jeudi 30 avril 2015

L'enseignement pour tous

La crise de l’enseignement trouve deux explications opposées : les uns estiment que la crise s'explique parce qu'on n'est pas allé assez loin dans les nouvelles méthodes pédagogiques, dont le but est de rendre possible l'enseignement pour tous en recourant au volontarisme des équipes pédagogique, tout en estimant que ce supplément d'effort est de nature à faire progresser l'élève.
En réalité, cette méthode indique surtout que les pédagogues, qui expriment le camp de ceux qui croient qu'il suffit d'être volontariste pour être progressiste, ignorent comment instaurer l'enseignement pour tous et s'entêtent à vouloir prolonger, voire accroître leurs mesures inefficaces, dans la mesure où ils se montrent persuadés que la fin justifie les moyens (la fin étant juste, les moyens peuvent bien se montrer insuffisants).
Ce sont des progressistes d'un type particulier, puisqu’ils entendent instaurer un progrès volontariste, qui ne peut que signifier le remplacement de l’effectivité par le fantasme propre à la volonté, faculté intellectuelle, plus qu'au désir, sensation corporelle. Autant dire que leur progrès frelaté ne peut fonctionner; et qu'il engendre du coup les contestations venant de ceux qui, catalogués d’ordinaire conservateurs, voire réactionnaires, trouvent le moyen de proposer une critique juste d'un point de vue négatif (ça ne marche pas) et, plus fort encore, de passer pour progressistes - le comble!
Je veux parler de ceux qui se déchaînent avec un succès certain pour stigmatiser sans nuance le déclin de l’École égalitaire en ne proposant rien d'autre que le retour en arrière (l'absence de proposition alternative étant masquée par le luxe de critiques étayées, souvent justifiées). Le fait que la seule critique médiatisée soit d'ordre réactionnaire ne peut que s'avérer inutile, à moins de considérer qu'on puisse revenir dans le temps. Mais voilà qui n'indique pas qu'il n'existe pas de solutions alternatives, ce qui serait contraire à l'expérience, plus sûrement que l'on se situe dans un schéma d'ensemble qui est caduc, du fait de la stérilité qu'il promeut face au constat d'échec grandissant et irrévocable que produit son bilan.
On dit que quand une porte est fermée, une autre est ouverte. Lorsqu'il n'y a pas de solution dans une situation, ce n'est pas le signe que le changement est impossible, mais que le changement dans cet état est impossible. Il reste à évoluer. 
La crise que traverse l'école n'est pas résoluble dans la situation telle qu'elle est donnée pour l'heure, comme toute crise. Elle indique déjà quelle direction prendre pour surmonter le problème, mais ce serait abandonner le système obsolète et ses théoriciens, qui sont en fait réactionnaires au sens où ils refusent de changer de paradigme et où ils ne voient pas que le changement est de nature disjonctive et non-linéaire.
La crise signale qu'il convient de changer de paradigme si l'on veut la surmonter. Elle est plus un indicateur précieux d'innovation, terme plus précis que le changement; plutôt qu'un signe de pessimisme ou de fatalisme. Souvent, dès les symptômes de crise, le remède est déjà discernable, sous forme latente, mais croissante, parce que la crise ne fait que sanctionner le déclin de la norme dominante, ce qui implique qu'existe déjà en son sein l’alternative.
La crise de l'école ne lui est pas spécifique, mais recoupe la crise Gutenberg, appelé à être remplacé par Internet. L'ambition de rendre l'enseignement accessible à tous n'est pas envisageable dans le standard Gutenberg, quelles que soient les évolutions qu'on lui ferait subir. Si tous les efforts échouent, c'est parce qu'il n'existe pas de solutions de ce côté-là.
La solution se situe dans l'évolution Internet, qui comme toute découverte et tout progrès, va permettre de développer les capacités et les performances pour la même sommes d'efforts. L'exigence actuelle d’enseignement pour tous ne peut qu’aboutir à l'échec, car la somme maximale reste insuffisante. Mais cet échec ne signifie pas que l'exigence de réussite pour tous soit impossible, plutôt que sa justesse appelle la transformation de fond en comble du modèle enseignement situé pour l'heure.
