mardi 14 juin 2011

Le délire de désir

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http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/06/07/04016-20110607ARTFIG00566-obama-redevient-impopulaire-dans-une-amerique-qui-doute.php
on apprend selon un article d'un grand quotidien conservateur français qu'Obama serait impopulaire dans une Amérique qui doute. L'histoire retiendra que ce Président fantoche, marionnette des milieux financiers de Wall Street et de la City, fut celui qui cautionna sous prétexte qu'il était Noir (préjugé en plus faux) le renflouement scandaleux des déficits financiers par la caution du peuple américain. Mais le plus intéressant dans cet article pour le mieux daté est sa mauvaise foi quant aux chiffres de destruction d'emplois occasionnés par la crise : l'administration Obama revendiquerait 2 millions de création d'empois (elle n'en est pas à un mensonge près) alors que selon les auteurs de l'article la crise de 2008-2009 en aurait détruit 9.
Premier mensonge : cette manière irritante de laisser entendre que la crise serait passée, terminée, surmontée, même imparfaitement, comme c'est le cas avec l'administration Obama - alors que selon de nombreux analystes de haut niveau, l'on sait très bien que le pire de la crise est encore à venir et que le moment où il faudra passer à la caisse (pour ne pas dire la casse) n'est pas encore venu (derrière les feux de paille de reprise gronde l'orage des déficits abyssaux, se chiffrant en milliers de milliards d'euros).
Deuxième mensonge, plus grave : pourquoi se fier aux chiffres propagandistes et intéressés de l'administration Obama, alors que l'on dispose d'estimations nettement plus poussées et indépendantes émanant de la Commission Angelides, qui plus est menée par un élu américain du Congrès, un démocrate incarnant le parti contestataire contre le monétarisme d'Obama à l'intérieur du parti démocrate (enfin une réaction de type Roosevelt pour contrecarrer la faction soumise à Wall Street)? Aurait-on peur dans les rangs du libéralisme conservateur que le peuple américain (en particulier ses classes moyennes) découvre que les libéraux progressistes sont sous la botte idéologique et affairiste des cercles financiers?
D'après la Commission Angelides, la crise n'a pas détruit 9 millions d'emplois, ce qui serait déjà considérable, mais plus de 26, ce qui est colossal. La précarisation du travail vient s'ajouter au problème de la perte totale de l'emploi ou des statistiques biaisées (notamment parce que certains demandeurs d'emplois arrêtent de chercher du travail). La Commission Angelides affronte le problème des fausses reprises qui sont des feux de paille et indique qu'il faudra au moins une génération pour surmonter cette crise, ce qui indique qu'elle n'est pas finie et surtout que pour l'enrayer il faudra de vraies mesures de remédiation, pas de faux remèdes prenant de surcroît mal en considération l'ampleur des dégâts. Surtout la commission Angelides rappelle que cette crise n'est pas une fatalité inéluctable, mais pouvait être évitée, à condition d'envisager certaines mesures de régulation, qui avaient été abolies sous l'ère Clinton (1999) avec le Financial Service Modernization Act (autrement nommé Gramm-Leach-Bliley Act) venant clôturer le Glass-Steagall.
Sans rentrer dans les chiffres, nous nous trouvons confrontés à une lutte médiatique entre une propagande qui cherche à faire croire que la crise libérale est passée et qu'elle ne fut qu'une douloureuse et nécessaire transition - et ceux qui plus lucides ou honnêtes rappellent que le libéralisme est mort et que le pire de la crise est à venir si l'on n'en prend pas la mesure exacte et vertigineuse (prendre acte du décès du libéralisme et proposer des alternatives existantes et déconsidérées à cette disparition unilatérale et hégémonique).
Au-delà de cette désinformation sidérante dont le but est de cautionner l'oligarchisation du monde sous couvert de prétendre que la crise financière est finie (et que tout repart comme si de rien n'était, yop'là boum!), il serait temps de comprendre que les différentes diversions masquent l'idée selon laquelle la représentation prime sur le réel. On savait depuis Kant et ses affabulations métaphysiques terminales qu'hors de la représentation subjective, le réel devenait une denrée spécieuse et incertaine. Nous affrontons ici la poursuite de cette curieuse mentalité consistant à estimer que le désir prime sur le réel, en particulier que le médiatique de la représentation kantienne prime sur la crise financière monétariste du réel extérieur.
