vendredi 16 septembre 2011

La subversion du processus dynamique par Aristote

De la méontologie (suite).

On relate l'affrontement philosophique entre Aristote et Platon, mais en taisant l'inimitié personnelle du disciple et du maître; surtout en faisant comme si les deux s'opposaient à l'intérieur de la même ligne philosophique : la philosophie dite métaphysique pour Aristote serait assez proche de l'ontologie pour Platon. Il n'en est rien - et c'est en quoi les commentateurs (des néo-scoliastes) d'Aristote méritent d'être sévèrement critiqués : pour avoir osé adouber depuis plusieurs siècles (notamment sous la scolastique médiévale toute-puissante et totalitaire) la métaphysique comme une démarche philosophique proche de l'ontologie platonicienne, malgré les oppositions. Il n'en est rien. Il n'y a pas une démarche philosophique au fond unie et assez proche. Il y a en histoire de la philosophie deux grandes tendances : le nihilisme et l'ontologie. Le nihilisme repose sur le principe selon lequel il n'y a que du quelque chose; le nihilisme propose de manière antagoniste le principe irrationaliste selon lequel l'être côtoie le non-être (au point qu'un Gorgias expliquera de manière provocante et indéfinie que l'être est du non-être). Cet affrontement indique que la démarche ontologique se trouve proche du religieux transcendantaliste, avec quelques nuances (le rationalisme, l'humain); alors que le nihilisme entend remplacer l'approche religieuse traditionnelle (transcendantaliste) par sa démarche, ce qui montre que le nihilisme philosophique se veut une alternative religieuse au religieux classique.
Dans cette opposition viscérale, le nihilisme reste un mouvement sourd et peu défendable, au sens où il repose sur l'irrationnel, l'indéfini et l'inconséquent. En conséquence, son importance dans la pensée humaine se jauge non pas à la force de son explicitation, mais à son déni. Ce n'est pas : moins on en parle, plus il est important; mais : bien qu'on en trouve des traces évidentes, notamment chez les Grecs antiques, ces signes ne peuvent jamais être développées et proposer une alternative cohérente, puisque le propre du nihilisme est de reposer sur l'incohérence. D'où l'oubli du nihilisme. L'intervention d'Aristote est décisive en ce qu'elle succède à plusieurs notables échecs des penseurs grecs nihilistes précédents - pour faire du nihilisme une école de pensée pérenne et respectable, alors qu'elle provoque le rejet et l'effroi de la majorité. Les nihilistes affichés ne peuvent y parvenir puisque le programme nihiliste repose sur l'impossibilité de l'explication. L'intervention d'Aristote n'est pas anodine, puisqu'Aristote part de l'idée selon laquelle la philosophie parvient à son terme en incluant le nihilisme dans l'ontologie; puis seulement ensuite Aristote se demande comment rendre pérenne la pensée nihiliste : en fondant la métaphysique, réunion du nihilisme et de l'ontologie. De ce fait, Aristote n'est pas un nihiliste affiché et se considérant comme tel (comme un Démocrite ou un Gorgias) au sens où lui serait plutôt un métaphysicien. 
Aristote fonde la métaphysique sur une idée originale précise : pour rendre pérenne le nihilisme, il convient d'instaurer un compromis entre nihilisme et ontologie, de mélanger le nihilisme avec l'ontologie. Aristote doit se vivre plus comme un philosophe métaphysicien que comme un nihiliste. S'il est opposé à l'ontologie, pour lui, il a achevé sa tâche insigne : il a réussi à ancrer l'héritage nihiliste dans la philosophie en le mélangeant à l'ontologie. A la différence d'un Gorgias (et du mouvement des sophistes), le compromis philosophique aristotélicien explique l'être par le non-être et décrète que l'être repose sur le fondement philosophique - étymologiquement méta-physique : l'être fini qui coexiste avec le non-être implique que l'on a besoin d'un substrat théorique pour penser le réel; et que le recours à la réflexion métaphysique n'est pas une chimère, comme le professaient certains courants virulents du nihilisme (on retrouve de nos jours ces mêmes aspirations chez nombre de logiciens, qui professent d'abolir la métaphysique; c'était aussi le grand projet de Nietzsche de rendre son immanentisme tellement virulent qu'il en venait à considérer que la métaphysique reposait sur des illusions d'arrières-mondes et d'idéaux).
En réalité, la philosophie d'obédience ontologique se vit comme une démarche rationaliste proche de la démarche religieuse révélée et transcendantaliste; alors que le nihilisme consiste à proposer une démarche anti-ontologique et anti-transcendantaliste opposant au transcendantalisme (et à l'ontologie) le nihilisme s'épanouissant exclusivement en philosophie. L'ontologie reconnaît l'infini; quand le nihilisme substitue à l'infini  indéfini le non-être indéfinissable. Aristote va biaiser en proposant la métaphysique comme le moyen d'installer le nihilisme dans la durée. Autrement, le nihilisme n'est pas viable. Aristote s'empare de ce problème encore non résolu pour achever la philosophie (en particulier l'héritage platonicien qu'il cherche à tuer et à dépasser) : comment rendre le nihilisme viable. Et la réponse d'Aristote : en le mélangeant avec l'ontologie. La métaphysique devient ainsi presque synonyme de la philosophie et l'histoire de la philosophie ultérieure à Aristote se décline comme la présence très forte de la métaphysique tenue pour la pensée emblématique du rationalisme de l'être, plus pragmatique que l'ontologie, au point que l'on en vient (trop souvent) à confondre métaphysique et philosophie. Le néologisme "métaphysique" n'est pas forgé par Aristote, qui essaye à la place de réemployer le terme classique et connoté de philosophie en lui conférant une nouvelle signification (sa philosophie plus tard baptisée spécifiquement de métaphysique) et en faisant comme si l'ontologie était de la philosophie et comme si son projet visait à poursuivre l'ontologie, à la dépasser dans un sens méta tout en demeurant soigneusement dans le giron de la philosophie.
Aristote aurait apprécié qu'après sa contribution, l'on estime que la philosophie consiste à dépasser le nihilisme et l'ontologie par sa démarche. La dénomination posthume de métaphysique par des disciples proches et fervents signale qu'Aristote n'a pas réussi à remplacer la philosophie par son seul projet, puisqu'on dénomme sa démarche métaphysique, non philosophie, et qu'on reconnaît à cette démarche une spécificité qui n'est pas ontologique. Mais cette manière pour des aristotéliciens directs de présenter leur maître comme métaphysicien indique aussi qu'ils ne le tiennent pas pour un nihiliste, ni que lui-même ne se tenait pour un nihiliste pur. Sans doute Aristote a-t-il voulu exploiter le nihilisme en l'incorporant dans la philosophie traditionnellement dominée par la problématique ontologique.
Aristote a voulu dire : il n'y a pas que l'Etre - il y a aussi le non-être; et du coup, si le non-être côtoie l'être, l'être devient compréhensible en tant qu'il est fini - ce qui demeure incompréhensible, mais désormais dénié, est que l'être découle du non-être. La problématique consiste à expliquer l'être par le non-être - le non-être demeurant quant à lui inexpliqué. Aristote essaye de réserver la théorisation ontologique en la rendant compatible avec un être fini et avec l'existence irrationaliste du non-être. Aristote se rend rationaliste en prétendant que le non-être est le lieu par excellence du non-dit. Il n'y aurait rien à dire du non-être. La tradition selon laquelle il n'y a rien à dire du non-être sera prolifique et prospère dans l'histoire de la philosophie (par exemple Bergson au vingtième siècle), si bien que l'on voit l'empreinte d'Aristote et de la métaphysique (même posthume) dans cette manière de se débarrasser d'un problème plutôt que de le résoudre.
Aristote passe ainsi pour le maître de la science et du rationalisme alors qu'il n'a fait que rendre compatible la théorie philosophique avec l'être fini : il appelle métaphysique cet effort, lui qui se flatte de restaurer la théorie philosophique contre ceux qui veulent la mort de la philosophie (Nietzsche raille les arrières-mondes idéaux, y compris de la métaphysique; certains logiciens parlent d'illusions). Aristote est en réalité irrationaliste et que cet irrationalisme philosophique rejaillit sur la démarche scientifique au point que la sclérose du savoir métaphysique bloquera le progrès scientifique et montrera de la sorte à quel point Aristote se trompait d'un point de vue scientifique (le totalitarisme d'un Aristote est patent puisque la sclérose scolastique découle de sa conception de la philosophie et de la science, qui selon lui se trouvent quasiment figées et réussies après lui).
