lundi 31 octobre 2011

L'ingérance démocratique

Ou la nature ingérable de l'ingérance?



Un peu de Derrida pour nous donner la vraie nature de l'ingérence : l'ingérance non hégélienne - très tendance Zola. Un peu de Zola aussi pour nous rappeler qu'il est des principes plus hauts que son petit intérêt social ou son identité familiale. Après les succès éclatants d'Afghanistan et d'Irak suite au lumineux 911, la théorie monstrueuse de l'ingérence démocratique a le mérite de mettre en lumière qui sont les néoconservateurs (des néo-fascistes) et la raison véritable pour laquelle de pareils extrémistes purent guider la stratégie mondiale pilotée par l'atlantisme au début du XXIème siècle chrétien (passablement crétin aussi) : parce que le libéralisme est en faillite et promeut les pires théories extrémistes pour l'aider à survivre un peu plus (moins) et à sauver les meubles (peine perdue).
Dans la théorie du chaos promue par les intellos dégénérés de la politologie ultralibérale issue de la mouvance de la société du Mont Pèlerin, on retrouve l'idée stupide selon laquelle le chaos engendre l'ordre. Comment? Par la contradiction. Générer le raisonnement contradictoire permet de générer l'ordre nouveau. Ordo ab chao, CQFD. Bien entendu, si l'on juge de la valeur de ce raisonnement absolument génial, on ne peut qu'être frappé par sa nullité et par l'état de dégénérescence morbide dans lequel se tient le système qui le promeut, surtout quand ce système est dominant parmi l'humanité Réunie et Mondiale. Amène.
Verdict : les dominants sont si peu dominateurs qu'ils se révèlent à genoux et en agonie tant intellectuelle que morale. L'ingérence démocratique contient typiquement les germes du raisonnement contradictoire. Dès ses limbes : quand l'avocat Grotius forge ce concept pour le bénéfice commercial de la Compagnie des Indes hollandaise, il entend non pas faire montre de rationalisme, mais de sophisme au service de la cause commerciale de son parti. Quand ceux qui reprennent cette argutie se réveillent avec leurs démons libéraux à la fin du XXème siècle, les Jean-François Revel et BHL en France, ils montrent qui sont leurs contrôleurs : des bénéficiaires de l'impérialisme britannique qui opère de la même manière que l'impérialisme hollandais défunt (et depuis englouti). 
Revel travaillait pour sir Goldsmith et BHL incarne le sioniste au service de ses maîtres du capitalisme ultralibéral français, le condiottere Pinault ou l'orléaniste new wave et très smart Arnault. BHL a atteint les cimes du discrédit médiatique (pour le philosophique, cela fait long time que notre fanfaron enfariné est démasqué comme un imposteur richement diplômé) en Libye, en ânonnant qu'il fallait renverser le despote Kadhafi sous prétexte de démocratie. Ceux qui l'accusent d'avoir fomenté ce complot manifeste trompent lourdement leur auditoire en lui prêtant une importance disproportionnée avec son histrionisme famélique : cet avorton d'intellectuel narcissique et bouffon (décati) n'est jamais qu'une marionnette cathodique et médiatique au service d'intérêts très puissants auxquels il obéit servilement et qui le remercient en lui envoyant des cacahuètes de plus en plus brûlées et de moins en moins grillées.
Juste une goutte d'honnêteté : l'on voit mal comment une cause qui a produit des effets néfastes et pervers ravageurs pourrait subitement devenir cause de vertu et d'honnêtété. Je veux désigner l'OTAN qui après avoir détruit l'Afghanistan et surtout l'Irak est en passe de réaliser un nouvel exploit en Libye, avant de s'attaquer selon ses plan désaxés à la recolonisation militaire de l'Afrique (commencée avec le Soudan ou la Côté d'Ivoire selon des agendas atlantistes assez myopes et imprévisibles, merci tantie Susie Rice). Mais la limite de cet impérialisme désormais corroboré en Libye passe par la faillite des Etats d'Occident, qui n'auront plus très longtemps les moyens de leur politique impérialiste, du coup jusqu'au-boutiste et désespérée.
Les milliers de mercenaires déployés au sol en Libye depuis huit mois (chute...), la destruction du pays et l'invasion programmée par les mercenaires made in Qatar (le nouvel eldorado régional de l'ingérence démocratique?) ne suffiront pas à donner une consistance à un concept qui dès sa création avait fait montre de ses limites inquiétantes. L'ingérence démocratique est une contradiction dans les termes qui ne peut qu'engendrer les résultats monstrueux que l'on mesure toujours en Irak - à partir de maintenant en Libye. Que l'on retrouve dans l'exercice médiatique des propagandistes de plus en plus démasqués comme BHL n'est pas surprenant, le temps ne faisant rien à l'affaire; mais que les populations d'Europe ne se rendent pas compte qu'elles scient la branche sur laquelle elles sont assises est plus inquiétant pour la pérennité du bien-être en Occident (sans doute le font-elles par fascination pour le plus fort et avec l'idée qu'en soutenant le plus fort elles appartiennent aux plus forts).
L'effondrement libyen est sans doute la dernière marche (impériale) avant que le chaos ne s'en retourne sévir parmi les contrées qui l'ont lancé et accueilli : l'Europe, en particulier cette entente cordiale entre la France et le Royaume-Uni, ravivée par notre valeureux et incorruptible Président en dessous de tout et notamment de l'histoire.
http://www.lefigaro.fr/international/2010/11/02/01003-20101102ARTFIG00716-paris-et-londres-scellent-leur-entente-cordiale.php
