vendredi 30 mars 2012

Des complots et du mauvais usage du complotisme

L'affaire Merah mérite quelques commentaires. Il serait temps de se poser les vraies questions concernant les réseaux stay-behind de l'OTAN mis en place depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et jamais officiellement reconnus ni démantelés, surtout à notre époque troublée où l'atlantiste Sarkozy a réintégré la France dans le giron de l'OTAN, instaurant la rupture avec le gaullisme. Au passage, ceux qui veulent que le sionisme domine l'atlantisme se trouvent démentis : c'est plutôt le sionisme (dont il faudrait préciser qu'il s'agit des factions les plus radicales et influentes) qui se trouverait sous le giron de l'atlantisme. La preuve : Israël se trouve immédiatement montré du doigt, alors que l'OTAN demeure largement ignoré, comme ce fut le cas en Libye récemment.
Peu importe la configuration des rapports de force au sein de l'oligarchie, le plus traumatisant pour moi reste la propagande moutonnière qui caractérise l'ensemble des médias dominants d'Occident, spécifiquement de France, à la suite de cette affaire. Rien ne permet en droit de caractériser la culpabilité de Merah pour le moment dans les horribles meurtres de Toulouse et Montauban (11, 15 et 19 mars). Par contre, personne ne parle du troisième attentat survenu contre l'ambassade d'Indonésie à Paris au même moment (mercredi 21 mars), ni de la vague de menaces grossièrement antisémites (terme incorrect) qui se signale depuis la mort du coupable en France (22, 23 et 24 mars), avec notamment l'implication récurrente d'al Quaeda, l'usine à gaz du terrorisme ad hoc et international :
http://www.leparisien.fr/faits-divers/serie-d-incidents-graves-en-lien-avec-l-affaire-mohamed-merah-26-03-2012-1924788.php
Deux indices qui devraient rappeler (en sus de beaucoup d'autres) que, dans cette affaire plus large qu'on ne croit, aucune preuve suivant le principe fondamental de contradictoire n'indique que le probable indicateur de la DCRI et petit caïd de banlieue Merah a commis ces meurtres atroces ce Toulouse et Montauban. Par contre, les dénonciateurs du complotisme se démasquent de plus en plus pour ce qu'ils sont : des défenseurs de la loi du plus fort et du pouvoir en place. Il est deux sortes de négationnistes : les complotistes rigoureux, qui voient des complots partout et expliquent le fonctionnement humain par le complot; et ceux qui refusent que des complots surviennent, singulièrement dans les allées du pouvoir, alors que l'histoire est jonchée de complots. Encore faudrait-il préciser que le complot signale l'affaiblissement du pouvoir officiel et visible, qui essaye ainsi de prolonger son pouvoir déclinant alors qu'il ne fait que l'affaiblir.
Plus il existe de complots, plus c'est le signe que le pouvoir se trouve en crise. C'est le cas actuellement, de manière renforcée depuis le symbolique 911, qui a signifié l'avènement de cette crise systémique plus profonde qu'une simple crise financière terminale et qui n'est aussi grave que parce qu'elle est fondamentalement religieuse. Parler de complotisme revient plus encore qu'à conforter le pouvoir moribond en place à nier (au sens de négationnisme) le problème de la crise.
Mais je ne voudrais pas m'appesantir sur les multiples contradictions, mensonges et invraisemblances de cette affaire, qui indiquent que la VO est fausse et qu'il existe une bonne surprise : de nombreux institutionnels refusent la fable du pigeon sans preuve, alors que les services de l'Etat français, en particulier ses services secrets, se trouvent instrumentalisés à des fins suicidaires et destructrices, perverses et étrangères. 
J'aimerais en revenir au commentaire de cette dépêche de l'AFP, qui est l'agence natioanle et officielle française :
Mort_de_Merah_une_avocate_chargee_de_poursuivre_le_Raid_pour_assassinat66280320122104.asp

"Mort de Merah: une avocate chargée de poursuivre le Raid pour assassinat.

