le jugement esthétique indique que l'imitation est jugée première et prioritaire et que la création devient secondaire, voire un dérivé du donné mimétique. Schopenhauer opère un condensé des doctrines successives de Kant, Spinoza et Aristote pour fonder son esthétique. Cette esthétique échoue parce qu'elle n'explique en rien la créativité, ni l'acte créateur de l'artiste qui selon Schopenhauer agirait pour satisfaire le spectateur de ses pulsions de désir. Cette conception moderne de l'esthétique, propre à l'immanentisme cherchant à se réaliser après différents échecs, notamment celui de Spinoza, ne fera que grader par la suite, car Nietzsche échoue à son tour - et l'alternative que propose Schopenhauer est un leurre et une fuite en avant.
La pornographie survient en pleine idéologie ultralibérale, comme la traduction de l'échec de l'ultralibéralisme, dont nous avons la confirmation définitive de nos jours. Il s'agit non seulement de confirmer que la création n'existe pas; mais que l'art sert une esthétique du spectateur. Le spectateur n'est pas actif dans sa contemplation passive; il devient passif dans son rôle esthétique - doublement passif, puisqu'il se sert de cette contemplation médiocre, non pas pour soulager sa libido, mais pour exister en vain.
Cette esthétique qui est condamnée à leurrer le spectateur concerne non plus les spectateurs éduqués esthétiquement au jugement du beau; mais des spectateurs méséduqués par leurs critères beaufs. Le beauf pornographique a remplacé le beau esthétique. Ou plutôt : le beauf 2.0. Car le beauf tradi, celui moqué par Cabu, Renaud et consorts, incarné dans l'imagerie populaire par Johnny Hallyday, tient le social pur la fin du réel; quand le beauf 2.0, le beauf version Internet, est en passe de réduire encore de manière viscérale et cette fois douloureuse le social au sexuel.
Heureusement, le réel qui serait le seul sexuel n'est pas supportable, car le sexuel contrevient même à la définition du plaisir selon Spinoza : l'accroissement de la puissance. Le sexuel exprime plutôt une puissance purement physique qui est donnée une bonne fois pour toutes et qui ne peut que régresser avec la vieillesse (comme l'exprime magistralement et névrotiquement le fondateur et maître de l'autofiction Doubrovsky). Dans la plateforme qui aurait été dessinée par la modernité et qui signalerait une gradation qualitative du monde antientropique de l'homme, nous sommes arrivés à exténuation et plus nous insistons, plus nous gradons dans la destruction et l'autodestruction.
La pornographie intervient à la fin de cette élévation quantitative (à la fin de la plateforme) du monde de l'homme, où l'on commence par découvrir de nouvelles frontières physiques, puis où l'on s'affaisse peu à peu dans l'idéologie consumériste du désir. Au départ, le désir est triomphant, complet, plein. Puis il devient absurde et ennuyeux. Enfin, il agonise en figure de la passivité contradictoire et jamais satisfaisante, soit en contradiction de la prétendue complétude du désir de type spinoziste. Du point de vue social, apanage du beauf naïf, le snob veut toujours se hisser tel la grenouille de La Fontaine; quand le beauf est content d'être tel qu'il est à condition de préciser qu'il est à jamais incomplet, pour ne pas dire grotesque.
Content d'être nul. Beauf et con à la fois. Cette incomplétude du beauf s'oppose à la complétude revendiquée par le fondateur malsain de l'immanentisme, ce Spinoza qui proclamait que le désir ne vaut que dans l'accroissement de la puissance. Pour ceux républicains comme les platoniciens et néo-platoniciens authentiques, voire pis, égalitaristes comme les marxistes, la complétude de Spinoza signifie que seuls les plus forts pourront atteindre cette complétude - et que l'on ne peut tous y parvenir à la fois (en même temps).
La différence critique est sociale : alors que c'est le dominateur, l'oligarque qui accroît sa puissance dans le cadre de l'immanentisme fondateur de Spinoza; dans la pornographie, la beaufitude se manifeste par le fait que c'est le dominé qui se trouve visé dans le cadre d'une incomplétude de son désir. On est passé d'un programme inégalitariste et complet à un programme incomplet et massificateur. Alors que l'esthétique de la contemplation selon Schopenhauer ne pouvait impliquer qu'une petite élite d'initiés, l'esthétique beauf entend rassembler la plupart des individus - mais par le bas.
Il s'agit de s'adresser aux gens par leur désir le plus bas, l'expression sociale, spécifiquement dans la pornographie, où le social se réduit encore en sexe. Cette démocratisation par le bas, démagogie, voire populisme dans son sens le plus nauséabond, s'explique par la faculté à laquelle le beauf s'adresse : le désir - et non pus l'intelligence. Du coup, autre conséquence tragique, quoique peu remarquée, alors que les néo-platoniciens, comme l'immense Plotin, insistaient tant sur le caractère primordial de l'Un (au point de lui accorder une valeur supérieure à l'Etre, en l'identifiant au Néant supérieur, pas à la matière imparfaite), les tenants de la contre-culture beauf remplacent la valeur suprême de l'unité par la multiplicité.
Le réel devient morcelé et sans lien entre ses différentes parties. Cette conception remonte à Aristote, étant entendu que c'est Aristote (dans ce que nous connaissons) qui théorise le premier la multiplicité de l'être qui s'expliquerait par la multiplicité du non-être. Avant Aristote, les nihilistes comme les atomistes produisaient des systèmes théoriques qui étaient contradictoires et multiples, mais alors que le non-être était défini comme paradoxalement uni, sinon un (ainsi du vide chez Démocrite). C'est dans ce contexte métaphysique que Spinoza propose un désir complet seulement pour les plus forts. Il ne révolutionne pas vraiment la conception philosophique et politique antique par cette proposition, car Aristote se montrait déjà un partisan inconditionnel du système tyrannique le plus oligarchique.
Les contre-cultures au sens où il n'existe plus d'unité dans l'hypothétique contre-culture sont forcément multiples et segmentées, démultipliées. Ce qu'on appelle la culture beauf est un synonyme de la contre-culture. Cette multiplicité des contre-cultures beaufs se retrouve à l'intérieur de chacune d'entre elles. La pornographie, aussi médiocre et consternante soit-elle, charrie une conception nihiliste du réel, avec cette spécificité que, contrairement à l'héritage d'Aristote ou de Spinoza, elle s'adresse non plus à l'élite des plus forts, mais à la masse des beaufs, le bas peuple, à la vulgarité.
Sans doute est-ce pour lutter contre l'émergence des ces myriades de foyers de contre-cultures vulgaires et beaufs que Solon et d'autres théoriciens républicains ont créé les classes moyennes. Les classes moyennes, surtout quand elle s'enrichissent économiquement, et, ce qui va de pair, encore davantage quand elles se cultivent, sont le rempart contre l'effondrement culturel et économique du peuple, où de plus en plus de personne deviennent vulgaire, déstructurées, pauvres et ignares.
Le beauf, par sa revendication de vulgarité, se montre en faveur de l'effondrement culturel et de la multiplicité contre-culturelle. La pornographie relaye ces deux tendances consternantes, puisqu'on ne s'adresse plus à l'homme au sens générique, mais à l'homme au sens sexuel, et encore, au sexuel purement sexuel du mâle, soit à ce qui est de plus bas en l'homme (domination et destruction). On avait remarqué dans les contre-cultures musicales le caractère ethnique de la multiplicité vulgaire : le rock était une musique de beaufs blancs occidentaux, quand les musiques blacks ciblaient leur correspondant chez les immigrants africains venus s'installer en Occident. Aux Etats-Unis, les Afro-Américains ont une musique spécifique, avec plusieurs sous-genres musicaux, comme la soul, la funk, le blues... On pourrait trouver des correspondances chez les Blancs. Si toutes ces expressions musicales ne sont pas nulles, tant s'en faut, aucune d'entre elles, ou quasiment, n'est destinée à perdurer au-delà d'une génération.
La pornographie va encore plus loin que la chanson populaire (populiste?) dans cette démultiplication contre-culturelle, parce que la chanson s'adresse aux sens physiques les plus développés, quand la pornographie baisse encore d'un ton et cible le sens le plus éloigné de la raison et de la connaissance : le sexuel. Du coup, nous avons une ethnicisation fragmentée et caricaturale qui verse dans le racisme le plus stéréotypé. Il s'agit en effet d'attribuer à chaque couleur de peau une spécificité sexuelle. Les Noirs, hommes ou femmes, se trouvent ainsi, de manière ambiguë, plus proches de la sauvagerie et de la sensualité brutes, ce qui implique que les hommes soient dotés de pénis plus importants et les femmes d'une libido débordante, en lien avec leurs attributs sexuels (fesses massives et cambrées, musculature saillante...).
Les Arabes sont des cibles idéales de la perversion, du fait que l'on peut y transgresser le Coran monothéiste, en particulier pour les Beurettes (un idiome du beauf 2.0). Du fait de l'importance de la virginité, le sexe pornographique avec des Beurettes permet de transgresser cette frontière et d'y ajouter un autre tabou de la sexualité, en particulier de l'homosexualité masculine : le sexe anal (où l'on voit que la pornographie se réclamera de la tolérance invraisemblable au nom de cette fusion confuse entre hétérosexualité et homosexualité). Les Asiatiques sont des êtres sexuels raffinés et pervers, tous fins experts en Kama Sutra, parfaits maîtres de leur appétence pour le sexe (que l'on retrouve aussi dans l'univers plus intello et mystérieux des traditions asiatiques autour du tantrisme).
On affinera l'étude avec la distinction ethnique de l'univers pornographique, où le morcellement du corps, confiné au sexe (de manière métonymique) engendre le morcellement social en domaines ethniques et le morcellement du réel en oligarchie, avec la domination implicite des Blancs. Je m'amuse de certains stéréotypes médians, comme la représentation des Latinos, tout spécialement des femmes, en particulier des Brésiliennes. Le Brésil incarnant un pays de liberté sexuelle, alors qu'il est particulièrement pudibond et chrétien (peu importe), les clichés pornographiques s'en donnent à coeur joie (à corps joie).
On pourrait poursuivre cette liste des clichés ethnico-géographiques, par exemple les Blondes plus ou moins suédoises, les Slaves pauvres et donc ouvertes (on appréciera l'humanisme de la considération) ou les matures des plus expérimentées (l'acronyme MILF anglo-saxon signifie en toute inceste Mother I'd Like to Fuck). Les MILF n'ont jamais de cheveux blancs et font plus jeunes que leur âge (parfois dotées d'une forte poitrine pour l'attirance sexuelle). Il arrive fréquemment qu'elles jouent leurs scènes pornographiques avec des plus jeunes. Le filmAmerican Pie, qui n'est pas un film pornographique, quoiqu'il serve à banaliser certaines représentations sexuelles dans l'univers cinématographique de la comédie de moeurs et dans la vie sociale, révèle le personnage de la MILF.
L'usage croissant de la MILF dans la vie des différents acteurs de la contre-culture actuelle serait intéressante : de nombreux films et séries y font référence, mais aussi des chanteurs et chanteuses de premier plan. Je pense au représentatif rappeur nord et noir américain Snoop Dogg, qui se targue de son attrait pour le goût pornographique et qui entre autres exploits particulièrement vulgaires, ou carrément abjects, ne trouva rien de mieux que d'aider ses soeurs à sortir du ghetto en proposant aux plus jolies de jouer dans des scènes pornographiques.
Ce racisme tous azimuts de la pornographie est parfait pour qualifier le beauf 2.0, celui qui désormais se situe sur Internet et qui a universalisé à la société mondiale les canons du beauf national. Aucun des acteurs de la pornographie ne se réclame du racisme, tant s'en faut. Les acteurs de la production pornographique, comme les spectateurs des films, qui sont la plupart occasionnels, voire intermittents, même si certains développent une addiction caractéristique et inquiétante, se montrent racistes en ce qu'ils essaient d'instaurer un essentialisme racialiste à l'intérieur de l'homme, ainsi qu'y invitait spécifiquement Aristote avec ses théories métaphysiques du multiple et politiques de l'oligarchie.
Pour être oligarque, il convient de considérer que nous ne sommes pas tous de la même appartenance sociale, soit de tenir le social pour la fin. Mais les oligarques dominent le jeu purement social, tandis que les beaufs sont dominés par le jeu social. L'oligarque ne s'adonne pas à la pornographie, ou alors de manière superficielle, voire hasardeuse. On notera la dégradation de l'immanentisme au travers du symptôme de la pornographie : si la pornographie n'exprime pas l'intégralité de la beaufitude fin de règne, de l'acmé de la dégradation du cycle immanentiste, tant s'en faut, il est intéressant que le volet de la pornographie, qui n'est qu'une sous-culture parmi tant d'autres, une sous-culture beauf parmi tant d'autres, exprime cette dégradation terminale, au sens où l'immanentisme, qui a commencé par l'apologie inconditionnelle et débridée du désir complet, finit par louer le sexuel partiel.
La reconnaissance de l'échec de l'immanentisme terminal se manifeste dans le partiel pornographique, notamment dans l'aveu selon lequel la contemplation esthétique dans la pornographie passe désormais non plus par une élite d'initiés au sens artistique et culturel, mais une cohorte abondante et vile de beaufs. La popularisation de l'art passerait par sa négation et sa massification. Aveu d'échec consternant qui en dit long sur l'échec du programme d'extension de la culture par la beaufitude. L'échec du beauf en fait son caractère attachant. Car avant d'être le crétin qui s'adonne à la pornographie et à toutes les tentations vulgaires à portée de son désir gratuit, le beauf est une catégorie sociale en voie de disparition et vouée à l'échec.

