samedi 3 août 2013

Doute et certitude

Ami lecteur, une mauvaise manipulation informatique m'a fait perdre les quelques notes que j'avais jetées en vrac dans ce billet. Peut-être est-ce mieux ainsi, car cela m'obligera à resserrer mon propos et à me concentrer sur un aspect pour le moins douteux de la philosophie de Descartes : je veux parler de l'identité du doute, de ce que le doute se présente comme le critère de sélection qui permet de trouver le réel sûr et certain, alors que l'identité du doute émane du même endroit que celui de la critique. Ce que Descartes nomme le cogito recoupe l'endroit d'où émane le doute. Le doute est un sentiment dont l'existence est aussi certaine que le sentiment de la conscience. Le doute est lié au cogito. Il en est le versant négatif. Si le cogito recourt au doute, il ne peut pas trouver quelque chose, seulement retrouver cette chose. Le doute institue l'identité similaire au sens où l'identité ici visée est identique à l'identité critique. Le doute est l'expérience autotélique par excellence. Le doute ne peut jamais trouver que ce qui existe déjà. Le doute n'est ainsi pas le sentiment qui donne le vrai à partir du faux, ou le positif à partir du négatif, mais l'opération qui réhabilite ce qu'il juge certain à partir du donné. Le certain est ainsi ce qui émane du cogito, l'intériorité, aussi bien que le doute émane de ce cogito. Le doute ne fait que réhabiliter la place d'où il vient. Quand Descartes recourt au doute pour trouver du réel certain, il ne fait qu'utiliser une méthode qui lui garantit de trouver du déjà connu précisément là où il escompte retrouver ce qu'il cherche. Loin de permettre la découverte, le doute renforce au contraire le déjà vu. Il est l'instrument qui restreint le déjà vu. Loin d'instaurer le nouveau, le doute restaure l'ancien, avec une spécificité (qui fonde la métaphysique 2) : restreindre le domaine du fini au cogito, vers l'intériorité. Le doute est le sentiment intérieur qui permet de réduire le fini vers l'intérieur, en trouvant le terrain du certain : le certain est le cogito, soit l'intérieur. L'intériorité est le nouveau domaine de certitude de la métaphysique, depuis qu'elle a dû admettre que le réel fini était trop incertain et que sa méthode comportait trop d'erreurs. Mais le doute ne fait que ramener vers l'endroit dont il vient. C'est un leurre, un critère de sélection qui s'avère réducteur, qui ne donne que ce qu'il peut donner. Comme le doute provient du cogito, il revient au cogito. Il indique comme domaine de certitude l'intériorité dont il provient et comme domaine d'incertitude l'extériorité dont il peut douter à loisir. Le doute est le sentiment qui émane de l'intériorité rationnelle. Descartes a recours a doute pour refonder la métaphysique. Quel est le réel que l'on obtient avec le doute? C'est du surperfini, le fini réduit à l'intériorité. Descartes est celui qui découvre que pour redonner à la métaphysique un lustre, il convient de reprendre la même méthode (chercher le certain dans le donné), tout en la réduisant encore du fini (ce qui donne une extériorité certaine à l'intérieur) à l'intériorité, que l'on baptise cogito. Le doute est la technique qui permet de parvenir à ce résultat et la rigueur de pensée dont fait preuve Descartes pour asseoir sa méthode se heurte à deux détails connexes : l'un, qu'il se trompe par rapport à ses contemporains sur ses engagements scientifiques; l'autre, qu'il ne parvient pas à rendre sa théorie crédible au-delà du cogito. Non seulement Dieu n'est prouvé que négativement, et de surcroît avec une image irrationnelle, mais en plus, Descartes ne parviendra jamais à relier le cogito sûr avec le physique incertain. C'est d'autant plus gênant que cette contradiction intenable ne fait pas que ruiner son entreprise théorique de métaphysique. Elle conduit aussi à rendre impossible la recherche scientifique, à partir du moment où celle-ci s'applique au physique. Le doute est le critère utilisé d’une méthode qui en fonctionne pas, tant d’un point de vue pratique (vérification scientifique) que théorique (théorisation bancale du rée, qui aboutit à une relation difficile, voire scindée, entre l’intérieur du cogito et l’extérieur du réel). Le véritable moyen de vérifier cette carence du cartésianisme dans le raisonnement philosophique consiste moins à rappeler l’échec de l’entreprise scientifique qu’à s’aviser de la représentation divine qui en découle. Dieu est la caution du système philosophique de Descartes (ce qui fait qu’il s’affranchit de manière encore ambiguë de l’influence théologique). Mais Dieu est irrationaliste et inexplicable chez Descartes. Il existe d’autant plus qu’il est inexplicable et que son action sur le fini diffère de l’action scientifique en ce que cette dernière se trouve assujettie au physique quand Dieu est l’irrationaliste qui peut modifier par miracle le cours du physique.

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