ALGER - Une avocate algérienne, Me Zahia Mokhtari, a annoncé mercredi à l'AFP avoir été chargée par Mohamed Benalal Merah de poursuivre devant la justice française le Raid, une unité spéciale de la police française, pour l'assassinat de son fils, qui a tué sept personnes en France.
M. Merah s'est présenté hier (mardi) dans notre cabinet à Alger pour nous charger formellement de poursuivre les services de sécurité français (Raid) pour n'avoir pas respecté la procédure pendant la tentative d'interpellation de Mohamed Merah et son assassinat, a déclaré à l'AFP Me Mokhtari.
M. Merah considère que son fils a été assassiné. Il nous a chargés de porter plainte contre les services de sécurité français, a-t-elle indiqué. Nous commencerons la procédure dès l'enterrement achevé.
Me Mokhtari a précisé qu'une convention signée entre la France et l'Algérie autorise les avocats des deux pays de plaider devant leur tribunaux respectifs.
L'avocate est connue à Alger pour avoir gagné en 2005 un procès devant le tribunal de Memmengen (Allemagne) pour appartenance à Al-Qaïda d'un Algérien, Ibrahim Badaoui, qui a été libéré et est rentré en Algérie. Elle a par la suite fait annuler en 2008 en Algérie une condamnation à mort par contumace de Badaoui.
Nous détenons des preuves qui nous sont parvenues de personnes qui étaient au coeur de l'événement et qui ont le souci de faire éclater la vérité, a-t-elle ajouté. Les preuves, nous les présenterons au moment opportun devant le tribunal.
Je n'aurais pas acceptée une telle affaire s'il n'y avait pas assez de preuves que la procédure n'a pas été respectée par les services de sécurité français (Raid), a-t-elle affirmé.
Mohamed Merah, 23 ans, a été tué le 22 mars lors de l'intervention des policiers de l'unité d'élite du Raid dans son appartement à Toulouse (sud-ouest). Il avait abattu les 11, 15 et 19 mars, sept personnes: trois parachutistes ainsi que trois écoliers et un enseignant juifs à Toulouse et dans la ville voisine de Montauban.
Lundi, le père du tueur avait déclaré à l'AFP : je vais engager les plus grands avocats et travailler le reste de ma vie pour payer les frais. Je vais porter plainte contre la France pour avoir tué mon fils.
Selon l'avocate, la procédure judiciaire est un droit garanti par toutes les constitutions du monde, dont celles de l'Algérie et de la France.
Nous allons soutenir nos arguments devant la justice française connue pour son intégrité qui donne le droit à toute personne de traduire en justice même les autorités du pays tels les services de sécurité, a-t-elle dit en référence au Raid.
Me Mokhtari s'en est prise aux personnalités politiques françaises qui ont critiqué les déclarations de M. Merah lorsqu'il annonçait à l'AFP son intention de porter plainte contre la France pour avoir tué son fils.
Pourquoi ont-elles (les personnalités politiques françaises) dénigré au plaignant qui a perdu son fils le droit d'aller devant la justice ?, s'est-elle interrogée. Laissez à la justice le soin de se prononcer. Nous nous conformerons à sa décision quelle qu'elle soit.
Prenant soin de dénoncer les actes criminels commis à Toulouse et Montauban quel qu'en soit l'auteur, Me Mokhtari a mis en doute les aveux du jeune homme aux policiers.
(©AFP / 28 mars 2012 21h02)" 

Par ce document de l'AFP, il s'agit de vérifier que la plupart des journalistes français opèrent un travail de propagandistes, qui ne consiste pas à perpétrer des complots, mais à les couvrir sans respecter leur démarche de contre-pouvoir, agissant au contraire comme des hagiographes au service du pouvoir. Cette affaire d'Etat grave indique la fragilisation du pouvoir français et implique qu'il n'est plus indépendant, ni maître de ses actes : il serait à parier que ces attentats odieux n'aient pas été décidés par l'Etat français, mais par des cercles internationaux, dont certaines émanations en France espéreraient tirer un bénéfice électoraliste à très court terme (et peu importe qu'à plus long terme, ils s'en trouvent déshonorés et discrédités).
Dans cet article qui est une dépêche anonyme, il est important de noter que loin de se révéler un relevé factualiste et impartial de nouvelles, nous sommes confrontés à trois niveaux de discours : le premier sans guillemet émane de l'avocate du père de Merah. Le second, toujours sans guillemets, émane du propre père de Merah et peut de ce fait être considéré comme proche du discours de l'avocate, bien qu'il soit capital de relever les distinctions, même voisines. Le troisième émane quant à lui du journaliste qui écrit la dépêche et qui n'hésite pas à mêler ses propres commentaires à ceux de l'avocate et du père.
Comme ce troisième discours est opposé aux propos de l'avocate et du père et qu'il se fonde sur des assertions aussi péremptoires qu'indémontrées, le moindre qu'on puisse constater est qu'il parasite le dispositif de la dépêche et qu'il tend insidieusement à faire entendre qu'il est certain que Merah est le coupable de ces meurtres, alors qu'il n'existe aucune preuve stricte pour étayer cette accusation pourtant grave - et gratuite.
L'absence de guillemets n'est nullement un acte anodin, au sens où il permet de ne pas opérer la distinction entre les propos de l'avocate et du père et les commentaires engagés et de mauvaise foi que rajoute le journaliste. Sinon, son entreprise de propagandiste au service du pouvoir français et de sa version bancale ressortirait avec plus de netteté et de contradiction. Alors qu'en utilisant ce moyen rhétorique de brouillage, notre journaliste-déformateur fait passer le père et l'avocate pour des contestataires, non de la VO indiscutable et solide, mais de l'épisode exclusif de la mort de Merah : légitime défense, selon l'Etat français; assassinat selon le père et son avocate.
Légitime défense, ce n'est pas du tout ce que disent le père et l'avocate, ce qui fait qu'il convient d'isoler leurs deux discours pour comprendre à quel point ils s'opposent au commentaire propagandiste. En effet, selon l'ordre choisi par l'auteur de la dépêche, outre l'absence de guillemets, le lecteur se trouve confronté à des citations discontinues qui rendent difficiles l'attribution d'un sens global, pourtant existant et compréhensible si l'on restitue les trois discours tels qu'ils nous sont livrés :

1) Discours de l'avocate :
"(...)
M. Merah s'est présenté hier (mardi) dans notre cabinet à Alger pour nous charger formellement de poursuivre les services de sécurité français (Raid) pour n'avoir pas respecté la procédure pendant la tentative d'interpellation de Mohamed Merah et son assassinat, a déclaré à l'AFP Me Mokhtari.
M. Merah considère que son fils a été assassiné. Il nous a chargés de porter plainte contre les services de sécurité français, a-t-elle indiqué. Nous commencerons la procédure dès l'enterrement achevé.
Me Mokhtari a précisé qu'une convention signée entre la France et l'Algérie autorise les avocats des deux pays de plaider devant leur tribunaux respectifs.
(...)
Nous détenons des preuves qui nous sont parvenues de personnes qui étaient au coeur de l'événement et qui ont le souci de faire éclater la vérité, a-t-elle ajouté. Les preuves, nous les présenterons au moment opportun devant le tribunal.
Je n'aurais pas acceptée une telle affaire s'il n'y avait pas assez de preuves que la procédure n'a pas été respectée par les services de sécurité français (Raid), a-t-elle affirmé.
(...)
Selon l'avocate, la procédure judiciaire est un droit garanti par toutes les constitutions du monde, dont celles de l'Algérie et de la France.
Nous allons soutenir nos arguments devant la justice française connue pour son intégrité qui donne le droit à toute personne de traduire en justice même les autorités du pays tels les services de sécurité, a-t-elle dit en référence au Raid.
Me Mokhtari s'en est prise aux personnalités politiques françaises qui ont critiqué les déclarations de M. Merah lorsqu'il annonçait à l'AFP son intention de porter plainte contre la France pour avoir tué son fils.
Pourquoi ont-elles (les personnalités politiques françaises) dénigré au plaignant qui a perdu son fils le droit d'aller devant la justice ?, s'est-elle interrogée. Laissez à la justice le soin de se prononcer. Nous nous conformerons à sa décision quelle qu'elle soit.
Prenant soin de dénoncer les actes criminels commis à Toulouse et Montauban quel qu'en soit l'auteur, Me Mokhtari a mis en doute les aveux du jeune homme aux policiers".

