dimanche 9 octobre 2011

Comment manipuler

http://www.solidariteetprogres.org/Contre-Wall-Street-indignes-et-syndicats-se-battent-pour-Glass-Steagall_08144
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/10/04/04016-20111004ARTFIG00573-george-soros-nouvel-allie-des-indignes-de-wall-street.php

Dans la première nouvelle, on apprend que la contestation populaire contre Wall Street revendique le rétablissement du Glass-Steagall contre la dérégulation actuelle. La revendication porte sur l'adoption du projet de loi HR 1489, soutenu par 45 députés américains et par de nombreux syndicats, dont l'AFL-CIO. Il s'agit d'une très bonne mesure si l'on s'avise qu'un autre capitalisme est possible dans l'immédiat, à condition de se débarrasser, non pas seulement de la dérégulation ultralibérale, dont on mesure maintenant la fausseté manifeste, mais de l'ensemble de la théorie libérale, notamment du keynésianisme et de ses dérivés, alors qu'on nous présente souvent le keynésianisme comme l'alternative progressiste aux dérives ultralibérales. Ce capitalisme antilibéral est symbolisé par le Glass-Steagall, soit la politique menée par son instigateur le Président américain F.D. Roosevelt, qui estime qu'on peut mener un capitalisme républicain en remplaçant le monétarisme libéral par une politique de crédit public où la création de monnaie virtuelle est (vertueusement) adossée à des projets d'infrastructures.
Mais la seconde nouvelle indique une tentative de manipulation de poids : le financier Soros, figure de la City de Londres, surnommé l'homme qui fit exploser la livre sterling, nous apprend qu'il soutient le mouvement des Indignés de New-York. A vrai dire, il faut toujours se méfier des initiatives caritatives te idéologiques de Soros. Notre philanthrope libéral se présente ainsi comme un partisan de la démocratie libéré des idéologies. C'est la rengaine bien connue de tous ceux qui défendent une idéologie tout en exigeant que leurs interlocuteurs ne la considèrent précisément pas comme une idéologie. Soros est un idéologue libéral dont le pragmatisme revendiqué implique la duplicité et le mensonge. C'est ce qu'il nomme absence d'idéologie pour dire qu'il est le plus fort et qu'il se permet tout.
Il ne s'agit pas de discréditer la contestation contre Wall Street du fait du soutien qu'elle reçoit de Soros - tout comme il serait réducteur de discréditer la démocratie parce qu'elle se trouve soutenue par Soros. Par contre, il s'agit de comprendre pourquoi Soros soutient les Indignés de New York, tout comme il soutient la démocratie; quand Soros soutient la démocratie, via ses riches instituts philanthropiques, il s'agit pour lui de soutenir l'ingérence démocratique, soit le principe de l'impérialisme libéral dont il est l'un des hérauts internationaux. On a vu en Afghanistan ou en Irak ce que produisait ce genre d'intervention; on mesure en Libye l'effroyable et criminel chaos que l'on apporte en guise de démocratie.
La subversion de la démocratie par la libéralisme mériterait d'être précisée : car nos démocraties sont imprégnées de libéralisme, mais d'un libéralisme politique qui n'est pas encore tout à fait le libéralisme économiques dont se réclame un Sors avec un pragmatisme qui n'en fait pas un idéologue, mais un manœuvrier pour qui tous les coups sont permis. Ce libéralisme que défend Soros, c'est la loi du plus fort du point de vue commercial. Le procès idéologique du libéralisme serait méprisé selon la démarche d'un Soros, qui se fiche éperdument de la théorie libérale du moment qu'il peut appliquer sa prédation de financier.
Son action de spéculateur parle pour lui, mais aussi son oeuvre de philanthrope, qui indique que la philanthropie libérale anglo-saxonne est une manière désintéressée de promouvoir la loi du plus fort. L'intervention courageuse de Soros auprès des Indignés de Wall Street doit s'apprécier à l'aune de son combat antiidéologique pour la démocratie : dans tous les cas, Soros cherche à promouvoir son option de libéral impérialiste forcené. Il subvertit la démocratie en impérialisme s'il le faut. Il subvertit de même le combat des Indignés en partant de leur critique du capitalisme de type proto-marxiste : du coup, le libéralisme ne se trouve pas attaqué spécifiquement et c'est déjà un premier point de gagné pour Soros.
