jeudi 21 juillet 2011

La pente

Au moins l'affaire DSK aura-t-elle eu quelques mérites de clarification. En premier lieu, il existe bel et bien un racisme qui perdure dans les représentions archétypales imaginaires néo-colonisatrices depuis un demi siècle d'officielle décolonisation : Nafissatou Diallo a pu se faire lyncher par la presse de caniveaux et par les avocats de DSK, des sionistes impénitents, sans que la presse de soi-disant qualité ne trouve rien d'autre à redire que de reprendre benoîtement des informations dont on sait mal si elles ressortissent de la fuite crédible et savamment orchestrée, ou du pur bobard.
Outre ce racisme consternant, qui ne porte plus directement sur les injures liées à la couleur de peau, mais sur les préjugés comportementaux (la sauvage naturelle, ou au contraire la pute souillée par l'Occident au travers strict de compatriotes véreux), un deuxième préjugé tenace s'est effondré : le mythe de la toute-puissance du sionisme. Le sionisme engloberait l'existence d'Israël. A l'aune (notamment) de l'affaire DSK, de ses tourments justifiés et de son humiliation publique, il est faux d'insinuer que les sionistes bénéficieraient quoi qu'il arrive d'une immunité intouchable, d'une intelligence supérieure et perverse, d'un diabolisme surnaturel et invincible. Le procès de DSK le financier sioniste devient le procès du sionisme, non pas d'un point de vue idéologico-politique, mais au travers de la question de son influence réelle ou supposée (fantasmée).
L'épreuve qui frappe DSK de manière légitime et seulement retardée (par rapport à un justiciable lambda) indique que le sionisme dispose de réseaux et de groupes de pression puissants, mais pas tout-puissants. Nous détenons avec l'instrumentalisation du dossier de DSK la preuve que l'on peut être sioniste de premier plan et se retrouver bardé de sérieux ennuis judiciaires. L'arrogance oligarchique indique davantage que DSK se comporte en oligarque qu'en sioniste.
Si le sionisme apparaît comme une idéologie bien implantée dans le monde, bénéficiant de solides appuis dans les différents domaines prédominants de l'action politique, avec notamment le soutien logistique de l'Etat d'Israël, l'affaire DSK rappelle que le sionisme se trouve au service du monde financier, et non l'inverse. N'en déplaise à certains analystes de l'anti-impérialisme simpliste, voire haineux, l'affaire DSK contribue à détruire radicalement le mythe de l'impérialisme américano-sioniste. On aurait pu se rendre compte de cette hiérarchie inquiétante pour le rôle politique (inféodé aux marchés), avec l'analyse de la prédominance des marchés financiers qui ne sont pas mus par le sionisme, mais par l'appât du gain à très court terme et qui instrumentalisent le sionisme depuis sa création (largement subventionnée par leurs bons soins).
Nous détenions par de nombreux signaux récents que l'attitude des Etats-Unis à l'égard d'Israël semblait se distendre. Certains rapports américains ou atlantistes - par exemple. Les politologues Walt et Mearsheimer allaient dans ce sens, rappelant que le soutien des Etats-Unis à Israël (et à l'idéologie sioniste de par le monde) contrevenait aux intérêts américains. L'explication ne peut provenir que d'une influence supérieure à l'idéologique et au politique, soit au-delà du sionisme. Avec l'affaire DSK, nous détenons un signe fort que les milieux financiers, que l'on dénomme avec une complaisance anonymes "les marchés", ne se trouvent pas dirigés par le sionisme, mais utilisent le sionisme comme un masque idéologico-politique pour porter le chaos, dans le Proche-Orient comme dans le monde. Mais le sionisme n'est ni le masque exclusif des marchés, ni leur masque suprême.
Sinon, DSK aurait pu compter sur des soutiens autrement plus importants que ceux qui lui permettent de conserver une médiocre crédibilité médiatique, mais qui lui garantissent le déshonneur et le discrédit à terme. L'influence du sionisme se manifeste dans le soutien scandaleux que reçoit DSK dans le monde médiatique (où l'on a vite fait de tenter de réhabiliter un oligarque que tout accuse), mais en même temps les limites sont palpables dans le traitement négatif qui lui interdit de se targuer d'une immunité fondée sur des sophismes juridiques et des arguties politiques.
Le sionisme n'est pas tout-puissant, ni tout-dominant. Dans le monde de la domination politique, idéologique et impérialiste, il occupe une place de choix, mais il subit la condamnation quand il entre en contradiction avec des intérêts supérieurs. Cas avec DSK, qui a été couvert pendant plusieurs décennies pour ses incartades d'érotomane violent (plus qu'un vulgaire obsédé sexuel, un maniaque sexuel patent) au point d'oublier qu'il n'était pas intouchable ou au-dessus des lois. Quand des factions financières supérieures au sionisme ont décidé de s'en prendre à DSK en tant que symbole du FMI pour rendre caduque la politique de renflouement des institutions financières au détriment des États, DSK est tombé, de la plus violente et éclatante des manières.