lundi 30 mai 2011

Vite du vide

On entend souvent ces derniers temps dans une maxime qui exprimerait le soulagement et déculpabiliserait enfin le manque de savoir tant décrié voire moqué que "le savoir ne fait pas l'intelligence". Remarque très juste - à condition de préciser le lieu d'où émane cette critique déculpabilisante : car être ignare est encore pire qu'être instruit. La haine ne saurait apporter de critique constructive, autre que celle grotesque débouchant sur l'obscurantisme (se flatter d'être ignare sous prétexte de critiquer le savoir).
Tout se passe comme si l'on voulait rendre conciliables, compatibles et synonymes (à la limite paronymes) l'intelligence et l'ignorance. Malheureusement, l'intelligence ne se développe pas sans savoir(s). L'intelligence est le moteur; le savoir le carburant : impossible de faire fonctionner le moteur sans carburant. L'intelligence est la bouteille, le savoir le liquide : impossible de remplir une bouteille sans liquide. Il convient d'éviter deux écueils en matière de connaissance et d'intelligence : soit confondre savoir et intelligence; soit par réaction inverse et stupide considérer que l'intelligence peut se développer sans savoir. Le savoir désigne un contenu fixe.
On sait toujours quelque chose de fini, quelle que soit l'étendue de ce savoir. Mais la connaissance indique que le propre du réel n'est pas d'être fixe et fini, mais dynamique et infini, ainsi que le proclamait Platon. Si le savoir n'est pas la connaissance, il n'est pas de connaissance sans savoir. La croyance souvent simpliste et déculpabilisante selon laquelle le savoir n'est pas la connaissance aboutit au fantasme selon lequel on pourrait connaître sans savoir : être ignare tout en étant intelligent.
Sans doute au fond les ignorants se sentent-ils bêtes et revendiquent-ils pour se valoriser un tant soit peu leur part d'intelligence dans l'ignorance. La confusion est entretenue autour de la différence entre savoir et connaissance. Dans le Ménon de Platon, le petit esclave de Ménon est capable de comprendre ce qu'il ignore malgré son statut d'esclave laissé dans l'ignorance. Autrement dit, il possède l'intelligence pour apprendre tout savoir - ce qui n'implique pas qu'il connaisse effectivement ces savoirs, à moins de procéder comme Perrette avec le pot de lait. Tout individu possède les moyens d'acquérir des savoirs en se trouvant doté d'intelligence. Sans doute les capacités intellectuelles ne sont-elles pas tout à fait les mêmes chez les différents individus, même s'il est des plus malaisés de distinguer entre l'éducation donnée dès le plus jeune âge et les facultés innées.
Sans renter dans ce débat entre inné et acquis, dans lequel je penche résolument en faveur de l'acquis qui façonne jusqu'à transformer l'inné, on pourrait ajouter à la suite de Platon que si l'intelligence (faculté de connaissance) se trouve présente chez (presque) tout individu, et plutôt plus que moins, la faculté d'intelligence n'est pas un donné stable et fixe qui existe chez tout individu de manière égale de sa naissance à sa mort. L'intelligence se rapportant au dynamique de l'infini signifie que la faculté peut tout aussi bien se développer que se scléroser.
Un régime qui pousse vers le savoir développe l'intelligence; tandis qu'une manière de vivre qui réfute le savoir débilite l'intelligence. On peut développer sa faculté de connaissance comme la réduire. Le critère réside dans l'effort : savoir demande des efforts; les activités dénuées d'effort tendent vers la sclérose de l'intelligence. On ne développe pas de la même manière son intelligence en lisant du Platon (avec les efforts inhérents) ou en jouant de manière intensive aux jeux vidéos (de préférence violents et répétitifs). Où l'on mesure que la critique du savoir ne peut émaner qu'à partir d'une déconnexion du savoir et de l'intelligence, qui implique que le savoir, aussi riche soit-il, s'ancre alors dans la bêtise.
L'intelligence a besoin du savoir pour se développer; tandis que l'ignorance sclérose la faculté de connaissance. Cette constatation discrédite la remarque selon laquelle le savoir n'est pas l'intelligence, si cette distinction tend à réhabiliter l'ignorance en en faisant un synonyme du savoir. Ce n'est pas la même chose de savoir et d'ignorer : dans un cas, on développe son intelligence; dans l'autre, on la détruit jusqu'à l'éradiquer. Je sais bien qu'il n'est pas facile d'admettre que l'on se détruit et que l'on fait montre de bêtise; tout comme il est plus facile d'utiliser son intelligence à des jeux passifs qu'à des efforts constructifs.
Tout l'enjeu n'est pas tant de critiquer l'ignorance que la volonté d'ignorance. Ce n'est pas le fait de ne pas savoir qui est à critiquer, mais le fait de préférer ne pas savoir. C'est alors signe de bêtise. Qu'est-ce que la volonté d'ignorance? C'est refuser la connaissance au sens où la connaissance déploie les savoirs finis dans le changement de paradigme, soit dans la dynamique de l'infini. La connaissance est ce qui permet de passer d'un donné figé à un donné supérieur - d'un état donné à un état supérieur, dans un processus d'anti-entropie se caractérisant par le saut qualitatif et non linéaire.
D'où l'effort que requiert le changement paradigmatique : c'est à ce prix que la connaissance s'acquiert. Le savoir ne se déploie que dans le fini, ce qui constitue l'infériorité du savoir par rapport à la connaissance : le savoir aussi étendu soit-il ne se déploie que dans le figé, ce qui explique l'attirance des nihilistes pour l'érudition (le grand savoir) : elle permet de dominer un certain état considéré comme le tout immuable et de facto abusif. Seule la connaissance permet de passer d'un état à un autre en changeant le paradigme régissant le savoir.
Mais l'action de la connaissance ne se peut exercer que si la connaissance se remplit du savoir. Sans savoir, l'action de la connaissance n'est pas possible. Une connaissance dénuée de savoir reviendrait à un organe débile qui à force d'inaction se meurt. Où l'on voit que l'intelligence véritable ne se déploie que dans l'infini et permet l'action dynamique d'antientropie; alors que l'intelligence dans le fini, pour authentique et vérifiable qu'elle soit, consiste à relier entre eux des éléments qui pour aussi riches qu'ils soient n'en demeurent pas moins figés et promis à la sclérose.