Avant que de tenter de sauver des intérêts bien compromis, nos actuels dirigeants financiers, qui dominent le monde au point d'avoir fait des politiciens leurs sous-fifres, adhèrent surtout à une grille de lecture qui tend à évacuer le réel qu'ils ne contrôlent pas pour se concentrer (focaliser) sur la sphère de leurs désirs, sur laquelle ils ont l'emprise la plus dérisoire, mais effective. Ce qui attend l'homme dans cette crise globalisée et gravissime, ce ne sont pas quelques petites faillites plus importantes que prévues et une bonne fièvre mal diagnostiquée par les charlatans qui se donnent le beau rôle de docteurs; non, c'est le chaos, la violence et la folie. Rien que ça.
On comprend le besoin coûte que coûte de banaliser, voire de légitimer le processus d'oligarchisation terminale (de chaos) : il s'agit du résultat qui attend tout processus de déni dans lequel on dénie le réel, qu'on entend le supplanter par la représentation. Plus profondément encore dans ce fatras néo-kantien, c'est le désir immanentiste qui entend prendre la place du réel, tout comme on dit (très couramment et profondément) : prendre ses désirs pour des réalités. Hélas, nous en sommes à un point de confusion lacanienne où le désir et le désir se confondent de plus en plus et où l'on prend plus son délire que son désir pour la réalité (allez demander à DSK et son érotomanie grotesque, dans une parodie de ce qu'incarne la mentalité oligarchique dans le domaine sexuel).
Tout processus de lutte contradictoire implique le combat farouche et féroce entre deux grandes tentatives :
- soit de manière anti-entropique croître vers des niveaux de réalité supérieurs (LaRouche dirait : des plates-formes);
- soit forcer de manière vaine et désespérée le réel à en rester au niveau auquel il se trouve actuellement.
C'est le combat auquel se livrent les deux grandes factions en présence (et depuis des millénaires les mêmes mentalités perdurent), entre les progressistes de diverses obédiences qui essayent de lancer l'homme vers l'objectif spatial (développement sidéral en perspective) - et les conservateurs recroquevillés sur leur pré carré terrestre, qui entendent par tous les moyens, y compris les plus belliqueux, imposer leur idéologie mondialiste figeant l'homme aux perspectives sclérosantes et dérisoires de l'orbite planétaire. Derrière cette lute atavique, qui devait déjà exister à l'époque des premiers hommes sortis d'Afrique il y a environ deux millions d'années (selon les dernières théories cautionnées par le paléontologue Coppens), entre ceux voulant tenter leur chance au-delà de l'horizon et ceux déclarant avec assurance que c'est pure folie, on retrouve de nombreux mythes qui attestent de la prégnance de ces deux conceptions dans l'histoire (je pense à Babel).
Le problème, c'est que cette lutte est devenue hyperbolique au point qu'elle menace la survie de l'espèce humaine. Quand un Empire régional s'effondrait il y a quelques millénaires, les autres régions assuraient la continuité de la culture; mais avec l'universalisation historique nommée mondialisation (ou globalisation), l'enjeu de l'Empire mondialiste est terrifiant : si l'Empire s'effondre, l'homme se trouve menacé de chaos, voire de disparition. Une fois de plus, la seule échappatoire à cette alternative ne consistera pas à faire marche arrière, ce qui est impossible, et à en revenir prudemment (la vertu vicieuse d'Aristote) à des pays régionalistes; mais à aller de l'avant et à résoudre le problème provisoirement, en le dépassant.
Au-delà du constat navrant qu'en ces temps troublés, les médis démocratico-libéraux nous mentent, ils s'agit de comprendre que le vrai enjeu n'est pas de se rendre compte que nous courons à la catastrophe culturelle et immédiatement économique (hyperinflation, guerres...); mais que le seul moyen pour l'homme selon son fonctionnement créateur de se sortir d'un problème est précisément de le dépasser. Le problème aussi dramatique soit-il devient non plus un drame lacrymal, mais un extraordinaire moyen d'aller de l'avant : progresser et croître au lieu de stagner, voire décroître.

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