C'est se montrer bien fanfaron que d'estimer au fond naïvement que nous en serions venus au maximum indépassable de ce que nous pouvons apprendre. Le mode actuel d'apprentissage implique une grande fixité dans les échanges, entre l'élève et le maître/professeur. C'est en changeant la manière d'apprendre et en la rendant plus facile et accessible que l'on peut parvenir à rendre envisageable l'enseignement pour tous.
La manière actuelle ne peut accomplir plus que ce qu'elle réalise, et elle réalise sans doute le paroxysme épuisant et désespéré de ce qu'elle peut espérer en l'état actuel de ses forces. C'est dire que les possibilités actuelles se montrent presque outrepassées, que le système se trouve en surrégime et en surchauffe. D'une manière générale, il n'est pas possible à l'enseignement sous sa forme actuelle de dépasser l'ingélitarisme auquel il tend et de parvenir à l'égalité (et non l'égalitarisme).
Ce but n’est pas envisageable, parce que le propre de l'enseignement tel que nous le connaissons instaure une relation dissymétrique entre le professeur et l'élève, qui ne peut concerner tous les élèves. Elle crée un inégalitarisme dans les conditions d'apprentissage (de délivrance du savoir), parce que le propre de l'apprentissage, ainsi que le professait Platon, et contrairement à ce qu'estimait l'élitiste Aristote (point qui sera encore renforcé par un Nietzsche près de nous), consiste bien à ce que l'élève apprenne par lui-même - et non à ce que l'élève apprenne par un autre.
Sur ce point, les actuels thuriféraires du pédagogisme et de la didactique auraient presque raison s'ils ne sombraient dans la démagogie en faisant de cette proposition la légitimation à des expériences irrationnelles, selon lesquelles il convient de ne plus rien apprendre de consistant à l'élève, puisque c'est à lui d'apprendre par lui-même. Le fait d'apprendre par soi-même ne saurait en aucun cas supprimer les contenus, ou du moins les diminuer grandement, sans quoi c'est l'apprentissage qui disparaît.
Mais il est contradictoire d'estimer que l'enseignement de type égalitariste peut déboucher sur l'égalité de ses conditions. Voilà qui impliquerait que l'on change de conditions et que les conditions actuelles soient parvenues au maximum de ce qu'elles peuvent produire. L'enseignement actuel est de type Gutenberg et, de même que l'édition éponyme se manifeste par une diffusion inégalitariste qui arrive à son terme; de même, nous assistons à une révolution plus générale de l'expression, dont l'enseignement constitue une expression privilégiée et fondamentale, au sens où il ne peut a avoir d'accès à la connaissance sans une formation exigeante.
Plus la connaissance croît en qualité, plus elle a besoin de toucher de plus en plus de quantité de personnes, pour pouvoir poursuivre sa croissance, dont le propre est d'être qualitatif, c'est-à-dire de changer de paradigme (et de niveau), pas seulement de croître dans le même champ.
C'est Internet qui permet de passer ce cap qualitatif et de rendre l'enseignement accessible à tous. Pour ce faire, il convient de changer les règles de l'apprentissage, de telle sorte que ce soit l'élève se trouve au centre de son apprentissage, mais non comme dans revendication pédagogiste actuelle, où perdure la relation élève/professeur, mais dans une relation où disparaît la fonction actuelle du professeur, détenteur du savoir, pour se transformer en autorité impersonnelle et fluctuante (multiple), selon laquelle la compétence est compatible avec l'impersonnalité, l'anonymat presque.