dimanche 29 mai 2011

Action indirecte

"Et, avec tout cela, il n'y a rien en moi d'un fondateur de religion".
Nieztsche, Ecce Homo, Pourquoi je suis un destin.

Jamais Nieztsche ne fut préfasciste. C'est pire : il fut un inspirateur indirect du fascisme. Et pas seulement parmi les dirigeants politiques allumés de cette mode tragico-idéologique qui connut son origine sémantique en Italie et son acmé pathologique en Allemagne. Les inspirateurs du fascisme étaient des intellectuels importants et intelligents de l'époque opaque plus qu'épique. Prenons les cas de Heidegger, de Carl Schmitt, de Georges Sorel, des futuristes... Tous fascistes à un degré ou à un autre. Tous admirateurs de Nietzsche - aussi. Heidegger était un sacré pédant sacré érudit. Il a consacré deux tomes volumineux (et verbeux) à commenter son grand Nietzsche illustre.
Il a aussi et même adhéré brièvement au nazisme, au point que sa terminologie absconse et verbeuse de métaphysicien tentant de réconcilier la métaphysique avec l'ontologie en sortit passablement transformée. Il n'a jamais accepté de renier un engagement éphémère qui aurait pu être une erreur de jeunesse et se trouva du coup être plus que cela. Pourquoi un esprit aussi pénétré de philosophie et de poésie fut si influencé par Nietzsche et adhéra au nazisme durant sa jeunesse? Heidegger était si persuadé du désastre nihiliste qui attendait le monde libéralisé (vision lucide qui se vérifie en ce moment et que Nietzsche avait prophétisé à sa sauce irrationaliste) qu'il trouva un (sale) temps le nazisme comme un rempart idéologique au nihilisme. On pourrait discerner l'erreur confusionnelle entre le Nietzsche distinguant le nihilisme étriqué du dernier homme et le même Nietzsche qui, n'en déplaise à ses thuriféraires, est un nihiliste consommé et dénié selon se propres thèses. Duplication hallucinatoire et intenable qui mena notre penseur à la folie (la crise identitaire insurmontable).
La fausse question : "Nietzsche était-il fasciste, nazi, préfasciste ou prénazi?" cache la vraie interrogation : "Quel est le lien irréfutable entre Nieztsche et le fascisme?", quand on a constaté la convergence historique impressionnante entre ceux érudits et intelligents qui adhérèrent aux fascismes et l'influence nietzschéenne? Peut-on comme nombre de commentateurs postérieurs transis (un pléonasme) et moralistes (cacher la morale plus que la vérité) décréter que Nietzsche ne saurait être nazi au motif qu'il s'est opposé aux idées de sa soeur et qu'il a vociféré (avec raison) sa détestation des antisémites de son temps? Nietzsche présente dans son oeuvre des caractéristiques morales (au sens des moralistes français qu'il aimait tant) et philosophiques qui ont contribué à inspirer l'idéologie nazie.
C'est un fait que Nietzsche ne fut pas nazi au sens politique ou idéologique; mais qu'il fut l'inspirateur de valeurs ayant pour une part débouché sur le nazisme est un autre fait souvent oublié, voire réfuté. Quand on a expliqué que Nietzsche n'était pas nazi, on est loin d'avoir expliqué pourquoi tant de proches du nazisme ou de nazis se réclamaient de Nietzsche : parce que Nietzsche n'est pas un anti-nazi, mais un nihiliste et un oligarque dont les idées au demeurant assez rebattues sont plus larges et générales que les idées idéologiques et ratiocinées du nazisme.
L'hypocrisie des commentateurs de Nieztsche consiste à partir du principe que si Nietzsche n'était pas nazi et n'était pas antisémite, c'est la preuve qu'il était antinazi, tolérant, et pourquoi pas démocrate (si, si). On a même eu droit à la mode des nietzschéens de gauche avec les postmodernes transis et pédants comme Deleuze. La vérité est accablante : que Nietzsche ne soit pas nazi n'implique pas que Nietzsche soit antinazi. Au contraire, Nietzsche était élitiste, antidémocrate, conservateur fervent de l'aristocratie - et autres thèmes qui en font un oligarque consommé dans la tradition d'Aristote ou de Spinoza.
Nietzsche intervient juste avant que les idéologies totalitaires fascistes entrent en jeu. Il est pris comme modèle de référence par ces idéologies fascistes du fait qu'il leur fournit une inspiration. Qu'il ne soit pas strictement fasciste est un fait; mais qu'il soit en faveur d'idées plus larges et générales dans lesquelles les fascistes peuvent se retrouver est une précision qui n'est jamais ajoutée par les commentateurs (pourtant si subtils et précis dans leurs interventions érudites).
La raison pour laquelle Nietzsche ne sombra pas dans l'idéologie fasciste est qu'il n'est pas un penseur purement politique comme put l'être un Carl Schmitt, et qu'il oscille entre le moraliste de type français (son modèle préféré) et l'aphoriste. Nietzsche est un philologue qui admire la philosophie au sens de la pensée rationaliste et qui entend répondre point par point aux chrétiens et à Platon. C'est un penseur nihiliste et oligarchique, emblématique de la période de l'immanentisme tardif et dégénéré, qui inspirera le fascisme tout en le dépassant de loin de par ses problématiques.
Ce n'est pas parce que vous êtes un modèle et une référence pour votre disciple que votre disciple est toujours d'accord avec vous. Ce qui est valable pour n'importe quelle école vaut pour Nietzsche qui refusait les écoles. Ce n'est pas un penseur politique, mais un philosophe ayant des interventions dans le champ politique - toute tentative d'application purement politique de Nietzsche se heurte à la déformation, argument dont jouent les commentateurs transis pour opposer Nietzsche aux disciples fascistes. Point souvent avancé pour justifier de cette position myope concernant l'opposition entre Nietzsche et le fascisme, l'antisémitisme prôné par les fascistes est un des nombreux points qui entrent en contradiction avec la pensée du Maître. Est-ce à dire que parce que Nietzsche n'aurait pas été nazi ou antisémite, il aurait proposé une pensée républicaine?
C'est se moquer du monde que d'oublier que Nietzsche était un inégalitariste viscéral, un opposant à Platon et aux chrétiens et qu'il proposait l'horizon du Surhomme artiste créateur de ses propres valeurs pour résoudre la terrible crise nihiliste qu'il sentait poindre à l'horizon. A la limite, on pourrait avancer que Nietzsche aurait été un opposant farouche au nazisme parce qu'il lui aurait reproché son critère trop étriqué et trop idéologique. Nietzsche avait compris que le seul moyen d'imposer ses thèmes revenait à partir d'une optique plus large et générale (philosophique) et que toute approche strictement idéologique engendrerait l'erreur d'optique et l'action déformée.
De ce point de vue, il avait flairé l'aveuglement qui ne manqua pas d'emporter Marx et ses disciples, quelles que soient par ailleurs leurs qualités et leur générosité. Mais Nietzsche se trompe quand il défend le nihilisme antique des sophistes, des atomistes dont il est un observateur attitré avec sa formation de philologue helléniste de haut vol. Plus généralement, les critiques confondent l'absence de causalité directe avec l'absence de causalité indirecte. La causalité implique que la cause soit de même taille (niveau) que l'effet.
De ce point de vue, la cause directe du nazisme ne saurait être Nietzsche. Mais Nietzsche peut fort bien par ses thèses antidémocratiques et immanentistes ressortir de la catégorie de la cause indirecte, qui implique que l'effet découle d'une multiplicité de causes, certaines directes et certaines indirectes (moins visibles, car plus générales et lointaines). Les causes indirectes sont les influences qui sont de taille supérieure et qui de ce fait n'inspirent pas directement les effets, mais les influencent indirectement par les idées que nos causes contiennent et charrient.
S'il est certain que Nietzsche n'est pas directement l'inspirateur de l'idéologie nazie, il est certain qu'indirectement, par de nombreuses thèmes notamment politiques sa philosophie antiontologique et immanentiste a servi de théorie pour poser les bases des fascismes nauséabonds d'Europe. N'en déplaise à ceux qui essayent de faire de Nietzsche un penseur si exceptionnel et profond qu'il n'aurait rien à voir avec des applications idéologiques nauséabondes et discréditées, le lien entre Nietzsche et le fascisme, pour indirect qu'il soit, ressortit du fait historique, dont une particularité, aussi cruelle soit-elle, mérite d'être rappelée : la récurrence troublante avec laquelle tant d'esprits intelligents, cultivés et fameux sombrèrent dans les différents fascismes (dont le nazisme) en se réclamant pour une bonne part de l'héritage théorique de Nietzsche.

