mercredi 7 août 2013

Fin de partie : la survie de Bandar

L’année dernière, ami lecteur, j’avais relayé l’annonce de la mort par attentat du prince Bandar ben Sultan.
http://www.voltairenet.org/article179680.html
Suite à l'attentat qui avait frappé des chefs militaires syriens, les observateurs présentaient cette nouvelle comme la vengeance des services secrets syriens contre l’espion saoudien. J’avais remarqué qu’il était improbable qu’un pays défendu sur la scène internationale par la Russie et la Chine ait concocté ce genre d’attentat seul, sans tenir compte de son impact stratégique, qui dépassait de loin les cas bilatéraux de la Syrie et de l’Arabie saoudite. Il se trouve que cette nouvelle était juste seulement à 70 %. Le prince a selon toute évidence survécu au grave attentat qu’il a subi et qui l’aurait affaibli pendant plusieurs mois. Loin d’être une affabulation gratuite, la nouvelle était lourde de sens : Bandar reste le principal promoteur du terrorisme islamiste dans le monde, en particulier dans les Printemps arabes, dont tous s’accordent désormais à reconnaître le caractère manipulé, notamment en Libye et en Syrie. Sa mort indiquait que l’allié attitré dans la région des factions anglo-saxonnes qui promeuvent la politique mondiale avait été éliminé par ses ennemis (qui renvoient in fine et indirectement à la Russie et la Chine, peut-être aussi à des complicités au sein de l’appareil américain?). Bandar n’était pas n’importe qui : c’était l'individu qui avait occupé un rôle central dans les attentats du 911, via les caisses noires de l’affaire al Yamamah, ce qui montrait l’implication de l’Empire britannique (correctement identifié comme factions financières centrées autour de la City de Londres), tout comme le rôle-pivot des Saoudiens dans le terrorisme islamiste, notamment l’affaire tragi-comiques des pantins d’al Quaeda, notamment son plus fameux représentant, Oussama, dont l’histoire retiendra la sinueuse et rocambolesque trajectoire de play boy alcoolique devenu chef du terrorisme islamiste mondial. Le retour de Bandar aux affaires, reçu par Poutine, n'est pas vraiment une mauvaise nouvelle. Il illustre la persistance de l’influence anglo-saxonne dans la région et dans le monde, à ceci près que désormais ces factions sont en voie de décomposition, tout comme Bandar est affaibli. Sa visite et ses négociations avec Poutine montrent que le représentant du régime saoudien et du terrorisme islamiste, donc l’homme de paille des intérêts anglo-saxons, a été tenu de composer avec l’ennemi qui soutient la Syrie contre vents et marées pour des considérations stratégiques. Loin de défendre les régimes russe ou chinois, je rappelerai que les menées de plus en plus influentes de ces autocraties ne sont pas rassurantes pour la démocratie et ses principes, mais sanctionnent la dérive des démocraties libérales (occidentales) et le fait que la crise cautionne le retour de la loi du plus fort et du parti dictatorial. Ceux qui estiment que les Russes et les Chinois incarnent un gage de sécurité et un vent d’espoir pour les valeurs démocratiques ne se rendent pas compte que nous nous préparons des heures sombres si les dirigeants de notre monde sont Poutine et, pis encore, Bandar. Le cas Bandar est de toute façon dépassé : non seulement son état de santé lui interdit peut-être un emploi du temps trop chargé, mais en plus, il n’est qu’un homme-lige de certains intérêts. A ce titre, son pouvoir réside dans la malfaisance et ne repose sur aucune légitimité populaire ou intellectuelle. Il se révèle dans le fait d’ourdir des complots, en particulier le terrorisme, dont il constitue le parangon inquiétant. Le fait qu’un comploteur soit reçu par un autocrate à une époque de crise mondiale (premier visage de la mondialisation?) ne peut s’effectuer que sur le dos de la démocratie. Bandar n’est pas seulement un sous-traitant saoudien, c’est le symbole de la corruption des élites anglo-saxonnes, prêtes à tous les compromis et à toutes les alliances pourvu que leur petit pouvoir se perpétue. Au final, le seul pouvoir qui leur restera sera de nuisance. Bandar est le modèle inavouable de ces élites, qui pense manipuler un incube, tandis qu’elles ignorent tragiquement que ce faisant elles suivent la mêmee pente, le même modèle, et qu’elles ressemblent de plus en plus, et piteusement, à ceux qu’elles pensent utiliser tout en se différenciant d’eux. Sortes de Lorenzaccio inversé, elles pensent s’en sortir en fricotant avec des crapules qu’elles dominent. Mais la vérité, c’est que les uns déteignent sur les autres. Si Bandar est toujours vivant, le constat de son action est accablant : non seulement dans le terrorisme, qu’il finance et dont il a bien failli périr, mais aussi dans sa collusion avec les puissances de ce monde. Si Bandar a rencontré Poutine, l’allié de la Syrie, on peut se demander si ce n’est pas pour trouver une issue honorable pour toutes les parties à l’échec de la main terroriste et mercenaire en Syrie. Quelle médiation proposer pour toutes les parties? Les Saoudiens veulent conserver un rôle dans la région, les Russes et les Chinois veulent avoir une reconnaissance internationale qui ne se limite pas à leur rôle eurasiatique ou régional, les Anglo-Saxons et leurs alliés occidentaux veulent continuer à garder jalousement leur pouvoir de domination sur le monde. Nous nous trouvons dans une partie de poker menteur où chacun bluffe et où tous négocient. On s’assassine, puis, faute de mieux, on discute. Non seulement Poutine n’est pas le démocrate éclairé discutant avec l’oligarque inspirateur du terrorisme, mais leur recherche mutuelle du compromis indique que nous nous situons dans des équilibres à teneur oligarchique, dans lesquels si les parties ne sont pas d’accord entre elles, elles se comportent de la même manière : en partisans de la loi du plus fort. Mais je ne suis pas pessimiste sur le terme : le retour de Bandar est promis à la caducité, au nom de la loi historique selon laquelle les comploteurs manquent leurs desseins (éviter leur chute et leur disgrâce); plus important, si les décennies à venir risquent d’être dificiles (guerres et autres crises), je ne doute pas que l’instabilité actuelle laissera place à l’ordre et que cette crise de développement, véritable mue, sera transitoire. Elle s'annonce même bénéfique pour l’avènement d’un ordre mondial qui ne peut être positif que s’il mène vers l’espace. S’il demeurait mondialisé, cantonné au Nouvel Ordre Mondial, il générerait des Bandar, des Poutine et des factions oligarchiques cruelles et désaxées.

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