lundi 10 septembre 2012

Le désir de contradiction

Désir = apparences.
L'équivalence explique peut-être pourquoi l'alliance des spinozistes avec les nietzschéens récolte autant de louanges. Beaucoup de perroquets savants auraient mis la main sur l'oiseau rare : la solution à l'ontologie. Il suffirait de remplacer l'Etre par le défilé indéfini des apparences. Cette proposition légitimant le vice (le narcissisme) fournirait l'interprétation du monde. Certains historiens de la philosophie insinuent avec des sourires sibyllins que leur savoir vaste et profond n'est pas (tout à fait) vain : ils auraient déniché sur leur carte la vérité philosophique, qui contredirait l'usuelle et se montrerait plus subtile.
Nietzsche parade en appelant au grand renversement de toutes les valeurs, aboutissant à détruire les idoles de la morale et à dresser l'apologie du vice. Le bien serait le mal et les traditionnelles valeurs auraient perverti le juste rapport des choses en décrétant mauvais ce qui était bon. Seul manquait le décodeur : au lieu de se perdre dans l'infini, il suffisait de se recentrer sur le désir.
Si l'on rétablit les équivalences :
désir = mal
et si
mal = bien
alors
désir = bien.
Seul problème au sein de ces équivalences, c'est que la contradiction n'est pas résolue. Nietzsche décrète la nécessité du grand renversement de toutes les valeurs, mais au-delà de cette dénomination enfantine, il n'avance rien qui légitime sa requête. Spinoza ne définissant jamais l'incréé fonde son système sur l'indéfinition : il déduit la cohérence à partir de la non-résolution de la contradiction initiale, traduite dans le langage par la négativité. Dès lors, la présentation du désir comme fondement cohérent est fallacieuse.
De même que l'on ne voit pas comment le Big Bang dénommerait le moment initial sans poser l'antériorité de l'origine, de même l'indéfini ne définit pas l'infini. L'indéfini désigne ce qui n'est pas défini : ce dont les bornes ne peuvent être déterminées. L'irrationalisme est virulent et remonte en métaphysique moderne à Descartes. Définir ainsi le réel revient à dire : nous avons défini l'infini comme l'indéfini et l'indéfini comme l'apparence, et c'est seulement à partir de cette définition différante, en dérobade, que nous posons le désir complet - réduplication à l'intérieur du donné apparent de la complétude.
On peut parler de coup de force théorique, en même temps que de faiblesse intellectuelle : comment légitimer la complétude du désir à partir du moment où elle se trouve calée sur le socle branlant de l'indéfini irrationaliste? De même que l'on se moque des scoliastes, qui adossaient leur érudition sur le manque de jugement, qui débouche sur le constat de la bêtise, avec le slogan métaphysique : Aristoteles dixit, de même les érudits de l'immanentisme spinozo-nieztschéen font preuve de trop d'inconséquence et de simplisme pour que leur érudition impressionnante d'historiens et de commentateurs de la philosophie (et d'autres sciences humaines) ne laissent transparaître, pour ne pas dire suer, leur impéritie philosophique.
Rien ne sert de maîtriser sur le bout des doigts les vétilles de l'histoire si c'est pour choisir l'option de l'inconséquence. C'est ce qui se produit avec ces équivalences, qui proposent comme théorie de l'être l'indéfini et comme éthique remplaçant la morale et l'ontologie (rien que ça) le désir. Tout ça au nom de la complétude? Le complet serait d'autant plus complet qu'il se révèle à l'examen incomplet.

N.B. : Faire semblant, c'est rétablir la contradiction en prétendant que l'on est parvenu à lever la contradiction. Comme le menteur ne peut mentir qu'en prétendant dire la vérité (sans quoi son paradoxe s'affirme), le contradictoire ne peut plus fondamentalement contredire qu'en prétendant lever la contradiction. C'est le propre de la contradiction que de se prétendre non-contradictoire, alors qu'elle l'est. Quelle est la différence dès lors entre contradictoire et non-contradictoire?
1) Le contradictoire prétend parvenir au non-contradictoire dans un domaine figé : il supprime la contradiction à l'intérieur de son domaine en la repoussant aux limites. C'est ce qu'il appelle le non-être - le système de la métaphysique qu'a conçu Aristote, à la suite des Abdéritains et des sophistes (dans la Grèce antique).
2) Le non-contradictoire supprime la contradiction par le moyen de l'augmentation. C'est le seul moyen dont dispose le contradictoire pour passer en non-contradictoire : la croissance. Sans quoi il sombre dans l'autodestruction du contradictoire.
La différence réside dans la différence de représentation 

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