samedi 28 mai 2011

Yes we change

DSK a mal compris la doctrine Obama : changer n'était pas se changer (variante : être ultralibéral n'est pas être libre-échangiste).

Concernant la drolatique affaire DSK, chacun d'à peu près informé (c'est-à-dire les rares Occidentaux qui prêtent encore de l'intérêt au réel et manifestent le courage intellectuel de ne pas se réfugier dans les médiocrités privées, le barbecue en été ou la voiture en hiver) sait très bien que le président français du FMI et candidat favori des médias occidentaux pour la présidentielle française de 2012 était plus qu'un coureur de jupons volage ou un partouzeur frénétique : de multiples témoignages de femmes bien placées et qui ne se connaissent pas indiquent que notre obsédé sexuel au sens pathologique aimait beaucoup la pratique du sexe contraint, à la limite du viol.
Le voilà servi. Notre Donneur de Sexe et de Krach, qui avant d'honorer une femme de ménage d'origine africaine avait pensé, dans son infinie bonté, à honorer de sa science économique et politique les peuples en faillite en Europe, illustre avec franchise la mentalité oligarchique du grand seigneur pervers, qui estime que, parce qu'il est intelligent et compétent dans son domaine d'excellence, il peut s'arroger tous les droits, y compris celui de bafouer la loi. DSK est un amoral type Don Juan qui se considère au-desssus des lois et des normes. Il rejoindrait de ce point de vue les mitterrandiens comme Roland Dumas, à qui, selon un ancien membre du Conseil constitutionnel, il manquait une case : celle de la morale.
Cette définition pourrait être reprise au mot près pour qualifier DSK. Très intelligent et très désaxé. Mais qui n'est pas très intelligent et désaxé dans ces milieux affairistes gravitant entre politique et économie, autour de l'idéologie ultralibérale? Au passage, on mesure ce que donne l'application de l'utralibéralisme dans la sphère privée, dans la sphère morale et dans la sphère politique : on prône la domination hypocrite et l'on cloisonne sa vie privée de telle sorte que privé et public n'auraient rien à voir. La preuve. DSK était un harceleur sexuel et un brillant politicien à la tête de la puissante organisation mondialiste du FMI, spécialiste dans le harcèlement économique des Etats endettés.
Notre figure plus mondialiste que française, dont l'adhésion déclarée au sionisme va de pair avec son soutien plus profond à l'utralibéralisme de Friedmann et de la City de Londres, illustre le prolongement croissant et prévisible de la subversion du socialisme par Mitterrand. Mitterrand a trahi le socialisme en introduisant le renard dans le poulailler : le libéralisme dans le socialisme. DSK incarne le prolongement de ce socialisme libéral (une imposture) en socialisme ultralibéral (une dégénérescence).
Une analyse psychologique révélerait que DSK a peut-être aussi commis un acte manqué en se faisant arrêter pour viol peu de temps avant la présidentielle française, dont il était un favori des sondages (il est vrai peu fiables et manipulés par leurs bâilleurs). DSK aurait ainsi manqué son acte en évitant par tous les moyens de s'avilir dans une besogne qui laisserait de lui l'image indélébile du Président français chargé de liquider l'héritage de l'Etat-nation, un peu la manière d'un Obama en ce moment aux Etats-Unis.
C'est notamment la thèse que défend le nationaliste de gauche Soral, toujours prompt pour péter les plombs dans des scènes télévisuelles dotées de violence, mais aussi capable de bonnes analyses politiques superficielles (notre autosociologue choisit toujours le remède de la violence pour guérir d'un problème qu'il a correctement diagnostiqué). Cette thèse de l'acte manqué (préférer finir en prison plutôt que de détruire la France) aurait au moins pour mérite de rendre DSK un brin sympathique. Notre pervers dans le sexuel privé de ce qu'incarne la perversion de la finance folle dans le politique public a peut-être été repêché par les dieux de son succès obtenu grâce à la perversion politique, consistant en gros à travestir le socialisme en utralibéralisme et à cautionner la destruction économique du monde sous couvert de bons sentiments mensongers et sociétaux.
L'humiliation invraisemblable subie par DSK, grand fonctionnaire des instances financières désormais sous les verrous de la Justice américaine, est peut-être une possibilité de rédemption pour celui qui quand il réussissait tout détruisait tout. Rachat paradoxal aux portes du mystique : mieux vaut sous cet angle croupir en cellule que de terminer sa vie en enfer. L'enfer de cette vie correspondrait au luxe et à la luxure, et de manière très gnostique, le paradis serait à peu de choses près la compréhension que le plaisir dans la domination et la destruction n'est pas la fin de l'existence.
Si DSK accède à cette compréhension, peut-être saisira-t-il que dans le privé le harcèlement sexuel débouche sur le viol, et que dans le domaine public et politique, là où il excellait, l'ultralibéralisme est une doctrine abominable, qui conduit droit dans le mur. Il vaut mieux aller en prison et sauver sa vie que de jouir et de se perdre. Peut-être est-ce le message subliminal plus que privé envoyé à DSK : la rédemption du représentant de l'ultralibéralisme de la City de Londres et de ses ramifications comme Wall Street est possible. DSK serait-il l'arbre qui cache la forêt? Petit message d'espoir : le système financier est en faillite, mais la rédemption est possible. Il suffit juste de perdre le pouvoir, de subir la calomnie et d'aller en prison.

vendredi 27 mai 2011

L'axe gratuit

On jauge de la moralité d'une culture à l'aune de son rapport à la justice et au meurtre.