Si l'on résume : 
- L'avocate affirme détenir des preuves que l'Etat français a assassiné Mohammed Merah.
- L'avocate critique le refus de la critique des politiciens français autour du Président Sarkozy.
- L'avocate met en doute la culpabilité de l'accusé.


2) Discours du père :

"Lundi, le père du tueur avait déclaré à l'AFP : je vais engager les plus grands avocats et travailler le reste de ma vie pour payer les frais. Je vais porter plainte contre la France pour avoir tué mon fils".
C'est clair et concis dans cette dépêche : le père annonce que la France a tué son fils, ce qui est une accusation grave et qui mérite d'être jugée (espérons dans l'impartialité).

3) Discours du journaliste auteur de la dépêche :

"Mort de Merah: une avocate chargée de poursuivre le Raid pour assassinat.

ALGER - Une avocate algérienne, Me Zahia Mokhtari, a annoncé mercredi à l'AFP avoir été chargée par Mohamed Benalal Merah de poursuivre devant la justice française le Raid, une unité spéciale de la police française, pour l'assassinat de son fils, qui a tué sept personnes en France.
(...)
Me Mokhtari a précisé qu'une convention signée entre la France et l'Algérie autorise les avocats des deux pays de plaider devant leur tribunaux respectifs.
L'avocate est connue à Alger pour avoir gagné en 2005 un procès devant le tribunal de Memmengen (Allemagne) pour appartenance à Al-Qaïda d'un Algérien, Ibrahim Badaoui, qui a été libéré et est rentré en Algérie. Elle a par la suite fait annuler en 2008 en Algérie une condamnation à mort par contumace de Badaoui.
(...)
Mohamed Merah, 23 ans, a été tué le 22 mars lors de l'intervention des policiers de l'unité d'élite du Raid dans son appartement à Toulouse (sud-ouest). Il avait abattu les 11, 15 et 19 mars, sept personnes : trois parachutistes ainsi que trois écoliers et un enseignant juifs à Toulouse et dans la ville voisine de Montauban.
(...)
(©AFP / 28 mars 2012 21h02)"