Aristote en opérant son compromis entre nihilisme et ontologie pour créer la métaphysique figée et bientôt sclérosée (aujourd'hui disparue et périmée après les derniers travaux d'un Heidegger autour du Dasein) perpètre une entreprise de subversion de l'ontologie en particulier de l'ontologie telle que la laisse Platon. Aristote fut le disciple de Platon et fonde sa philosophie plus tard nommée métaphysique contre l'ontologie de Platon. Platon se targuait d'avoir réussi à intégrer le non-être dans son système ontologique, ce qui en faisait la théorie ontologique la plus cohérente de son temps et la consécration de l'ontologie existante.
Aristote n'essaye pas de corriger l'ontologie, car ce qui le rebute immédiatement, c'est l'option politique républicaine de Platon. Aristote savait que l'ontologique et le politique sont liés, soit que l'action et la théorie sont liés. Il rejette l'action platonicienne de manière épidermique et sans doute éducative (Aristote évolue dans un environnement impérialiste perse de satrapie). Aristote est un farouche et radical oligarque. Pour Aristote, la philosophie est d'expression religieuse, ce qui le rapproche du nihilisme le précédant. Le religieux sous sa forme classique et populaire n'existe pour Aristote que comme une expression dégradée de type populaire, voire populiste. Tout oligarque ne peut fonder son système de pensée que sur l'adhésion au nihilisme irrationaliste - du moins avant Aristote. L'oligarchie est l'application pratique (politique) du nihilisme théorique : il s'agit de justifier l'élitisme par la multiplicité.
C'est bien ce que fait Aristote à plusieurs reprises dans sa Métaphysique : il enfourche le cheval de bataille de la multiplicité de l'être (d'où l'oligarchie) qu'il explique par la multiplicité du non-être. Mais ce non-être multiple, qui est l'apport original d'Aristote lui permettant de fonder sa cohérence partielle et déniée de l'être fini, ne se trouve pas défini, ce qui n'est guère rationnelle ni scientifique et qui du coup invalide l'affirmation de la définition de l'être. L'être se trouvant défini par le non-être, si le non-être ne se trouve pas défini, dès lors l'être ne l'est pas davantage. Aristote ne peut pas justifier son penchant oligarchique sans conserver son adhésion au nihilisme. Aristote est un nihiliste qui a eu le génie philosophique d'assurer la présence continue du nihilisme dans la philosophie en faisant sortir le nihilisme de son contenu pur et en lui assurant une pérennité philosophique (le nihilisme avant Aristote se trouvait marginalisé; après l'intervention magistrale de Platon, il est est en passe d'agonir). En même temps, Aristote sait que le nihilisme crânement avancé (postulé) jusqu'à lui se révèle une faillite théorique à peu près complète. Qu'est-il arrivé à Démocrite ou à Gorgias? Pourquoi cet oubli si ce n'est parce que le nihilisme ne peut être pérenne - mène au néant? Les sophistes n'ont-ils pas été balayés et ridiculisés par Platon? Le seul moyen de sauver le nihilisme consiste à l'intégrer à l'ontologie qui alors mène la philosophie balbutiante et que le seul moyen de proposer un nihilisme philosophique revient à sauvegarder certains pans typiquement ontologiques.
Du coup, Aristote propose son compromis qui sera baptisé métaphysique et qui pour lui prend les formes de la fin de la philosophie (le néologisme de métaphysique venant reconnaître que la spécificité métaphysique ne clôture pas la philosophie, mais lui adjoint une forme dominante). Aristote opère la critique du nihilisme d'un point de vue favorable au nihilisme, ce qui est une première. Il dresse une lecture du nihilisme depuis le prisme ontologique. C'est un hommage indirect à Platon et à son enseignement ontologique. Ce qui manque au nihilisme selon Aristote, c'est d'une cohérence (un lien) entre être et non-être. Puis, à la suite, c'est d'une théorisation de l'être. Ce second point trouvera bien des controverses avec les nihilistes plus radicaux qui réfutent la possibilité de théoriser l'être.
Du coup, la métaphysique n'est pas tout à fait un avatar nihiliste, une correction nihiliste ou une amélioration. Aristote a dû vivre son oeuvre philosophique qui deviendra métaphysique comme la première tentative d'introduction réussie du nihilisme dans la philosophie. Comme Aristote était modeste, il jugeait aussi que c'était la tentative ultime. Mais Aristote devait considérer qu'il avait oeuvré en philosophe, soit qu'il n'était pas un nihiliste, mais un philosophe qui avait réussi l'alliance entre ontologie et nihilisme, soit qui avait proposé un modèle supérieur de philosophie grâce à ce compromis entre ontologie et nihilisme.