Puisqu'on en est avec les nouvelles invraisemblables qui émaillent l'effondrement d'un système politique comme c'est le cas actuellement (ceux qui ne comprennent pas l'ampleur de l'effondrement sont les mêmes que ceux sur le Titanic qui énonçaient que leur beau navire ne pouvait couler et qu'il convenait de faire la fête toutes affaires cessantes), il y a bien pire que l'affaire consternante de DSK le coureur de jupons plus ou moins violeur. Chacun sait très bien que DSK traîne les casseroles sexuelles depuis trente ans et que cette dernière affaire n'est que l'instrumentalisation d'un vice profond (la baise de force) entretenu par un aventurier politique encarté socialiste ultralibéral (ce qui en dit long sur la corruption de nos dirigeants en Occident).
On remarque quand même dans l'affaire DSK qu'il est de mauvais goût de s'en prendre à la pauvre femme de ménage tout en ménageant le puissant dirigeants désaxé, mais influent. Alors que dans une affaire tout aussi invraisemblable, l'assassinat d'Oussama, on ne prend même plus de gants pour justifier de l'injustifiable. La presse occidentale nous présente cet assassinat inacceptable (et faux) comme juste et justifié. Telle est la justice qui caractérise l'impérialisme : l'arbitraire du mensonge. On aurait pu capturer Oussama, le déférer devant un tribunal démocratique et le juger pour ses crimes. On ne le peut pas parce que le crime du 911 repose dès ses prémisses sur un mensonge : la culpabilité d'Oussama n'a jamais été apportée par qui que ce soit et le pauvre Oussama n'a jamais été inculpé parle FBI (ni aucun organisme américain compétent).
D'où la profonde leçon qui ressortit du traitement médiatique infligé à Oussama : quand on ment sur la vie en général, c'est qu'on va soi-même disparaître. Cas des dirigeants actuels du libéralisme moribond et exsangue. Peut-être apprendra-t-on un jour qu'Oussama est mort des suites de maladie aux alentours de 2001, innocent de la plupart des crimes qu'on lui impute généreusement en Occident, fortement manipulé par les services secrets saoudiens et occidentaux pour le compte desquels il travaillait depuis vingt ans et qui lui apportaient une aide logistique sans laquelle il serait mort depuis belle lurette. Là n'est pas l'important.
L'important tient dans une question évidente et jamais posée, ce qui en dit long sur la mentalité infecte et violente qui imprègne les populations du monde : qui sont ces cinq prétendus individus qui ont été assassinés dans une résidence du Pakistan par des forces spéciales américaines? On nous dit qu'il y avait Oussama et quatre autres acolytes dont on notera qu'ils demeurent anonymes (un fils, une femme, deux gardes du corps). Donc cinq personnes ont été assassinées dans cette opération floue et saugrenue, dont quatre n'était pas le faux Oussama. Et ces assassinats sommaires d'anonymes reconnus désarmés et innocents ne dérangent personne? Ils apportent pourtant la preuve que l'on vit dans un climat de sauvagerie généralisée, où l'on peut tuer cinq personnes sans aucune raison juridique à partir du moment où ils n'appartiennent pas à des démocraties occidentales et libérales.
Les Etats-Unis auraient le droit d'assassiner cinq personnes sans autre forme de procès? Bien entendu, on pourra suspecter la mise en scène totale, l'idée selon laquelle il n'y a jamais eu de morts dans cette villa, pas davantage d'autres innocents qu'Oussama le fantôme d'Abbotabad. Mais on peut aussi émettre une hypothèse qui fait froid dans le dos : maintenant qu'en se renseignant raisonnablement, il est certain qu'Oussama n'a pas été assassiné le 29 avril 2011 et probable qu'il était mort auparavant, depuis dix ans peut-être, ces cinq personnes anonymes, étrangères à l'Occident et musulmanes auraient été assassinées gratuitement, peut-être des islamistes appartenant à des organisations extrémistes infiltrées par les services secrets pakistanais et occidentaux, peut-être des talibans dont on s'est débarrassé à cette occasion.
Dans tous les cas, l'absence de questionnement et de protestation suite à l'assassinat injustifiable de quatre comparses innocents et anonymes rappelle la sauvagerie du crime gratuit, notamment décrit par un Gide. On atteint le maximum de l'abjection à l'occasion de la légitimation de l'acte gratuit. C'est la méthode qui se trouve utilisée dans l'assassinat médiatique d'Oussama et qui en dit long sur la période de crise morale et culturelle que nous traversons. Que l'on ne s'étonne plus de ce qui constitue le plus étonnant et le plus répugnant indique à quelle dégénérescence intellectuelle et morale notre mentalité libérale-occidentale est parvenue : elle nous a contaminés au point qu'il est devenu acceptable pour beaucoup de gens dans le monde (qui ne réfléchissant pas utilisent leur cerveau pour des tâches impérieuses et utilitaires) que l'on assassine sans aucune raison rationnelle cinq individus au Pakistan, qui plus est sous un faux prétexte. Preuve que dans une grille de lecture impérialiste occidentaliste, la vie de non Occidentaux compte pour du beurre, quand la vie des Occidentaux se trouveraient soumises à des lois démocratiques.
On vit sous l'ordre universel de l'oligarchie, tel qu'il se trouve théorisé par l'expert britanique Cooper et son libéral-impéralisme européen postmoderne. L'oligarchie conçoit le réel comme profondément multiple et fragmentaire et trouve légitime que la justice s'applique différemment suivant les différences sociales découlant de la multiplicité métaphysique originelle. L'acte gratuit signifie au fond que la gratuité n'est pas l'expression de la générosité désintéressée maximale, mais de la gratuité de tout principe universel. L'acte gratuit rétablit la loi du plus fort et son adage : "Tout est permis".
Ce qui est gratuit ne signifie pas que ce qui a le plus de valeur est gratuit; mais que rien n'a de valeur, y compris ce qui d'ordinaire passe pour ce qui possède le plus de valeur. Dans cette conception qui se veut amorale au sens que lui donnent un Nietzsche ou un Gide, l'acte gratuit peut se comprendre. Si rien n'a de valeur, il est normal que dans les Caves du Vatican, Lafcadio assassine un pauvre innocent en le défenestrant d'un train, sans autre raison apparente que la logique de l'acte gratuit (en réalité, le profil de l'assassiné n'est pas gratuit, ce qui indique que l'acte gratuit repose sur la fumisterie). Ce crime n'est sordide et immoral qu'aux yeux de principes universels rendant sacrés la vie humaine; mais dans une conception où la hiérarchie tient dans les différences insurmontables entre les couches sociales, c'est un divertissement qui n'apporte certes rien de bien réjouissant, mais qui n'a pas non plus de répercussions vraiment négatives.
La gratuité signifie le nihilisme : ce qui est gratuit est ce qui est sans valeur. Les plus hautes valeurs se trouvent frappées de destruction, par leur manque de valeur. Au fond, il y a deux sortes de hiérarchie : l'une découlant d'une unicité universaliste, qui établit par la suite des hiérarchies internes comme les hiérarchies morales et légales; l'autre découlant d'une hiérarchisation fondamentale du réel, qui du coup transfert la hiérarchie à l'extérieur du monde de l'homme et qui rend l'intériorité du monde de l'homme profondément dénuée de hiérarchie : plus de morale comme de loi (autre que celle du plus fort).
Maintenant, vous savez que les dirigeants du monde et de l'Occident se comportent de manièregratuite, au sens où ils suivent la logique désaxées et suicidaire de l'acte gratuit. C'est ce qui se produit avec DSK, dont on se rend compte qu'il se prenait pour un seigneur tout-puissant et au-dessus des lois. Un adepte de l'acte gratuit ou de l'amoralisme. Le seul point positif dans ce diagnostic inquiétant apporté à l'état de l'humanité actuelle, c'est que de la même manière que la logique de l'acte gratuit repose sur l'incohérence, de même les personnages sinistres qui gravitent actuellement à la tête de nos Etats et de nos institutions sont promis à la disparition proche. L'acte gratuit ne pardonne pas.

jeudi 26 mai 2011

La force : Hobbes cure?

Retour du Dahomey contemporain - et situation internationale de plus en plus chaotique, entre l'assassinat revendiqué juste d'Oussama, la guerre civile en Libye ou la découverte surprenante que le Président français du FMI pourrait être un violeur... Nous sommes dans une fin de cycle, une fin impérialiste, dont le meilleur analyste n'est autre que le théoricien-fondateur de l'Empire britannique Hobbes.