Si l'on résume ces commentaires ajoutés et habilement mêlés aux propos de l'avocate et du père grâce notamment au procédé de l'absence de guillemets : certains commentaires sont certes journalistiques, informatifs et non engagés. Mais le journaliste ne peut s'empêcher, dans son mimétisme peut-être plus inconscient que de mauvaise foi, d'entériner la VO de l'accusé, dont on détiendrait les preuves de sa participation à ces meurtres odieux et injustifiables. Notre journaliste a-t-il le droit d'affirmer que Mohammed Merah a abattu les 11, 15 et 19 mars, sept personnes à Toulouse et Montauban? Seulement s'il détient des faits solides. Or, en vertu du principe de contradictoire, ces éléments reposent sur les seules affirmations de la police. Doit-on croire sur parole l'accusation et permettre l'amalgame entre le juge et l'accusation? Dans ce cas, on ne se situe plus dans la justice démocratique, mais dans la vengeance et le droit du plus fort.
Alors que la justice rationnelle repose sur le principe de contradictoire et la vérification des faits, par une enquête publiquement vérifiable, le droit du plus fort justifie l'arbitraire et le sophisme. C'est ce que dénonçait Platon. On connaît l'anecdote du sophiste Protagoras qui explique à son élève Evathle que dans tous les cas il gagnerait contre lui son procès : "Alors qu'Evathle refusait de payer son maître, car il n'avait pas encore gagné de procès, Protagoras le cita en justice. De sorte que si le disciple perdait, il devrait payer son maître ; mais que s'il gagnait, il devrait aussi payer son maître, puisque la valeur de l'enseignement reçu aurait été dès lors démontrée. Apulée développe l'anecdote en mentionnant une réponse du disciple : s'il perd, il ne devra rien, puisque les leçons de Protagoras auront été inefficaces ; et s'il gagne, il ne devra rien, puisqu'il aura été absous" (Wikipédia). On notera que la loi du plus fort autorise les deux points de vue antagonistes à triompher à tous les coups (l'élève opposé au maître) selon le point de vue le plus fort. 
Dans cette affaire, c'est la même rengaine : Merah est coupable parce qu'il est coupable - à tous les coups. Circulez, y'a rien à voir. Et les journalistes médiatiques et majoritaires? Loin de mettre en place leur travail de contre-pouvoir, ils se bornent à relayer la version officielle, avouant par là même qu'ils en sont les hagiographes ou les relais-propagandistes. Ils agissent ainsi par mimétisme, fort du principe selon lequel le mimétisme est le mécanisme qui explique la loi du plus fort et qui ne considère dans le réel que sa structure finie et stable. De ce fait, la loi du plus fort se trouve légitimée - et dans cette affaire, il devient normal et légitime de se placer du côté de ceux qui sont les plus forts et dont la parole ne saurait se trouver contestée sans heurts : la police, l'Etat, les représentants institutionnels ou les politiciens élus. L'oligarchisation de notre monde en crise terminale se poursuit, et si rien n'est intenté pour endiguer la marche du NOM, nous vivrons bientôt dans une terrible dictature orwellienne, dont la caractéristique la plus terrible tiendra à l'absence criante d'esprit critique de la majorité moutonnière et lâche.

dimanche 18 mars 2012

De l'excellence médiocre

Que constate-t-on quand on parle de l'oligarchie des incapables? Loin de personnifier l'excellence, les meilleurs dans la performance académique deviennent bizarrement des médiocres, des incapables, à l'aune de critères qui devraient leur assurer leur excellence. Que s'est-il passé pour que les excellents deviennent des médiocres? Pourquoi assiste-t-on au retournement de l'excellence quantitative, qui loin de recouper le qualitatif se retourne au contraire au moment où il devrait en consacrer l'acmé?
Ce qu'on nomme le quantitatif ne recoupe pas le réel; l'excellence donnée finit par se retourner en médiocrité et par incarner la baisse de performance qualitative. La baisse qualitative surgit au moment où l'excellence quantitative est atteinte. Le quantitatif ne recoupe pas le qualitatif. L'excellence académique consiste de plus en plus à prévenir la destruction du donné. C'est la limite du quantitatif par rapport à l'excellence, qui ne peut être que qualitative - ou l'excellence quantitative renvoie à une baisse de performance illogique vers la médiocrité.
L'effondrement qualitatif s'accompagne de son déplacement dans la réduction et l'infériorité autant quantitative que qualitative. D'ordinaire, on considère que l'amélioration des performances quantitatives engendre l'amélioration d'ordre qualitatif. Un coureur de cent mètres est considéré comme d'autant plus performant qu'il court vite : le physique recouperait selon l'académisme le qualitatif, à tel point que l'on pourrait estimer détenir un critère fiable de mesure. Au contraire, le quantitatif excellent finit par correspondre à la médiocrité qualitative. Le critère n'est pas objectif au sens où il ne sert qu'à mesurer des paramètres physiques.
De même que le nihilisme se veut d'autant plus universel qu'il réduit son champ de théorisation au fini, de même le quantitatif ne recoupe pas la bonne unité de mesure et d'appréciation, mais renvoie à l'idée selon laquelle le donné est le réel. Derrière cette réduction, le phénomène inexplicable, selon lequel la courbe quantitative ne suit pas la progression qualitative, et arrive même à une inversion à partir d'un certain niveau d'excellence quantitative (l'excellence quantitative signant la médiocrité qualitative), n'est explicable que si le réel ne se résume pas au donné, autrement dit si le réel est hétérogène.
Dans un cadre quantitatif, l'excellence quantitative est toujours supérieure à ce qui lui est inférieure. Par exemple, le coureur de cent mètres le plus rapide est le meilleur. Si le quantitatif perd en excellence dans un cadre qui devient qualitatif, c'est que non seulement le qualitatif est supérieure au quantitatif, mais que l'ordre qualitatif est différent du quantitatif, et même que le quantitatif perd de son ordre en regard du qualitatif, quand il s'y trouve intégré. Pourquoi le quantitatif s'effondre-t-il en confrontation du qualitatif?
Parce que non seulement le quantitatif est intégré dans le qualitatif, mais parce que surtout le qualitatif est de structure hétérogène au quantitatif. Quand le quantitatif s'effondre, c'est parce qu'il entre en confrontation avec le qualitatif hétérogène. Le quantitatif exprime la valeur objective du donné, pas la valeur du réel. Le donné est soumis à la physique de l'entropie, ce qui implique que sa courbe d'excellence finisse par s'effondrer. Plus l'excellence est soumise à un niveau élevé d'exigence, plus elle s'effondre, alors que dans un schéma linéaire progressif, on serait en droit d'attendre que l'exigence élevée accouche de l'excellence,  non le phénomène inverse.
Si l'on observe la dissociation de l'excellence, du qualitatif et du quantitatif, c'est que le donné exprime la partie de réel qui entre en opposition avec le réel à partir du moment où elle entend en être l'exclusif représentant. Le donné exprime l'infériorité du modèle biaisé, qui aboutit à la destruction. Telle est l'explication aux résultats étranges et inattendus que l'on obtient dans l'expression de l'excellence, avec une excellence quantitative qui bientôt se révèle médiocre (d'où la réputation d'impéritie de l'oligarchie, alors qu'elle devrait incarner l'excellence).
Mais pourquoi le résultat de destruction qui découle de la médiocrité excellente, soit de l'oxymore caractérisant le critère d'évaluation quantitatif? Parce que le réel contient son facteur de pérennité le sens, principe de développement. L'accroissement du réel signifie le sens, soit le fait que le réel pour se pérenniser gagne en espace et en temps. Dans ce cadre, le sens que porte le réel soit se tourne vers le développement extérieur, soit se retourne contre lui-même. Le cercle, souvent invoqué comme figure du réel, se révèle faux et destructeur (ce qui en dit long sur le renouvellement que propose Nietzsche, avec sa sphère comme perfectionnement géométrique et sémantique du cercle). L'insécable crée les conditions de l'espace et du temps, ce qui indique que l'insécable préexiste à l'élaboration du domaine physique.
L'ordonnation passe par l'édiction de l'espace et du temps, deux catégories qui n'existent pas dans l'insécable et qui résulte de la résolution de la contradiction originelle. Le temps exprime la résolution de la contradiction : il est à la fois en tant que norme l'expression attitrée de l'ordre et en même temps il lui est postérieur. Raison pour laquelle on observe le curieux phénomène de dépérissement de l'excellence quantitative en médiocrité réelle sous l'effet du critère de qualitatif. C'est que l'ordre s'épanouit dans l'espace et le temps et que nous prenons le donné quantitatif pour le réel alors qu'il n'en est que la manifestation seconde et postérieure à l'originalité du qualitatif. Pour autant, le qualitatif ne renvoie pas à la complétude de l'Etre, mais à la contradiction, dont la résolution qualitative passe par l'ordre quantitatif.