Aristote estimait rien moins qu'il était parvenu à la fin de la philosophie, juste près l'intervention encore incomplète et perfectionnable de Platon. Il estimait ainsi que l'ontologie était arrivée à maturité avec Platon (un compliment) et que le seul moyen de perfectionner l'ontologie consistait à lui adjoindre les spécificités du nihilisme. Raison pour laquelle Aristote est un métaphysicien : parce qu'il n'est pas un nihiliste pur (radical), mais quelqu'un qui pense être parvenu au modèle ultime de la philosophie en incluant le nihilisme dans la pensée qui se trouve jusqu'alors représentée par l'ontologie. Le raisonnement d'Aristote est remarquable en ce qu'Aristote ne peut pas réfléchir autrement que de manière fixiste et figée (bientôt sclérosée) : il se trompe au point d'estimer qu'il personnifie la fin de la philosophie, soit selon lui la fin de la pensée humaine et du religieux. Rien que ça. 
Non seulement Aristote projette sur Platon son fixisme, comme si l'ontologie se mouvait dans le fini (il estime que l'ontologie platonicienne est la fin figée de l'ontologie), mais encore son obsession est de clore la philosophie de manière aussi glorieuse que figée : la métaphysique conclut les essais ontologiques précédents. On pourrait se demander si Aristote ne produit pas une pensée simplement inférieure à l'ontologie à partir du moment où il tente de produire avec sa métaphysique (même posthume) un compromis entre nihilisme et ontologique. Pourtant, l'infini est supérieur au fini. C'est d'ailleurs la raison pratique pour laquelle le nihilisme s'est effondré jusqu'à Aristote  : il nie l'infini, mais cette négation devient criante et scandaleuse non pas tant d'un point de vue théorique (elle l'est pourtant) que du point de vue de son application : nier l'infini revient à scléroser le domaine fini que l'on a édicté, puis à le faire disparaître (le nihilisme continet dans son appellation son programme suicidaire).
C'est ici qu'intervient Aristote avec sa pérennisation du nihilisme dans la métaphysique (Aristote devait se percevoir comme supérieur au nihilisme bien que tributaire du nihilisme et inspiré par le nihilisme) : il convient de substituer l'effort de pensée qui caractérise l'infini (la dynamique) par l'effort de pensée qui prend la place de la dynamique et qui s'insère dans le projet fini. Les aristotéliciens sont nommés les péripatéticiens, ceux qui sont en mouvement par la marche. La dynamique physique selon Aristote est fausse parce qu'elle finit toujours par en revenir à son postulat selon lequel le mouvement n'est pas le fondement universel du réel, mais repose sur un état de repos naturel (fixité, staticité). Aristote subvertit la dynamique qui s'épanouit dans l'infini en pariant sur un mouvement qui du fait de sa finitude et de sa limitation revient toujours - de manière indéfinie.
La dynamique chez Aristote implique que l'on théorise l'être fini. L'effort de théorisation fini, que les aristotéliciens baptisent métaphysique, signifie que la théorie physique produit une finitude incomplète et qu'elle a besoin d'être chapeautée par une théorie finie supérieure, de type philosophique : l'être fini est théorisable au sens où il n'est pas réductible à l'objet physique, mais où il désigne un objet supraphysique (métaphysique). L'être doit être théorisé au sens où l'objet physique ne suffit pas à rendre compte du réel fini. La finitudisation physique est trop focalisée sur un objet précis est singulier qui n'est pas l'ensemble de l'être, même fini. La métaphysique implique que l'on demeure en mouvement à l'intérieur du fini et que le repos physique soit une réduction du mouvement métaphysique.
Le destin qu'Arsitote accorde à la philosophie et que ses disciples stricts de l'école péripatéticienne accordent à la philosophie est clair : la philosophie se clôture avec Aristote et la suite n'est que commentaire. On ne put considérer la fin de la philosophie que si l'on parie sur un univers fini et clos, dans lequel l'Eternel Retour au sens de Nietzsche fait son entrée (l'Eternel Retour au sens antique, aussi, quoique d'une manière amoindrie). La métaphysique implique que l'on puisse subsumer le réel sous une idée générale, soit que le réel soit théorisable. Mais cette théorisation possible du réel fini implique aussi que la théorie soit à jamais incomplète et partielle, soit qu'il existe toujours des théories multiples - puisque l'être est multiple. Comment concilier la théorie partielle avec la fin de la philosophie? Aristote atteint la fin de la philosophie au sens où il s'apparente au fondement de l'être qui est le multiple. Il parvient à la fin de la philosophie au sens où à partir de ce socle multiple et toujours partiel (incomplet), il fonde la physique qui elle est toujours complète et définitive (selon la théorie de l'être fini).