La politique du chaos marque l'aboutissement de la prédiction lancée par l'un des pères fondateurs de l'Empire britannique : le sympathique et optimiste Hobbes - un chic type généreux en diable et qui aura tant contribué à l'élévation du genre humain. Nous entrons dans cette ère qui n'a rien de spécifique à l'Empire britannique, mais qui est la finalité de toute forme impérialiste : le chaos. Hobbes n'aura fait que moderniser la loi d'usage qui était bien connue de l'Antiquité et qui peut fort bien s'adapter à un Empire mondialiste - comme c'est le projet de l'Empire britannique avec le NOM.
La grande différence entre le projet impérialiste tel qu'il se trouve modernisé par Hobbes et la vision lucide de l'impérialisme, c'est que ce projet serait viable pour un impérialiste, alors que son examen indique qu'il est promis à la disparition - destin de tous les empires historiques. Hobbes estime que le chaos serait possible de manière théorique : c'est sa fameuse vision de la guerre de tous contre tous. Dans ce schéma de guerre, l'intérêt de maintenir l'ennemi terroriste Oussama en vie (médiatique) s'estompe quand il devient contre-productif, car la marionnette Oussama servait de caution pour la création d'un ennemi fantasmatique dans le cadre exclusif de la guerre contre le terrorisme.
La guerre contre le terrorisme instaure un monde bipolaire de même type que l'ancien monde opposant libéralisme et communisme, car les libéraux se sont vite rendu compte que leur monde unipolaire de type "libéral triomphal" ne fonctionnait pas et que seul le monde bipolaire leur semblait viable. Mais la preuve que le modèle de la guerre contre le terrorisme reste transitoire et n'a jamais été destiné à durer chez ses stratèges, c'est qu'il s'agit de la réinstauration d'un bipolarisme creux, avec la particularité notable qu'une des deux parties est artificielle, fausse et creuse. Si le monde libéral existe sous la forme du mondialisme, le repoussoir du terrorisme musulman est plus qu'exagéré : inexistant.
La supercherie se trouva vite démasquée par la vox populi et mundi, ce qui explique la dimension transitoire de la stratégie de la guerre contre le terrorisme. La guerre contre le terrorisme est sensée seulement si on la comprend comme une transition imaginée dans un agenda d'oligarchisation mondiale, où l'on va vers le terme de l'oligarchie : le chaos correspond à la guerre de tous contre tous. Cette guerre totale est conçue comme viable par les partisans de l'oligarchie, alors qu'elle incarne le terme et l'impasse du projet nihiliste, comme si les nihilistes ignoraient ou faisaient semblant d'ignorer que le nihilisme contient dans sa terminologie son programme de destruction totale et suicidaire.
La guerre de tous contre tous apparaît impossible à valider dès le commencement. Il est instructif d'en revenir à Hobbes, promoteur moderne de cette théorie - et l'un des pères-théoriciens de l'Empire britannique. Hobbes définit la guerre de tous contre tous en l'isolant de manière théorique dans l'état de nature, un état artificiel qu'il invente pour les besoins de son entreprise de théorisation politique. Pour Hobbes, la guerre de tous contre tous désigne l'état naturel hypothétique; l'homme pour surmonter cet état impossible propose l'état civil, où l'individu se soumet au Souverain (le Léviathan), le dépositaire de son Etat.
De ce fait, Hobbes, malgré certaines nuances et critiques, est un thuriféraire légitimiste de la monarchie absolue, soit d'une forme d'oligarchie stricte et sévère. Selon lui, l'alternative pour l'homme oscille entre la condition impossible de la guerre totale et la monarchie absolue, où les citoyens d'une société civile reconnaissent un Souverain. Ce Souverain, monarque absolu, remplace le Souverain Bien de Platon. Hobbes est un oligarque théoricien des limbes de l'Empire britannique, quand Platon est un républicain partisan des principes d'un Solon.
Le principe de la guerre de tous contre tous n'est jugé inapplicable que dans la mesure où il permet de valider la dictature sous une forme de chantage nécessaire : soit c'est le chaos impossible, soit c'est la dictature (pour contrer la guerre de tous contre, tous les citoyens se voient contraints de s'en remettre à la volonté d'un représentant qui est le Léviathan). Le chaos correspond à l'anti-Léviathan. Et le Léviathan correspond au NOM, soit à la mondialisation spécifique de l'Empire britannique, qui opère comme la première forme politique (plus encore qu'impérialiste) de nature historique aussi étendue, au point d'en être devenue globale.
Toute forme politique impérialiste moderne suit les recettes de Hobbes, qui pourra se vanter de faire gagner du temps et de la lucidité à ses lecteurs : au moins moi je vous montre l'impérialisme tel qu'il finit par être et tel que du coup il devrait toujours être. Ce que Hobbes se garde bien de préciser, c'est qu'il dit peut-être la vérité, mais pas l'entière et intégrale vérité - seulement la vérité parcellaire de l'impérialisme. Hobbes fait comme si l'impérialisme était la seule forme politique - comme si le réel était seulement constitué sur une structure de constitution nihiliste.
Du coup, l'homme ne dispose pas de choix (c'est sa tragédie) : soit il soutient le système oligarchique; soit il verse dans l'impossible chaos de la guerre de tous contre tous. L'alternative n'existe pas. Il n'y a pas de choix entre la guerre de tous contre tous et le Léviathan. C'est la même pièce qui se trouve dédoublée. Faire de l'un deux : principe du nihilisme. Si Hobbes donne l'impression qu'il s'agit d'une alternative forcée et baisée, c'set parce qu'il ne voudrait surtout pas que ses lecteurs découvrent à quel point il a travesti la réalité de l'alternative politique et ontologique. Non pas entre l'impossible et l'oligarchie, qui oblige à opter pour l'oligarchie; mais entre l'oligarchie et la république.
Hobbes se trouverait démasqué si l'on se rendait compte qu'il n'expose qu'un versant de l'alternative et qu'il occulte soigneusement les références républicaines et leur fondement ontologique (surtout pas métaphysique). Hobbes dans sa mentalité d'oligarque oeuvrant pour les limbes de l'Empire britannique ne s'adresse qu'au public cultivé déjà acquis à la cause de l'oligarchie et méprisant l'autre terme de l'alternative : perte de temps, échec assuré, haine de la vie (les critiques ne manquent pas, chez un Nietzsche par exemple). La mauvaise foi de Hobbes fait qu'il ne cherche jamais à convaincre des républicains, mais à synthétiser les travaux d'autorité favorables à l'oligarchie.
Hobbes produit une étude brillante prônant la forme la plus dure d'oligarchie pour contrer le chaos et assurer la pérennité du seul régime politique nécessaire (la dictature). Hobbes n'annonce pas seulement quel est le dernier visage de l'impérialisme. Il incarne la faillite de l'impérialisme : refuser de discuter et refuser la contradiction. Voilà qui est tout à fait digne des méthodes d'un oligarque patenté; et qui ne nous indique jamais, en creux et à rebours, que la lucidité inavouable apportée à la définition de l'oligarchie. Une correction : si l'oligarchie n'est pas viable, le système politique du Léviathan (dictature du Souverain) s'effondre et débouche sur le chaos.
La critique de la théorie de Hobbes est une critique radicale de l'impérialisme et de son vice de raisonnement. Au lieu de s'extasier sur la profondeur lucide de Hobbes, on ferait bien de s'aviser que son système est bancal et que le Léviathan accouche, au lieu de l'ordre viable et autoritariste, de la guerre de tous contre tous. Guerre qui n'a jamais existé dans l'état de nature théorique et inexistant, mais qui est la résultante de toute politique oligarchie. L'oligarchie n'est pas un régime politique viable.
Pour ne pas l'avoir médité, Hobbes est un penseur politique. Partisan de la politique du déni, il occulte soigneusement de penser par rapport au fondement philosophique, qui n'est pas politique, mais ontologique. Cela l'amènerait sous une forme ou sous une autre à la question du nihilisme et au destin du nihilisme. Toutes préoccupations qu'il veut éviter - et la question qui agite notre époque : le destin de l'impérialisme britannique est écrit dès son départ avec le programme philosophico-politique de Hobbes, dont la particularité castratrice et occultante est d'accepter de prôner l'oligarchie strictement politique à condition qu'on la désosse et la déconnecte de son fondement ontologique.

mercredi 4 mai 2011

La fin du début

La guerre contre le terrorisme impliquait l'existence d'un ennemi fantasmatique dont Oussama endossait la rôle de prétexte fondamental. Avec le passage stratégique de la guerre contre le terrorisme à la politique du chaos, le besoin de maintenir médiatiquement en vie Oussama devenait non seulement inutile, mais encore périlleux. Tant il est vrai que s'il est périlleux de maintenir en vie un fantôme, un zombie ou un mort-vivant, il s'avère tout à fait suicidaire de maintenir en vie une politique devenue obsolète et caduque. La guerre contre le terrorisme servait à légitimer la destruction menant vers le chaos prévisible. Dans l'agenda de l'Empire britannique, place au KO - donc.
La mort officielle d'Oussama ben Laden assassiné par des forces spéciales militaires américaines (sans la moindre once de légalité) clôt une des pires parenthèses de propagande et de folie stratégiques dans l'histoire : la guerre contre le terrorisme, qui aura duré une décennie, depuis les fameux autant que fumeux attentats du 911. Cette parenthèse dans la stratégie internationale était censée prendre la mesure de la crise terminale qui se préparait, crise systémique dont les effets sont économiques, mais dont les causes sont culturelles et religieuses. La guerre contre le terrorisme succéda à l'effondrement du monde bipolaire, avec le communisme moribond à partir de la chute du Mur de Berlin. Pendant une décennie, la dernière du vingtième siècle, les chantres du libéralisme ont claironné autour de Fukuyama par exemple que le monde unipolaire pouvait tenir à tel point que l'homme entrait dans sa phase ultime : la fin de l'histoire.
Sans soupçonner qu'ils avaient ouvert la boîte de Pandore avec cette délicieuse polysémie (la fin de l'histoire pouvant tout aussi bien en être le terme apocalyptique), nos sorbonnards de Harvard ou Cambridge ont vite dû déchanter : de multiples signes dès les années 90 indiquaient que le système économique mondialisé allait s'effondrer. La conception de la guerre contre le terrorisme avait pour but principal de légitimer cet effondrement en lui donnant une explication fantasmatique - une diversion. Ce fut le mythe d'Oussama et des terroristes jihadistes et mondialisés. Mythe propagé par Lewis et Huntington notamment.
Mais la guerre contre le terrorisme ne pouvait être qu'une parenthèse, tant les peuples du monde se sont vite rendu compte que le terrorisme islamique était très largement exagéré et que le danger relevait de la propagande grossière (comme les armes de destruction massive irakiennes). Surtout, l'alibi du terrorisme ne pouvait masquer indéfiniment l'effondrement économique en cours. Après dix ans d'attentats sous fausse bannière, de guerres impérialistes et de rumeurs fantaisistes concernant les terroristes autour de l'hydre insaisissable al Quaeda, nos stratèges de l'Empire britannique ont décidé de fermer cette parenthèse et de lancer le dernier chapitre de leur histoire.
Après la guerre contre le terrorisme, désormais caduque, il était inévitable que s'instaure rapidement la politique du chaos. Cette fois, l'histoire (fiction) retenue sera plus vraisemblable : il s'agira non plus d'accréditer le fantasme d'un ennemi imaginaire, mais de rendre légitime l'oligarchie comme remède au chaos. Comme si la cause du chaos en devenait la solution. Cette oligarchie a pour nom le NOM et pour objectif politique le gouvernement mondial (appelé de ses voeux par le FMI et les héritiers dispersés de l'impérialiste progressiste britannique Keynes).
L'assassinat d'Oussama traduit la fin programmatique de la guerre contre le terrorisme. Le terroriste en chef liquidé, le terrorisme symbolique se clôture. On pourrait gloser sur le caractère criminel et illégal de cette mort qui serait atroce si elle n'était pas aussi peu crédible - mais notre véritable pensée doit aller en direction de ceux qui sont morts avec le zombie Oussama : si les informations concernant le nombre des assassinés sont exactes, ces quatre autres individus je crois, dont une femme. La sauvagerie des méthodes impérialistes occidentales se découvre. L'Empire britannique est ce monstre terroriste qu'il a projeté sur l'image médiatique d'al Quaeda (et de ses ramifications oligarchiques de par le monde). Croire dans le monstre al Quaeda, c'est croire dans le marionnettiste monstrueux de l'Empire britannique.
Al Quaeda a été conçue selon la structure et le fonctionnement d'une faction impérialiste typique. L'assassinat ad hoc d'Oussama après dix ans de traque infructueuse annonce que le projet d'oligarchie mondiale arrive à son dernier volet : soit les peuples parviennent à repousser le chaos, soit ils seront soumis pour des décennies, voire des siècles. Oussama fini, la guerre conte le terrorisme est finie. Ce qui suivra se révélera encore pire s'il est mis en application. L'agenda impérialiste mondialiste suit un programme édicté à l'avance, selon cette croyance folle et naïve suivant laquelle le désir présente la puissance de s'imposer au cours du réel.
En estimant que l'on peut devancer la nécessité, nos stratèges, prévisionnistes et futurologues ne se rendent pas compte qu'ils sont les principaux obstacles à l'édification de leurs désirs (qui plus est monstrueux). Raison pour laquelle l'oligarchie est un système politique condamné autant que son substrat ontologique le nihilisme est damné : les deux reposent sur l'illusion magistrale selon laquelle le réel est inféodé au désir - alors que c'est le désir qui subit la loi implacable du réel. Oussama joue le rôle de vigie plus que de fantoche grotesque. Il annonce la naissance d'un nouveau monde : soit l'oligarchie, soit l'espace. Soit l'homme recroquevillé sur son domaine terrestre sclérosé et nihiliste; soit l'homme se déployant à la conquête de l'espace vers une république universelle qu'un Platon n'aurait pas reniée.