Non seulement les intérêts financiers priment de loin sur les intérêts sionistes, mais le sionisme n'est intégré en tant que pantin idéologique que de manière secondaire dans le monde financier - sans quoi les soutiens à DSK auraient été autrement plus importants que ce qu'ils furent, se réduisant en l'occurrence à de sporadiques mesures de modération vénielle. Les ennuis de DSK surviennent au moment où l'on parle de dégrader la note de la dette américaine et où l'Etat fédéral américain se trouve dans un déficit tel que sa faillite imminente est sur la table (pour la faillite des États américains, elle est déjà survenue dans certains cas et elle est généralisée pour les autres).
Les intérêts financiers qui dirigent les structures politiques aux Etats-Unis ne sont pas favorables in fine au sionisme. Le soutien patent des Etats-Unis à Israël repose sur d'autres calculs que la domination du sionisme dans la hiérarchie impérialiste. Si les Etats-Unis soutiennent Israël et si les lobbys sionistes aux Etats-Unis ont tant d'influence, ce n'est pas parce que le sionisme domine les autres intérêts, mais parce qu'il se trouve utilisé par les intérêts financiers dominants pour des fins politiciennes. L'intérêt de la cause israélienne, c'est qu'elle se trouve liée inextricablement à la culpabilité occidentale (principalement, concernant les persécutions de juifs par les chrétiens; et depuis l'abominable épisode de la Shoah, les persécutions des juifs par l'idéologie nazie ont légitimé l'idéologie sioniste opposée, pourtant si contestable, par souci de compensation).
Quand on comprend le rang et le rôle du sionisme dans l'échiquier des rapports de force internationaux, on comprend ce qui est arrivé à DSK et l'on relativise la puissance du sionisme. D'autant qu'il faudrait ajouter ce que certains stratèges sionistes savent déjà, comme Attali en France : le sionisme est une puissance en déclin, tant sur le plan idéologique, où ses contradictions ne sont plus viables et défendables; que sur le plan plus général de l'influence mondialiste. Les mésaventures de DSK ne sont qu'un cas parmi tant d'autres de la perte d'influence du sionisme, qui se manifeste tout particulièrement par la fragilisation de la position d'Israël, par sa contestation grandissante, souvent légitime, et par sa politique de réaction jusqu'au-boutiste, une attitude violente et extrémiste qui caractérise les desperados.
Le sionisme est historiquement dominé par l'Empire britannique et ses financiers. Le sionisme n'est puissant que dans la mesure où cette puissance est précaire, fort peu enviable. Il est inquiétant de dominer en étant dominé, de se trouver dans un état de dépendance telle que sa puissance relative apparaît comme un sort moins enviable que la condition d'un faible qui jouirait d'une certaine indépendance et d'une certaine liberté. Le sionisme s'effrite au moment où l'Empire britannique s'effondre. Le seul moyen pour le sionisme de s'en sortir par le haut est d'accéder à une mutation politique (plus idéologique) vers la revendication d'un État unique intégrant les structures d'Israël et de la Palestine (sur le modèle sud-africain).
Le sionisme pour réellement se préoccuper de la population israélienne et des populations juives dans le monde est contraint par ses limites : le spectre de persécutions antijuives et de massacres antiisraélien. Le sionisme protégerait les Israéliens en créant cet État unique faisant disparaître Israël - comme il aiderait les juifs du monde (souvent non sionistes) en cessant ses menées injustes, violentes et désastreuses (en terme médiatique). Si le sionisme perdure, il en est arrivé au point où ses revendications constructives sont obsolètes et où ne reste que les points positifs, destructeurs, voire mortifères. Le sionisme doit se refondre dans un projet plus vaste, un projet authentiquement sémite, qui aurait le mérite d'inclure le problème autochtone et anticolonial des Palestiniens dans le sionisme, ce qui permettrait l'horizon d'un Etat unique, laïc et multiconfessionnel - et constituerait le vrai retour aux valeurs universalistes des juifs de la Bible (le sémitisme des juifs ashkénazes repose sur un mensonge grossier et facilement vérifiable).
Le sionisme trouverait une issue par le haut : la refonte de son projet de plus en plus destructeur en un projet par le haut, authentiquement universaliste et républicain. Si rien n'est fait, le sionisme passera du fantasme de toute-puissance (jamais bon signe) à la toute-faiblesse connexe et voisine. Ne nous y trompons pas, la chute de DSK coïncide avec la chute (prévisible) du sionisme. La chute du sionisme est corrélée de manière plus vaste à la chute des intérêts financiers agglomérés autour de l'Empire britannique. Le DS cas est un bon test pour dérouiller la propagande et les sornettes autour de la réelle influence du sionisme dans le monde, en particulier quand on sombre dans des mythes et des fantasmes visant à faire du sionisme le maître des idées, voire à réactiver dans certains cas des réflexes de boucs émissaires qui ont tout à voir avec le fascisme, et rien avec la vérité.

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