La multiplicité du réel fini offre la possibilité de la théorie au sens où la théorie est ce qui permet d'unifier au maximum le réel fragmenté tout en admettant que l'effort de théorisation ne sera jamais complet et définitif. C'est dans ce cadre que la définition du mouvement apparaît et subvertit la dynamique platonicienne : il s'agit par le mouvement de demeurer vivant dans la multiplicité. Le mouvement devient l'apanage et la caractéristique spécifique de l'être fini. Le repos caractérise ne fait l'inverse de l'être: le non-être. La dynamique finie devient le mouvement provisoire, qui est obligé de revenir au repos. La dynamique fonctionne sur l'idée de la croissance de l'être fini pour constamment pérenniser l'Etre; tandis que le mouvement selon Aristote qualifie l'être au sens où le repos désignerait le non-être. L'importance de subvertir la dynamique chez Aristote consiste à pouvoir montre que son système fonctionne à l'intérieur de l'être et qu'il peut proposer/opposer une alternative philosophique et théorique viable contre l'ontologie.
Toute la démarche d'Aristote consiste à montrer que la métaphysique est viable et qu'elle est supérieure à l'ontologie. La philosophie de la finitude est supérieure à la philosophie de l'infini. Mais cette démarche fonctionne seulement sur le critère pratique du mouvement comme alternative à la dynamique. La dynamique indique que la théorie est en phase avec la pratique, alors que le nihilisme antiontologique et prémétaphysique était incapable d'expliquer le changement (l'autre en termes platoniciens). Aristote casse cette faille nihiliste en faisant du changement le mouvement physique, soit en empêchant le mouvement de sortir du statut fini et fixe de l'être. Le mouvement est ce qui définit l'être et qui se trouve subordonné à la théorie métaphysique, du fait de son statut physique.
Démocrite n'était pas parvenu à allier la théorie philosophique avec la physique au-delà d'une forme de théorisation nihiliste qui débouche sur le physique, mais qui ne l'accompagne pas ni ne le conditionne impérativement. Aristote croit avoir réussi à concilier le physique et le théorique en faisant de l'être une multiplicité théorisable. De ce fait, la métaphysique selon Aristote a accès à l'être, contrairement à ce qu'estimait Démocrite. Cet accès à l'être rend viable la philosophie du fini, soit l'idée selon laquelle on peut théoriser le fini. La subversion de la dynamique n'aboutit pas au mouvement en tant qu'alternative viable et fiable. Dans le domaine scientifique, l'application aristotélicienne de la métaphysique, loin de clore la recherche scientifique, aboutit à des erreurs grossières qui ne sont toujours pas éliminées et qui ont perduré dans la philosophie moderne, notamment avec les erreurs théoriques de Newton, liées à la conception cartésienne de l'univers. 
Mais dans le domaine philosophique, l'erreur d'Aristote est encore plus grossière : elle aboutit à la destruction de l'être fini, car la liaison fondamentale entre l'être multiple et fini et le non-être indéfini et multiple, loin d'être clarifiée par Aristote, est encore obscurcie. Dans ces conditions, la décision d'Aristote de rejeter vers la sphère indéfine du non-être toutes les difficultés, lin de les résoudre, en fait que les empirer. C'est ce qui arrive avec l'erreur physique, aisément vérifiable par la science expérimentale; mais la métaphysique ne se trouve pas épargnée. Au coeur de l'erreur métaphysique se trouve le mouvement en tant que subversion de la dynamique. Ce que la métaphysique ne sait peut-être pas, en tout cas du point de vue des commentateurs aveuglés et narcissiques qui agissent comme les ultimes péripatéticiens non conscients de leur fonction, c'est qu'elle est morte de son erreur. L'erreur théorique aristotélicienne est en train de se volatiliser à l'heure actuelle avec l'échec de l'immanentisme à résoudre sa crise terminale.

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