C'est avec ce critère seulement que l'élève peut devenir maître de son apprentissage, et se passer de la figure fixe et identifiée du maître, qui engendre l'inégalitarisme et qui empêche l'élève d'avoir une relation au savoir qui ne soit pas subie, mais qui soit active, et, en ce sens, libre. Pour ce faire, il faut dématérialiser la relation maître/élève, de telle sorte que l'élève puisse gagner en liberté. L'élève ne peut dépendre de celui qui délivre le savoir ex cathedra, sans quoi il voir sa possibilité d'apprendre encadré, que ce soit en mal et en bien, et il ne peut mettre en oeuvre cette liberté de savoir qui seule lui permettra de tendre vers l'objectif de l'égalitarisme de l'enseignement.
Internet constitue une étape décisive et un changement de paradigme évident qui seul peut accompagner la révolution du savoir. Si l'enseignement ne va pas dans cette direction, ce qu'il fera au nom du principe selon lequel l'homme tend vers le meilleur de choix dont il dispose, sa liberté supérieure aux autres animaux s'expliquant par son intelligence elle aussi supérieure, d'un point de vue qualitatif plus que quantitatif, alors jamais l'enseignement ne pourra tendre vers son objectif de s'améliorer en s'adressant à tous au nom de l'excellence.

mardi 7 avril 2015

Le mythe de l'extériorité

Une des principales questions que pose le réel est : est-ce que ce que nous nommons le réel en est la dernière couche, sachant que notre réalité, étant composés de micro-corps que nous discernons de plus, est composée de couches inférieures, qui à l'étude (microscopique) se révèlent, sinon infinies, du moins, innombrables? Dans ce cas, qui nous dit que nous ne sommes pas à notre tour enveloppés par une multitude d'autres couches, de niveaux supérieurs?
Cette hypothèse, loin de rétablir l'infini, l'explique : si nous ne parvenons à définir l'infini, c'est qu'il n'existe pas, ce qui implique que cette organisation importante, mais enveloppée; soit développée et soit finie : les strates sont finies, parce que leur disposition d'ensemble, en poupées russes, l'est aussi. 
Dès lors, si l'ensemble est tel, quelle place y occupons-nous? Quand les grands prêtres égyptiens prétendaient que nous nous situons dans l'ultime enveloppe de cette structure, avant les dieux, ils n'apportaient aucune explication tangible. Voilà qui impliquerait a minima que cet infini divin recouvre les couches multiples, mais finies, et qu'il les complète. 
Cette explication pose plus de questions qu'elle n'en résout, car ce divin, qui désigne l'infini enserrant les strates finies dont notre monde, n'est pas défini dans ce schéma. Il demeure inexplicable et mystérieux. Pourtant, il faut expliquer quelle est la forme du réel, en quoi notre vision en est une partie, non au nom de la raison, qui ne peut pas comprendre à l'infini, ni de manière négative, mais au nom de la faculté de créativité, qui est supérieure à la raison et qui constitue le terme de la pensée.
Si nous faisons partie d'un corps plus grand que nous, qui nous englobe, comment expliquer que cet enchâssement soit seulement fini et qu'aucun terme ne vienne le compléter une bonne fois pour toutes, ce qui implique qu'il soit d'une autre dimension que l'être fini, sans quoi l’infini se résumerait à un absurde et interminable défilé d’enchâssements infinis? 
Et s'il n'est pas cet indéfini fini, qu'est-ce que l'infini, sinon un pur incompréhensible du point de vue de la raison? Et si c'est l'infini du monde divin qui vient clore l’enchâssement fini, qu'est-ce que le divin? L’explication par l’enchâssement, si elle a le mérite de proposer une explication à nos limites de compréhension, pose par la suite plus de questions qu'elle n'en résout.
L’enchâssement peut bien constituer une hypothèse d’explication, celle-ci demeure physique et cantonnée à l'être, au sens où l'on voit qu'il faut en sortir pour expliquer l'infini, sans quoi on tombe dans l'indéfini, superposition de finis, ce qui n'est pas satisfaisant pour l'intelligence qui a soif d'explication.
L'infini est ce qui doit expliquer le fini, mais ce faisant, on ne fait que repousser la difficulté d'un cran. De ce fait, l’infini ne désigne jamais que ce qui n'est pas fini et qui est nécessaire à l’explication du réel. Il faut définir l'infini, et c'est seulement ainsi que l'on pourra proposer une définition du réel qui, aussi approximative soit-elle, se montre pour la première fois positive.