Pourtant, la revendication de Glass-Steagall pourrait constituer un rempart solide contre le libéralisme, y compris de Keynes et de son option seulement progressiste à l'intérieur du libéralisme. Mais Soros fait clairement partie des intérêts financiers qui ont concouru à ce que les clans autour d'Obama promeuvent le faux Glass-Steagall contre le vrai. Je pense au rapport Volcker ou à la loi Dodd. Soros soutenait Obama contre W. alors qu'il avait été un proche du père Bush (Bébert pour les intimes?). Soros n'est pas un idéologue. C'est un redoutable homme d'affaires. Le soutien de Soros envers les Indignés de Wall Street cherche moins à soutenir la mesure du faux Glass-Steagall directement qu'à empêcher que ce mouvement ne s'attaque au libéralisme.
En tant que figure de la City de Londres, via notamment le Quantum Fund et d'autres fonds opaques comme sa personne, Soros ne défend pas de régime politique, seulement des intérêts financiers. Il accepte même de défendre n'importe quel personnage public progressiste pourvu qu'il ne soit pas opposé à la spéculation la plus viscérale et sauvage. C'est ainsi qu'il a soutenu Obama, dont on mesure désormais à quel point il est un homme-lige de Wall Street (et de la City). Soros veut bien que des anticapitalistes gauchistes à tendance marxiste réclament le rétablissement du Glass-Steagall pourvu que le libéralisme ne soit pas dans leur ligne de mire. Ce dont Soros veut, c'est moins d'un faux Glass-Steagall tendance Volcker (ou sa mouture britannique Vickers) qu'un projet anticapitaliste qui sans s'en rendre compte préserver le libéralisme, surtout si comme Soros certains intérêts libéraux parviennent à se présenter comme progressistes, ouverts au dialogue et à la critique. Peut-on discuter de la finance folle avec un financier fou (pour reprendre les expressions de politiques de tendance sociale-démocrate)?
L'esprit critique implique de ne pouvoir critiquer que ce qui accepte la critique, soit le changement. Le propre des positions destructrices est de refuser le changement. Les positions libérales actuelles dans le domaine financier sont destructrices. Le seul moyen d'instaurer efficacement l'esprit critique consiste à les éradiquer. Si Soros veut nous donner son avis critique, lui qui se rêve en philosophe-financier, comme d'autres en leur temps se complurent en bourgeois gentilshommes, il ferait bien de nous l'épargner, car en guise de critique il sert la destruction. Le désert du dessert. On l'a vérifié par exemple en Géorgie. Soros en a montré une nouvelle couche dans son soutien à Obama le faux progressiste et vrai discrédité. Maintenant, entre autres prouesses de son oligarchie progressiste (qui ne signifie pas la même chose que le progressisme authentique et antioligarchique),
Soros soutient les Indignés de Wall Street dans leur lutte contre le capitalisme. Ce qui intéresse Soros dans la réforme inévitable du capitalisme, c'est surtout qu'il ne vire pas à l'antilibéralisme. Tant qu'on confond capitalisme et libéralisme, Soros est aux anges. Son business prospère tranquillement à l'ombre des illusions. Un jour le capitalisme sera aboli, remplacé par une autre forme dominante d'organisation économique; en attendant ce jour qui interviendra dans l'espace, il serait temps de prendre acte de la mort du libéralisme  une idéologie commerciale, impérialiste et irrationaliste, qui présenta quelques avantages au départ dans le mouvement général des Lumières, mais qui dégénéra vite en ultra/néolibéralisme et qui aujourd'hui pourrit en miasmes infects, tel un sinistre cadavre à la renverse.

Aucun commentaire: