samedi 14 juillet 2012

La cerfitude volontaire

Quelle est la différence entre une racaille et un oligarque? La racaille est frustrée, l'oligarque est dominateur. L'oligarque est l'héritier qui a réussi en poursuivant l'héritage. Il a suivi un brillant parcours  académique et il applique sa réussite dans le champ social en dominant outrageusement. Les BHL, Lagardère, Seillière sont des représentants de cette mentalité, qui ne se fixe pas à quelques individus stables, mais prolifère de manière mimétique et antagoniste. La figure de lord Jacob Rothschild est emblématique de l'état oligarchique terminal : fils de la dynastie de financiers de la Couronne britannique, il se trouve à la tête de l'entreprise de destruction du Bretton Woods et de désindexation du dollar avec l'étalon-or.
L'une des rengaines à la mode est populiste dans son sens le plus nauséabond, poujadiste dans un sens qui exprime trop de ressentiment frustre pour cerner le sens qu'elle exprime : l'on entend rappeler que l'oligarque serait une racaille en col blanc, ce qui n'est pas forcément faux, à ceci près que ce n'est pas la même chose d'être une crapule de haut vol et un petit voyou dénué de complicité. 
Là n'est pas le problème. Le problème réside dans la légitimation de la crapulerie de bas étage au nom de son équivalent dans les élites. La dénonciation des élites se révèle poujadiste. C'est un moyen commode pour celui qui rate sa vie, qui se montre faible intellectuellement, qui fait partie des médiocres sociaux, de légitimer sa vulgarité par la responsabilisation des élites, définies de façon frustre par leur fortune. Les "diaboliques élites" sont parées de la toute-puissance - d'autant plus qu'elles constituent le rempart pour excuser les échecs et les compromissions.
Si l'on scrute le comportement des élites, elles se révèlent par temps de crise critiquables, cupides et désaxées, coupées des réalités et de la compagnie de la majorité qu'elles asservissent, mais la responsabilité principale incombe plus à la majorité qui se laisse asservir qu'à la minorité qui exploite. La décomposition des élites est représentative de l'état de faillite de la majorité. Plus les gens relèvent des couches sociales les plus défavorisées, plus ils baignent dans l'inculture et l'asservissement, et plus il se révèlent moutonniers et jaloux. Le plouc atavique est l'exemple de cette faillite qui touche moins les élites que la majorité. La faillite des élites indique la faillite de ceux qu'ils représentent.
Il n'y a pas dissociation entre la majorité et l'élite : l'élite est à l'image de la majorité. Quand l'élite révèle son impéritie et sa cruauté, c'est le signe qu'elle représente des masses en effondrement généralisé. Plus l'inégalitarisme grimpe, plus la majorité tend vers la nullité. C'est alors qu'intervient la phase de déculpabilisation, émanant de mentalités frustres, tendant à rendre la médiocrité positive et l'excellence critiquable. Dans la vision de faibles, on n'est plus excellent du fait de ses mérites, selon la conception oligarchique classique, exprimant le point de vue des dominateurs, mais du fait d'une vision oligarchisée simpliste, exprimant le point de vue paradoxal des opprimés soutenant à leur insu, par leur rébellion négative, l'oligarchie, dans laquelle les qualités ne sont que des prérequis donnés par la naissance, non plus des acquis obtenus par l'éducation ou les études.
En validant la thèse de l'oligarchie inévitable, subie et mauvaise, les médiocres se revalorisent et légitiment, à défaut d'expliquer, leur médiocrité : si les élites sont médiocres, les médiocres sont les valeureux. Les critères de la valeur sont faux! Cela tombe bien, ils ne correspondent pas à la valorisation des médiocres. D'ordinaire, on valorise l'intelligence, la réussite scolaire, professionnelle, sociale, l'expression artistique, la connaissance culturelle... Il convient de changer de critères et de mesurer que les critères étiquetés médiocres ne le sont qu'édictés par les plus forts, les dominants et les vainqueurs.
Les critères émanent des dominés et valent du fait de leur caractère illogique et ridicule. Au moins les dominés sont-ils gentils et aiment s'amuser. Ils vivent pour un but sympathique à défaut d'être noble : le plaisir. A la différence des poujadistes, ils ne cherchent nullement à prendre le pouvoir. Les poujadistes avancent qu'il convient de remplacer les élites corrompues par les classes commerçantes moyennement aisées, travailleuses et valeureuses. Les médiocres en voie de ploucisation ne cherchent nullement à changer l'ordre social, ni à améliorer les élites qu'ils critiquent.
Ils escomptent seulement légitimer leur médiocrité en dénonçant comme bouc émissaire de la crise les élites (anonymes et simplifiées à quelques noms, quelques organisations, voire quelques familles). Le simplisme permet de déculpabiliser la médiocrité à peu de frais. La dissociation entre les élites mauvaises et la majorité opprimée, donc bonne est fantasmatique : elle conforte la mentalité oligarchique et explique :
- pourquoi les esclaves sont favorables à leurs maîtres despotiques
- et pourquoi leur rébellion est le plus sûr instrument de la perpétuation du pouvoir oligarchique.
C'est quand l'opprimé se veut rebelle qu'il adoube la mentalité du plus fort à son détriment. C'est qu'il entend ne pas sortir de son plaisir vulgaire, dont la caractéristique est qu'il se révèle condamné à court terme. Cette rébellion se caractérise par le refus de changer, de dénigrer avec ressentiment les élites, tout en ne proposant rien pour assurer le changement de l'ordre injuste. Le médiocre ne dispose pas des armes intellectuelles pour concevoir le changement.
Le propre de l'oppression consiste à valider la conception du réel morcelé, en réduisant le réel au social, du fait de la violence que le dominé subit et qui détruit la possibilité d'unité et d'universel. Le changement ne pourrait s'effectuer que par l'unité : la vision selon laquelle l'on peut changer l'ordre puisque toutes ses parties sont liées. Au contraire, dans le morcèlement, le changement n'est pas possible, puisque les parties sont déconnectées. La mentalité oligarchique se trouvé réhabilitée. Le ressentiment de type nietzschéen s'explique : si l'on ne peut changer l'ordre, il importe de se venger en le déclarant injuste à son profit - d'autant plus néfaste qu'il est nécessaire. La libération des chaînes du ressentiment passe par la prise de conscience que la liberté s'appuie sur l'unité du réel.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"L'essentiel, dans la magie noire des obscurantistes, ce n'est pas quelle veut troubler les cerveaux, mais qu'elle tend a noircir l'image du monde et a obscurcir notre idee de l'existence.
Il est vrai que, pour arriver a cette fin, l'obscurantisme s'applique souvent a empecher l'emancipation des esprits, mais, dans certains cas, il use precisement du moyen oppose et cherche, par l'extreme affinement de l'intelligence, a engendrer la sasiete".

Pauvre con va, rien compris a la vie celui-la.