L'infini n'étant que ce qui n'est pas fini, rien n'indique qu'il soit ce complément au fini se plaçant sur un plan homogène, comme l'ensemble des penseurs l'a supputé jusqu’à ce jour (l'identité étant expliqué par l'homogénéité, dont la différence se produit sur le mode transcendantal). Le problème apparaît quand on s'avise que ce modèle n'explique rien, parce qu'il n'est pas explicable.
Il ne fait que déplacer le problème, en le posant avec plus d'acuité, parce que le problème est exposé correctement, quand on précise qu'on ne peut penser l'infini selon les termes de l'être fini. Il n'existe pas d'infini qui complète le fini de manière finie. Le seul moyen de sortir de cette situation insoluble est de trouver une alternative à ce qui a été proposé d'impossible, et qui consiste en deux voies : soit l'infini n'existe pas, voie aristotélicienne (ce qu'on ne dit jamais, au profit d'une version de rationalisme absolu); soit l'infini est construit en homogénéité, sur le mode de l’Être transcendant à l'être.
Le premier cas, métaphysique, se confond avec le second, ontologique, au sens où, dans l'option où seul l'être peut exister, il n'existe pas d'alternative autre que négative, comme le non-être (selon les termes introducteurs d'Aristote). Pour qu'une alternative positive soit trouvée, il faut accepter de sortir de la mentalité transcendantaliste, ce qui n'a jamais été osé jusqu'à présent, pour cause d'inconnu et de sentiment de faiblesse (ne risque-t-on pas de découvrir que le réel est plus menaçant que celui qui nous est familier et de ce fait ne vaut-il pas mieux en rester - là?).
Pour autant, cette hypothèse, encore inexplorée, inconnue et, du coup, incomprise, permet d'approcher pourquoi le fini ne trouve pas de complément de type infini tant qu'on en reste au mode homogène - tout simplement parce qu’il n'en existe pas. Ce qui existe, de manière approximative, sous le terme d'infini et qui donc n'est pas fini, c'est une propriété d'extensibilité, différente de l'être, parce que l'être se pose comme de la matière, tandis que l'extensible (ou le malléable) est une propriété dont la présence est interne.
Normal qu'on cherche l’infini et qu'on ne le trouve pas : le complément étant en effet différent, mais compatible, il devient dès lors plausible - et compréhensible. La question qui nous occupe devient claire : quelle que soit la position que nous occupons au sein du réel, le fini est potentiellement environné d'extensible. 
Quant à savoir si nous sommes le dernier niveau de l’enchâssement réel, ou si nous aussi sommes englobés par un ou des corps supérieurs, notre niveau de réalité est composé d'infiniment petit, tandis que l’infiniment grand qui constitue son extérieur inconcevable semble plus relever de l'indéfiniment grand que d'une vaste étendue infinie qui constituerait le dernier niveau. Du coup, ce qui serait cet infini serait au mieux de l'indéfini  - et ce que nous prenons pour "enchevêtrement" d'être relève d'une déformation de représentation.
Si l'être s'avère fini, il faut bien qu'il cède la place à autre chose. Si nous nous représentons cet autre comme homogène avec l'être, cette hypothèse constitue une contradiction dans les termes. Soit nous allons   la représentation immanente, auquel cas l'Être sera indéfini; soit le transcendantalisme prévient l'objection sans apporter de réponse alternative cohérente, avec l’Être qui diffère de l'être, mais ne parvient pas à être défini.
Si nous cherchons une réponse véritable, qui sorte de la contradiction, l'option douée de cohérence que nous entrevoyons consiste à réfuter l'hypothèse de l’homogénéité, bien qu'elle ait toujours été admise. Voilà qui implique que le critère de l'autorité ou de la tradition soit valide. Il faut sortir des chemins battus quand ils ne mènent nulle part et alors opter pour l'alternative du principe de malléabilité, en précisant qu'elle elle interne à l'être, et non située à l'extérieur, que ce soit de manière transcendante, immanente ou autre, comme si l'extérieur de ce qui est pouvait constituer encore une étendue de quelque nature que ce soit!