Pourquoi ne peut-il pas y avoir d'ingérence démocratique, seulement une ingérence coloniale impérialiste qui entre en contradiction fâcheuse avec la démocratie? Selon les termes juridiques, il faudrait que ce soit des instances de justice internationale effective qui permettent l'ingérence de la démocratie. Cette position implique qu'existent des instances supérieures, de type politique et démocratique et de niveau mondial, et que ce soit une partie qui désobéisse au tout. Comme ce n'est pas le cas actuellement, à moins de mentir au sujet de la CPI (avec la CPI archimenteuse), on se rend compte que les instances internationales opèrent sans aucun cadre international au nom de la loi du plus fort et en se trouvant pilotées par les atlantistes : cas de l'ONU qui a autorisé pour des motifs mensongers l'intervention en Libye, dont on a vu le résultat brillant après huit mois de bombardements intensifs couplés à des interventions au sol très démocratiques; cas de l'OTAN plus explicite et qui avait déjà montré son vraie face de rat depuis de nombreuses décennies, y compris en Occident, où les actions des réseaux stay behind avaient pour but de contrer à tout prix la menace communiste instrumentalisée. 
On ne peut pas s'ingérer d'égal à égal depuis l'extérieur dans une partie; on ne peut qu'intervenir dans une partie dissidente à partir du tout qui l'englobe : ce constat montre que le mensonge de l'ingérence démocratique repose sur l'idée selon laquelle on peut changer une forme de l'extérieur, alors que le principe de développement du réel (le reflet) implique au contraire que le développement se fasse de l'intérieur vers l'extérieur, avec la croissance comme moteur de développement.
Un développement de l'extérieur vers l'intérieur est entropique : en termes plus généraux, destructeur. En termes politiques : impérialiste. Raison pour laquelle le projet noble et vertueux d'installer de l'extérieur la démocratie en Irak a accouché d'un monstre chaotique et tribaliste, pas d'un système régénéré et supérieur. Le principe démocratique lui-même implique le développement de l'intérieur vers l'extérieur et par la croissance, puisqu'il s'agit de développer la rationalité des citoyens internes et que l'on voit mal comment l'on pourrait développer cette rationalité en détruisant depuis l'extérieur la partie à démocratiser et en usant de violence inévitable pour réussir dans la mission.
Le principe démocratique entre en contradiction avec l'idée d'ingérence, alors que l'impérialisme et le colonialisme le définissent adéquatement (ce qui se trouve corroboré par les faits). Mais le fondement de l'explication repose sur l'idée selon laquelle la structure du réel obéit à un processus de développement seulement envisageable dans le sens de l'intérieur vers l'extérieur. Il s'agit pour le réel de se préserver en permettant la réunification de parties usant du même principe, mais d'empêcher la destruction, qui survient de l'extérieur contre une partie égale ou inférieure.
Le mouvement de l'extérieur vers l'intérieur est un mouvement entropique, qui ne peut que signifier la destruction. Si la démocratie signifie le développement d'un peuple, il s'agit d'un processus exactement antithétique. L'ingérence démocratique n'est pas possible : soit qu'elle renvoie à la destruction et qu'elle contient tous les ferments antidémocratiques; soit qu'elle porte une action interne, mais alors elle n'est plus de l'ingérence. L'imposture de l'ingérence démocratique survient au moment de la concurrence moderne entre les impérialismes européens; elle se trouve réactivée pour permettre le second souffle du néo-colonialisme piteux, en particulier en Afrique, où la noblesse humanitaire a accouché du monstre du chaos. 
Lumumba ne disait pas autre chose - et relire Lumumba pèsera toujours plus lourd que les fredaines des dégénérés idéalistes et criminels qui entendent développer l'Afrique en l'appauvrissant depuis quatre cents ans. C'est-à-dire : depuis l'extérieur. Encore une vérification de l'action de destruction quand elle est opérée depuis l'extérieur vers l'intérieur. L'extérieur signifie la forme étrangère à l'intérieur : l'intérieur peut se développer sur l'extérieur, mais pas l'inverse. Car l'intérieur est toujours limité et devint du coup un développement aussi impossible que l'ingérence.
D'ailleurs, l'ingérence survient au moment des ratiocinations décroissantes selon lesquelles le développement est forcément limité dans un monde nécessairement fini. Par contre, l'intériorité propose le soubassement donné et fini permettant le développement obligatoire et douloureux (d'où les crises) vers l'extérieur malléable et agrandissable. De l'extérieur vers l'intérieur, on trouve le principe de la destruction; mais de l'intérieur vers l'extérieur, celui de la construction par la croissance. L'ingérence est l'antithèse de la croissance. L'ingérence consiste à contraindre plus petit et plus faible que soi à obéir à son propre ordre, ce qui n'est pas seulement l'aveu de la lâcheté de l'ingérence démocratique (et de ceux qui la soutiennent au prix de leur honneur et de leur sens), mais qui montre que l'ingérence signe la destruction. Car la destruction du plus petit au nom de l'ingérence démocratique a pour particularité de détruire non seulement le plus faible mais aussi le plus fort - l'ingérant ingérable, pourtant si sûr de sa puissance de domination initiale.

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