mardi 3 mai 2011

Ben Poséidon

Dans une enquête classique, qu'arriverait-il à un plaignant si on découvrait qu'il a tué son accusé, puis l'a fait disparaître dans l'océan?



Oussama fils de Poséidon. On a jeté Oussama à la flotte. Dans un ancien billet, j'avais remarqué que le meilleur moyen de rendre Oussama introuvable et inarrêtable était encore qu'il soit mort; apparemment, c'est le cas depuis longtemps, certains parlent du 13 décembre 2001, d'autres de 2002 et 2003. En juillet 2001, deux mois avant les attentats dont il fut oralement accusé sans être jamais juridiquement inculpé, Oussama était selon des témoins autorisés en soin dans un hôpital militaire américain de Dubaï, sous bonne garde de la CIA. Dubaï, vous savez la nouvelle Hong Kong de l'Empire - britannique?
Au fait, pourquoi les forces spéciales américaines ont-elles abattu Oussama au Pakistan? Pour les attentats du 911, il n'était pas inculpé. Rappeler cette évidence reviendrait à rendre illégitime la guerre d'Afghanistan et la guerre contre le terrorisme. Mais le mieux c'est que dix ans après être devenu le fantôme le plus drôle de la planète, inondant l'Occident de messages centrés sur l'Occident et fort peu musulmans, notre Oussama médiatique ne sera désormais jamais trouvé : il a été abattu par des soldats américains en territoire pakistanais, puis jeté presque dare-dare dans l'océan...
Quels que soient les prétextes invoqués pour légitimer cette décision qui constitue un blasphème contre l'Islam, Oussama est devenu à jamais invisible et irrationnel. Les officines de services secrets privés (et publics) qui coordonnent la mascarade Oussama depuis dix ans ont décidé que l'alibi Oussama était devenu inutile. Plus de vidéos fumeuses, plus d'audios menaçants, la guerre contre le terrorisme cède le pas devant la politique du chaos. Ca devenait gênant de se trouver discrédité un peu partout dans le monde avec le pantin Oussama plus mort que vivant. Plus personne ne croit dans la vie d'Oussama, peu croient encore dans sa mort.
Dans la série confectionnée sur le mode de la story telling par certains experts conseillers, Oussama est définitivement devenu un demi dieu. Après avoir réussi à échapper pendant dix ans aux traque américaines et occidentales, à la technologie, aux ennuis de santé, après avoir défié la mort, Oussama était aussi capable des plus grands exploits : comme enregistrer des vidéos et les poster à la face du monde. Mais en tuant leur pire ennemi actuel, les Américains n'ont pas seulement accompli leur plus mauvaise action, ce qui fait directement douter de leur compétence.
Au lieu de juger démocratiquement leur ennemi et de montrer à la face du monde l'harmonie universelle de la démocratie libérale US, ils ont froidement abattu Oussama, comme un chien enragé, après avoir pendu Saddam l'ange irakien. Le mieux est que nos brillants stratèges américains, Barack le discrédité renégat en tête, ont opté pour la stratégie de la nuance et de la rationalité en jetant la dépouille d'Oussama en pleine mer. Certains médias français ont trouvé le moyen de préciser que les Yankees soucieux de leur réputation abominable dans le monde musulman (notamment) avaient auparavant suivi scrupuleusement tous les rites musulmans.
En jetant Oussama mort ou vif à l'océan, nos Américains en ont fait un mythe un peu spécial, fils de Poséidon, peut-être fruit des amours avec une naïade, ou une sirène, en tout cas une créature elle aussi mythologique - voilée? Pour ceux naïfs ou vivotant dans le déni, vous détenez avec cette précision mortuaire (le coup de l'enterrement de classe dans l'eau salée) la preuve morbide qu'on vous ment dans ce dossier - comme dans l'ensemble du mythe 911. Les témoignages abondent, mais surtout, cette manière de momifier est un aveu consistant à cacher les preuves à tout jamais. Faire disparaître un corps constitue un aveu, comme ne pas inculper quelqu'un ou ne pas le capturer (avec des moyens technologiques considérables et quasiment insurmontables).
Avant de devenir un mythe, Oussama devra tenir la rampe et, n'en déplaise aux stratèges qui ont décidée de sa mort médiatique, sa doctrine islamiste terroriste ressortit le plus souvent de l'écran de fumée grotesque. Oussama ne sera pas un nouveau Che ou une icône pop mondiale. L'Empire en déconfiture aurait tant aimé tenir Son ennemi viable et fiable, mais malgré ses innombrables tentatives de création, il a élu un fantoche. Jamais mort vivant n'aura détenu autant de puissance d'exister, de virtualité - et de mots.
Oussama est la réincarnation de Poséidon en version Internet, un cyberantihéros pour succéder de manière manichéenne au triomphe unilatéral et cancéreux du libéralisme. Oussama est la créature typique de concepteurs occidentaux et chrétiens. De même que ses interventions puaient les références historiques et religieuses occidentales, jamais orientales; de même son enterrement en plein océan indique que ce sont des impérialistes férus d'îles et autres endroits coupés de l'extérieur qui ont tramé la mort la plus improbable.
Oussama mort? Le choc des civilisations est fini. Désormais, place à la politique du chaos. Oussama était mauvais à la boxe anglaise et puis, cette stratégie implique que l'on écarte morts ou vifs les satrapes. Gbagbo, Kadhafi, Ben Ali, Moubarrak, à qui le tour? Bientôt un Européen? Nico après Muammar, le casting aurait de la gueule. Sarko virtual baby avec sa mère liftée, la veuve et l'orphelin... Les Saoudiens ont lâché leur fou et l'Empire britannique (pas américain) s'est rendu compte que son mythe ne lui servait plus. On l'oubliera comme on oubliera cet Empire.
Un peu de patience, la City perd toujours plus son emprise et empire de pire en pire. Destin nécessaire de tout empire. Oussama sera oublié, car les mythes impérialistes sont toujours oubliés. Oussama a servi de près ou de loin la pépinière du Londonistan et ses ramifications improbables entre Arabie saoudite, Pakistan ou USA. Au final, on se rappellera dans cette époque troublée et trouble que les guerres étaient attribuées à un Empire mal identifié, américano-sioniste par exemple, et que l'on éprouvait les pires peines à mettre quelques intérêts financiers en faillite inexorable afin de permettre aux peuples encore terriens de conquérir l'espace, seule issue et viatique du futur. Si Oussama pouvait servir de Poséidon à la conquête spatiale, ce ne serait pas son moindre exploit virtuel.

P.S. : contrairement à ce que beaucoup d'analystes affirment, cette affaire invraisemblable de la capture sans corps et avec disparition totale ne sert pas le prestige d'Obama au moment où il pète les plombs et avant les élections. Il se pourrait que ce soit même la goutte d'eau qui fasse déborder le vase et qui achève de déconsidérer un imposteur, faux messie porteur de valeurs pacifiques et universelles, vrai escroc ayant renfloué les intérêts financiers contre le peuple qui l'avait élu. En endossant le mensonge autour de ben Laden comme il avait validé tous les mythes de l'administration crypto-facsiste de W., Barack a montré de quel bois il se chauffait : lui aussi est un criminel, un désaxé et un fantoche au service des intérêts financiers de Wall Street et de l'Empire britannique. Obama risque de finir comme son repoussoir Oussama : en monstre mythique de l'acabit d'un Néron.