Nous mesurons à quel point le dogme selon lequel il y aurait autre chose que de l'être, mais que cette manifestation devrait relever de l'étendue, se révèle fallacieuse, quelque chose comme ontocentrique. En réalité, si nous ne parvenons à concevoir d’extériorité à l'être, c'est qu'il n'en existe pas, parce que l'espace ou l'étendue sont propres à l'être. Du coup, il serait absurde d'imaginer de l'espace sans être. 
S'il n'existe pas d'extériorité à l'être, pas plus d’Être qu'autre chose, c'est qu'il existe seulement de l'être fini. Et si le complément à l'être ne se situe pas à l'extérieur, mais à l'intérieur de l'être, il ne saurait relever de l'étendue, mais explique par sa différence pourquoi il n'est pas d'extériorité au fini : 
1) parce que le complément lui est interne et différent,
2) et parce que la complétude est une illusion, comme si l'infini désignait ce qui est incomplet, par rapport au fini.
Dès lors, ce qui complète l'être n'est pas complément en tant qu'étendue, donc en tant qu'être, mais en tant que domaine de contradiction qui, ne pouvant donner lieu à de l'existence, est l’aiguillon qui permet la persistance du réel. On comprend que des philosophes comme les néo-platoniciens aient identifié dans le changement le principe de définition de l'être ou de la réalité. Car le changement est la conséquence visible de cette propriété de malléabilité, qui fait changer ce qui est sans raison discernable au sein de l'être parce que l'être n'est pas l'unique structure du réel.
L'être est toujours suffisant, s'il n'est complet, parce qu'il se trouve mû par quelque chose qui, au lieu de le compléter de manière statique, le meut de manière dynamique, ce qui est pris physiquement pour du changement (et qui l'est bien, mais pas dans une perspective d'être). La résolution de l'énigme de la complétude passe par la révocation des explications jusqu'alors admises et par le changement de perspective.
Il faut admettre que la perception selon l'être n'est valable que pour l'être et que l'ensemble du réel n'est pas seulement tissé de réel. Dans ce cas, on peut expliquer que l'être soit fini, incomplet et n'ait pas besoin de complétude. Car la complétude ne vaut que sur un niveau d'explication homogène et statique.
Du coup, la création de l'être va de pair avec le principe qui le définit : l'identité et la non-contradiction - et, pour se déployer en déjouant la contradiction "reconstituée", la structure de l'être s'ordonne selon le modèle des poupées russes, où un niveau fini de réalité se trouve toujours englobé par son supérieur, sans quoi si l'être demeurait sur le même niveau, jamais il ne se dépêtrerait de la contradiction. Mais si le réel en se constituant en être enchâssé résout son problème de viabilité, il n'en devient pas pour autant "infini", comme l'ont supputé tous les penseurs jusqu'à présent (du fait de leur vision univoque du cosmos).
C'est un réel fini et pourtant suffisant, dont la pérennité est garantie par le principe de différence qui le vivifie et lui permet de ne pas disparaître. L'être se renouvelle, ce qui explique qu'il puisse ne pas être complet - tout comme il n'existe pas d'extériorité à l'être fini, ce qui ne constitue une énigme insoluble que selon l'optique de l'infini homogène au fini, qui impliquerait alors une étendue infinie, contradiction dans les termes, l'étendue ne pouvant qu'être finie - envisagée infinie, elle bégaye.
L'infini s'avère faux chaque fois qu'il est envisagé en termes de fini, comme si l'infini constituait le prolongement du fini. Moyennant quoi il n'a jamais été compris - et pour cause. L'infini ne peut être approché que si on ne se contente pas d'une vague définition négative (à laquelle Descartes a répondu par un surplus d'obscurité sémantique et de redoublement négatif, avec son indéfini). Il importe de le définir positivement, ce qui n'a jamais été tenté, la tentative la plus notable, émanant de Platon, se soldant par un échec, puisqu'il se contente de définir le non-être, sans réussir à définir l’Être.
