mercredi 28 décembre 2011

La vie professionnelle


D'où vient la rengaine du professionnel comme fin de l'existence? Sarkozy en France lui a conféré son slogan le plus en adéquation avec la mentalité ultralibérale : "Travailler plus gagner plus", ce qui accouche dans les faits d'un éloquent "travailler plus pour gagner moins" - et qui indique que l'ultralibéralisme ne fonctionne pas et ne peut assumer ses promesses. Cette prédominance cardinale accordée au professionnel et au travail rappelle avec inquiétude un signe : les fascistes ont mis en exergue l'importance du professionnel et du travail, eux qui commencèrent par s'implanter par le corporatisme. Les pétainistes revendiquaient cette importance du travail avec le slogan : "Travail, Famille, Patrie".
Cette récurrence du thème du travail se comprend dans le libéralisme, surtout dans ses formes les plus radicales, comme la mise en valeur de l'individuel pur, qui cherche à se couper de ses racines collectives. De ce point de vue, le fascisme exprime la crise libérale, avec la recherche désespérée d'un collectif qui soit en lien avec l'individu et qui se manifesterait grâce à la violence. Évidemment cette alternative ne peut fonctionner : on voit mal comment la violence restaurera le lien collectif, ni quoi que ce soit de pérenne.
L'immanentisme entend imposer l'individu complet en lieu et place du collectif. C'est le projet du libéralisme et à ce titre la promotion du professionnel est d'autant plus une expression libérale que le libéralisme promeut à tout crin le travail comme la résolution de l'accomplissement de l'individu. Le travail exprime l'épanouissement de l'individu, la quintessence de la valeur suprême de facture : "complet du complet". Le professionnel serait l'acmé et le couronnement de l'individu en tant qu'expression de la complétude. Quand Aristote recherche le couronnement de l'individu et qu'il propose (de manière prudente et relative) le plaisir individuel comme couronnement de l'activité individuelle, nous nous trouvons déjà dans une tentative de valorisation de l'individu et de l'action individuelle. Le libéralisme ne fait que prolonger et accroître cette velléité qui est inhérente au projet nihiliste dès les limbes antiques du nihilisme.
La revendication actuelle du professionnel s'intègre dans la mentalité libérale en tant qu'expression interne et de forme idéologique de l'immanentisme, tandis que le fascisme essaye de sortir de la revendication intenable d'individualisme pur en essayant de renouer avec le collectif. Mais sa tentative ne peut être qu'un échec tragico-pathétique, en s'appuyant sur la violence. Le fascisme est imbriqué dans le libéralisme, dont il constitue la phase terminale, bien qu'il prétende se montrer plus ou moins antilibéral et surtout anticapitaliste. En ce sens il n'est pas capable de sortir du libéralisme, tout au plus de proposer la violence comme modèle de reconstruction. Hélas, derrière la violence des fascistes, on tombe sur la mort, un peu comme avec le soldat de Rimbaud. Même attirance pour la guerre, même fascination pour la Nature solaire. J'ai bien peur que le destin des disciples de Carl Schmitt soit comparable à celui de ce jeune soldat paisible et quiet : au final, "il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine/Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit".

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