P.S. 2 : les techniques de crimes démasquant davantage les commanditaires d'un meurtre que les plaintes, comment qualifier en langage criminologique cette propension que présentent les marchés financiers (anonymes plaignants) de créer des dettes abyssales, avant d'en faire payer l'addition exorbitante aux peuples exorbités (victimes fantoches)? Cerise de crise sur le gâteau gâté : nos vaillantes et valeureuses victimes envisagent-elles in fine de projeter dans l'eau le cadavre dûment enterré de leur Etat-nation?

lundi 2 mai 2011

La règle de Troie

Pendant que les peuples libyen et syrien se trouvent victimes de la politique du chaos sur leur territoire, où l'on tue les civils et détruit les infrastructures sous prétexte de démocratie et de rebelles fantoches, coup d'oeil sur le mariage prestigieux de William et Kate de Windsor, duc et duchesse de Cambridge (accessoirement amis intimes d'un des fils Kadhafi, vous savez le philosophe qui avait écrit une thèse à la boîte à diplômes de l'Empire britannique la plus prestigieuse et guindée, la LSE, et dont on s'est rendu compte depuis lors que des membres éminents de l'Empire britannique l'avait plutôt écrite pour lui).

Le mariage du prince William et de sa belle roturière Kate avait tout pour évoquer la joie et le faste de la dynastie royale britannique des Windsor. Pensez : un mariage suivi par (potentiellement) deux milliards de personnes de par le monde et donnant lieu à une débauche impressionnante de moyens techniques et humains divers. Un parterre impressionnant de célébrités, de têtes couronnées et d'hommes politiques venus du monde entier. Certains pressentent le prince William pour devenir l'héritier de la reine Elisabeth II, sautant la génération pour le moins contestée du prince Charles.
Peu importe les rumeurs, qui tendent à légitimer les potins les plus grossiers et les moins intéressants, comme si le centre de la question tournait autour de ce mariage somme toute anodin et écoeurant. Les mariages princiers des autres dynasties européennes (ou du monde) ne donnent pas lieu à une telle débauche médiatique. Des collectifs se sont élevés en Grande-Bretagne pour protester contre cette gabegie de moyens sophistiqués et coûteux, alors que la Grande-Bretagne vit la période la plus sombre de son histoire politique et économique, avec des coupes sombres inégalées dans les services publics et des déficits abyssaux. C'est oublier que la Grande-Bretagne n'est pas une république démocratique, mais une monarchie parlementaire, et que cette monarchie représente bien plus que l'unité des peuples britanniques.
Elle est le symbole de l'Empire britannique, dont l'histoire nous enseigne qu'il fut jusque récemment l'Empire le plus puissant du monde - et qu'il aurait été démantelé politiquement au début des années 60. Même fable qu'avec l'Empire français, dont le néologisme Françafriqueservit à désigner la mutation de l'Empire politique en conglomérats de forces industrielles, économiques et financières. L'Empire britannique a poursuivi son existence en passant du statut officiel et politique à une identité de domination déniée et non identifiée, oscillant entre l'organisation désintéressée du Commonwealth et les places financières du monde. La City de Londres, les paradis fiscaux et les groupes industriels continuent à former cet Empire sous une forme certes cachée et donc affaiblie.
D'où la médiatisation invraisemblable de ce mariage royal, qui montre à quel point les divers analystes en stratégie mondiale se trompent du tout au tout quand ils dénoncent l'impérialisme américain qui serait dirigé depuis la place financière de Wall Street. Comme l'ont rappelé de nombreux blogeurs et autres analystes du Net, la domination financière mondiale effective et vérifiable s'établit à partir de la City de Londres, non de Wall Street. On tient la raison profonde pour laquelle le mariage princier somme toute anodin de William et de sa belle bourgeoise s'est transformé en un rendez-vous planétaire guindé, fascination des téléspectateurs et rêve des gogos planétarisés.
Les mariages de la dynastie royale la plus influente et fameuse au monde, dont le nom anglais de Windsor est récent (1917), et qui est issue de maisons aristocratiques allemandes et typiques de l'époque d'oligarchie ayant donné lieu au traité de Westphalie (1643), ne sont pas des célébrations un brin archaïques, pour magnifier la grandeur incomparable et mégalomane d'une dynastie royale représentant (après tout) un pays européen sur le net déclin, après avoir incarné le Premier Empire moderne. Si tel était le cas, si les Windsor ne représentait que les peuples britanniques, ce genre de célébration désuète et stéréotypée ne donnerait pas lieu à une telle médiatisation par-delà les frontières britanniques. Si l'on parle autant de ce mariage, c'est qu'il n'est pas britanno-britannique, mais qu'il concerne le monde entier.
C'est parce que les Windsor représentent d'un point de vue symbolique et médiatique l'Empire financier britannique centré autour de la City de Londres que la médiatisation est mondiale. Avec raison, puisque c'est un Empire mondial, qui déploie son idéologie viciée du mondialisme et qui réclame par le truchement de ses représentants nationaux l'établissement urgent d'un gouvernement mondial pour contrer la crise systémique la plus grave de l'histoire connue (du fait de la mondialisation effective, une première historique), dont on nous annonce régulièrement la fin, alors qu'elle ne peut se clore qu'avec la faillite de ces intérêts financiers impérialistes et désaxés.
Ce genre de communion médiatico-maritale n'a pour intérêt principal que d'influencer les populations mondiales de plus en plus opprimées en faveur de la mise en place d'un système d'oligarchie mondiale avec un gouvernement mondial et beaucoup de pauvreté mondiale. Plus de classes moyennes, plus d'Etats-nations, mais des fédérations qui seraient gouvernées par des intérêts financiers supra-nationaux et prévaricateurs. En échange de l'établissement de ce système politique monstrueux, de facture oligarchique, on vend du rêve - et c'est là qu'interviennent les Windsor, leurs célébrations répugnantes et leur réputation consternante.
Certaines voix s'élèvent contre l'organisation de pareille cérémonie avec pareille médiatisation, tout à fait déplacée à pareille époque, alors que la Grande-Bretagne crève de faim et s'approche de sa fin en tant qu'Etat-nation - si son peuple cautionne de manière plus lâche que consciente cette voie sinistre et cynique impulsée par les sbires de la City et de l'oligarchie britannique. L'ensemble des peuples du monde souffrent de cette crise oligarchique, où l'oligarchie accroît son pouvoir en détruisant les intérêts républicains et en multipliant d'autant plus sa domination destructrice que la destruction occasionnée s'en trouve accrue. Le faste autour des Windsor et de leurs petites affaires mesquines cautionne le programme d'oligarchisation du monde.
Dans cette mentalité, il est admissible d'organiser de pareilles cérémonies grandiloquentes et déconnectées des préoccupations réelles alors que la crise sévit, en Grande-Bretagne, comme dans le monde. Il s'agit non pas de cautionner la domination seule des Windsor, mais de faire des Windsor les représentants de cette domination mondiale de nature oligarchique. L'Empire britannique a tout intérêt à actionner l'intégralité de ses relais médiatiques et financiers pour faire en sorte qu'un mariage princier, somme toute banale, de la lignée des Windsor devienne la célébration prestigieuse et reconnue de l'Empire britannique.
Il est intéressant que l'organisation pour le moins contestable de ce mariage donne lieu à des controverses et des polémiques qui ne s'arrêtent pas à des questions purement centrées autour des Windsor. On évoque désormais le pouvoir affairiste et financier que représentent les Windsor, cette City de Londres qui à y bien regarder se révèle plus influente et puissante que Wall Street - et du péril qui guette le monde. On va bientôt parler explicitement de l'Empire britannique, et pas seulement chez les larouchistes qui à ma connaissance sont les seuls à l'heure actuelle à documenter de manière précise et irréfutable l'existence cachée de cet Empire financier et prévaricateur.
Signe que le pouvoir de l'Empire britannique financier s'effondre avec cette crise systémique actuelle, car le principal garant de la puissance de domination de cet Empire financier, c'était le silence assourdissant qui l'entourait. Le propre de la stratégie de l'Empire britannique financier, c'était qu'on ne le reconnaissance pas. Comme si en se commuant d'Empire politique en Empire financier, l'Empire britannique savait qu'il ne pouvait plus affronter la lumière et le caractère officiel de son identité.
Du coup, il se réfugie dans les célébrations typiquement oligarchiques des têtes couronnées, en promouvant la dynastie des Windsor. Les autres dynasties européennes sont affilées à a dynastie des Windsor, mais également inféodées. On insiste bine entendu sur le caractère démocratique de ces monarchies parlementaires, sans rappeler un point particulièrement important de ces types de démocraties royales : elles favorisent l'oligarchie et parasitent le régime républicain que les démocraties libérales européennes sont censées garantir et promouvoir. Les résurgences monarchiques en terre démocratique jouent le rôle de cheval de Troie pour imposer le règne oligarchique sous des atours de démocratie.