La particularité de cette structure qui me saisit en premier est qu'elle ne possède pas de fin, non qu’elle soit infinie en tant que modèle, car tout modèle est fini (son déploiement innombrable au sens littéral étant pris pour de l'infini, ou, plus prudemment, pour de l'indéfini), mais parce qu'il ne peut exister de dernier niveau de réalité qui soit fini, sans poser la question de ce qui mettrait un terme satisfaisant à ce défilé de couches. L'indéfini ne convient pas, l'infini désigne de l'incompris. L'hypothèse de l'existence sur un mode dénué d'être d'une différence structurelle explique l'infini, qui autrement se montre inexplicable, énigmatique, voire absurde (d'où le positionnement d'un Schopenhauer à notre époque). 
Ce différent se révèle être du malléable ou de l'extensible, sans que ce malléable ne suscite en l'être la création d'un nouveau niveau, qu'il soit incessant et de type fini - ou infini et de mode inexplicable. Du fait que le malléable est interne et connexe à l'être, la question de savoir à quel niveau de réalité nous nous situons se révèle dénuée de pertinence. Car il n'existe un modèle de poupées russes qu'en tant qu'il se meut dans un état de perpétuelle effervescence, selon lequel il ne peut exister de dernier niveau, mais une création continue rendant impossible l'existence d'un niveau ultime et stable. 
Ceux qui se demandent si la création peut être continuée ne se rende pas compte que c'est une problématique évidente : il n'existe pas de création donnée une fois pour toutes. Le fonctionnement du réel fait que si jamais nous nous situons au dernier niveau de réalité à un moment donné, ce serait pour un moment illusoire, car il n'existe pas de niveau de réalité hiérarchisé, ni ultime. Chaque niveau vaut comme unique et singulier, car il se montre susceptible d'être constamment à réévaluer. Du coup, il n'est pas de classement, ni d'estimation possible, car le propre de ce qui était infini est d'être en constant aménagement, de telle sorte que le fini se recrée, se modifie, s'accroît, mais dans un ensemble constamment fini.
Cette propriété rend l'idée de classement inutile. Se demander à quel niveau l'on appartient dans la structure du réel, c'est oublier que la hiérarchie n'existe que dans un état fixe; mais dans ce qui n'est pas fini, l'idée de classement relève de l'aberration. Si de plus, l'infini se trouve défini, non plus négativement, mais selon l'hypothèse du malléable, alors ce qui est classé dans un certain donné se retrouve chamboulé à chaque instant par ce processus continu et indéfini, de telle sorte que la question que se posait Platon n'a pas trouvé de réponse, car elle était mal posée.
Ce qui compte en définitive, c'est d'analyser cette faculté de malléabilité qui n'a pas été perçue, alors que son coefficient d'influence affecte chaque partie de réel à tous les niveaux, les rendant de ce fait infinis au sens de malléable et d'extensible, et pas au sens de ce qui ne comporte pas de fin, sans que cette réalité ne sorte de son énigme incompréhensible et  inexplicable - dès lors, égales quant à leur position. Voilà qui fait de l'infini, non ce qui n'a pas de limite, mais ce qui peut faire évoluer ses limites : nous tenons avec le malléable une redéfinition en profondeur de l'infini tel qu'il a été défini depuis que nous en avons des traces, des échos et des signes.
Le problème de l'infini tel qu’il se trouve posé classiquement induirait que l'on considère qu'il peut exister une extériorité à l'être en structure enchevêtrée. Mais si cette extériorité infinie se révèle une illusion, qui est remplacée par l'existence différente d'un principe intérieur à l'être, ce qui compte pour toute partie est de se trouver pourvue de la faculté de malléabilité, qui fait sa dignité d'étant, son égalité avec toutes les autres parties, c'est-à-dire une capacité ou une faculté à participer à cette propriété générale.